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British Airways : Une lutte centrale à quelques semaines des élections en Grande-Bretagne
Nous publions ci-dessous la traduction de deux articles rédigés par une militante à Londres de la FTQI (Fraction Trotskyste-Quatrième Intenationale, avec laquelle la Tendance CLAIRE est en discussion). Cf. www.ft-ci.org
Ces derniers jours ont été marqués par une série de luttes emblématiques à quelques semaines des élections, dans un contexte caractérisé par une situation économique difficile et un déficit public qui n’a jamais été aussi élevé depuis la fin de la Seconde Guerre. Un approfondissement ultérieur de la crise pourrait d’ailleurs générer d’autres conflits sociaux alors que les conservateurs, donnés favoris pour les prochaines élections législatives, ne pourront sans doute pas compter sur une majorité de sièges à la Chambre des communes.
Contre-manifestation antiraciste dans le Nord
À Bolton, dans le Nord du pays, une contre-manifestation a été organisée contre un rassemblement appelé par la English Defence League (EDL) un groupe d’extrême droite qui essaie de gagner du terrain depuis que le British National Party, l’équivalent en Angleterre du FN, se donne un profil plus modéré afin de rassembler le plus de voix possibles. L’appel de l’EDL était on ne peut plus clair, tout comme les slogans repris par ses militants : « Si tu n’es pas Britannique, retourne dans ton pays de merde ! », « Buttons les Pakis ! », « Buttons-les tous ! ».
Près de 2 000 militants antiracistes venant des quatre coins de l’Angleterre se sont réunis dès le matin à l’appel du collectif Unite Against Fascism (UAF) afin d’empêcher la manifestation de l’EDL. La police a commencé par encercler les manifestants antiracistes afin de les empêcher de manifester mais également d’empêcher leur jonction avec un groupe de jeunes musulmans britanniques qui voulait participer à la contre-manifestation. Lorsque les deux cortège ont finalement pu fusionner, les activistes de l’EDL ont commencé à jeter des bouteilles sur les militants antiracistes et à reprendre en chœur des chants d’extrême droite. Pour « éviter la confrontation » la police a violemment chargé le cortège antiraciste et a arrêté 54 militants antifascistes (dont deux responsables de l’UAF)... et 17 activistes de l’EDL. Les manifestants antiracistes ont néanmoins résisté aux charges et se sont donnés rendez-vous pour une nouvelle manifestation début avril.
Étudiants et enseignants en lutte contre les réductions budgétaires
Au même moment à Londres près de 1 000 étudiants et enseignants du prestigieux King’s College de la capitale ont manifesté en direction de Downing Street, la résidence du Premier ministre. Ils protestaient contre la réduction de 15% du budget dans le secteur de l’éducation qui à terme pourrait signifier la suppression de 20.000 postes.
La manifestation, appelée par le syndicat des enseignants du supérieur, a reçu l’appui de syndicats étudiants locaux des universités les plus touchées par les coupes budgétaires. Les étudiants de l’Université de Sussex, qui sortent d’une occupation de huit jours de leur université en protestation contre 115 suppressions de postes, ont ainsi participé à la manifestation.
La manifestation de samedi n’est que le premier acte d’un mouvement qui devrait se structurer autour d’une manifestation nationale prévue début avril et des consultations des personnels au sujet d’une grève dans plusieurs universités. A la suite de la lecture des revendications des enseignants et étudiants mobilisés, les manifestants ont reçu la solidarité de travailleurs de plusieurs secteurs du service public en lutte alors que commençait la grève de British Airways.
Le début de la grève de British Airways contre les attaques de la direction du groupe
À la suite de la provocation de la direction de British Airways consistant à retirer son offre de négociation que le syndicat était prêt à soumettre à référendum parmi les employés, une grève de 72 heures a éclaté samedi 20 au matin, concernant prés de 12 000 employés que compte le secteur du personnel navigant. Au cœur de leurs revendications, le plan de licenciements prévu par Bristish Airways, les conditions de travail et la défense des droits syndicaux.
