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    Témoignage de notre camarade sur place à Kobané

    Par Raphaël Lebrujah (27 décembre 2015)
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    Voici un premier témoignage de ce que j'ai vécu à Kobané. Je suis sur place depuis plus d'une semaine.

    Il fait froid, la nuit à Kobané. L'électricité était coupée, et notre chauffage avec. De toute façon, notre multiprise qui était connectée à nos radiateurs d'appoint avait grillé. J'avais longuement dormi et il était 5h du matin. La vieille, j'avais assisté à des scènes surréalistes de paranoïa générale, d'officiers à cran qui nous répétaient devant un hôpital militaire :

    « Vous êtes dans une zone de guerre, vous ne pouvez pas vous déplacez comme vous voulez »

    Il demanda que l'on efface nos photos, ce qui fut fait sans heurt.

    Jean-Pierre leur a répondu qu'on était envoyé par le PYD (Partie de l'Union Démocratique, principale force politique au Rojava) et la réponse fut :

    « Ici pas de PYD. Allez à l'office gouvernemental »

    A notre arrivée à l'office gouvernemental, le bâtiment était marqué par les impacts de douchka (mitrailleuse lourde) sur toute la façade. On nous traîna de bureau en bureau en compagnie de fonctionnaires aussi aimables que des portes de prisons jusqu'au moment où nous avons une interprète et un représentant local tout sourire dans l'espoir de rattraper le coup.

    On nous expliqua que personne n'était averti de notre venue. Jean-Pierre demanda à rencontrer les médecins de l’Hôpital de Médecins Sans Frontière (MSF). On lui répondit que ce n'était pas possible, en tout cas pas dans l'immédiat et on nous redirigea sur Heva Sor (croissant rouge kurde). Juste avant d'aller voir l’organisation humanitaire nous avons mangé avec les travailleurs de l'administration locale, debout dans une cantine, logés à la va-vite dans une cave. Au moins la nourriture était bonne même si on mange rarement de la viande au Rojava.

    Une fois chez Heva Sor, ces derniers, le regard crispé, nous demandent de ne pas prendre de photos, nous expliquent qu'ils étaient incapables de nous fournir les chiffres de malades ou encore de la situation humanitaire. Jean-Pierre repartit avec un numéro d'une personne « qui devrait pouvoir nous renseigner ». Au moins il semble qu'elle parle le français.

    Ensuite nous nous retrouvâmes dans un hôtel qui n'en avait que le nom. Après avoir fait le lit devant nous, l’hôtelier finit par allumer la télé. Mais cela ne servait à rien puisque celle-ci ne recevait plus le satellite depuis longtemps, au vu des images saccadées et déformées que nous regardions. Il semblerait que nous ayons trouvé la source d'inspiration de canal+ en crypté.

    Dans mon lit à cette heure de la nuit, il me prit l'envie de sortir explorer la ville dévastée. Je pris mes chaussures et je suis sorti. L’hôtelier était là avec un garde armé, un YPG. Je lui ai demandé si il était possible que je sorte. Il me répondit l'air de s'en foutre que je pouvais aller où je le désirais.

    Dans les rues dévastées de Kobané, il n'y avait plus de lumière. Les générateurs avaient été détruits par Daech lors du siège de la ville. Il n'y avait que la lumière de la lune pour me guider à travers les ténèbres. Les fantômes du passé hantaient toujours les habitants de cette ville comme des façades détruites. Je repensais au cimetière des martyrs des combattants tombés pour la ville, où un mémorial était en construction autour des centaines de tombes de combattant à majorité kurde. Je repensais au cimetière des martyrs de juin dernier où Daech commit un massacre de plus de 200 habitants. Cette ville était envahie par les tombes et les bâtiments en ruines.

    Au retour, l’hôtelier était toujours là. Il essayait de débloquer un van coincé au fond de la cour de l’hôtel. Je lui demandais ce qui se passait, celui-ci alluma une lampe torche. Sur le sol, il y avait des traînées de sang.

    Il m'expliqua qu'un ami à lui avait eu un accident et qu'il s'était cassé l'avant bras ; il s'était garé en urgence dans l’hôtel. Sa blessure était trop grave pour être soigné à Kobané et il avait dû l'emmener à plus de 200 kilomètres de là, à Qamislo où une infrastructure médicale adaptée allait le prendre en charge.

    Les ténèbres se sont emparés de cette ville martyre où règnent le chaos et l'espoir d'un monde meilleur.

    Raphaël Lebrujah

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