Aucun état de grâce pour Hollande ! Sans attendre, préparons et engageons des mobilisations pour imposer nos volontés au nouveau gouvernement et au patronat
Une
majorité des travailleurs, des travailleuses et des jeunes ont
utilisé leur bulletin de vote pour se débarrasser de Sarkozy. Il
s’agissait pour eux de tourner la page de celui qui a ouvertement
gouverné pour les riches, attaqué les droits des travailleurs,
pourchassé les immigrés, mis en cause les libertés démocratiques,
concocté des diktats européens avec son amie Angela Merkel et des
opérations impérialistes en Afrique avec ses amis américains. Le
résultat de l’élection française s’inscrit également dans la
logique de l’électorat populaire qui, partout en Europe, sort les
sortants pour leur faire payer de lui avoir fait payer la crise.
Aucune
illusion à se faire sur Hollande !
Pour
autant, il n’y a rien à attendre de Hollande, qui va poursuivre et
aggraver la politique d’austérité et de « réformes
structurelles » car la crise du capitalisme l’exige
impérativement. S’il a été élu bien davantage par rejet de son
principal adversaire que par adhésion à son propre projet, une
partie de ses électeurs et électrices espèrent malgré tout que sa
politique sera meilleure ou en tout cas « moins pire »
que celle du sortant. Cet espoir ne se fonde pourtant pas sur le
programme du PS, qui ne s’est engagé ni à « changer la
vie », ni même à restaurer des droits ouvriers et les
libertés démocratiques. Au contraire, durant la campagne, au-delà
de quelques promesses faciles sur le « style » de la
présidence et sur le « respect » des gens, Hollande ne
s’est pas opposé fondamentalement à la politique menée par
Sarkozy, mais il a promis de « donner
du sens à l’austérité ».
Il s’est même engagé à expulser les personnes en situation
irrégulière, voire à diminuer le quota d’étrangers autorisés à
séjourner en France selon
les besoins de l’économie !
Certes,
Hollande est obligé d’annoncer
quelques mesures pour justifier son élection et nourrir un minimum
d’illusions (hausse de l’allocation de rentrée scolaire,
abrogation du décret sur l’évaluation des enseignants, nouvelle
loi sur le harcèlement sexuel, abrogation de la circulaire Guéant
contre les étudiants étrangers...).
Mais dans les prochains mois, pour le fond de sa politique, il
est condamné à se soumettre doublement au capital financier :
en payant la dette au prix de l’austérité et en attaquant les
acquis ouvriers au nom de la « croissance ». Il n’a pas
fallu attendre longtemps pour le vérifier : à peine investi,
le nouveau président a signé des deux mains la déclaration finale
du G8 auquel il a participé le 20 mai. Les journaux de la
bourgeoisie veulent nous faire croire qu’il y aurait une inflexion
du G8 dans le sens de la « croissance », mais cette
caverne de brigands impérialistes est surtout d’accord pour
imposer des « réformes
structurelles »
au nom de la compétitivité, autrement dit pour liquider le droit du
travail. Le communiqué du G8 précise que ces « réformes »
doivent être « non
inflationnistes »,
c’est-à-dire en fait qu’il n’est pas question d’augmenter
les salaires. Il s’agit aussi d’imposer la « consolidation
budgétaire »,
c’est-à-dire de baisser les dépenses publiques, voire d’augmenter
les impôts. Enfin, le G8 exige que la Grèce « respecte
ses engagements »,
c’est-à-dire qu’elle applique le nouveau plan d’attaques
monstrueux contre les travailleurs que ceux-ci rejettent massivement.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec Hollande, « le
changement », ce n’est pas « maintenant » !
Mais ce ne
sera pas non plus pour demain. La promesse de négocier un volet
« croissance » au nouveau traité européen est de la
poudre aux yeux, car l’essentiel, qui n’est pas remis en cause
par Hollande, c’est que ce traité prévoit d’imposer l’austérité
permanente. De plus,, c’est le plus puissant impérialisme
d’Europe, c’est-à-dire l’Allemagne, qui décide la politique
de la Banque centrale européenne ; or elle ne cédera pas sur
les euro-obligations et il est probable que Hollande s’incline en
échange de promesses purement formelles sur la « croissance ».