Les travailleurs avaient d’ailleurs déjà voté la grève en décembre à la suite d’une consultation interne organisée par le syndicat mais l’entreprise avait réussi à faire casser cet appel à la grève en justice. Lors de la seconde consultation organisée en février les travailleurs ont à nouveau voté à leur grande majorité pour la grève contre le plan de British Airways prévoyant le passage de 15 à 14 travailleurs en cabine en moyenne de manière à faire selon la direction du groupe quelque 6,25 millions de livres sterling [92,76 millions d’euros] d’économie annuelle.
Selon le syndicat, seul un tiers des vols a été assuré, incluant les vols assurés par les briseurs de grève. Moins d’un tiers des personnels prévus pour travailler au cours de la grève se sont rendus au travail. L’entreprise a dû dépenser des millions de livres pour louer d’autres avions, payer les briseurs de grève et dédommager les clients. Cela montre bien que la direction de British Airways a bien compris qu’ils s’agissait d’un conflit central et qu’il fallait briser l’organisation des travailleurs par n’importe quel moyen de manière à avancer de nouvelles attaques.
Mais la grève du 20 n’était que la première d’un plan d’action prévoyant de nouveaux débrayages à partir du 27 mars. Les piquets de grève organisés par les travailleurs en lutte le 20 et les jours suivants dans les zones jouxtant les principaux aéroports montraient d’ailleurs un grand esprit de combativité et que les travailleurs ne semblaient pas se laisser impressionner par les menaces de la direction de l’entreprise ni ses méthodes.
Nouvelle grève de 96h à partir du 27 mars
La seconde grève, du samedi 27 au mardi 30, a duré quatre jours et a bloqué la plupart des vols nationaux, touchant également les longs et moyens courriers. La direction de British Airways a dû dépenser une nouvelle fois des millions de livres sterling pour essayer de minimiser l’impact de la grève en louant des avions d’autres compagnies. La direction a essayé de faire croire à l’opinion publique que son intérêt était la sécurité des passagers et leur proposer un service de meilleure qualité, mais le fait que le groupe ne prévoit aucune négociation avec le syndicat laisse bien voir que son intérêt réel est d’infliger une défaite aux travailleurs afin d’avancer dans ses plans de réduction budgétaire. Pour l’instant, British Airways ne semble pas disposé à reculer sur la question des départs volontaires.
British Airways prend des mesures de rétorsion contre les travailleurs en lutte
La direction a d’ailleurs annoncé dès la fin du premier conflit qu’il entendait ôter aux travailleurs ayant participé à la grève leur accès aux prix préférentiels sur les vols. Il s’agit-là d’un acquis important pour les salariés de British Airways qui n’est pourtant pas inscrit dans les conventions, ce qui permet à la direction de l’utiliser comme une arme de chantage. De plus British Airways a annoncé la suspension des décharges syndicales pour l’ensemble des syndicalistes du groupe. Ces nouvelles attaques ont tendu encore un peu plus le rapport entre la direction et les travailleurs qui ont rajouté à leurs revendications originales le rétablissement des accès aux vols British à 80% des prix des billets pour les salariés ainsi que le rétablissement des droits syndicaux pour les délégués.
Les pratiques antisyndicales de British Airways ont fait qu’une centaine d’universitaires britanni-ques signent une tribune publiée sur The Guardian du 25/03 dénonçant, entre autres choses, « la direction de British qui dans sa bataille contre le personnel de bord essaie de détruire le syndicat Unite. Si une telle attaque passait, cela pourrait éroder pour longtemps les droits des travailleurs au Royaume-Uni ». Nombre d’analystes soulignent effectivement que l’intention a direction du groupe est de briser le syndicat, malgré les dénégations de British Airways, et ce alors que le secrétaire général de Unite Tony Woodley promettait de suspendre la grève si la direction ouvrait des négociations.
