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        Automobile : d’une crise de la production... à une riposte sociale ?

        Par Kolya Fizmatov (18 mars 2009)
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        Les ventes chutent, les constructeurs recourent massivement au chômage partiel, les sous-traitants licencient, et M. Sarkozy, hier adversaire résolu de l’interventionnisme, se précipite au secours de Renault et PSA à grands coups de milliards : y aurait-il quelque chose de pourri au royaume de l’automobile ?

        La restriction du crédit à la consommation (et ce malgré les 360 milliards d’aides de l’État aux banques) et la prudence croissante des consommateurs face à la récession annoncée expliquent le recul mondial des ventes : – 8% d’immatriculations entre 2007 et 2008 en Europe, – 19% aux États-Unis. Le recul est moins spectaculaire en France (– 0,7%), car les ventes ont tenu bon jusqu’en novembre avant de s’effondrer, mais le mois de janvier a déjà été catastrophique (– 25% par rapport à janvier 2008). Et les perspectives ne sont guère plus reluisantes, tous les constructeurs annonçant des scénarios pessimistes pour l’année 2009.

        L’État bourgeois vole au secours des richissimes patrons de l’automobile à coups de milliards

        Un peu partout, l’industrie automobile fait appel à l’État pour qu’il lui fournisse les liquidités nécessaires à sa survie. Aux État-Unis, les big three (General Motors, Ford, Chrisler) réclament 34 milliards de dollars au Congrès, tandis qu’en France, à la suite des états généraux du secteur, un plan de 7,8 milliards d’euros à été annoncé. En détail, cela donne : 3 milliards pour chacun des 2 constructeurs français (et 500 millions pour leurs organismes de crédit respectifs… qui ont déjà bénéficié du plan bancaire il y a quelques mois !), 500 millions pour Renault Trucks (filiale du groupe Volvo), 300 millions pour les équipementiers. Tout cela sous forme de prêt à taux cassés : 6% contre 12% sur le marché bancaire.

        Quelles contreparties sont en échange exigées des patrons ? Passons sur les phrases creuses qui n’engagent à rien (réduire la part de rémunération des dirigeants, modérer la distributions de dividendes aux actionnaires) et concentrons-nous sur les prétendues « obligations » imposées aux capitalistes. Tout d’abord, comme le signale une note des autorités françaises transmise à la Commission Européenne, révélée par Le Canard Enchaîné du 11 mars, elles ne constituent pas « une clause opposable au sens contractuel » : en clair, elles n’engagent à rien et si les patrons de PSA ou de Renault ne les respectent pas, ils ne risquent rien. Mais surtout, les fracassantes « obligations » sont de la poudre aux yeux :

        • Pas de fermeture d’usines en France. Aux travailleurs des filiales étrangères de payer les pots cassés ! En outre, cela n’empêcherait nullement le patronat de licencier en masse, tout en maintenant les sites.
        • « Tout faire pour éviter les licenciements » pour les cinq années à venir : cela n’oblige nullement les patrons à ne pas licencier, mais à dire, à chaque fois qu’ils licencient, qu’il n’ont pas avoir d’autres moyens.
        • Aucun plan social en 2009. Cela n’exclut donc pas les autres façons de se débarrasser des salariés : renvoi des intérimaires, plan de départs « volontaires », chômage partiel imposé, etc. En outre, cette mesure ne s’applique pas aux plans de restructurations déjà lancés en 2008, qui se poursuivent comme si de rien n’était. Enfin, après 2009, les patrons auront de nouveau les mains totalement libres !
        • Augmentation de l’indemnisation du chômage partiel… aux frais de l’État !

        Bref, au vu de l’ampleur de la crise, les patrons s’en tirent à bon compte. De l’autre coté, on demande aux travailleurs de s’adapter aux aberrations de l’économie capitaliste. Ainsi les salariés de l’usine PSA d’Aulnay-sous-bois, se sont-ils vu imposer trois jours de chômage partiel en décembre… puis deux samedis d’heures supplémentaires obligatoires en février !

