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    Réflexions sur la campagne Poutou 2017

    Une campagne au service de notre classe

    Comme en 2012, la campagne de Philippe Poutou s’est affirmée au côté des luttes de ceux et celles d’en bas, en les opposant aux capitalistes et aux politiciens. Il est même mieux parvenu à faire passer ce message lors de cette campagne. Ses formules sur celles et ceux qui ont un “travail normal”1, qui n’ont “pas d’immunité ouvrière”2, touchent des sentiments diffus mais répandus, et contribuent à notre échelle à recréer une conscience de classe. Les répliques directes qu’il a adressées à Fillon et Le Pen ont un eu un large écho, et sont devenues des symboles reprises bien au-delà des milieux directement proches du NPA.3

    Philippe était non seulement un représentant de la classe ouvrière, mais aussi un militant syndical. Tout au long de la campagne, il est allé soutenir des travailleur-se-s en lutte dans l’ensemble du pays. Cet ancrage dans les luttes donne plus de poids à l’idée principale qu’il a exprimée : il ne suffit pas de mettre un bulletin de vote dans une urne pour améliorer le sort des exploité-e-s. Il nous faudra prendre nos affaires en main et imposer nos revendications par la lutte. C’est fondamental de le rappeler à l’heure où Mélenchon, lui, canalise explicitement l’énergie des luttes dans ses illusions institutionnelles, avec par exemple son tweet du 24 mai : « Vous avez une bombe atomique entre les mains : vos bulletins de vote. Economisez-vous des kilomètres de manif en votant @FranceInsoumise. »

    Une campagne contre toutes les oppressions … mais avec des limites

    Comme en 2012, notre campagne a cherché à s’inscrire dans la lutte contre toutes les oppressions, contre le saccage écologique, pour la solidarité internationale.

    Il est certain que ces points ont moins été abordés que d’autres, mais cela tient en partie à des raisons structurelles. Comme Philippe l’a dénoncé lui-même à plusieurs reprises, il est très peu interrogé par les journalistes sur le féminisme ou les luttes LGBTI. Cela reflète notamment le désintérêt des médias marchands qui privilégient l’audimat.

    Mais nous pensons que ce manque ne s'arrête pas à cette seule explication. Les sorties de Philippe ont été insuffisante. Sur le terrain des luttes féministes, le camarade a malheureusement parlé de « la femme » ! De plus, il et n'a pas assez mis en avant notre programme en première partie de campagne, bien que cela ce soit amélioré par la suite. Concernant les luttes LGBTI+, les sorties de Philippe sont restées très insuffisantes. Par exemple, lors du meeting toulousain, (le plus grand meeting de la campagne) et en plein contexte de génocide en Tchétchénie, le camarade a simplement développé quelques mots sur la réalité des discriminations homophobes en France. Cependant, il s'est contenté de mentionner ces discriminations sans élargir à l'ensemble des LGBTI+, sans avancer nos revendications4.

    Comme pour le reste de nos critiques, nous ne personnalisons pas ces manques : nous soulignons qu' il s'agit d'une erreur collective et non pas d'un problème individuel.

    Malgré cela, notre campagne s'est nettement démarquée de celle de LO sur ces points. En effet, Lutte ouvrière a fait explicitement le choix de “se centrer sur la classe ouvrière”. Pour cette organisation, le NPA « noie la lutte des classes dans d'autres combats ».5 Cela revient donc à minimiser les oppressions qui traversent “le camp des travailleurs”, et qui sont un frein à son unité.

    Par ailleurs, au sein de notre programme LGBTI+, il nous semble dommageable de ne pas avoir porté la nécessité de la reconnaissance à l'état civil des enfants nés de GPA à l'étranger. Car en l'état, beaucoup de ces enfants sont laissés apatride et donc sans droits.

    Enfin, comme nous l’avons exprimé dans un article précédent, nous sommes en désaccord avec les déclarations de Philippe sur le voile islamique, qu'il réduit à un “symbole d’oppression de la femme”6, alors que notre parti est plus nuancé sur cette question et dont ce n'est pas la position. Malgré cela (qu'il ne faut pas sous-estimer), nous considérons le positionnement contre l’islamophobie meilleur lors de cette campagne qu’en 2012.

