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Que faire de la taxe Zucman ?

L’annonce faite cet été par François Bayrou de 44 milliards d’euros de coupes budgétaires, allant jusqu’à récupérer 4 milliards via la suppression de deux jours fériés, a ravivé en France un profond sentiment d’injustice fiscale et mis en lumière l’accroissement des inégalités de richesses entre les classes. La « taxe Zucman », du nom de l’économiste de gauche Gabriel Zucman qui l’avait préconisée en 2024 lors d’un rapport commandé par le président brésilien Lula à l’occasion du G20, est alors apparue aux yeux des dirigeant-e-s des confédérations syndicales, du PS, de Place Publique et d’EELV comme une solution pour obtenir un budget « équilibré » et « juste » pour 2026. Cet impôt plancher de 2% sur les plus grandes fortunes du pays fait frissonner les représentant-e-s du capital financier et du grand patronat, qui n’hésitent pas à intervenir directement dans le débat public pour décrédibiliser tant le dispositif que son auteur. Ce dernier, dont les écrits centrés sur la répartition des richesses n’ont pourtant pas grand-chose à voir avec une analyse marxiste, a même été qualifié par le multimilliardaire Bernard Arnault de « militant d’extrême gauche » qui « cherche à mettre à terre l’économie française ». Bien que la mesure ait été écartée par le gouvernement Lecornu, il est néanmoins légitime de se demander si la taxe Zucman peut véritablement être considérée comme une réponse à l’injustice fiscale et à la crise politique que traverse le pays.
Le principe de la taxe Zucman fait presque regretter au Medef l’impôt sur la fortune (ISF)
Avant toute chose, il faut comprendre que la richesse d’un contribuable est composée à la fois du stock de patrimoine qu’il détient (patrimoine immobilier et patrimoine financier : épargne, actions, titres financiers en tous genres…) et des flux de revenus qu’il perçoit (revenus du travail : salaires, primes… et revenus du capital : dividendes, loyers…). La taxe Zucman consiste en un impôt « plancher » (c’est-à-dire un impôt minimum) de 2% sur les 1800 foyers fiscaux qui détiennent plus de 100 millions d’euros de patrimoine, soit les 0,01% les plus fortunés de la population française, dont la richesse est principalement composée de patrimoine financier sous la forme d’actions. L’idée est d’appliquer une surtaxe de manière que l’ensemble des impôts payés (impôts sur le revenu, impôt sur la fortune immobilière, taxe foncière, taxes sur les dividendes…) par les plus fortunés représente au moins 2% de l’ensemble de leur patrimoine. Par exemple, si l’ensemble des impôts annuels d’un milliardaire s’élèvent à 1 milliard d’euros, alors que sa fortune est de 100 milliards d’euros, ses impôts ne représentent alors qu’1% de son patrimoine. Il devra donc payer un milliard supplémentaire. À l’inverse, si le milliardaire en question paye déjà 2 milliards d’impôts (2% de son patrimoine) il n’est pas concerné par la taxe Zucman. La richesse des milliardaires est principalement composée de patrimoine, puisqu’en bons capitalistes financiers, ils passent leur temps à utiliser les profits des grandes multinationales qu’ils possèdent et/ou dirigent pour accumuler, notamment des actions, qui elles-mêmes peuvent « prendre de la valeur » à la bourse. La taxe Zucman apparaît alors comme une fiscalité mieux ciblée que ne l’était l’Impôt sur la Fortune (ISF), dont avaient été exclus, sous la pression du grand patronat exercée sur le gouvernement « socialiste » dès 1981, lesdits « biens professionnels », c’est-à-dire les grosses détentions actionnariales [1]. Par cette exclusion, l’ISF frappait en réalité les millionnaires plus que les milliardaires car les « petits » millionnaires ont un patrimoine surtout composé d’immobilier, de livrets, d'assurance-vie, mais pas principalement d’actions. Le président du Medef Patrick Martin, qui annonce un grand meeting patronal contre toute hausse d’impôt ce lundi 13 octobre, ne s’y est pas trompé, puisqu’il a déclaré dans un entretien accordé au Parisien le 13 septembre dernier : « La taxe Zucman intègre l'outil de travail dans le calcul du patrimoine, alors même que l'ISF ne le faisait pas ». L’« outil de travail » ici, pour Patrick Martin, c’est en fait les titres de propriété du groupe Martin Beylasoud, dont il est actionnaire majoritaire ! Cette différence explique que les estimations de recettes fiscales en lien avec la taxe Zucman varient de 15 à 25 milliards, à des niveaux bien supérieurs à l’ISF qui, avant d’être supprimé en 2018, ne rapportait qu’autour de 5 milliards par an.
