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Soutien à Nick Conrad et à l’antiracisme politique
Le procès du rappeur Nick Conrad s'est tenu ce 9 Janvier 2019, ce rappeur avait mis en ligne le 17 septembre sur Youtube son clip "Pendez les Blancs" suite auquel une enquête pour "provocation publique à la commission d'un crime ou d'un délit" fut ouverte.
Si les paroles et le clip peuvent sembler violents, c'est parce que Nick Conrad y inverse les rôles de noirs et des blancs dans l'histoire de l'esclavage, de la colonisation et du racisme. Un procédé somme toute commun, inoffensif et éminemment politique. Critiquable aussi, comme toute œuvre. Mais le sujet n'est pas tant le contenu du clip et de cette chanson ou même la personne de Nick Conrad que la situation du racisme en France mais surtout d'une lutte acharnée contre l'antiracisme et l'auto-organisation.
Car c'est cela qui apparaît tout au long du procès de Nick Conrad qui a été rapporté par plusieurs militant.e.s et journalistes comme Sihame Assbague (@s_assbague) Les parties civiles étaient la LICRA qui n'en est pas à son premier coup d'essai quand il s'agit d'accuser et de saboter des initiatives de militant.e.s antiracistes, et l'AGRIF une association d'extrême droite (connectée au Rassemblement National) qui travaille d'arrache-pied pour fabriquer et faire reconnaître la notion de racisme anti-blanc.
Petite remise en contexte, Nick Conrad et son clip étaient majoritairement inconnus avant que "Pendez les Blancs" ne soit révélé par des militants d’extrême droite, donc on sait l'organisation profonde et l'utilisation intensive d'internet pour propager leurs idéologies nauséabondes. Ainsi, face à ce clip que personne ne connaissait et que personne n'avait demandé, l’extrême droite tenait selon elle une nouvelle preuve qu'un racisme anti-blanc sévit et attend de s'abattre sur la France et l'a agité sous le nez des noir.e.s (militant.e.s ou pas) pour leur demander des comptes. Cette stratégie visait à mettre l'antiracisme et les personnes racisées face à un discours "avéré" selon lequel les blancs sont en danger d'une part, et d'autre part de susciter artificiellement l'indignation pour que tous les médias de masse s'emparent du sujet en relayant l'agenda idéologique de l'extrême droite qui est bien implanté depuis longtemps dans le débat social, jusqu'à gauche. Ainsi, la polémique s'est retrouvée dans tous les sujets de discussion du moment, alors que si ces militants d’extrême droite n'étaient pas d'eux-mêmes allés chercher ce clip, celui-ci serait resté dans un relatif anonymat.
Mais déjà, les discussions avaient un air de déjà vu, d'autant que ces dernières années le sujet de la liberté d'expression, le rapport de l'artiste à l’œuvre, le besoin de savoir les dissocier (quand ça nous arrange), le second degré, et bien d'autres étaient déjà source de tension. Et dans le domaine du rap, ce n'est pas la première fois que tout un camp politique s'indigne des paroles de textes de rap (Sniper, Minister AMER, Youssoupha et de nombreux autres en ont fait les frais) qui ne fait finalement que renvoyer la violence que subissent les racisé.e.s dans une société où le racisme, l'islamophobie et la répression policière sont la norme.
Ainsi, même si tout le monde parmi les personnes racisé.e.s (militant.e.s antiracistes ou pas) n'approuvait pas nécessairement le fond et/ou la forme de "Pendez les Blancs", la nécessité de prendre position pour se désolidariser ou défendre Nick Conrad face aux injonctions de l’extrême droite puis des médias de masse s'est imposée.