        D’une manière générale, le chômage partiel (75% du salaire brut) se généralise après des années de cadences infernales et les contrats d’intérimaires et de prestataires ne sont pas renouvelés. Taillables et corvéables à merci en temps d’expansion, les salariés sont priés de disparaître en temps de crise.

        D’ailleurs, les entreprises ont-elles réellement besoin de cet argent, que les travailleurs payent en tant que contribuables (ce qui devrait encore s’accentuer avec la suppression annoncée de la taxe professionnelle) ? Le bénéfice net de Renault en 2008, certes en forte baisse par rapport à l’année précédente, s’élève encore à 599 millions d’euros. Son PDG, Carlos Goshn, a renoncé à tout bonus et dividende pour l’année 2008, se contentant de son seul salaire fixe : 1,2 million d’euros (brut). Pas mal pour une entreprise au bord de la faillite !

        PSA déclare finir l’année dans le rouge (343 millions de perte) au prix d’un tour de passe-passe comptable, puisqu’elle a mis de coté 405 millions pour compenser la dépréciation de ses actifs et 512 millions pour financer son dernier plan de restructuration. D’ailleurs, ce déficit fictif n’empêche pas l’entreprise de verser des dividendes à ses actionnaires pour l’année 2008, tout en annonçant 11 000 suppressions de postes au niveau mondial : il faut bien que quelqu’un paye la facture !

        Les travailleurs cherchent la voie de la résistance malgré l’inertie collaboratrice des directions syndicales et le manque d’initiatives des organisations d’extrême gauche

        Face à ces attaques, la colère monte chez les ouvriers du secteur. Débrayage spontanés à l’usine Renault Flins le 12 février après l’annonce du montant de la prime annuelle d’intéressement (195 euros contre prés de 2000 l’année précédente) ; mobilisation depuis octobre des salariés de la fonderie SBFM, placée en redressement judiciaire, qui exigent que leur entreprise soit reprise par Renault, son ancien propriétaire ; débrayage de 500 employés et prestataires le 15 février au technocentre Renault de Guyancourt (Yvelines), suite au renvoi de 1800 prestataires, grève spontanée de deux jours à Renault-Flins, menée par de jeunes ouvriers pour une prime de 2000 euros et 300 euros d’augmentation de salaire, grève du zèle à l’usine Fulmen d’Auxerre, dont la fermeture a été annoncé par la multinationale Exide Technologies, blocage de l’usine Continental de Clairoix (Oise) menacée de fermeture… Ces protestations, bien qu’épisodiques, montrent une réelle détermination d’une fraction des travailleurs face à l’avenir qui leur est réservé. La tâche des militants syndicaux de lutte et des révolutionnaires est de transformer ces luttes partielles et dispersées en une puissante lutte nationale.

        Mais que font les directions syndicales ? De façon générale, elles appellent à des « journées d’action » sans lendemain, soigneusement espacées les unes des autres. Mais, dans l’automobile, elles font encore moins que cela, en refusant toute préparation d’initiative nationale, se contenant d’inviter timidement les salariés à aller manifester lors des journées interprofessionnelles. C’est qu’elles soutiennent en fait, pour l’essentiel, le plan de Sarkozy au service des capitalistes de l’automobile.

        Quant aux organisations d’« extrême gauche », elles ne prennent guère d’initiatives pour aider les travailleurs à surmonter l’obstacle des directions syndicales. Dans le secteur automobile, la responsabilité principale revient à Lutte Ouvrière qui, grâce à sa précieuse décision de s’implanter prioritairement dans les entreprises, compte de nombreux militants chez Renault comme chez PSA, distribue une « feuille de boite » dans presque toutes les usines des deux groupes, disposent de nombreux délégués à tous les niveaux et dirigent un certain nombre de syndicats. Or, si elle dénonce très justement la situation actuelle, LO reste très vague sur les réponses à y apporter : « Il faudra secouer le cocotier », « il faudra donner [à la direction de l’entreprise] une réponse à la hauteur », « d’autres mobilisations seront nécessaires », peut-on lire dans son hebdomadaire. Mais comment organiser cette riposte, selon quel plan d’action, en combattant quels obstacles et comment… mystère ! En particulier, LO ne mène pas le combat nécessaire contre les directions syndicales, dans la mesure même où elle refuse de leur opposer une orientation alternative de combat.

