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    Stopper l’extrême droite par la mobilisation populaire, y compris électorale

    En décidant la dissolution de l’Assemblée nationale, Macron prend le risque terrible que l’extrême droite arrive au pouvoir. Alors qu’il avait été élu, par deux fois, en appelant les démocrates et les républicains à faire barrage au Rassemblement national, il décide de lui donner une opportunité réelle de prendre le pouvoir. Il n’y a là aucun courage, aucun panache, contrairement à ce que prétendent ses tout derniers partisans : contrairement à De Gaulle, ce n’est pas sa propre démission que Macron a mise dans la balance, mais il se limite à celle des député-e-s. On glose beaucoup sur les raisons qui l’ont poussé à prendre cette décision (sans doute mûrement réfléchie, vu que les résultats des européennes étaient bien annoncés par les sondages). Mais, quels que soient ses calculs et ses intentions, le risque principal est celui d’une victoire du RN, d’autant plus que Ciotti et une partie du parti Les Républicains (LR) viennent de conclure un accord avec lui.

    Le danger d’une victoire du RN

    L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir serait très grave, avec des effets immédiats : il y aurait une série de lois régressives et réactionnaires, des dissolutions d’organisations et d’associations progressistes, des groupes fascistes qui ne se retiendraient plus dans leurs attaques contre les migrant-e-s, les LGBTI, les jeunes des quartiers populaires et les militant-e-s révolutionnaires ou réformistes. C’est pourquoi il est crucial d’empêcher que le RN arrive au pouvoir.

    Cela passe d’abord par des mobilisations, dont la jeunesse a pris l’initiative depuis dimanche soir dans un certain nombre de villes et qu’il faut construire et rendre massives. De ce point de vue, il faut se réjouir de l’initiative des directions syndicales nationales (sauf malheureusement FO), qui appellent à se mobiliser le week-end prochain pour faire barrage à l’extrême droite. La question de la grève doit elle aussi être posée, car c’est le moyen le plus efficace, pour les travailleur/se-s, de peser sur la situation, de réenclencher une mobilisation massive pour les revendications et pour défendre les acquis démocratiques. Il est important que les travailleurs/se-s s’engagent et militent, en particulier dans leurs structures syndicales : il faut faire tout notre possible pour que notre classe se saisisse de la séquence pour faire de la politique et peser de tout son poids. Cela implique aussi d’assurer la défaite électorale de l’extrême droite les 30 juin et 7 juillet.

    Sur le terrain électoral qui nous est imposé, soutenir la gauche unie : c’est la seule solution pour barrer la voie au RN

    Bien que les élections soient un terrain de lutte largement biaisé par le cadre de la démocratie bourgeoise et tout particulièrement de la Ve République, nous n’avons pas le choix et nous devons faire preuve de réalisme et de responsabilité. La seule solution électorale pour empêcher l’extrême droite d’exercer le pouvoir, c’est la victoire de la gauche. L’engagement qu’elle a pris lundi soir de s’unir en présentant des candidat-e-s commun-e-s dans toutes les circonscriptions va certes dans ce sens, mais cet accord d’appareil sans axes politiques de fond reste fragile. Les tentations de Glucksman (Place publique) et de certaines sections socialistes (le PS de Paris, notamment) pour affaiblir le « nouveau front populaire » et lui opposer partout des candidats sociaux-libéraux peut, dans le cadre de la dynamique des européennes, représenter un obstacle sérieux. L’union de la gauche lui assurerait d’être au second tour partout, alors que sa division l’en empêcherait dans la plupart des cas (il faut recueillir 12,5% des voix des inscrit-e-s pour se maintenir au second tour). Et cela rend possible sa victoire contre l’extrême droite, malgré un cumul de ses résultats électoraux sensiblement plus bas aux européennes (32% contre 38%, si l’on additionne toutes les listes de l’une et de l’autre) et malgré l’alliance entre le RN et une partie des LR, à l’appel de Ciotti. De fait, beaucoup d’électeurs et électrices des quartiers populaires ne sont pas allé-e-s voter par découragement ou par défiance à l’égard des appareils politiques, mais soutiendront les listes de gauche pour éviter le RN ; il en va de même de celles et ceux qui, refusant d’entrer dans les divergences de fond, déploraient la division de la gauche. Il y a certes aussi, de l’autre côté, des gens supplémentaires qui iront voter RN, car la dynamique ascendante fait naître l’espoir de victoire, mais il est probable qu’il y en ait moins qu’à gauche, car l’extrême droite, portée par la figure populaire de Bardella en plus de celle, bien implantée, de Le Pen, n’est sans doute pas loin d’avoir fait le plein de ses voix aux européennes. De plus, au moment où nous écrivons, le RN et Reconquête n’arrivent pas à se mettre d’accord, ce qui pourrait coûter à l’extrême droite certains accès au second tour. Enfin, il est probable que même des électeurs et électrices de Macron, voire de la droite républicaine, choisissent de faire barrage au RN au second tour en votant à gauche.