Un procès politique
Le déroulement de ce procès et les interventions des avocat.e.s ainsi que de Nick Conrad ne font finalement qu'assumer les positions de chacun des camps représentés : D'un côté Nick Conrad et ses deux avocat.e.s en appellent à la liberté d'expression et l'absence de danger d'un simple message qui renvoie la violence réelle et subie par les noir.e.s aux blancs dans une œuvre de fiction. De l'autre côté, les avocat.e.s de la LICRA et de l'AGRIF livrent le spectacle navrant et pitoyable d'une méconnaissance totale et un mépris de l'histoire du racisme et de l'antiracisme ainsi que son actualité, mais surtout la volonté d'affirmer que les blancs "sont une espèce à protéger" (dixit l'avocate de la LICRA). Comme souvent le tout était accompagné d'une injonction au militantisme "pacifique", privilégier Martin Luther King plutôt que Malcom X en brandissant l'épouvantail du suprémacisme noir. Le schéma est finalement bien connu et récurrent lorsque les classes dominantes s'en prennent à celles et ceux qui exigent des droits. Les féministes doivent ménager les hommes, les travailleur.euses doivent calmement défiler entre Bastille et Nation, les antiracistes doivent demander la bouche en cœur que le racisme cesse, bref les exemples ne manquent pas. Rappelons au passage que le racisme anti-blanc anti-blanc n'existe pas. Il peut éventuellement exister des formes d'aversion ou hostilité de la part d'individus subissant le racisme envers les blanc.s, mais celles-ci ne structurent de toute façon en rien notre société et seraient surtout la conséquence naturelle de siècles de domination, de tensions, de mépris entre des groupes de dominants et de dominés. Quand on appartient à un groupe d'individus subissant le racisme depuis des générations, il est compréhensible que de l'aversion puisse s'exprimer face à des membres du groupes dominant même si ils n'y sont individuellement pour rien.
Ce n'est pas seulement Nick Conrad qui est attaqué à travers ces arguments, c'est toute la lutte contre le racisme que les racisé.e.s ont su se ré-approprier après des années de paternalisme et de silenciation sous les bannières de "Touche Pas à Mon Pote" par exemple. Le message est clair, c'est aux dominants de décider derrière quelles limites les dominé.e.s ont le droit de défendre leurs droits et d'en réclamer. L'auto-organisation, ici attaquée à travers le collectif MWASI et SUD Education et leurs récentes conférences/ateliers en non-mixité (dont on sait l'importance dans la lutte antiraciste) est remise en question, voire combattue.
En tant que militant.e.s révolutionnaires pour la lutte auto-organisée, nous soutenons les luttes antiracistes et toute forme d'auto-organisation des personnes racisé.e.s prises pour cible par la bourgeoisie et l’extrême droite car elles voient dans ces solutions des menaces à leur domination idéologique et matérielle.
Les cagnottes en ligne, un outil disputé
Autre élément d'actualité, les cagnottes ont le vent en poupe lorsque des gens souhaitent adresser leur soutien moral et/ou matériel aux blessé.e.s dans les manifestations, à Christophe Dettinger, etc, ce sujet ne doit pas nous échapper tant nous saisissons l'importance des caisses de grève qui rencontrent hélas toujours moins de succès que les soutiens à des individus sur lesquels tous les projecteurs médiatiques sont braqués. Elles sont un enjeu important des mouvements sociaux les plus récents, on le voit aussi avec celle en soutien aux CRS qui soulève de plus en plus de soupçons de triche et de manipulation. Mais le réel problème, c'est que comme de nombreux autres outils numériques, l’extrême droite et la fachosphère ont quelques coups d'avance sur notre camp social, on peut le voir avec les sommes remarquables récoltées pour cette jeune femme qui a eu un œil crevé par un tir de LBD40 qui est en fait la compagne d'un militant de Génération Identitaire, par exemple ou celles des assassins de Clément Méric. Leur force pour diffuser ce genre de cagnottes de façon plus ou moins dissimulée et usant de la confusion même parmi notre camp social doit nous interpeller. Pour en revenir à Nick Conrad, c'est le militant d’extrême droite Damien Rieu qui a su saboter celle organisée en soutien du rappeur sur les sites Leetchi puis Lepotcommun. Même stratégie que l’État qui parvient à saboter celle en soutien à Christophe Dettinger, quoi que l'on pense de son cas et de ses opinions. Notre politique ne doit pas être celle des individus mais du collectif, et nous devons parvenir à dévier la solidarité des gens vers des cas individuels vers les caisses plus collectives, qui bénéficient à plus de monde (caisse de financement d’un camp d’été décolonial, caisses de grèves…). Et pour cela, il nous faut comprendre et nous organiser face à la bourgeoisie et l’extrême droite qui tiennent encore les reines de ces outils aujourd'hui indispensables.
Pour en revenir à Nick Conrad, ce n'est pas uniquement le rappeur et son clip qui sont jugés. C'est une attaque contre les luttes antiracistes, mais aussi une offensive de la bourgeoisie, des classes dominantes et donc de l'extrême droite pour affirmer un peu plus des thèses identitaires au sein du champ politique. Transformer et inhiber la lutte contre le racisme en la faisant passer pour une lutte en faveur d'un racisme anti-blanc est un projet nauséabond contre lequel nous devons nous dresser au côté des militant.e.s anti-racistes.