Enfin, pour relancer réellement la croissance, c’est-à-dire
l’accumulation du capital, il faudrait dévaloriser massivement le
capital, c’est-à-dire fermer des milliers d’entreprises, faire
monter le chômage et briser la réglementation du travail, jusqu’à
ce que les investissements réels redeviennent attractifs pour le
capital.
Succès
du Front national = danger
La
politique de Hollande ne peut conduire qu’à une aggravation de la
situation sociale et à une crise de la représentation politique et
de l’« alternance », dont nous ne voyons jusqu’à
présent que les premiers signes annonciateurs. C’est ainsi que la
campagne de Sarkozy a confirmé et encore aggravé le durcissement de
la droite française par la reprise des thèmes du Front national. Le
FN a non seulement retrouvé un score comparable
à celui de 2002 (1),
mais surtout cela s’est fait sur la base d’une campagne
sensiblement différente car fortement axée cette fois sur la
dénonciation de la finance, des riches et du libéralisme ; or
cela marque la progression du FN au sein des catégories populaires,
surtout celles des villes moyennes, des zones péri-urbaines et des
campagnes désolées qui ont subi de plein fouet les effets de la
dégradation socio-économique et les fermetures de services publics.
Dans
l’immédiat, la stratégie du FN est de faire exploser l’UMP pour
mettre en minorité ce qui reste du gaullisme et du centrisme en
créant un rassemblement populiste hégémonique à droite, capable
d’accéder au pouvoir, ce qui serait déjà extrêmement dangereux.
Mais il est clair que, avec l’aggravation de la crise et la
faillite prévisible du PS au pouvoir, les conditions d’une
possible évolution d’une partie significative de l’extrême
droite vers le fascisme vont s’accumuler. Nous n’y sommes pas
encore, mais l’histoire comme les importants progrès du groupe
néo-nazi « Aube dorée » en Grèce et, à plus petite
échelle, la recrudescence des groupes fascistes en France, montrent
que cette éventualité n’est désormais plus à exclure à moyen
terme.
Il est donc
indispensable de combattre le Front national sur deux fronts :
nous devons tout d’abord défendre un programme anticapitaliste
convaincant, montrer aux travailleurs attirés par l’apparente
radicalité de Marine Le Pen que son programme démagogique est bien
celui d’une autre politique au service de la bourgeoisie, qui
pourra servir de recours le jour où l’alternance UMP/PS ne
marchera plus. De ce point de vue, il est évidemment hors de
question de renoncer à présenter nos candidatures aux législatives
à Hénin-Beaumont comme dans toutes les circonscriptions où le FN
risque de faire de bons scores : la voix de l’anticapitalisme
et l’indépendance à l’égard des réformistes sont d’autant
plus importantes dans ces endroits que beaucoup de gens des
catégories populaires votent FN parce qu’ils sont écœurés par
la politique du PS et le soutien que lui apporte le PC depuis tant
d’années.
Mais il est
évident que l’indispensable défense de notre programme auprès
des travailleurs, travailleurs et jeunes ne peut pas suffire :
il est urgent de réactiver et d’étendre des structures unitaires
contre l’extrême droite et les fascistes afin de mobiliser
largement contre les agressions qu’ils perpétuent sur des
militants ou des étrangers et d’être toujours prêts à
manifester plus généralement contre leurs initiatives politiques et
leur présence même dans les villes, les villages et les quartiers.
Après
son succès électoral, le Front de gauche prépare déjà sa
capitulation face à Hollande
De l’autre
côté, le refus du PS d’affirmer une orientation de rupture sur le
fond avec celle de Sarkozy a ouvert un espace qui a profité au Front
de gauche. Par son programme réformiste et ses talents personnels,
Mélenchon a réussi à donner à la gauche du PS un score à deux
chiffres pour la première fois depuis 1981. Même si le résultat
est inférieur à ce qu’annonçaient les sondages en fin de
campagne, il est bien supérieur à ce qu’ils prévoyaient au début
et il évident que c’est un succès pour Mélenchon et le PCF. Cela
exprime la recherche d’une alternative à gauche du PS, attirant
notamment la grande majorité de celles et ceux qui se sont le plus
battus dans les luttes ces dernières années. Mais ce succès
électoral se fait aux dépens des candidats d’extrême gauche,
dont Mélenchon a récupéré l’essentiel des voix de 2002 et 2007.
