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    Pas de trêve électorale : les travailleurs de FBFC ont fait 8 jours de grève contre l’austérité salariale

    Par Jean Veymont (21 mars 2012)
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    Le site nucléaire d’Areva de Romans sur Isère se compose de deux installations nucléaires de base (INB) exploités par FBCF

    En 1957, Romans a accueilli la société CERCA (Compagnie pour l’Etude et la Réalisation de Combustibles Atomiques), premier producteur mondial d’éléments combustibles pour les réacteurs de recherche.

    Puis, en 1977, la FBFC (Franco-Belge de Fabrication de Combustible) s’installe à ses côtés et devient le premier producteur mondial d'assemblages de combustible pour les réacteurs nucléaires de la filière REP (Réacteur à Eau sous Pression). En 1978, la société FBFC devient l'exploitant nucléaire des deux Installations Nucléaires de Base (INB) du site de Romans (la CERCA commercialisant les fabrications d’un des deux sites), qui fabrique jusqu'à 1 800 tonnes d'uranium pour la fabrication de poudre ou de granulés d'oxyde d'uranium (UO2) et jusqu'à 1 400 tonnes d"uranium sous forme d'oxyde pour la fabrication d'assemblages combustibles (pastilles, embouts, crayons de combustibles). Depuis 2001, elle est une filiale à 100% d’Areva (comme la CERCA) et emploie aujourd’hui 750 salariés. C’est le 2e employeur, après l’hôpital, de la commune.

    Déclenchement de la mobilisation suite à l’annonce d’un plan de rigueur

    L’annonce par la direction du plan d’action stratégique 2012/2016 le 12 Décembre 2011 traduisait une volonté affichée d’imposer la rigueur aux salariés. Il a provoqué une grande colère et un énorme rejet de la part des travailleurs d’AREVA et plus particulièrement de ceux de la FBCF Romans. Ils repoussaient l’idée qu’ils devaient payer la crise et les erreurs d’Areva. A juste titre, ils ne se sentaient nullement responsables de la situation au nom de laquelle la direction les invitait au sacrifice dans une conjoncture difficile pour le groupe.

    Le gel des salaires est ressenti comme un camouflet au regard de leur travail et de leurs qualifications alors que l’inflation (2,3% sur un an en février 2012) et les mesures d’austérité mises en place par le gouvernement Sarkozy/Fillon vont amputer largement salaires et conditions de travail.

    Après un premier débrayage d’une heure devant le bâtiment administratif le 26 janvier qui avait été massivement suivi par les travailleurs, la colère est encore montée d’un cran après les négociations annuelles obligatoires (NAO). Lors de celles-ci, la direction répondait avec toute l’arrogance qui caractérise les nantis, à savoir une fin de non-recevoir : elle n’a proposé, pour solde de tout compte, qu’une prime annuelle de 500€, à prendre ou à laisser.

    Cette fin de non-recevoir et cette arrogance a renforcé la détermination des travailleurs, d'autant que le groupe Areva fait des centaines de millions de bénéfices chaque année depuis 2001. Et s'il affiche des pertes cette année, c'est à cause d"investissements hasardeux dans des mines d'uranium (perte de 2 milliards d’€) ou de l'enlisement du chantier de l'EPR en Finlande, dont les travailleurs ne sont en rien responsables.

    Le groupe Areva en quelques chiffres

    Le chiffre d’affaires consolidé du groupe s’élève à 1 979 millions d’€ au 1er trimestre 2011, en croissance de 2,2 % par rapport au 1er trimestre 2010. Au 31 mars 2011, le carnet de commandes du groupe a atteint 43,5 milliards d’€, stable par rapport au 31 mars 2010.

    Le chiffre d’affaires réalisé hors de France s’élève à 1 220 millions d’€, en hausse de 12%, et représente désormais 62 % du chiffre d’affaires total. Le groupe comptait 47 851 salariés fin décembre 2010 dont 56% en France, 22% en Europe, 15% aux Amériques 16% en Asie.

    Après l’échec de la NAO, les 350 travailleurs du site romanais (soit la totalité des ateliers de production) décidaient le 1er mars, en assemblée génale, d’entamer une grève illimitée avec le soutien de l’intersyndicale CGT/CFDT.

    Les salariés de FBFC rassemblés devant leur entreprise le 1er mars 2012

    Dès lors, les travailleurs élaboraient un cahier de revendications et décidaient de le porter par une grève illimitée

    Les travailleurs, avec leurs organisations syndicales, ont défini les revendications principales suivantes :

    • Hausse générale des salaires de 2,5% avec un talon (hausse minimale) de 70 €
    • Intégration de la prime de 500€ dans le salaire soit 42€mensuel
    • Augmentation de la prime de transport qui est loin de couvrir les frais de déplacement au vu de la flambée des prix des carburants

    Les salariés ont rappelé que sur la période 2007-2010, les bas salaires n’avaient progressé que de 3.8% alors que l’inflation était de 6.6%. Sur la même période, les hauts salaires progressaient de 10%. A cette dégradation salariale s’ajoutait celle des conditions de travail : la production est passée de 550 tonnes à 800 tonnes cette année, avec moins de personnel. Des intérimaires sont là depuis des années, jusqu'à 13 ans pour certains, sans perspective d'embauche.