    Un score faible, une sympathie plus large

    Le nombre et le pourcentage de voix que nous avons obtenu est assez faible, même au regard de ce que nous pouvions espérer. L’effet “vote utile” pour essayer de qualifier Mélenchon au second tour a eu un fort impact chez toute une série d’électeur/trices, entre lui et Poutou, voire plus proches de Poutou sur le fond. Dans la situation actuelle, cette pression électorale est en grande partie inévitable. Pour nous qui ne nous plaçons pas dans la perspective de conquérir le pouvoir par les élections, cela doit être relativisé. Cependant, en plus des attaques à répétitions des chiens de garde à l'encontre de Philippe, l'assassinat du policier juste avant le premier tour ainsi qu'un de nos manques programmatique sur la question de la sécurité (que nous développerons plus bas) a joué en notre défaveur.

    Le score obtenu nous sert d’indicateur de la popularité de nos idées, mais c’est un indicateur très déformé. Nous ne pouvons donc pas dire grand-chose sur le fond sur la base du léger repli en termes de score.

    Présidentielles 2012 Présidentielles 2017
    Voix % des exprimés Voix % des exprimés
    411 160 1,15 % 394 505 1,09 %

    Inversement, quand cette pression n’existait plus du tout, avec le PCF en déclin de Robert Hue (3,37 % en 2002) et Marie-George Buffet (1,93 % en 2007), les scores élevés obtenus par la Ligue Communiste Révolutionnaire avec Olivier Besancenot (4,25 % en 2002 et 4,08 % en 2007) ne signifiaient pas que les idées anticapitalistes / révolutionnaires avaient plus de popularité que les idées antilibérales / réformistes.

    Ce qui est certain, c’est que l’idée de rupture franche et définitive avec le PS était en train de maturer dans la “gauche radicale”, et que le PCF, embourbé dans ses mille et une situations de cogestion du pouvoir local avec le PS, était et reste incapable de couper le cordon. La LCR a beaucoup centré son identité sur l’indépendance totale avec le PS (notamment pendant la discussion d’une candidature antilibérale unitaire suite au Non au référendum de 2005). Elle a donc capté une large partie de ce rejet du PS, mais en laissant largement dans le flou la question de l’alternative.

    L’essor de Mélenchon, de 2012 à 2017 (au-delà des évolutions contradictoires de son discours), a bien montré qu’il a pu capter cette volonté de “dégager” la droite mais aussi le PS, sur la base d’un discours réformiste. En rompant sur la gauche avec le PS, sans traîner avec lui d’appareil conservateur, il a incarné le renouveau du réformisme que le PCF était incapable d’initier.

    Les anticapitalistes ne pouvaient sans doute pas empêcher que le gros de leurs voix (celle de la LCR et de LO) soient aspirées par cette montée du réformisme. En revanche, ils/elles pouvaient sans aucun doute faire plus pour construire un pôle révolutionnaire solide, capable de préparer l’avenir et tenir le cap dans la crise du capitalisme. C’est sur ce terrain-là que nous pointons les limites de la campagne Poutou.Limites de nos interventions dans les médias

    Limites de nos interventions dans les médias

    Les médias aux mains des grands groupes capitalistes, imprégnés d’idéologies libérales et de mépris de classe, ne sont pas des amis pour Philippe. Nous n’oublions pas cet obstacle qui rend bien plus difficile pour un parti comme le nôtre de faire passer son message que pour un parti de politiciens professionnels.

    Mais les critiques que nous faisons ici ne concernent pas tel ou tel passage télévisé, mais des idées souvent répétées par Philippe, qui révèlent donc plutôt des faiblesses collectives. Nous ne disons pas non plus que Philippe n’en dit “pas assez”, car le temps qui lui est laissé est souvent minimal. Nous parlons bien de moments où notre porte parole aurait selon nous pu et du dire autre chose.

    Les mesures d’urgence à articuler davantage aux conditions à mettre en œuvre pour permettre leur réalisation.

    Assez régulièrement, dans les points clés du programme que retiennent les articles de presse, les mesures d’urgence sont présentées seules (interdiction des licenciements, SMIC à 1700 €…) sans référence aux moyens de les appliquer.7 Beaucoup de camarades du NPA pensent qu’il faut se limiter à ces revendications supposées “parler” aux travailleur-se-s, et ne pas rentrer dans les débats sur le type de gouvernement qui pourrait les réaliser, supposés être trop lointains et abstraits.