De la « guillotine fiscale » à la lame de rasoir de Lecornu
Mais, ces 40 dernières années, la multiplication des subventions, des crédits d’impôts et des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises représentent un « manque à gagner » considérable dans les caisses de la Sécurité sociale comme dans celles de l’Etat, allant de 210 à 270 milliards d’euros. Et si l’on regarde ne serait-ce qu’au niveau de la fiscalité du patrimoine, l’ensemble des niches et exemptions fiscales dont profitent les 25 plus grandes fortunes françaises représenteraient aujourd’hui un trou d’environ 160 milliards d’euros pour l’Etat, selon l’ONG Oxfam.
Autant dire que la taxe Zucman apparaît au final comme un correctif assez faible face aux conséquences de 40 ans de réduction de l’imposition sur les plus riches et les grandes entreprises. Le fait qu’une telle mesure apparaît comme quelque chose de radical pour une partie de la gauche est un symptôme de l’étendue de l’injustice fiscale et des renoncements qui ont eu lieu. Mais le PS et les Verts, comme les principales directions syndicales, se sont focalisés sur cette mesure en espérant capitaliser sur le mouvement du 10 et du 18 septembre pour obtenir une concession de la part du gouvernement et de justifier ainsi leur volonté de négocier au lieu de se battre pour chasser Macron. Ce qu’ils font mine de ne pas comprendre, c’est que, dans un contexte où le grand patronat français, pris en tenailles entre intensification de la concurrence internationale et faibles gains de productivité, est aujourd’hui en grande partie « radicalisé ». Dans ce contexte, le gouvernement Lecornu ne peut qu’envisager une taxe Zucman au rabais (excluant les « biens professionnels », dont nous parlions plus haut) pour mieux faire passer tout le reste de son plan d’austérité budgétaire. Déjà que la taxe Zucman est bien éloignée de la prétendue « guillotine fiscale » dont parle Marion Maréchal Le Pen, il risque de n’en rester qu’une lame de rasoir… Pour une barbe qui pousse à toute vitesse !
Lecornu recentre le débat autour des « holdings patrimoniales ».
Pour justifier sa mesure, Zucman insiste aussi beaucoup sur le fait que les multimilliardaires ont tendance à faire verser directement les dividendes, qu’ils devraient percevoir dans les trésoreries d'« holdings patrimoniales », sociétés financières qui leur permettent ainsi d’échapper à la « flat tax » de 30% sur les dividendes. En tenant compte, en plus de ce mécanisme, des niches fiscales existantes, l’ensemble des impôts payés par un certain nombre de milliardaires ne représenteraient plus qu’une proportion assez proche de 0% de l’ensemble de leur richesse (patrimoine + revenus). Même en ce qui concerne les revenus uniquement, il a été démontré que le système fiscal français devenait « dégressif » à partir des 1% les plus riches, allant d’une imposition globale (cotisations sociales et TVA comprises) de 46% jusqu’à 26% seulement pour les 0,001% le plus riches, soit presque deux fois moins que la plupart des Français. Ce calcul tient compte des revenus non-distribués et stockés dans les holdings dont nous parlions plus haut. Mais le premier ministre Sébastien Lecornu s’est « habilement » appuyé sur cet élément, en refusant la taxe Zucman qui vise essentiellement le patrimoine, pour recentrer implicitement le débat sur la question des revenus. Pour le budget 2026, le Premier ministre plancherait sur un nouvel impôt qui se concentrerait en fait presque uniquement sur ces « trésoreries dormantes » (c’est-à-dire non réinvesties) et détenues par ces holdings pour le compte des milliardaires. Il s’agit donc davantage d’une taxe sur les revenus (non distribués et accumulés sous la forme d’une trésorerie de holding) que d’une taxe sur le patrimoine. Les « biens professionnels » – les capitaux détenus sous la forme d’actions que Patrick Martin appelle « outils de travail » – sont d’ores et déjà exclus de la négociation. Une telle mesure ne rapporterait tout au plus qu’1,5 milliard d’euros au budget de l’Etat.
