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    Pour le retrait de Parcoursup, de la réforme du bac et du lycée : dans l’éducation aussi, il faut combattre Macron et le vaincre !

    Photo de Martin Noda : https://www.facebook.com/martinnodaphoto/

    L’offensive néo-thatchérienne de Macron pour abaisser le coût du travail ne se limite pas à la loi Travail XXL, ni à l’attaque contre la SNCF et le statut de cheminot.e, mais elle touche aussi fortement le secteur de l’éducation. Le projet global de Macron, décliné dans tous les domaines, est très explicite : liquider toutes les conquêtes sociales car elles constituent des limites relatives à l’exploitation des salarié·e·s et un frein à la production de profits. Présenté comme servant « l’intérêt général », ces réformes correspondent en réalité aux intérêts d’une minorité, les capitalistes et leurs serviteurs.

    Dans le domaine de l’éducation, il s’agit d’adapter le système d’enseignement aux exigences du patronat : orientation plus précoce, sélection sociale renforcée dans l’accès à l’université, réduction des horaires de cours par discipline, modification de contenus pour formater la jeunesse dans un sens néolibéral, développement de l’apprentissage, attaque contre l’enseignement professionnel public sous statut scolaire, pas en avant dans la régionalisation et ouverture au privé, dégradation des conditions d’études des élèves, dégradation des conditions de travail des personnels et notamment des enseignant·e·s.

    Parcoursup : vers un enseignement supérieur hiérarchisé et concurrentiel, fermé aux enfants d’ouvrier·e·s et d’immigré·e·s ?

    Pour l’accès à l’enseignement supérieur, Macron termine le travail préparé par ses prédécesseurs Sarkozy et Hollande, rêvant de réussir là où Chirac et Devaquet avait été balayés par un puissant mouvement étudiant en 1986. Il veut imposer un processus commandé en amont par les besoins du patronat dans la définition des filières et des diplômes, opérant une sélection à l’entrée de l’université, puis dans le passage de la licence au master, puis du master au doctorat pour trier de la façon la plus rentable les forces de travail intellectuels des bacheliers. L’opération vise à réduire ou fermer certaines filières, à en développer d’autres, à diminuer le temps gaspillé du point de vue du capital à se développer intellectuellement et à se cultiver afin de maximiser la part du temps consacré à une formation « utile », c’est-à-dire contribuant directement à la meilleure valorisation possible du capital.

    Pour légitimer la sélection par les notes pour l’accès à l’université, Macron a habilement mis en avant le recours l’année dernière au tirage au sort pour choisir quel·le·s étudiant·e·s auraient le droit d’obtenir une place dans les filières les plus saturées afin de donner l’impression qu’il n’y aurait que le choix entre une forme de sélection et une autre. Tout cela masque le fond du problème : l’insuffisance du nombre de place dans l’enseignement supérieur. Un problème que le gouvernement, avec ses statisticiens, avait bien sûr prévu et qu’il a laissé se mettre en place pour pouvoir justifier la mise en place de la sélection. Pourtant, le tirage au sort n’avait concerné en 2017 qu’environ 0,6% des étudiant·e·s finalement inscrit·e·s dans l’enseignement supérieur et non tou·te·s comme cela a été suggéré.

    L’ancien logiciel qui gérait les affectations des bacheliers/ères dans l’enseignement supérieur, APB, classait les demandes en tenant compte d’abord du rang du vœu formulé par l’élève, puis de la proximité géographique. À l’opposé, le logiciel Parcoursup impose de faire des vœux sans hiérarchie. Quel est le résultat recherché ? Concentrer les étudiant·e·s de niveaux proches dans les mêmes établissements : les excellent·e·s entre elles et eux, les très bon·ne·s entre elles et eux, etc. L’objectif est de réaliser un saut qualitatif dans la différenciation au sein de l’enseignement supérieur. Corrélé au manque de moyens fournis par l’État aux universités autonomes et au désir de celles et ceux qui n’auront rien eu de se rattraper, c’est là une façon de stimuler la hausse des frais d’inscription, de stimuler la croissance des établissements d’enseignement supérieur privés et de préparer la privatisation de ses fleurons.

    Un tel système écartera mécaniquement, encore plus qu’aujourd’hui, les enfants d’ouvriers/ères et d’immigrés·e·s des filières de l’enseignement supérieur longue, pour les cantonner dans les filières courtes, professionnalisantes ou même les envoyer directement en apprentissage.