    Pourtant, sans le développer, ce “programme d’urgence” peut justement paraître utopique à la plupart de notre classe. Augmenter les salaires ? Impossible vu la crise et la concurrence avec des pays plus compétitifs. Interdire les licenciements ? Complètement impossible, un patron doit par définition pouvoir licencier et il y aura toujours des patrons… Le programme de la France insoumise a le mérite de relier ses revendications à des mesures censées les rendre possible (le pôle public bancaire, la relance de l’économie par la consommation, le plan A et le plan B face à l’Union européenne, le “protectionnisme solidaire”...). Pour nous, ce sont des mesures illusoires qui sont vouées à l’échec, et nous nous efforçons d’analyser pourquoi.8 Nous pensons que notre parti fait une erreur, depuis sa création, en négligeant ces questions. Le NPA devrait contribuer bien davantage à la maturation des idées révolutionnaires, seul moyen de se construire en surmontant à la fois des illusions de réformes du capitalisme, et des illusions d’insurrections spontanées.

    Nos revendications démocratiques doivent être articulées au contrôle ouvrier de la société et de la production

    Notre programme et les sorties de Philippe ont fait des critiques juste à la démocratie bourgeoise : demander un salaire moyen pour les élu.e.s, dénonçer la corruption structurelle et demander une révocabilités des élues et plaçant la nécessité d'une démocratie dans l'entreprise. Si ces revendications sont justes, nous pensons que là aussi il y a un manque dans l'argumentation. Nos critiques de la démocratie bourgeoise ne doivent pas se limiter à des vagues déclarations mais montrer en quoi cette pseudo démocratie n'est qu'une illusion. En effet, la bourgeoisie tant à nous faire croire que notre vote serai le meilleur moyen d'expression et d'application de la démocratie. Pourtant, tant qu'il n'y aura ni un contrôle des élu.e.s par les travailleurs/euses et tant que les moyens de productions resterons au mains des capitalistes sans que les travailleurs.euses ne puissent s'en saisir collectivement, il ne pourra y avoir de démocratie, et ce serons les dominants qui continuerons de gouverner. De même, les médias nationaux (Le Monde, BFM, Itélé etc …) appartiennent à des grands patrons comme Bolloré, Neil ou encore Arnaud. Dès lors, il est aisé de comprendre que ces médias diffusent entre autre choses une idéologie dominante dans laquelle les termes « libéralisme », « compétitivité », « flexibilité » ou « croissance » sont omniprésent. Dans ce contexte, on ne peux ignorer qu'un tel matraquage ai un rôle de « faiseur d'opinion ».

    Nous aurions dû l'expliquer tout en disant que la véritable démocratie, c'est celle des travailleurs/euses qui décident en fonction de leurs besoin. Cela ne peut passer que par l'expropriation des capitalistes et le contrôle ouvriers de la production. En ce sens, si l'idée de revendiquer de la démocratie dans les entreprises est une bonne chose, elle ne peut s'arrêter aux simples droits de « faire de la politique », mais doit aller jusqu'au contrôle ouvrier9.

    L’interdiction des licenciements

    Par ailleurs, face aux interrogations des journalistes (qui reflètent aussi de façon déformée des questions que se posent réellement celles et ceux que nous voulons toucher), il est difficile de ne pas avancer quelques explications plus poussées. Celles-ci, notamment parce qu’elles sont si peu débattues au sein du NPA, ont vite fait de poser problème.

    La question sur “l’interdiction des licenciements” est assez typique (même si la réponse n’avait pas l’air de réellement intéresser Vanessa Burggraf). Parfois, nos porte-paroles présentent cette mesure comme une loi (« c’est une loi, forcément »10), une loi « plaçant le droit à l’emploi au-dessus de la propriété privée »11. Ce n’est pas réaliste dans le cadre du capitalisme et donc pas convainquant. Les antilibéraux (PCF, FI…) cherchent à être plus réalistes en se limitant à l’interdiction des “licenciements boursiers”, dans les “entreprises qui font du profit”.