Au cœur de la cible de Zucman : la survalorisation d’un capital… fictif
De l’autre côté, l’économiste néolibéral Phillipe Aghion et les représentant-e-s du grand patronat agitent des exemples d’entrepreneurs dont les start-ups dont les actions peuvent représenter plusieurs milliards d’euros sans pour autant permettre de percevoir des dividendes. C’est par exemple le cas de Mistral AI, dont la valorisation boursière (valeur de l’ensemble des actions de l’entreprise) s’élève à 12 milliards d’euros. Ces exemples restent marginaux parmi les 1800 foyers fiscaux concernés et il s’agit là davantage d’une tentative de diversion que d’une objection sérieuse. Gabriel Zucman propose que les foyers en question « payent en nature », c’est-à-dire en cédant quelques actions à l’Etat, qui plus est sous forme de prêts.
Mais, à travers ce débat sur les start-ups survalorisées en bourse, on entrevoit un impensé de la fiscalité à la Zucman. Entre 2010 et 2025, les 500 plus grandes fortunes françaises ont vu leur patrimoine cumulé être multiplié par 6. Par rapport à 1996, il a été multiplié par 14. Cela s’explique en grande partie par le fait que les actions qu’ils détiennent « prennent de la valeur » en bourse, ce qui fait gonfler leur fortune. Mais cette valorisation reste largement artificielle. Lorsque le prix d’une action augmente en bourse, cela ne signifie pas nécessairement que la valeur qui est créée dans l’entreprise dont cette action représente une part de la propriété augmente également. Une entreprise fixe dans un premier temps le prix des actions qu’elle émet auprès des marchés financiers en fonction de ses besoins d’investissement, mais une fois que ces actions sont achetées, leur prix varie en fonction de l’offre et de la demande sur les marchés financiers. Or, les multiples interventions menées par les banques centrales après la crise de 2008, en passant par la crise covid, pour épargner au système capitaliste une récession trop brutale et trop longue, ont débouché sur une forte augmentation de la quantité de monnaie en circulation. Inondés de monnaie dans un contexte de faible profitabilité du capital dans l’économie « réelle », les grandes banques et fonds d’investissements l’ont principalement utilisée pour acheter des titres financiers, ce qui en a fait gonfler artificiellement la valeur… et donc la « fortune » des plus riches du monde. À l’occasion d’une crise, cette énorme bulle financière peut éclater d’une manière ou d’une autre. Sans même parler de crise, du fait de cette énorme déconnection entre valeur des actions et valeur créée dans le processus de production, les mouvements à la hausse et à la baisse sur les cours de bourse sont de plus en plus brutaux, réagissant aux moindres événements porteurs d’incertitude sur l’avenir. C’est ce qui explique que la fortune d’un milliardaire puisse augmenter ou chuter de plusieurs de milliards d’euros en une seule journée. Le 15 avril dernier, à la suite d’une chute brutale de la valeur des actions LVMH au CAC40, Bernard Arnault a ainsi « perdu » en une journée 12,3 milliards d’euros, le faisant passer de la 5e à la 7e fortune mondiale. La taxe Zucman rend donc une partie des recettes fiscales de l’Etat dépendantes de la bonne valorisation de ce que Marx a appelé le « capital fictif » – fictif parce le capital d’une entreprise ne peut pas exister deux fois : il existe une première fois en tant qu’investissement réalisé au moment de l’émission des actions, mais pas une deuxième fois en tant que titre financier échangé et valorisé de façon séparée de la production qu’il représente. Si bien qu’un capitaliste financier peut perdre des milliards en une journée sans que la richesse de sa nation ne soit impactée d’un seul centime… Par ailleurs, certains milliardaires pourraient payer leur taxe Zucman en revendant leurs actions, ce qui en ferait chuter la valeur… et donc l’ « assiette » fiscale de cette même taxe !
