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Soutien aux travailleurs de RITM à Valence en lutte pour défendre leurs emplois
Le 11 janvier, l’entreprise RITM (Research Innovation Textile Machinery) et ses salariés passaient devant le tribunal de Commerce de Romans (Drôme), organisme chargé de statuer sur les entreprises en détresse par ces temps de crise et de leur faire connaître la délibération qui scelle leur sort. Il faut savoir que les juges consulaires sont élus par leurs pairs issus du monde de l’entreprise et qu’« à ce titre ils ont compétence pour apprécier la situation économique et financière d’une entreprise et pour préconiser des solutions adaptées aux entreprises en difficulté ». Les travailleurs de RITM peuvent être « rassurés » : leur avenir est entre de bonnes mains ! Une heure de délibéré et le verdict tombe : redressement judiciaire, mise en observation pendant six mois dans l’attente d’éventuels repreneurs. La Tendance CLAIRE du NPA est venue les assurer de son soutien. Elle a interviewé des élus du personnel et notamment le secrétaire CGT de l’entreprise.
ACDL : Peux-tu présenter ta boîte en tant qu’entité industrielle, humaine, et syndicale ?
RITM est issue de la reprise, par la société Co-Martin, fin 2006, de l’ex-usine de Valence du groupe suisse Rieter. Par la mobilisation de multiples partenaires (trois actionnaires principaux : la Région, le Département et la Ville), 150 emplois avaient pu être sauvés. Il faut savoir que RITM est la dernière entreprise de fabrication de machines textiles européenne, leader mondial sur le marché du verre, que 80 % des circuits imprimés y sont fabriqués, que les fils techniques qui équipent les pneus des Formule 1, notamment Michelin, sont fabriqués à Valence. D’ailleurs à partir de janvier, ils vont tester notre toute dernière UTW 30. Cela prouve bien que notre boîte est viable.
L’année 2007 a été exceptionnelle, avec un impressionnant contrat asiatique représentant 50 millions, d’euros soit près de 500 machines de transformation de fils de verre entrant dans la composition de circuits électroniques : nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 70 millions d’euros en 2007 avec 150 salariés. Les premières difficultés se manifestent en 2008. En 2009, le chômage partiel est appliqué (7 mois) et 25 salariés sont « prêtés » à Faun et Reyes, des sous-traitants. L’activité est quasiment arrêtée et « nous » accumulons depuis le début de l’année des dettes auprès des fournisseurs (5 M€). RITM est emportée dans la tourmente de la crise économique puisque 85% des produits sont exportés sur le marché asiatique. Aujourd’hui, elle va être mise en redressement judiciaire et le dépôt de bilan est probable s’il n’y a pas de repreneurs.
RITM, c’est 140 salariés de grande compétence, relativement jeunes, mais peu syndiqués puisque seule une vingtaine d’entre eux sont syndiqués à la CGT (le seul syndicat dans la boîte). De plus ce sont 350 emplois induits sur le bassin qui sont embarqués dans notre galère. Sur un bassin déjà sinistré, cette nouvelle saignée serait catastrophique.
ACDL : Quand avez-vous été informés de cette situation et quelle à été la réaction des travailleurs ?
C’est le 23 octobre 2009, pendant une AG organisée par la Direction, qu’on a appris que les banques refusaient tout prêt sauf si RITM était recapitalisée. C’était impossible, donc il fallait s’acheminer vers un repreneur, mais la conséquence annoncée est que la moitié des effectifs serait licenciée. Sous le choc, après un moment d’expectative, les travailleurs refusaient cette solution et organisaient trois mouvements de protestation : l’un devant la boîte, l’autre à la Préfecture et le dernier par une manifestation bien symbolique entre la BNP et la Banque de France. C’était un signe fort que nous voulions donner en désignant du doigt les responsables de la situation qui nous est faite : pouvoirs publics et grandes banques. «Alors que nos machines sont innovantes, que nous avons sans doute 5 à 10 ans d’avance technologique, on va nous laisser crever car contrairement aux banques que Sarkozy a sauvées nous on a rien de rien : ni fonds stratégique d’investissement, ni médiation du crédit, rien. »
ACDL : Pourtant, vous avez reçu en son temps des fonds publics.