    Le licenciement est inséparable du marché du travail, du salariat capitaliste. Seule l’expropriation des capitalistes, et la gestion démocratique de l’économie par les travailleur-se-s peut aboutir à l’abolition de la précarité du travail, et il nous faut le dire. Cela n’empêche pas d’encourager les luttes syndicales contre tel ou tel plan de licenciements, aux côtés de courants politiques qui n’ont pas du tout notre projet révolutionnaire. Au contraire, c’est justement la généralisation de la combativité dans les entreprises qui renforcera notre projet d’autogestion et de planification. Mais dans une tribune comme les présidentielles, nous devons systématiquement parler de ce projet, et ne pas nous limiter à un mélange de lutte syndicale et de “loi”.

    Certains médias retranscrivent assez justement ce que disent parfois nos portes paroles :

    « La relance des services publics, la réquisition des grandes entreprises et des banques doivent aussi permettre d'empêcher le licenciement et d'instaurer un processus de décision démocratique pour orienter la production et l'investissement. »12

    Il faudra à présent avancer sur les formes d'organisations qui pourraient permettre de mettre en place de telles mesures, sur ce que nous appelons le « gouvernement des travailleurs et travailleuses ».

    L'ennemi, c'est la finance?

    Selon nous, un des pivots de notre programme est l’expropriation des principales entreprises capitalistes (dont les banques). Nous nous réjouissons d’ailleurs que ce point ait été plus mis en avant que dans la campagne Poutou de 2012.

    Mais bien souvent, ce sont avant tout les banques qui sont ciblées. L’expropriation des banques comme point central ressort de nombreuses interventions et donc de nombreux articles de presse13. C’est très clair quand dans une vidéo de Topito, à la question “Quelles sont vos 3 premières mesures ?”, Philippe répond centralement par la socialisation des banques, « pour qu’on puisse utiliser l’argent comme on veut »14.

    Ce genre de déclaration fait comme si les banques étaient seulement des coffre-forts qu’on pouvait saisir pour injecter de l’argent dans le reste de l’économie. Mais cela ne change pas grand-chose s’il s’agit de financer des capitalistes privés. Ces derniers réaliseront toujours leurs investissements selon la logique capitaliste. Des gouvernements comme celui de Mitterrand en 1981 ont déjà nationalisé toutes les banques, et au final cela n’a servi que de béquille au capitalisme.

    Certes, dans nos argumentaires on voit parfois écrit qu’il ne faut pas opposer la bonne industrie à la mauvaise finance.15 Mais le contenu de l’argumentation conduirait plutôt à penser le contraire : « les grandes entreprises sont dominées par une logique financière », donc il faut « s’attaquer d’abord au système bancaire ». En fin de compte, au lieu de critiquer le mythe d’un capitalisme dé-financiarisé, qui est un des axes du réformisme, on le renforce.

    Protectionnisme = chauvinisme ?

    Fondamentalement, nous avons raison de ne pas nous inscrire dans le clivage protectionnisme vs libre-échange. Cela revient à choisir un niveau de régulation du marché capitaliste, et ce n’est pas notre projet. Tout comme il devrait être plus clair que notre projet n’est pas une régulation antilibérale du système.

    Mais ce qui ressort de nos passages médiatiques, c’est souvent une dénonciation caricaturale de toute argumentation protectionniste. Bien sûr nous rappelons que nous sommes contre les traités de libre-échange comme le TAFTA et le CETA. Mais quand il s’agit de protectionnisme, nos porte-paroles font une assimilation immédiate et systématique avec le chauvinisme et la xénophobie, denonçant aussitôt le “repli national”.

    C’est un fait que l’extrême droite française utilise beaucoup le discours protectionniste, en le mêlant à son nationalisme réactionnaire, comme elle utilise la dénonciation de l’Union européenne. Mais ce discours a aussi des prises parce qu’il y a des préoccupations sociales parmi les travailleur-se-s les plus perdant-e-s de la mondialisation, ceux et celles qui subissent de plein fouet la concurrence internationale, les délocalisations… Nous devons comprendre cette aspiration légitime à une “protection” de l’Etat, en la critiquant de la même façon que nous critiquons les autres illusions “d’Etat providence” au milieu du capitalisme. Jaurès soutenait aussi quelques mesures protectionnistes pour défendre les perdants de la mondialisation de son époque16. Cela allait de pair avec ses positions réformistes, mais on ne peut pas dire que Jaurès était un chauvin.

