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    Élections législatives en Irak : expression de la « normalisation du pays » ?

    Par Claudia Cinatti (17 avril 2010)
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    Article paru dans le journal du PTS-FTQI avant le résultat des élections, qui ont vu finalement la coalition d’Iyad Allaoui devancer d’une courte tête cette du Premier ministre sortant, Nouri Al-Maliki. Celui-ci conteste le décompte des voix alors que l’ONU et les États-Unis, qui soutenaient de fait son rival, n’ont vu aucune irrégularité massive... C’est maintenant une course entre les deux partis pour tenter de former une coalition majoritaire au Parlement... et la certitude que la situation politique risque d’être encore plus instable...

    Les élections législatives qui se sont tenues en Irak le 7 mars sont les secondes depuis l’invasion étasunienne de mars 2003. L’impérialisme nord-américain [suit] de près les résultats [et] la nomination du prochain Premier ministre (...). Ce poste était occupé jusqu’à présent par Nouri Al-Maliki, l’ancien homme-lige des troupes d’occupation qui a perdu les faveurs de Washington en essayant d’opter pour une orientation plus indépendante et en se rapprochant du Président iranien Mahmood Ahmadinedjad. Le Bloc Irakien d’Iyad Allaoui compte pour sa part avec l’appui de Washington, à l’inverse de l’autre alliance politique chiite soutenue par le religieux Moqtada Al-Sadr, plus proche de Téhéran. Allaoui a collaboré étroitement avec George Bush au cours de la planification de la guerre et a été nommé Premier ministre à la suite de l’invasion, en 2004. C’est d’ailleurs sous son mandat que les troupes impérialistes ont écrasé le soulèvement de la résistance irakienne de Fallouja en 2004 et 2005.

    Bien que les médias américains aient présenté les élections parlementaires comme un signe de « normalisation du pays », et ce en écho de la politique de Barack Obama qui prétend transformer en un succès l’échec de Bush en Irak, la réalité est tout autre. Après sept années d’occupation militaire, la situation irakienne continue a être extrêmement instable et elle pourrait l’être encore d’avantage à mesure où les États-Unis retirent une partie de leurs troupes du pays pour les redéployer sur le théâtre afghan. Les élections ont été précédées d’une escalade de violences. Une triple attaque coordonnée contre des édifices gouvernementaux dans une des zones les mieux contrôlées du pays a précédé les élections, ainsi qu’une vague d’attentats de moindre envergure. Bien que les bureaux électoraux aient été gardés par des milliers de soldats irakiens appuyés par des hélicoptères américains, plusieurs dizaines d’attentats ont été lancés au cours du vote, faisant 38 morts.

    (...) Aucune des coalitions en lice n’a pu à elle seule remporter la majorité des 365 sièges que compte le Parlement de manière à nommer le Premier ministre. Le scénario le plus probable auquel on pourrait assister serait celui de longues négociations entre les différentes alliances qui pourraient durer un certain temps. Un tel scénario ouvrirait une période prolongée d’instabilité politique au cours de laquelle la lutte entre les principales factions religieuses et ethniques pour le contrôle des principaux ressorts de l’État pourrait revenir sur le devant de la scène. Cela signifierait une nouvelle vague de violences politiques telle qu’en a connu le pays après 2006 lors de la formation du gouvernement Al-Maliki. Cela pourrait rendre plus difficile le retrait des quelques 50 000 soldats américains – sur un contingent de 96 000 hommes – que compte opérer Obama à partir d’août 2010.

    Ce que les médias occidentaux essaient de faire passer pour une expression de la « démocratie » et de la « souveraineté irakienne » est en fait une lutte acharnée entre les fractions sunnites, chiites et kurdes pour élargir leur contrôle sur un appareil d’État largement dominé par les partis chiites et construit sous la tutelle de l’occupation nord-américaine. Ces dissensions ont fait que les élections qui devaient se tenir à l’origine en janvier 2010 ont dû être renvoyées à mars en raison des désaccords existants par rapport à la répartition des postes au sein de l’administration. Ces querelles ont failli mettre à mal le processus électoral lorsque plusieurs centaines de candidats ont été exclus des listes électorales, des sunnites pour la plupart, accusés d’avoir appartenu au Parti Baas de Saddam Hussein, proscrit depuis le début de l’occupation. Ces dissensions pourraient s’accentuer encore plus lorsqu’il s’agira de négocier la répartition des bénéfices énormes découlant du bradage du pétrole irakien aux multinationales impérialistes. Le cœur des discussions tourne autour de l’avenir de la province de Kirkouk, revendiquée par les Kurdes comme partie intégrante de la région semi-autonome qu’ils contrôlent dans le Nord-est de l’Irak, ce que pour l’instant refusent la majorité arabe de la population, les partis sunnites et le gouvernement central.

    L’impérialisme étasunien espère néanmoins qu’un gouvernement lié à la Maison Blanche puisse se consolider de manière à pouvoir considérer comme « close » la phase d’occupation militaire pour la fin du premier semestre 2011. Cela supposerait un désengagement militaire américain tout en maintenant bien entendu le stationnement de troupes dans les principales bases construites par Washington sur le territoire irakien, laissant la sécurité locale à proprement dite aux forces irakiennes. Cet objectif semble lointain néanmoins. On ne peut en effet exclure qu’avec la proximité du retrait américain les disputes entre chiites, sunnites et kurdes relancent une dynamique de guerre civile. Les États-Unis doivent de plus faire face aux conséquences de l’échec stratégique de la politique de Bush consistant à tenter d’encercler l’Iran de gouvernements pro-américains. Cette stratégie a eu pour effet collatéral de renforcer dans les faits le rôle de Téhéran dans la région ainsi que l’influence des partis chiites en Irak. Bien que sous l’administration Bush et maintenant sous celle d’Obama Washington ait eu pour politique d’intégrer les groupes sunnites à l’appareil d’État et d’acheter la grande majorité de leurs dirigeants, cela n’a pas été suffisant pour contrebalancer le poids de l’hégémonie indiscutée des chiites. Obama doit de plus faire face au dilemme selon lequel alors qu’il durcit le ton face à Téhéran, menaçant de prendre une nouvelle série de sanctions économiques, relançant l’alliance stratégique avec l’État d’Israël qui fait pression pour des actions militaires contre les installations nucléaires iraniennes, il a besoin de la collaboration du régime des Ayatollahs pour maintenir la stabilité de l’Irak, ce qui rend cette orientation toujours plus insoutenable. Tant en raison de ses contradictions internes que par son poids régional, l’Irak continuera donc à représenter dans l’avenir par delà le résultat des élections, un foyer d’instabilité pour les plans impérialistes de domination au Moyen-Orient.

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