Pourquoi alors ne pas aller chercher la valeur à la source, au cœur du processus de production ? En ce sens, une extension de la cotisation sociale telle que proposée par un Bernard Friot, qui prélève la richesse au niveau de la « valeur ajoutée » (partagée entre salaires et profits) des entreprises, paraît plus appropriée qu’une taxe Zucman dont les recettes seraient dépendantes d’une richesse pour partie fictive et très fluctuante. Mais, dans les deux cas, de telles propositions, qui se focalisent sur la question de la répartition, doivent prendre au sérieux le pouvoir de nuisance que la propriété des moyens de production et la mobilité internationale des capitaux confèrent à la bourgeoisie.
Zucman ne prend pas suffisamment au sérieux le pouvoir de nuisance de la bourgeoisie
Ce pouvoir, Zucman et les politiciens de la gauche parlementaire et syndicale qui soutiennent sa mesure ne semblent pas le prendre au sérieux. En se basant sur un rapport du Conseil d’analyse économique (CAE), ils ne cessent de répéter que les « ultra-riches » ne placeraient pas leurs capitaux à l’étranger en cas de taxe Zucman, comme si la bourgeoisie financière était mue en tout temps par une sorte de patriotisme fiscal,[2] Dans un contexte où la fiscalité sur le patrimoine est plus faible dans un grand nombre de pays (dont certains proposent explicitement des services aux exilés fiscaux), rien n’est moins sûr. Pas de fuite spectaculaire en Suède et au Danemark, nous dit le CAE, mais, une augmentation de l’imposition du patrimoine de 0,1 points de pourcentage en Norvège commence déjà à « faire fuir » les capitaux des plus grandes fortunes norvégiennes. Objection à laquelle les députés LFI répondent : « qu’ils s’en aillent ! nous mettrons en place l’impôt universel, comme les Etats-Unis le font ! » Mais est-ce un hasard si l’impôt universel, qui consiste à faire payer aux expatriés fiscaux la différence entre ce qu’ils paient à l’étranger et ce qu'ils devraient payer dans leur pays, est appliqué presque uniquement par… la première puissance impérialiste du monde ? En effet, comment appliquer une telle mesure si l’on n’a pas la capacité de contraindre la Suisse, Singapour, etc. à des accords qui les contraignent à une transparence maximale des comptes bancaires situés sur leur territoire ? L’Etat français pourrait l’imposer tout au plus à quelques rares pays de son ex-giron colonial, qui ne sont pas connus pour être des paradis fiscaux. Certes, Zucman propose de faire payer une « exit tax » (« taxe de sortie ») au moment où l’individu déménage fiscalement : à ce moment-là, l’individu est encore résident fiscal français, donc l’État peut lui imposer une énorme taxe à payer sur plusieurs années. Mais comment réagir si le grand patronat contre-attaque en réduisant drastiquement les investissements productifs (avec ce que cela signifie en termes de licenciements), déjà moribonds, dans un capitalisme français qui tourne aujourd’hui à 1% de croissance économique ? Comment réagir si la taxe réduit l’attractivité des entreprises françaises sur les marchés financiers et limitent donc leur possibilité de se financer ? Ni Zucman ni les dirigeant-e-s de la gauche réformiste (LFI) et bourgeoise (PS) ne fournissent de réponse claire à cette question, parce qu’ils se focalisent sur la question de la répartition sans prendre en compte ce qu’il se passe dans le processus de production. Or, c’est ici que se trouve le pouvoir de nuisance des grands capitalistes : parce qu’ils détiennent le capital productif et « avancent » le capital-argent (financements), ils gardent, dans le domaine de la production, un pouvoir de riposte majeur contre toute mesure s’attaquant à leurs intérêts dans le domaine de la répartition.
