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    À propos d’une tribune de Maryse Dumas, n°2 de la CGT, dans L’Humanité

    Par Gaston Lefranc (15 septembre 2009)
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    Dans une tribune intitulée « Retour sur les mobilisations », parue dans L’Humanité du 31 août, Maryse Dumas, secrétaire confédérale de la CGT, essaie de dresser un bilan positif des mobilisations du premier semestre 2009. Pour cela, elle indique qu’elles ont permis de « cultiver la solidarité », de « contribuer à de nombreuses adhésions [à la CGT] » et qu’elles « ont encouragé à développer les luttes ». Pourtant, le premier bilan à faire est celui d’un échec global de la tactique des journées d’action, qui n’ont pas permis d’obtenir quoi que ce soit. Les travailleurs ont d’ailleurs eux-mêmes massivement fait ce bilan puisque, après avoir participé aux journées d’action des 29 janvier et 19 mars, ils ont boycotté la dernière journée d’action du 13 juin, faisant le constat de leur inutilité. Faute de faire honnêtement le bilan revendicatif du premier semestre, Dumas tient un raisonnement circulaire : les mobilisations ont permis les mobilisations. Oui, et alors ? Pour quel résultat ? C’est cela qui intéresse les salariés. Manifester n’est pas un but en soi, à moins de réduire notre ambition à un simple témoignage de mécontentement.

    Les travailleurs veulent se battre et gagner sur des revendications précises. Quand Dumas parle de « contenu élevé et transformateur de la plate-forme intersyndicale », c’est une véritable provocation puisque cette « plate-forme » ne contenait aucune revendication précise, comme une augmentation chiffrée des salaires ou l’opposition à tous les licenciements. Loin d’encourager la lutte, ce néant revendicatif et ces journées d’action comme seule perspective ont imposé un cadre qui a empêché que les secteurs les plus combatifs soient rejoints par les autres dans un combat d’ensemble, une grève générale pour imposer la satisfaction des revendications.

    Mais Dumas ne se contente pas de faire un (non) bilan du premier semestre. Non pas qu’elle ait à nous proposer un plan d’action ambitieux pour le second semestre. Mais l’objet véritable de sa tribune est de tirer à boulets jaunes contre les salariés qui osent se donner les moyens de défendre leurs intérêts, qui se battent au maximum de leurs forces, sans attendre les journées d’action et les consignes de nos grands dirigeants syndicaux. Ainsi, elle critique les salariés qui chassent la prime au lieu de se battre pour la préservation de l’emploi. Ces salariés n’auraient décidément aucune conscience de classe puisqu’ils seraient obnubilés par la chasse au magot, utilisant des « formes "sensationnelles" pour attirer les médias » et appelant au secours des « personnalités, syndicales ou politiques [traduire : Olivier Besancenot ou Arlette Laguiller] censées intéresser la télé ». Et, de façon paternaliste, Dumas affirme que « la CGT se doit de les alerter sur les limites et les impasses dans lesquelles ils risquent de s’enfermer ». Elle promet aussi de ne « jamais affaiblir son soutien aux salariés », malgré leurs erreurs. Un soutien tellement important que la direction de la CGT a par exemple boycotté la manifestation des New Fabris le 31 juillet ou n’a apporté aucun soutien aux grévistes de Continental (pourtant membres de la CGT !) poursuivis (et finalement condamnés) par la justice. Il est en effet difficile d’affaiblir un soutien qui n’existe pas...

    Mais en fait, ce soutien n’existe pas davantage lorsque les travailleurs, au lieu d’exiger des primes de licenciements, se battent pour la défense de leurs emplois : on n’a pas plus vu Dumas ou d’autres dirigeants de la CGT à une seule des nombreuses manifestations des travailleurs de Goodyear ou des Molex qu’à celles des Conti !

    Par sa tribune, Dumas montre que les bureaucrates versent désormais dans l’obscène. Non contents de mener les salariés dans le mur, ils pourraient au moins faire profil bas devant ceux qui combattent avec courage et détermination. Mais non, alors qu’ils sont attaqués de toutes parts par la bourgeoisie, traînés devant les tribunaux, la direction de la CGT leur enfonce la tête sous l’eau et les fait passer pour chasseurs de primes égoïstes. Pourtant, en l’absence d’un mouvement d’ensemble de la classe pour s’opposer aux licenciements (et c’est évidemment la direction de la CGT qui porte la principale responsabilité de son absence), les salariés se battent légitimement pour ce qu’il leur semble possible d’obtenir. Avec courage et détermination, et souvent avec la volonté de travailler à la convergence des luttes pour être plus forts (cf. l’initiative des New Fabris ou l’action des Continental), ils donnent l’exemple. Et ils utilisent des moyens de classe, adoptés en AG, pour établir un rapport de force face au patronat. Au lieu de condamner les séquestrations, les occupations, les menaces de sabotage décidés collectivement comme des « formes sensationnelles pour attirer les médias » (et les grands messes des rencontres avec Sarkozy, c’est pour attirer qui ?), les bureaucrates feraient mieux de faire leur autocritique.

    Car, en fin de compte, qu’est-ce que les bureaucrates ont à proposer comme alternative aux travailleurs en lutte ? Tout simplement de leur faire confiance, pour que « la CGT [soit] en situation de développer l’action sur des solutions alternatives aux suppressions d’emplois ». Quelles sont ces alternatives ? C’est la fameuse « sécurité sociale professionnelle » qui consiste à accorder un filet de sécurité aux travailleurs et à accepter que les patrons puissent continuer à licencier comme ils l’entendent en fonction de leurs contraintes économiques. Voilà ce qu’ils appellent « préserver l’emploi » !

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