Le retour du débat sur le poids des syndicats
25 ans après la défaite infligée au mouvement ouvrier par le gouvernement conservateur de Margaret Thatcher à la suite de la grande grève des mineurs, la discussion sur le poids des syndicats et leur influence sur les gouvernements travaillistes revient sur le tapis. Le personnel de bord de British Airways est effectivement largement organisé au sein du Bassa, une des branches de Unite, le plus gros syndicat britannique, qui compte prés de deux millions d’adhérents et qui un des principaux soutiens financiers du Parti Travailliste. Pour l’opposition de droite donc, le fait que Unite soit un des soutien financiers des travaillistes et que Charly Whelan, actuellement secrétaire général de Unite, ait été un des porte-parole de Gordon Brown entre 1992 et 1999, indiquerait qu’il existe une collusion entre travaillisme, syndicats et travailleurs en lutte. C’est du moins ce que la droite anglaise tente de faire passer auprès de l’électorat conservateur afin de le mobiliser en vue des élections. Des dirigeants du Parti Conservateur n’ont pas hésité à comparer la situation actuelle à celle des grandes grèves de l’hiver 1978-1979 sous le gouvernement Callaghan ou même de parler d’un retour de l’agitation trotskyste en accusant les dirigeants de la grève actuelle de faire partie d’un nouveau courant The Militant…
Rien n’est plus faux cependant par rapport à la question des travaillistes. Depuis que le New labour est au pouvoir le capital financier n’a jamais eu autant de poids et d’influence, et cela ne date pas de Gordon Brown. « Cela fait longtemps, notait d’ailleurs ces derniers jours un éditorialiste proche pourtant du gouvernement, que le champagne et les petit fours ont remplacé la bière et les sandwichs chez les travaillistes ». Les raisons ayant conduit les salariés de British à se mettre en grève se retrouvent également dans le secteur enseignant, chez les travailleurs de la fonction publique ou le rail. Les travailleurs de la maintenance et de la signalisation de Network Rail ont ainsi voté une grève de 96 heures à partir du mardi 6 avril contre les 1.500 suppressions de postes annoncés par l’entreprise mettant en péril la sécurité des travailleurs comme celle des usagers. Cela n’a pas empêché Gordon Brown d’affirmer que les grèves du transport étaient parfaitement injustifiées. Ce qui a augmenté sous les gouvernements du New Labour c’est l’arrogance patronale. C’est pour cette raison d’ailleurs, contre la pression des chefs et de la hiérarchie, que plus de 80% des 8.000 salariés de British Gas ont voté en faveur des mesures de débrayage prochainement.
Surenchère électorale à gauche comme à droite
David Cameron, la figure de proue du Parti Conservateur, a affirmé se préparer à être aussi impopulaire que Margaret Thatcher en appliquant de manière conséquente ce que les travaillistes n’ont fait qu’à moitié. Il semblerait que dans la course électorale qui se joue actuellement travaillistes et conservateurs font de la surenchère à qui sera le plus drastique dans les coupes budgétaires. C’est ainsi d’ailleurs que lors de l’annonce du budget annuel la semaine dernière les réductions des budgets sectoriels hors école et santé pourraient s’élever à 20-25%, les plus importantes depuis l’ère Thatcher.
Si Brown ou Cameron font ce genre de déclaration en pleine campagne, on ne peut que craindre ce que les Travaillistes ou les Conservateurs feront s’ils arrivent ou se maintiennent au pouvoir. Mais les grèves actuelles indiquent qu’il existe une certaine disposition à la lutte, sans doute encore trop embryonnaire et partielle, mais une victoire des travailleurs de British Airways pourrait redonner du moral aux autres secteurs salariés. Pour ce faire, la coordination du soutien et de la solidarité avec le personnel de cabine est central pour mettre sur pied une alternative face aux attaques qui s’annoncent à l’avenir.