    Le bac Blanquer, un « bac en chocolat » ?

    La réforme du bac veut instaurer un diplôme «maison». 40 % des épreuves du « bac » Blanquer consisteraient en des épreuves locales. En effet, le projet prévoit, d’une part, 3 séries de «partiels» locaux (c’est-à-dire choisi et noté différemment dans chaque lycée) entre la 1ère et la Terminale ; d’autre part, il prévoit que les moyennes trimestrielles soient prises en compte pour le bac à hauteur de 10%. Il y aurait 6 épreuves « finales » : un oral pluridisciplinaire, autre version des épreuves locales, en constituera une partie importante. Cette part importante des évaluations «maison» donnera une tout autre valeur au bac qui en fait reviendra à la réputation du lycée ! Aujourd’hui, malgré des limites, tou·te·s les bacheliers/ères ont le même diplôme national, reconnu dans les conventions collectives. Cela empêchera encore bien plus qu’aujourd’hui la plupart des jeunes des milieux populaires d’accéder à la formation de leur choix. En effet, les attendus posés par les universités et les formations supérieures ne tiendront plus compte du bac, mais de l’établissement où il a été obtenu. Quoi de plus inégalitaire ??!

    Or, le bac national, cela implique les programmes nationaux, un élément très important pour limiter les inégalités sociales et territoriales. Si on laissait Blanquer faire sauter ce verrou, cela lui ouvrirait la voie pour faire sauter les programmes nationaux. Le rapport Mathiot annonçait l’objectif. Blanquer n’y a pas renoncé, mais l’a juste un peu décalé dans le temps.

    Stress permanent pour les élèves et pression managériale pour les profs

    Si on pouvait reprocher déjà beaucoup de choses au baccalauréat, ce projet impliquera encore plus de bachotage qui deviendra permanent (30 épreuves au lieu de 12). Les 24 épreuves locales impliqueront une pression renforcée sur les notes, pour les lycéen·ne·s bien sûr mais aussi pour les enseignant·e·s. Cela sera source de pression hiérarchique (pour faire monter les résultats), des pressions des parents (pour que leurs enfants aient de bonnes notes), de tensions entre collègues (qui note de façon juste ?), etc. Le lycée deviendrait mécaniquement de moins en moins un lieu d’éducation et d’émancipation (ce qui est d’ailleurs déjà fortement attaqué), et de plus en plus un lieu de tri social par l’intermédiaire des notes, expérience très violente pour les catégories sociales défavorisées.

    Cela impliquerait une standardisation de l’enseignement et une réduction de la liberté pédagogique des professeur·e·s à peau de chagrin. Soumis à la logique de l’évaluation permanente, de la progression commune contrainte dans les programmes, des évaluations standardisées rendues nécessaires par les partiels communs aux différentes classes, aux préconisations du conseil pédagogique présidé par le proviseur, les enseignant·e·s deviendraient des petits fonctionnaires aux ordres de Blanquer, via les chefs d’établissement, devenu managers de l’entreprise éducation nationale.

    Vers un lycée « modulaire », complexe, rabougri et toujours plus inégalitaire

    La réforme du bac s’articule aussi avec la réforme du lycée qui veut imposer une «individualisation» des parcours. Dès la seconde, il faudra se spécialiser, faire des choix d’orientation, des choix de «spécialités», trois en Première et deux en Terminale.

    Blanquer essaye de justifier la suppression des différentes filières générales avec des arguments égalitaristes. Certes les filières sont bien sûr socialement fortement hiérarchisées, mais leur suppression ne fera pas disparaître ce fait. En fait, la hiérarchisation sera au contraire accrue. Cette réforme impliquera une hyper-spécialisation très précoce (à des jeunes de 15 ans !), et bien évidement, une aggravation du tri social. En effet, le lycée deviendra encore bien plus complexe, avec des choix cruciaux qui fermeront ou non des portes pour la suite (notamment avec la mise en place de ParcourSup). Cela favorisera celles et ceux qui ont les clés de déchiffrage de cette complexité, c’est-à-dire les catégories sociales favorisées ! Les choix de spécialités enfermeront infiniment plus les élèves que ne le font aujourd’hui les choix de séries.

    Il s’agit ainsi d’obtenir non pas simplement un diplôme du bac « maison », mais d’aller vers un diplôme presqu’individuel, selon les combinaisons de « spécialités » choisies par les élèves.