    On peut entendre ici ou là des discours centrés contre la finance qui virent au complotisme voire à l’antisémitisme, mais il ne nous viendrait pas à l’idée de taxer d’antisémite toute personne qui croit que la finance est l’ennemi principal. Ne taxons donc pas de chauvinisme toute politique qui consisterait à préserver ou conquérir des mesures sociales sur un territoire dans un premier temps limité.

    Nous devons expliquer qu’un gouvernement protectionniste qui laisse le pouvoir aux patrons restera à leur service, et qu’ils continueront à nous exploiter. Nous devons expliquer que le socialisme est la seule voie possible pour sortir de la concurrence. Il n’y aura plus à protéger tel “secteur” (salarié-es et patrons) face à tel autre, mais simplement à planifier démocratiquement les échanges de biens, et de services, sans épée de Damoclès au-dessus de nos “emplois”.

    Il serait bon aussi d’être plus prudent.e.s avec la formule “ouverture des frontières”, que nous utilisons toujours comme synonyme de liberté de circulation et d’intallation des travailleur.ses. Car cela signifie aussi pour beaucoup “liberté de circulation des marchandises et des capitaux”. Nous avons raison de défendre la perspective d’un monde sans frontière, comme Philippe le dit souvent. Mais pour ne pas être pris.e.s pour des utopistes ou comme des cautions de gauche du néolibéralisme, nous devons dire clairement qu’il faut dans un premier temps une rupture révolutionnaire avec des mesures transitoires. Ces mesures, comme le monopole du commerce extérieur, ne sont pas une “ouverture des frontières”.

    L'Union européenne : botter en touche n'est pas une solution

    Le positionnement de Philippe Poutou sur l'Union européenne est flou et inconséquent la plupart du temps. Si on écoute Poutou, nous bottons systématiquement en touche : nous sommes contre l'Union européenne... mais nous sommes aussi contre celles et ceux qui veulent en sortir. Nous sommes pour une « Europe des travailleurs/ses et des peuples »... sans indiquer le chemin pour y arriver ni expliquer ce que cela veut vraiment dire, et en associant tou.te.s celles et ceux qui veulent rompre avec l'UE à de dangereux.euses nationalistes ! D'ailleurs, même les journalistes en tirent quelques fois des conclusions contradictoires, dans un sens ou un autre.

    Alors que l'UE cristallise à juste titre la colère des catégories populaires, il faudrait se démarquer à la fois des nationalistes xénophobes et des idéologues de la bourgeoisie qui nous bassinent depuis 60 ans avec leurs discours creux sur « l'Europe sociale ». Il est de plus en plus clair pour une large partie de la population que l’UE et l’euro servent aux plus riches, aux capitalistes ; la pilule a de plus en plus de mal à passer. Il est nécessaire de partir de cette colère légitime, de ces questionnements, pour y apporter des réponses cohérentes qui s’articulent à un projet révolutionnaire anticapitaliste et communiste.

    Nous devons assumer clairement que notre projet anticapitaliste est en contradiction avec cette Europe qui est, dans ses fondements même, une Europe des exploiteurs, et que la rupture avec l’UE et l’euro est inévitable.

    Assumer une telle position ancrerait notre programme dans la réalité et le rendrait plus crédible. Une position internationaliste, de liberté de circulation des peuples, est tout à fait compatible avec un gouvernement des travailleurs/ses qui instaurerait sa propre monnaie inconvertible indépendante des institutions capitalistes. Bien évidemment, il faut être clair aussi sur les perspectives d’extension du processus révolutionnaire où les exploité-e-s, les opprimé-e-s de tous les pays prendraient le pouvoir, condition sine qua non d’une révolution mondiale victorieuse.

    Positionnement par rapport à Mélenchon

    Globalement, nos porte-paroles se sont peu exprimés sur la France insoumise de Mélenchon. A notre avis c’est une erreur de ne pas davantage développer ce que nous pensons du courant qui a la plus forte dynamique “à gauche”, ce que cela nous plaise ou non. Par rapport à la campagne de 2012, l’indépendance du NPA par rapport à Mélenchon était clairement mise en avant, et plus de critiques ont été formulées, notamment sur la manière dont il faut s'attaquer au système capitaliste15.Pourtant, nous trouvons que ces critiques ont été généralement trop limitées au chauvinisme de Mélenchon.7 alors qu'il aurai été plus important d'expliquer en quoi son programme était irréalisable dans le capitalisme, et ainsi mettre en évidence ses limites.