    La Tendance CLAIRE n’a pas l’habitude d’appeler à faire barrage dans les urnes à l’extrême droite. Nous n’avions pas appelé à voter Macron contre Le Pen en 2017 et en 2022 (et les plus ancien-ne-s d’entre nous n’avaient pas appelé à voter Chirac contre Le Pen père en 2002). D’une part, en effet, la victoire du RN n’était objectivement pas possible à ces moments-là. D’autre part, le programme de Macron était celui de la grande bourgeoisie et, dès son premier quinquennat, sa politique s’est avérée être encore plus à droite que son programme. Aujourd’hui, en revanche, la victoire du RN est fortement possible et on ne peut clairement pas mettre sur le même plan le programme de la gauche unie et celui de la macronie. L’union formelle des organisations de gauche reste pour autant problématique car on ne sait pas encore sur quelle base programmatique elle se fait et on ne peut faire confiance à un parti bourgeois comme le PS, lui aussi responsable, par sa politique lorsqu’il gouvernait, de la montée de RN. Malgré cela, nous appelons à voter pour la gauche unie dès le premier tour dans toutes les circonscriptions. Pour notre part, nous ferons bien sûr activement campagne pour les candidat-e-s LFI du nouveau « Front populaire ».

    Appeler à voter pour la gauche unie n’est pas soutenir son programme

    Cette nouvelle mouture de l’union de la gauche, intégrant des forces bourgeoises comme le PS, qui a fait tant de mal à la classe ouvrière, à la jeunesse et aux libertés démocratiques tout au long des dernières décennies, n’a rien d’une panacée. Elle est imposée par les circonstances exceptionnelles : nous n’avons ni le choix du terrain, ni celui des armes. Mais il serait irresponsable de désarmer les étrangers, les migrant-e-s et les LGBTI, qui seraient les premières victimes du RN au pouvoir, mais aussi les militant-e-s et les travailleurs/ses en général, au motif que la seule arme que nous avons, sur le plan électoral, est celle de l’union de la gauche. De ce point de vue, nous sommes en désaccord tactique total avec les organisations d’extrême gauche (LO, NPA-révolutionnaires, RP, etc.) qui refusent de soutenir l’union de la gauche, voire envisagent de présenter des candidat-e-s contre elle, au prétexte que les perspectives révolutionnaires seraient en complète contradiction avec celles du « front populaire ». Alors même que leurs très faibles résultats aux élections européennes (et aux précédentes) devraient inviter ces organisations à se questionner sur l’uniformité de leurs choix tactiques, elles persistent dans un dogmatisme qui fait bien peu de cas des rapports de force réels structurant la lutte des classes aujourd’hui. Ces organisations semblent notamment omettre que, dans un contexte où de nombreux.ses militant.es syndicaux.ales et politiques sont réprimé.es et où la France Insoumise est d’ores et déjà placée hors de « l’arc républicain » pour des positions qui ne sont pourtant pas révolutionnaires, l’extrême droite au pouvoir ne prendrait sûrement pas de pincettes pour dissoudre leurs organisations à la première occasion venue. Par ailleurs, le « front populaire » d’aujourd’hui ne vise évidemment pas à canaliser une puissante montée de la lutte de classe dans le cadre des institutions bourgeoises, comme ce fut le cas en 1934-1936, mais une alliance électorale montée en urgence pour éviter l’arrivée fort possible de l’extrême droite au pouvoir. Assurer sa victoire est donc, pour les révolutionnaires, une question purement tactique pour préserver, dans une situation ponctuelle très particulière, les intérêts de la classe ouvrière et des opprimé-e-s.

    Appeler à voter pour ce « Front populaire » ne signifie donc pas lui donner un blanc-seing. Au moment où nous écrivons ces lignes, son programme n’est pas encore connu. Mais nous savons déjà que, en raison du rapport de forces favorable au PS, au détriment de LFI, il sera bien moins avancé que celui de la NUPES, lui-même très en recul par rapport à celui de LFI pour la présidentielle (programme réformiste que nous avions soutenu de façon critique). L’un des enjeux des négociations en cours est que LFI arrive malgré tout à imposer au moins « un profil de rupture », pour ne pas se décrédibiliser en escamotant sa différence avec la gauche social-libérale institutionnelle ; le refus de Glucksman de participer à l’union devrait y aider. Nous avions du reste critiqué la constitution même de la NUPES pour les législatives de 2022, à l’initiative de LFI, anticipant que cela ne pouvait que permettre la reconstruction du PS alors à l’agonie. Mieux valait avoir moins de député-e-s LFI, si c’était le risque, mais continuer à défendre son programme et battre les candida-t-s du PS et d’EELV partout où c’était possible. Les faits nous ont malheureusement donné raison : la NUPES a permis au PS et à EELV de se refaire une santé, puis ils ont brisé la NUPES sans scrupules et maintenant qu’ils ont obtenu à eux deux près de deux fois plus de voix que la FI aux européennes, ils sont mieux placés pour faire valoir leurs conditions...

    Notre soutien électoral au Front populaire pour battre l’extrême droite n’implique donc pas notre soutien au programme politique du Front populaire. Nous nous prononcerons à ce sujet quand il sera connu, mais nous ne soutiendrons pas un programme qui, fût-il réformiste, ne consisterait pas exclusivement en mesures favorables aux intérêts des travailleur/se-s. Nous soutiendrons encore moins un gouvernement du PS et d’EELV, que LFI y participe ou pas, puisqu’il serait d’emblée un gouvernement qui se soumettrait aux intérêts du patronat et du capital financier (a fortiori si, comme Glucksmann le proposait avant de quitter le front, Laurent Berger en prend la tête !). Notre participation active et loyale à LFI, sur la base d’un soutien critique à son programme, ne nous engage évidemment pas à soutenir tout ce que décide sa direction.

    Mais l’urgence principale du moment est de barrer la route du pouvoir à l’extrême droite et nous nous engageons donc immédiatement, avec nos camarades de LFI et au coude à coude avec les militant-e-e-s des autres forces de gauche, à la fois dans les mobilisations des travailleurs/ses et des jeunes, et dans la campagne électorale pour la défaite du RN, donc pour la victoire du Front populaire.

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