C’est un revers important pour LO et le NPA : ils n’ont pas
su répondre aux attentes des travailleurs, travailleuses et jeunes
qui s’étaient dans un premier temps tournés vers eux. Il est
cependant évident que les succès électoraux ne suffisent pas à
constituer de véritables forces politiques et rien ne dit que le
Front de gauche saura organiser massivement celles et ceux qui ont
voté pour Mélenchon ; ils pourraient au contraire être vite
écœurés par la politique de soutien à Hollande.
Le PCF
décidera au lendemain des législatives s’il participe ou non au
gouvernement. Même si le plus probable est qu’il n’y entre pas,
il ne fait pas de doute qu’il soutiendra la majorité parlementaire
du PS sous une forme ou sous une autre. Quant à Mélenchon, d’une
part il voudrait garder son rôle personnel de tribun contestataire
en espérant pouvoir en profiter en 2017 : c’est ainsi que son
parachutage « spectaculaire » à Hénin-Beaumont pour un
duel très médiatique avec Marine Le Pen vise à maintenir son
existence sur la scène nationale. Mais, d’autre part, non
seulement il reste dépendant du PC, qui veut tout faire pour limiter
son poids depuis la présidentielle, et surtout lui-même, en
bon réformiste, n’a pas d’autre horizon que de faire pression
sur le gouvernement Hollande, tout en le soutenant aux moments
cruciaux. C’est ainsi que Mélenchon a déclaré dès le lendemain
de l’élection que, le 20 mai sur France inter :
« Moi
je n’embête pas Hollande, avec Hollande c’est à la loyale
(...). Il sait que je suis intraitable, il sait que je suis
inflexible, qu’on ne marchandera pas avec moi ».
Autrement dit, Mélenchon compte garder sa posture de « fort en
gueule », mais il s’engage à ne pas mettre de bâtons dans
les roues de Hollande. Il a explicité cette ligne en disant :
« J’ai
pris un engagement solennel au nom du Front de gauche : jamais le
groupe du Front de gauche (...), nous ne voterons une motion de
censure déposée par la droite ».
Et il a bien précisé qu’ils ne voteraient pas une telle motion
même si le gouvernement utiliser pour légiférer l’un des
dispositifs le plus anti-démocratiques de la Ve
République, à savoir l’article 49-3 de la Constitution, qui
permet au gouvernement d’imposer des lois sans débat et sans vote
à l’Assemblée, sous la seule réserve qu’il n’y ait pas,
précisément, de motion de censure contre lui ! Autrement
dit, sous prétexte de ne pas faire le jeu de la droite, le Front de
gauche s’engage à ne jamais faire tomber le gouvernement... qui
pourra donc mener sa politique d’austérité sans crainte, voire au
forceps !
Enfin,
Mélenchon a certes affirmé lors de la même émission que les
députés FdG ne voteraient pas « n’importe
quoi dans le budget »,
mais il n’a même pas envisagé de ne pas voter le budget lui-même,
qui impliquera pourtant de toute évidence une sévère austérité !
La
classe ouvrière et la jeunesse ont besoin d’un programme politique
indépendant
Cette
capitulation qui s’annonce de Mélenchon et du Front de gauche face
à Hollande est une tendance lourde inscrite dans son programme
réformiste (d’ailleurs bien moins avancé que celui du programme
commun PS-PCF des années 1970 !) et dans sa logique
essentiellement institutionnelle consistant à faire croire qu’on
pourrait changer les choses depuis l’Assemblée, en faisant
pression sur le gouvernement (2).
C’est pourquoi les anticapitalistes cohérents et conséquents,
c’est-à-dire révolutionnaires, ne doivent en aucun cas rejoindre
le Front de gauche, comme s’apprête à le faire la direction de la
Gauche anticapitaliste, courant droitier du NPA qui regroupe une
bonne partie de l’ancienne direction de
la LCR. Mais
l’indépendance formelle à l’égard du Front de gauche ne suffit
pas, contrairement à ce que croit le centre mou de la direction
actuelle du NPA, qui rassemble l’autre partie de l’ancienne
direction de la LCR et maintient l’orientation du parti dans le
flou. Ce flou programmatique et stratégique, qui contraste avec la
clarté réformiste mais ferme et relativement attractive du Front de
gauche, est la faiblesse fondamentale dont ont pâti la campagne du
NPA comme celle de LO, malgré leurs qualités respectives
(cf. l’article d’Ernest
Everhard et Pauline Mériot).