    Oser affirmer plus nos propositions révolutionnaires

    Nous regrettons que trop souvent, nos portes paroles se contentent d’évoquer des problèmes posés par le capitalisme, avec des formules comme “on veut poser la question de...”. Les efforts que nous faisons pour être entendu-e-s pendant la campagne doivent selon nous servir à avancer plus de propositions.

    La préoccupation de Philippe, lorsqu’il dit “on ne sait pas trop”, “on n’a pas de réponses toutes faites”, est d’insister sur la société entièrement démocratique que nous voulons. Mais cela n’est pas contradictoire selon nous. Pour combattre l’idéologie dominante, il nous faut oser être plus affirmatifs.

    Par exemple, lorsque l’on nous demande sur TF1 ce que l’on mettrait à la place de la fonction de président puisque l’on veut la supprimer, il est vraiment dommage de répondre «on n’a pas tellement d’idées concrètes»17. Certes la réponse n’est pas simple, puisque que les organes de pouvoir que nous voulons (des assemblées de travailleur-se-s) ne se décrètent pas et ne peuvent émerger que de grandes luttes. Mais nous devons utiliser davantage les nombreux exemples historiques comme la révolution russe de 1917 ou de la Commune de Paris pour en tracer les contours. L'exemple du Front Populaire de 1936, s'il peut être cité comme un temps fort de la lutte de classe ayant permis le gain d'avancées sociales, n'est par contre pas un exemple en termes de prise du pouvoir par les travailleur-se-s puisque ces acquis ont été lâchés par le gouvernement Blum pour préserver l'ordre capitaliste.

    Nous devons populariser l’idée que nous sommes révolutionnaires parce que nous voulons un gouvernement par et pour les travailleur-se-s, là où tous les gouvernements qui se succèdent sont au service du patronat. Dans nos interventions, nous parlons d’un côté de mesures économiques et de l’autre de mesures démocratiques (révocabilités des élus, limitation de leurs revenus…), mais il faudrait expliciter qu'il faudrait mettre en place un nouveau type d’institutions.

    Oser formuler en positif notre vision de la sécurité !

    Comme écrit plus haut, la dernière semaine de la campagne a été émaillé par l’assassinat d’un policier. Impossible de finir plus mal pour nous, aux vues du déversement réactionnaire qui a suivi. Philippe à malgré tout tenu le cap quand les chiens de garde de la bourgeoisie l’ont attaqué au sujet du désarmement de la police18. Il a défendu cette revendication importante de notre programme. Importante car il s’agit de se lier aux mobilisations contre la répression policières que subissent principalement les non-blanc.he.s dans les quartiers populaires. Et ce sont elles et eux, qui, à l’image du Collectif Urgence notre police assassine19, font vivre cette revendication, notamment lors de manifestations comme la Marche pour la Justice et la Dignité du 19 Mars. Cette revendication est aussi importante car elle permet de mettre en évidence le caractère avant tout répressif de cette institution qui, de plus, contribue à la diffusion du racisme d’État dans la société. Dénoncer la police en tant que bras armé de l’État bourgeois est nécessaire et nous devons inscrire cette critique dans la perspective révolutionnaire qui est la nôtre.

    Mais cette revendication seule est insuffisante. A l’heure où, du fait de la politique impérialiste française, les attentats se multiplient, et où une part importante de notre classe vit dans la peur, nous ne pouvons nous satisfaire de revendications d’affaiblissement des forces de répressions et nous devons proposer en positif notre vision de la sécurité

    Nous devons porter la question de la dissolution de la police et son remplacement par l’auto-organisation dans les quartiers, les villages... Il ne s'agit pas de mettre en avant le mot d'ordre difficilement compréhensible de milices ouvrières, mais plutôt d'instiller l'idée que de véritables forces de sécurité devrait être élues et révocables par des assemblées de quartiers, d'usine...

    Sans surestimer ce point programmatique, nous pensons que l'évoquer aurai permis une meilleure compréhension de ce que signifie pour nous le désarmement de la police.

    Les limites de la brochure-programme

    La brochure de programme pour cette campagne est assez bonne. Elle est assez complète (plus que celles de la plupart des candidat.e.s) et contient beaucoup de développements pertinents. Elle va plus loin que ce que Philippe peut dire généralement dans les médias.