« Taxer les riches » : oui, mais en assumant la confrontation nécessaire avec le capital
Une proposition d’imposition des « ultra-riches » doit donc assumer une confrontation de classe, en visant ce qui est la source de leur pouvoir et de leur richesse : la propriété des grands moyens de production et le financement de l’économie. Nous l’avons déjà évoqué, Zucman lui-même a proposé que les contribuables concernés par sa taxe payent « en nature », en confiant des actions à un fonds souverain géré par la Banque publique d'investissement (BPI). Mais, d’une part, l’étendue de sa taxe ne permettrait qu’un contrôle très minime de l’Etat sur la propriété du capital, et d’autre part, la BPI est une institution bourgeoise gérée par des hauts fonctionnaires acquis au néolibéralisme. De toute façon, cela ne concernerait que quelques start-ups et non les 1800 foyers fiscaux concernés par la taxe. Une fiscalité conséquente doit non seulement être forte, reposer sur une valeur réelle, mais aussi être accompagnée de mesures contraignantes, qui permettent une socialisation progressive de l’appareil productif. En ce sens, malgré les limites que nous y avons pointé, même la taxe Zucman, plutôt que d’être agitée comme un totem pour supplier Lecornu d’équilibrer son plan d’austérité, pourrait être pensée de cette façon, comme un levier pour désarmer la classe dominante. Vous voulez partir ? Alors nous mettons en place un contrôle des capitaux à la frontière et saisissons vos entrepôts, usines ou grands magasins, et les mettons au service de la population, sous le contrôle de vos salarié-e-s. Vous dites que vous ne pouvez pas payer ? Nous prenons vos actions et les mettons dans un fonds qui donnera à vos salarié-e-s le même droit de décider dans vos entreprises que n’importe quel actionnaire. Vous dites que vous ne financerez plus l’économie ? Nous socialisons le système bancaire, en accordant des crédits conventionnés à un taux de 0% à toute initiative privée utile à la collectivité et respectueuse des droits des travailleur-se-s ! Taxe Zucman ou pas, c’est bien cette articulation entre fiscalité et appropriation collective des moyens de production et de financement de l’économie qui permettrait d’apporter une réponse crédible à la question des inégalités comme à celle de la crise environnementale, dans laquelle la répartition de la richesse et le contrôle collectif sur les décisions d’investissement doivent se combiner. À l’heure où la catastrophe écologique est plus que jamais à l’ordre du jour, les décisions concernant la production doivent être l’objet d’une décision démocratique de la classe des travailleur-se-s, et non pas laissées aux bons vouloirs d’une poignée de multimilliardaires.
[1] On parle de « biens professionnels » dans le patrimoine d’un individu quand un ou plusieurs lots d’actions représentent plus de 25% des actions d’une entreprise. Cette notion de « biens professionnels » n’existe dans aucun manuel d’économie et a été créée spécialement en 1982 pour exonérer de l’Impôt sur les Grandes Fortunes (IGF, ancêtre de l’ISF) les grands actionnaires majoritaires.
[2] Patriotisme fiscal qui ne s’est historiquement manifesté que dans le cas d’un effort de guerre que la bourgeoisie jugeait nécessaire dans l’immédiat.





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