Oui, de la ville de Valence et des assemblées départementale et régionale, mais dans la majeure partie des cas c’étaient des garanties bancaires cautionnées par le FRERA (Fonds régional de garantie pour l’emploi en Rhône-Alpes).
ACDL : Demain, les travailleurs sont-ils prêts à défendre leur emploi ou à se battre pour une bonne prime de licenciement ?
Difficile à dire, bien que la mobilisation aujourd’hui soit une réussite puisque plus de la moitié du personnel a fait le déplacement malgré des conditions de circulation très difficiles. Pour l’instant, ils sont en recherche d’informations, espérant un repreneur providentiel qui assurerait la pérennité de l’entreprise. On va faire une AG pour faire le compte-rendu du tribunal et évoquer les suites à donner. Bien sûr, il y a des mecs qui veulent se battre. Nous avons 6 mois au plus pour gagner ce combat. Les événements peuvent permettre d’aller à cet affrontement, mais rien n’est gagné.
ACDL : Ne penses-tu pas qu’il vous faudrait rencontrer les boîtes en difficulté sur le bassin et essayer de fédérer les actions, notamment avec les Rhodia/Sétila qui sont dans la même situation ?
Tout à fait d’accord, mais tout en ayant les mêmes revendications notamment dans la défense de l’emploi, chaque boîte est une spécificité qui entraîne de la part des salariés un repliement sur leur entité. Il faut dire aussi que les directions syndicales de bassin n’ont pas l’habitude de se réunir, de partager leurs expériences, de fédérer leurs actions. Cette autonomie est bien sûr un handicap mais nous allons solliciter cette réunion pour essayer de produire une réaction à la hauteur des enjeux. Nous pouvons compter sur le soutien de l’UD CGT.
ACDL : Dirais-tu que le capitalisme est responsable de cette crise qui induit les difficultés que traverse RITM ?
Comme je te le disais précédemment, Sarkozy a trouvé du pognon pour renflouer les banques et les grandes entreprises comme l’automobile, mais par contre rien pour sauvegarder une entreprise comme la nôtre, leader mondial dans son domaine. Gouvernement et patronat veulent faire payer la crise aux travailleurs. Il est évident que, tant que perdura ce système, les travailleurs en feront les frais afin de garantir leurs profits et que donc nos revendications ne seront que partiellement ou pas satisfaites et encore moins pérennisées.
ACDL : Dans ce cas, comme tu ne nourris aucune illusion sur ce système, penses-tu qu’un changement de société est souhaitable et envisageable ?
Bien sûr, les conditions sont peut-être là, mais en avons-nous les moyens ?
ACDL : Les travailleurs de RITM ont-ils déjà réfléchi à comment donner un avenir à leur entreprise ?
Oui certains d’entre nous ont pensé à la création d’une SCOOP, mais cette réflexion est pour l’instant minoritaire. Pour autant nous avons pris contact avec les institutions capables de nous aider dans la constitution d’un tel dossier. Pour l’instant c’est une piste que nous soumettrons au personnel.
ACDL : À moins de faire comme les travailleurs de Philips à Dreux qui occupent leur entreprise et en ont pris le contrôle ?
Je n’ai connaissance ni de leur lutte, ni des dispositions qu’ils ont prises pour défendre leur emploi, mais évidemment ce serait la solution. Mais dans l’immédiat les travailleurs de RITM n’en sont pas à ce stade.
Il a été convenu que les militants de la CGT de RITM nous feraient connaître les suites et actions que le personnel déciderait. Le NPA de Romans s’est engagé, dans la mesure de ses moyens, à populariser et participer à leurs luttes. Il vient de se doter pour cela d’une Commission d’intervention sur les lieux de travail (CILT), qui a édité son premier tract à destination des travailleurs de RITM.