    Cependant on retrouve dans le plan de la brochure ce qui est pour nous le principal problème avec le programme du parti : la première partie liste les mesures du programme d’urgence (interdiction des licenciements, hausse générale des salaires…) et la “réquisitions des entreprises capitalistes” vient ensuite. On dirait donc que ce programme d’urgence est présenté comme réaliste dans un premier temps, et que l’expropriation est un plus. Cette séparation entre un “programme minimum” et un “programme maximum” ne répond pas selon nous à la démarche transitoire, qui doit montrer que pour répondre aux besoins sociaux et sortir de la crise, il faut que les travailleur-se-s prennent le pouvoir.

    Concernant nos revendications pour la jeunesse, cela se retrouve de façon encore plus criante. En effet, rien n'est dit sur la nécessité d'une université mise sous le contrôle des étudiant.e.s et des travailleur.se.s. Par ailleurs, nous ne pensons pas qu'il soit juste de revendiquer un pré-salaire d'autonomie financés par les cotisations patronales20. Cela sème le doute sur la nature des cotisations qui sont en réalités le salaire socialisé des travailleur.se.s. Plutôt, nous pensons nous qu'il est nécessaire de porter la mise en place d'un salaire à vie et que celui-ci doit permettre la rémunérations des étudiant.e.s21.

    Clips de campagne

    Plusieurs clips posent des problèmes politiques à notre avis. Nous sommes conscient-e-s des difficultés matérielles et de nos limites militantes qui ont rendu leur réalisation difficile, mais les clips de campagne sont parmi les principaux outils qui nous donnent de la visibilité pendant la présidentielle. Cela aurait dû être une priorité.

    Le clip “On n’est pas touchés” présente très peu d’intérêt. Celles et ceux qui n’ont pas vu le passage de Philippe à “On n’est pas couchés” n’ont pas compris, pour celles et ceux qui l’ont vu, quel est l’intérêt de “griller” notre temps d’antenne si limité au lieu d’apporter du contenu ?

    Le clip sur le racisme ressemble davantage dans un antiracisme moral de type “touche pas à mon pote” qu’à la ligne habituelle du NPA, qui n’est pas parfaite mais de loin meilleure. Il aurait pourtant été possible de mettre l’accent sur les effets du racisme structurel plutôt que sur une caricature d’ultra-raciste, et de conclure à la nécessité d’un antiracisme politique et à l’auto-organisation des premiers/ères concerné-e-s.

    Le clip féministe présente lui aussi un discours caricatural de patron macho. Cependant c’est une bonne chose d’avoir mis en scène une femme qui riposte elle-même. La chute qui sous-entend presque que le féminisme sert aux hommes à être “cool” pour mieux draguer aurait pu être évitée...

    Enfin, la carte de l’humour ne peut pas être utilisée systématiquement. La classe ouvrière subit trop de situations difficiles (exploitation, humiliations, stress, burn-out, suicides…) pour se sentir en phase seulement avec une image “cool” et décontractée. Nous devons utiliser davantage l’humour contre les dominants et moins l’autodérision, pour aider notre classe à relever la tête et être plus fière d’elle-même.

    Défendre le Front social, pas un vague regroupement de gauche

    Même si elle est très peu concrète faute de perspectives, la traditionnelle proposition d’une “nouvelle force à gauche” est toujours présente dans le discours de nos porte-parole. Pour des révolutionnaires, participer à une force politique plus large peut se défendre si elle a une réelle dynamique d’organisation.

    Mais quand ce n’est pas le cas, comme aujourd’hui, la campagne présidentielle doit avant tout nous servir à appeler à s’organiser avec nous au NPA, pas à appeler à une unité sur des contours flous. Or nos porte-paroles ont fait plusieurs déclarations qui évoquent un regroupement très large, dont on sait très bien aujourd’hui qu’il est impossible au vu de toutes les divergences. Par exemple lorsque Olivier Besancenot évoque :

    «Au-delà du cas Hamon, Mélenchon, on va vers une grande recomposition politique à gauche. Il y a trois pôles qui vont se dessiner. On va avoir un pôle libéral à gauche, complètement assumé autour de Macron, il y aura un pôle qui va vouloir refaire la social-démocratie à l'ancienne avec peut-être une compétition entre Hamon et Mélenchon. Il y a un troisième pôle, et c'est celui qui m'intéresse.Un pôle dont on se sent beaucoup orphelin dans des organisations politiques y compris du PC, du PG, de Lutte ouvrière, chez des libertaires, des syndicalistes, des gens sans parti.»22