Ce dont la
classe ouvrière et la jeunesse ont besoin, ce n’est pas des
mesures impuissantes ou illusoires mises en avant par Mélenchon,
mais c’est d’un programme
de transition
qui part des revendications immédiates et s’axe sur l’objectif
d’un gouvernement
des travailleurs.
Celui-ci, reposant sur les mobilisations et l’auto-organisation,
romprait avec le capitalisme par des mesures comme la répudiation de
la dette publique, l’expropriation des groupes du CAC 40 pour en
faire des monopoles publics sous le contrôle des salariés
eux-mêmes, la rupture avec l’Union européenne et sa monnaie, le
contrôle des changes et le monopole du commerce extérieur, tout en
aidant les travailleurs des autres pays à faire de même, dans la
perspective d’une Europe socialiste révolutionnaire. C’est sur
cette base que nous combattons pour une refondation révolutionnaire
du NPA.
Nécessité
du front unique ouvrier et priorité aux luttes
En même
temps, nous devons prendre une part active dans les mobilisations
immédiates de la classe ouvrière, de la jeunesse, des femmes, des
opprimés. Ces luttes ont besoin de victoires et celles-ci supposent
l’unité. C’est pourquoi nous proposons aux organisations du
mouvement ouvrier l’unité dans les luttes sur la base des
revendications et en poussant à leur convergence. Il s’agit bien
d’une question politique : celle de l’indépendance de
classe, qui pose immédiatement le problème de l’indépendance à
l’égard du gouvernement Hollande. C’est pour cela que nous
interpellons les syndicats et les partis du Front de gauche de la
base au sommet : allez-vous accepter le maintien ou exiger
l’abrogation des lois du sarkozysme que nous avons
dénoncées ensemble, que le PS lui-même prétendait refuser et que
la prochaine majorité pourrait, si elle le voulait, rayer d’un
trait de plume ? Allez-vous laisser passer ou vous battre
contre la ratification par Hollande du traité européen imposant
l’austérité permanente, qu’il intègre ou non des promesses de
« croissance » ? Allez-vous laisser Hollande et son
équipe concocter l’« austérité de gauche » ou
contribuer à préparer la résistance pour la mettre en échec ?
Allez-vous
laisser passer ou combattre l’avalanche de plans de licenciements
et de fermetures d’entreprises qui, passée l’élection, commence
à reprendre de plus belle (Air France, SNCM, PSA à Aulnay et
Sevelnord, General Motors à Strasbourg, Arcelor Mittal à Gandrange,
Petroplus à Petit-Couronnes, Fralib à Géménos, Technicolor à
Angers...) ? Telles sont les questions clés de la
situation immédiate.
Nous posons
ces questions aux organisations du mouvement ouvrier, mais d’ores
et déjà des travailleurs, des travailleuses, des jeunes n’attendent
pas. Des luttes ont lieu, notamment contre les licenciements, et des
espoirs existent. Quels que soient les obstacles, il faut tout faire
pour qu’elles remportent des victoires. Notre priorité est de les
populariser, d’y intervenir autant que possible, d’œuvrer à
leur convergence. C’est aussi de cette façon, et de cette façon
seulement, qu’il sera possible de relancer la construction du NPA
comme un vrai « parti des luttes ».
1)
Avec 17,9%
des voix, le score de Marine Le Pen est un peu inférieur à celui
de son père et de Mégret réunis en 2002 (19,2%), mais ce
pourcentage correspond à une progression d’un million de
personnes (de 5,4 à 6,4 millions de voix), soit une hausse de 15% ;
il faut noter toutefois que, dans le même temps, le nombre de
suffrages exprimés au premier tour est passé de 28
498 471 à 35 883 209,
soit une augmentation de 25,9%.
2)
Cf. dans notre précédent numéro notre article « Mélenchon :
un sauveur pour les travailleurs », également lisible sur
http://tendanceclaire.npa.free.fr/article.php?id=343
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