    En apparence et provisoirement, les séries technologiques sont maintenues. Mais la réforme prépare leur mise à mort. En effet, elle supprime les enseignements d’exploration en Seconde, dont les enseignements technologiques : elles tarissent donc le recrutement de ces filières. De l’autre, elle renforce la dimension technologique au détriment des matières générales, poussant dans le sens d’une professionnalisation. Prises en étau entre le lycée général modulaire et l’enseignement professionnel que le gouvernement veut transférer aux Régions et au Chambre de Commerce et d’Industrie, les filières technologiques risquent de disparaître.

    Classes pleines à craquer, 7000 postes supprimés, polyvalence et concurrence imposées

    L’autre avantage de la réforme, pour le gouvernement, c’est qu’il permet de faire de substantielles « économies » sur le dos des élèves et des profs.

    Alors qu’aujourd’hui, les filières forcent le gouvernement à faire des classes parfois à 15, 20 ou 24 élèves, pour s’ajuster aux vœux des élèves et qu’il n’y a encore qu’environ 35% de classes à 35 élèves, le principe du tronc commun à toutes les actuelles séries générales garantit à Blanquer de pouvoir entasser 35 élèves dans toute les disciplines du tronc commun : cours de français, d’histoire, de biologie, etc. à 35 uniquement ! En outre, les choix de spécialités, réduites à 3 en 1ère et à 2 en terminales vont permettre la même opération : supprimer des classes et des groupes. En outre, alors que la plupart des lycées généraux et technologiques offrent actuellement les trois séries (L, ES et S), il est clair que beaucoup d’entre eux n’offriront pas toutes les « spécialités ». Vous aurez intérêt à être nés au bon endroit, à habiter dans la bonne ville ou à bien vouloir suivre des MOOC (cours numérique) de votre réseau d’établissements…

    Heures de cours plus fatigantes, hausse du nombre de copies à corriger, du nombre d’élèves à suivre, cela dégraderaient les conditions de travail des enseignant·e·s et, dès lors, l’enseignement dispensé. Et comme si cela ne suffisait pas, il est prévu de supprimer 7000 postes, ce qui représentent environ 6% des postes en lycée. Pourtant il n’est pas prévu qu’il y ait moins d’élèves.

    En outre, l’architecture du lycée est profondément modifiée et prépare la réforme-liquidation du statut des profs. Les nouveaux enseignements comme « HG-géopolitique-sciences po », « humanités, littérature et philosophie », « enseignement scientifique », « langue et littérature étrangères » au contours flous, sans cadrage, vont inciter à la concurrence entre profs et entre disciplines, et à la polyvalence imposée de chacun·e.

    Un pas vers la privatisation et la destruction du statut d’enseignant.e

    Enfin, un certain nombre d’horaires sont annualisés, comme celui de l’éducation à l’orientation, qui ne correspond d’ailleurs à aucune discipline existante, mais au travail des ex-conseillères d’orientation psychologues (Co-Psy), devenues psychologues de l’éducation nationale (Psy-EN). En même temps, il est prévu que toutes sortes d’intervenants extérieurs, y compris représentant des entreprises privées, puissent participer à ces heures, à condition d’avoir été validés par le Conseil Régional.

    En ce sens aussi, le nouveau lycée prépare la destruction du statut actuel des enseignant·e·s et pose des jalons pour préparer à la privatisation, en commençant par essayer de rendre naturelle l’intervention du privé au sein des établissements publics.

    Vers la liquidation des services publics et du statut de fonctionnaire

    Le gouvernement attaque actuellement le service public ferroviaire, la SNCF, et le statut des cheminot·e·s et il ne s’arrêtera pas là ! Dans le cadre du plan CAP 2022, il prévoit explicitement de « transférer des missions », c’est-à-dire de privatiser d’actuels services publics, en livrant à l’appétit vorace des capitalistes du secteur. Dans le même temps, ce plan prévoit un recours beaucoup plus massif aux contractuel·le·s dans la Fonction Publique. Enfin, tout comme à la SNCF, le gouvernement a annoncé vouloir revoir les contours du statut de la Fonction Publique. Pour le secteur hospitalier, il prévoit un décret autorisant le licenciement de fonctionnaire. Pour l’éducation nationale, Blanquer annonçait dès janvier 2017, dans un entretien à L’Express vouloir aller vers un recrutement des enseignant·e·s sur des contrats de droit privé et, dans l’immédiat, généraliser le recrutement sur profil par le chef d’établissement.