    La direction s’est empressée de rejeter en bloc les revendications des salariés, au nom de la compétitivité et du fait qu’en période crise tout le monde doit se serrer les coudes.

    Pour montrer leur détermination, les travailleurs ont paralysé l’usine par un piquet de grève bloquant tout accès. Par ces modes de luttes, ils frappaient au cœur la production puisque tout enlèvement de combustible nucléaire était impossible.

    Un employé grévistes explique ainsi (1) : « C’est en quelque sorte notre trésor de guerre ». Stéphane Sellier, délégué CGT, explique que l’augmentation des salaires et l’intégration de la prime sont « un moyen d’être récompensés des efforts que nous avons effectué les années passées, et cela serait un acquis pour nos retraites et notre prime d’ancienneté » et craint que la politique du gel des salaires ne s’étende à l’année 2013.

    Dans le même temps, Didier Rocrelle, directeur de production a une toute autre approche du conflit et il tente d’expliquer que « les grévistes doivent comprendre que tout le monde doit faire des efforts » et que c’est la perte de compétitivité du groupe conjuguée à celle de 2,4 milliards d’euros qui a poussé Areva à mettre en place un plan d’action stratégique sur 4 ans comprenant notamment le gel des salaires. « Le groupe a décidé de préserver les emplois, plutôt que d’avoir recours à un plan social et que donc l’augmentation des salaires n’est pas négociable» affirme-t-il.

    Malgré les provocations (forces de police, huissier) et les pressions impitoyables afin de casser le mouvement, la grève a duré 8 jours.

    Relevé de fin conflit

    Cependant, face à l’ultimatum de la direction qui conditionnait l’octroi de quelques concessions à la reprise du travail vendredi 9 mars, les organisations syndicales ont défendu la fin de grève, qui a été entérinée par un vote des salariés.

    Pour mettre fin à la grève, la direction a concédé l’embauche de 6 personnes, l’augmentation du taux d’intéressement (de 9% à 10%) ou encore l’étalement des jours de grève. Ce sont certes des avancées mais la direction n’a pas satisfait les principales revendications, notamment en refusant augmentation substantielle de salaire.

    Le rôle de la CFDT dans le conflit

    La CFDT, qui est la 1ere organisation syndicale du site, ne proposaitau départ au personnel que des actions ponctuelles, pour répondre aux prétentions cyniques de la direction sur la NAO. Mais le personnel en AG a décidé de s’engager dans un mouvement de grève illimitée à compter du 1/03/2012 sur la base des revendications énoncées ci-dessus obligeant les organisations syndicales CFDT et CGTà s’engager.

    Après 8 jours de grève et en raison notamment en l’absence de solidarité des sites drômois, la détermination des travailleurs romanais s’est peu à peu émoussée d’autant que la direction avait lancé un ultimatum qui stipulait que passé le 9 à 13h45 elle remettait en cause les acquis des discussions qui avaient eu lieu lors de la grève.

    Faute de stratégie syndicale pour étendre la grève, et compte tenu du positionnement des syndicats pour la signature de l’accord, les salariés ont logiquement cessé la grève.

    Le mouvement aurait-il pu s’étendre au site de Pierrelatte?

    FBFC Pierrelatte créé en 1983 sur le site du Tricastin est l’un des trois sites nucléaires d’Areva qui fabrique des assemblages de combustibles pour les réacteurs nucléaires de la filière REP (réacteur à eau sous pression et des grilles pour les assemblages MOX). Pierrelatte a donc les mêmes revendications que Romans et la solidarité ouvrière des deux sites aurai dû s’exprimer dans toute sa force pour faire plier Areva. Alors que le 5 mars, une délégation du site de Pierrelatte est venue soutenir les grévistes romanais et a annoncé que Pierrelatte pourrait se joindre au mouvement de grève sur la base de ces mêmes revendications, il n’en fut rien. Qu’est donc devenue cette solidarité si chaudement présentée par les syndicalistes ? Une annonce ou un discours déconnecté de la réalité ?

    Que leur a-t-il manqué ?

    Pour que la solidarité ouvrière s’exprime dans toute sa puissance avec la perception que tous ensemble tout est possible, il eut fallu que les travailleurs du nucléaire romanais soient en capacité d’organiser et d’élargir la grève et la solidarité sur leur propre bassin. Mais les travailleurs ont du faire face à la passivité des organisations syndicales qui auraient du impulser cet élargissement de la grève. Il a manqué aux travailleurs une organisation politique capable de donner des perspectives et d’impulser l’auto-organisation afin d’enlever la direction du mouvement aux dirigeants syndicaux qui tiraient le mouvement en arrière.

    Il n’empêche que malgré ces manques cruciaux, ils ont tenu dans l’unité 8 jours face à Areva, et cette puissante machine capitaliste a été obligée de concéder quelques avancées pour les travailleurs.


    1) http://www.ledauphine.com/drome/2012/03/05/fbfc-romans-la-production-a-l-arret

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