        Le NPA, quoique moins implanté dans la branche automobile, a la possibilité, du fait de la popularité de son porte-parole et de son positionnement actif dans les mouvements sociaux en cours, de jouer un rôle important dans ce combat. Or, pour le moment, s’il saisit indéniablement le mécontentement des travailleurs, il ne fait guère de propositions concrètes aux salariés de l’automobile, il n’a pas de plan d’action clair et ses tracts pour le secteur restent très épisodiques. Il ne défend ni une orientation politique alternative au capitalisme, pour l’expropriation sans indemnités ni rachat de Renault et de PSA, ni une ligne claire pour l’intervention immédiate, qui permettrait aux travailleurs de l’automobile de s’engager dans la lutte pour la satisfaction de leurs revendications, la grève et la jonction avec les autres travailleurs en lutte.

        Quelle orientation le NPA devrait-il développer pour être le plus utile à la lutte des travailleurs de l’automobile ?

        Comme Tendance CLAIRE, nous proposons au NPA une politique alternative pour aider les travailleurs à affronter avec succès l’offensive patronale dans le contexte de la crise. Selon nous, le NPA doit appeler les travailleurs à s’auto-organiser ici et maintenant, sans attendre les directions syndicales, mais en réunissant les conditions politiques du combat pour les déborder et pour leur imposer une lutte unie et déterminée :

        • Répartitions des heures de travail entre tous les travailleurs sans diminution de salaire ! Le chômage technique, en plus d’être une aberration du capitalisme qui punit les travailleurs pour avoir trop créé de richesses, est en grande partie financé par l’État, donc les travailleurs eux-mêmes.
        • Pas un seul licenciement ! Intérimaires, prestataires, CDD, CDI… un seul travail, un seul statut !
        • 300 euros mensuels d’augmentation pour tous !

        Ces exigences légitimes, jamais le patronat, ni l’État qui le sert, ne nous les accorderont de bon gré. D’où la nécessité d’organiser une réponse massive du monde du travail, sur le modèle antillais : grève jusqu’à satisfaction des revendications !

        Le NPA doit appeler les organisations politiques (LO, POI, PCF, PG...) et syndicales (CGT, FO, Sud...) qui se revendiquent de la défense des travailleurs à constituer un front unique ouvrier pour développer la mobilisation de salariés de l’automobile (constructeurs et sous-traitants).

        Mais au-delà, il faut ouvrir une perspective politique, se prononcer clairement pour l’expropriation sans indemnités ni rachat des propriétaires et actionnaires de Renault et de PSA et de leurs sous-traitants, sous gestion ouvrière. En effet, si les grosses entreprises peuvent relativement mieux supporter les premières secousses de la crise grâce à l’aide de l’État bourgeois, les sous-traitants sont plus fragiles et donc plus rapidement susceptibles de faire faillite ou de se retrouver au bord de la faillite. Or ils dépendent exclusivement des commandes de quelques constructeurs automobiles, parfois d’un seul : pour être sauvés, il faudrait donc que ces sous-traitants soient repris par les constructeurs avec le maintien de tous les emplois. Mais tant que ces entreprises resteront dans les mains des capitalistes, elles ne reprendront éventuellement les sous-traitants qu’à condition d’imposer de drastiques plans de licenciements. Pour résoudre le problème, il faut que les travailleurs prennent en mains la direction de ces grandes entreprises. Ces patrons se sont enrichis dans des proportions faramineuses ces dernières années et ils viennent de toucher des milliards d’argent public : il est juste que l’ensemble de la société puisse bénéficier de ces richesses et que les travailleurs puissent donc décider eux-mêmes ce qu’il faut produire, comment et à quelles conditions. Cela montre que, en dernière analyse, les travailleurs ne pourront résoudre la crise qu’à condition de prendre le pouvoir à leurs exploiteurs.

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