    Les lycéen·ne·s et les profs du secondaire ont intérêt à unir leurs revendications et leurs luttes à celles des cheminot·e·s et des étudiant·e·s

    Même si les cheminot·e·s se mobilisent avec persistance, et que cette grève peut s’étendre si le mouvement arrive à déborder les stratégies désastreuses des directions syndicales avec leur grève «perlée», le gouvernement est tellement déterminé à passer en force, qu’il est primordial de ne pas laisser les cheminot·e·s isolé·e·s. Si beaucoup de cheminot·e·s sont convaincu·e·s par la nécessité d’une grève reconductible massive et généralisée, ils et elles se sentent un peu seul·e·s pour imaginer cela possible.

    En même temps, les étudiant·e·s et une partie des personnels se mobilisent fortement contre la sélection généralisée à l’université par le système ParcourSup, même si la mobilisation n’est encore généralisée. Ce ne sont pourtant pas les premiers concernés par la sélection à l’entrée de l’université, mais les lycéen·ne·s, qui ont tout intérêt à entrer dans la bataille.

    De la même façon, les enseignant·e·s du secondaires sont touché·e·s, mais semblent un peu démuni·e·s devant la violence de ce gouvernement. Il est vrai que la lenteur des directions syndicales du secteur, notamment celle de la direction du SNES-FSU, à informer, à prendre position et à élaborer un plan de mobilisation a été et reste un obstacle considérable. À ce jour, il n’envisage rien d’autres que deux journées d’action, l’une le 3 mai, puis la suivante dans le cadre de l’intersyndicale Fonction Publique le 22 mai. On est très loin du plan de mobilisation visant à construire une grève reconductible, qui serait nécessaire vu le niveau de l’offensive de Blanquer-Macron dans l’éducation et qui, à un mois et demi du bac, pourrait constituer une très sérieuse menace pour le pouvoir.

    Pourtant, ces différents combats ont énormément de similitudes. Les attaques différentes participent du même projet du gouvernement, et donc, il est clair que ces deux secteurs de salarié·e·s ont le même ennemi. Pour faire reculer le gouvernement, il va donc falloir lui répondre par une mobilisation allant vers la grève générale qui bloque le pays et bloque l’économie. Elle reste cependant à construire…

    Quelques pistes pour ouvrir la voie vers la grève générale

    Les directions syndicales, si elles avaient une politique claire, de combat contre la politique de Macron, pourraient y contribuer largement. Au lieu de cela, elles participent aux concertations, tergiversent sur les revendications, dispersent les journées d’action. Pourtant, les éléments qui unifient objectivement ces luttes sautent aux yeux : à la fois elles portent des revendications semblables et elles combattent un même pouvoir, celui de Macron.

    C’est pourquoi il revient aux travailleurs/ses eux et elles-mêmes de commencer à montrer la voie, en sollicitant à chaque étape les structures syndicales concernées, à tous les niveaux, pour s’efforcer d’entraîner un maximum de collègues dans la lutte. Pour que cette volonté commune puisse prendre corps, la coordination entre établissements est très importante. Il faut impulser dès que possible des organes de coordination démocratiques qui font le lien entre les établissements, et permettent de s’organiser collectivement, pour définir les revendications, proposer des actions et construire la grève.

    Le gouvernement semble, à ce stade, bien résister à la grève des cheminot·e·s et à la lutte des étudiant·e·s. Mais si les lycéen·ne·s entrent dans la lutte, si les profs du secondaire s’y engagent à leur tour, cela ne peut-il pas commencer à faire basculer la situation dans un sens opposé ? En donnant confiance aux cheminot·e·s dans leurs propres forces, elle peut ouvrir la voie à la grève reconductible dans ce secteur, laquelle pourrait engager une dynamique d’extension des grèves à d’autres secteurs et de généralisation, à condition que les coordinations élaborent une plateforme unifiante permettant de « coaguler réellement les mécontentements » : lycéen·ne·s, étudiant·e·s, profs du secondaire, électricien·ne·s et gaziers, agent·e·s des finances publics, etc.

    Rien n’est joué. Investissons-nous pleinement dans ces luttes avec l’objectif de les faire gagner et d’infliger une défaite à Macron.

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