    Ou encore, juste après le premier tour, un article de Libération indique que Poutou espère «faire émerger une nouvelle force à gauche», qui pourrait aller de LO à la France insoumise.23 L’article précise que le NPA est sceptique sur ce rapprochement, à cause du verticalisme et du sectarisme de Mélenchon… Ce ne sont pas des divergences de programme qui sont mises en avant. S’il n’y avait pas le personnage Mélenchon, une “opposition de gauche” commune serait-elle possible et souhaitable de Pierre Laurent jusqu’à Alternative libertaire ? Nous ne le pensons pas.

    En revanche, nous devons défendre la nécessité de l’unité d’action la plus large possible sur des objectifs de lutte. Cette logique (le « front unique ») répond à une aspiration populaire, mais va à l’encontre des intérêts des appareils les plus conservateurs et focalisés sur le dialogue social ou les élections. Elle ne va pas de soi et cela fait partie de notre travail militant. Dans la période actuelle, le « Front social » est un des principaux outils pour aller dans cette direction, et nous regrettons que la campagne n’ait pas été utilisée pour médiatiser cette initiative. 

    En conclusion

    Comme expliqué, nous considérons donc que la campagne de Philippe, si elle à reçu une audience nettement plus importante auprès des masses que celle de 2012, comporte certaines limites. Cela n'est pas à mettre sur les seules épaules de notre candidat, mais bien à des problèmes de dysfonctionnement interne au parti. Il est important de tirer les bilans et d'en prendre acte. Le NPA doit sortir du flou programmatique dans lequel il baigne depuis sa création, et nous devons porter partout ou cela est possible notre projet de société et les moyens pour y parvenir.


    1 http://www.dailymotion.com/video/x5hacws

    2 https://www.youtube.com/watch?v=Mol3AydUIVM

    3 Le Figaro, Un député PCF propose la création d'une immunité ouvrière, 3 mai 2017

    4 https://www.youtube.com/watch?v=aB-Uq68reUE : De 1h 44 minutes et 10s à 1h 45 minutes et 10s

    5 Le Figaro, Mélenchon, Poutou, Arthaud : ce qui les différencie, 29 mars 2017

    6 Tendance CLAIRE, A propos des interventions de notre camarade Philippe Poutou sur le voile, 13 avril 2017

    7 http://www.cnews.fr/france/video/les-5-mesures-phares-de-philippe-poutou-174693

    8 Tendance CLAIRE, Critique du programme de Mélenchon, 27 mars 2017

    9 https://poutou2017.org/sites/default/files/2017-03/ProgrammePOUTOU-2017_WEB_0.pdf (p.36-37)

    10 Philippe Poutou à Public Sénat le 27 mars 2017

    11 https://www.francebleu.fr/emissions/l-invite-france-bleu-picardie-matin/picardie/invite-de-france-bleu-8-h-10-62

    12 http://www.capital.fr/economie-politique/programme-de-philippe-poutou-chomage-securite-institutions-ce-qu-il-veut-changer-1211261

    13 http://www.ouest-france.fr/normandie/alencon-61000/video-philippe-poutou-drole-et-convaincant-alencon-4931330

    14 https://www.facebook.com/136164895246/videos/10158498256030247/

    15 https://poutou2017.org/programme/pourquoi-et-comment-socialiser-les-banques

    16 Tendance CLAIRE, Mondialisation et protectionnisme, 17 mars 2017

    17 https://www.tf1.fr/tf1/elections/videos/demain-president-15-avril-2017-philippe-poutou.html

    18 https://www.youtube.com/watch?v=WHyovqXHi0Q

    19 https://www.facebook.com/Urgence.notre.police.assassine/

    20 https://poutou2017.org/sites/default/files/2017-03/ProgrammePOUTOU-2017_WEB_0.pdf (p. 27-28)

    21 Cf. notre article sur le salaire à vie et sur Bernard Friot.

    22 https://poutou2017.org/actualite/presidentielle-olivier-besancenot-pressent-une-candidature-du-npa-ric-rac-cause-des

    23 http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/04/24/au-npa-la-gauche-est-un-champ-de-ruines_1564871

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