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Fachos hors de nos blocages, hors de nos luttes, hors de nos vies !
La mobilisation du 17 novembre a été un immense succès. Les manifestations ont été d’autant plus importantes dans les régions hors Île-de-France, dans les villes moyennes et les campagnes. Les chiffres sont saisissants : 6 000 personnes à Rouen, autant à Dijon et à Quimper. A Nantes, on compte entre 5 000 et 7 000 manifestant·e·s. Dans la Meuse, plusieurs milliers de personnes ont répondu présent à l’appel, ce qui est énorme en proportion de la population du département.
Cette journée, construite à partir des réseaux sociaux s’est prolongée dimanche 18 et ce lundi 19 novembre avec des blocages qui se poursuivent en Franche-Comté, en Lorraine, dans l’Aude et ailleurs… Une mouvement composé surtout par des hommes et des femmes qui n'avaient jamais manifesté, sans direction nationale pour coordonner le mouvement à l’échelle du pays ; les discours et les méthodes employées variaient d’un département à un autre, d’une ville à une autre, voire même d’un point de blocage à un autre.
C’est dans ce contexte que se sont produits d’inacceptables actes racistes et/ou homophobes. Une femme voilée a été contrainte de se dévoiler à Saint-Quentin, sous la pression de miliciens islamophobes. Une femme noire a été prise à partie et insultée à Cognac, tandis qu’un autre homme noir était la cible d’une agression négrophobe dans la région de Toulouse. A Besançon, c’est un journaliste a été attaqué et cogné en subissant des insultes anti-chinoises et anti-asiatiques. A Bourg-en-Bresse, un élu local et son compagnon ont vu leur voiture attaquée et dégradée sur fond d’insultes homophobes.
Il est à craindre malheureusement que d’autres exactions de ce type ont pu se produire et n’ont pas été recensés par la presse locale ou nationale. Et il est hors de question pour nous de les passer sous silence (sous prétexte que le gouvernement et ceux qui s'opposent à ce mouvement les utilisent pour jeter l’opprobre sur l'ensemble de mouvement), nous les condamnons sans ambiguïtés, et avec la plus grande force. Nous sommes du coté des victimes, et de toutes les personnes choquées par ces actes inadmissibles. Cependant nous ne pouvons pas, à l'heure actuelle, considérer que ces actes sont représentatifs de l'ensemble du mouvement. Ces actes représentent, selon les informations qui circulent, une petite minorité. C'est à nous de voir comment cette minorité a pu agir ainsi et comment la combattre, pour éviter qu'elle finisse par délégitimer le mouvement.
En politique, la nature a horreur du vide. Si la droite réactionnaire et l’extrême-droite ont pu s’engouffrer dans la brèche de la récupération, obtenir localement l’hégémonie et commettre leurs exactions, c’est avant tout parce que les forces progressistes, parce que le mouvement ouvrier, politique et syndical leur a laissé le champ libre. Lorsqu’on laisse la rue à l’extrême droite, on ne lui laisse pas seulement le terrain libre au plan idéologique, on la laisse aussi libre d’agir à sa guise, de diffuser son discours haineux et d’utiliser ses propres modes d’action. On la laisse libre d’insulter, d’agresser, de ratonner. On la laisse libre de recruter de nouveaux sympathisant·e·s et militant·e·s, parmi les classes populaires rurales et périurbaines qui se mobilisent peu lors des grandes journées d’actions syndicales.
Ce 17 novembre, les organisations du mouvement ouvrier ont failli à leur tache. Par exemple, Philippe Martinez, complètement déconnecté de la réalité à force d'aller à Matignon négocier le recul social, a, par ses prises de positions, contribué à favoriser l’extrême droite dans les manifestations tout en se coupant probablement définitivement d’une partie des manifestant·e·s présent·e·s. On peut imaginer qu’une participation massive de syndicalistes, de militant·e·s politiques, sur des bases sociales et antifascistes auraient pu participer à faire entendre un autre discours auprès des autres Gilets Jaunes, auraient pu participer à minoriser les fachos et in fine les dégager physiquement.
Refusant de participer à la journée du 17 sous le prétexte de la présence potentielle de fachos, les grandes organisations du mouvement ouvrier ont eu un discours performatif : en effet, par leur absence, elles ont laissé le champ libre à l’extrême-droite qui a pu ainsi s’en donner à cœur joie.
Il aurait fallu au contraire aller massivement sur les points de blocage faire entendre un autre discours, sur des bases sociales, antiracistes, antisexistes, contre toutes les oppressions ; pour s’opposer physiquement à ces agressions. Unir la classe ouvrière dans un combat commun contre les riches et les patrons, ça passe aussi par refuser ces exactions, ne pas les passer sous silence et être aux cotés des personnes racisé·e·s, des femmes, des LGBTI contre toutes les oppressions et les agressions qu’elles subissent aussi bien au quotidien que sur les blocages. Il ne faut pas invisibiliser leurs thématiques, leurs revendications, leurs luttes ; on ne peut pas exiger de celles-ci que leur oppression de race ou de genre par exemple passe derrière la nécessité de l’unité de la classe contre Macron. Nous ne pouvons pas exiger aux hommes et aux femmes qui manifestent pour la première fois de rejeter par eux mêmes les méthodes des fachos quand ils et elles ont entendu parler des oppressions seulement par les grands médias. C'est à nous, les militants féministes et antiracistes de faire le travail auprès de ceux-ci pour qu'ils et elles luttent aussi contre toutes les oppressions. C'est pour cela que nous pensons qu'il faut profiter des deux manifestations prévues pour le 24 novembre, celle des gilets jaunes et la marche contre les violences sexistes (que nous soutenons toutes les deux) pour avancer dans ce sens : il faut se battre pour que la convergence se fasse, pour que des gilets jaunes rejoignent #NousToutes et #NousAussi et l’inverse
C’est comme ça que nous reprendrons la rue aux fachos, que nous saurons construire les conditions d’un mouvement d’ensemble victorieux contre Macron, capable de répondre aux besoins du prolétariat dans toute sa diversité.