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    Bloquer Blanquer, c’est maintenant !

    Par Tonio Álvarez ( 8 mai 2019)
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    Une mobilisation construite à la base

    Les mobilisations contre les réformes Blanquer n’ont cessé de se développer depuis l’automne, touchant d’abord les lycées, avec les lycéen.ne.s en première ligne, puis les profs, un peu plus tard les écoles primaires, entraînant les parents d’élèves, faisant parfois la jonction avec les gilets jaunes. Elles ont pris des formes diverses : motions en CA, tractage à destination des parents et de la population, 20/20, boycott des journées de formation à la réforme, journées de grève, grèves reconductibles,…

    Ce sont les  collectifs contre les réformes Blanquer et Parcoursup, qui ont commencé à se créer un peu partout à partir du mois de novembre et qui sont souvent animés par des militant.e.s déçu.e.s de l’inaction de leur syndicat, qui ont contribué à rendre ces mobilisations possibles. Ils ont aidé à dépasser l’isolement  des établissements localement, puis à mettre en place une coordination nationale, avec une première réunion le samedi 19 janvier. Dans le même temps, cela a poussé les syndicats à prendre des initiatives, même si elles sont restées en deçà de ce qui serait nécessaire.

    Cette mobilisation a permis de révéler devant l’opinion la vérité sur les réformes Blanquer. Non pas plus de liberté et de modernité, mais plus d’inégalités, de contraintes, de précarité, de détérioration des conditions de travail et d’études. Des réformes de classe qui touchent en premier lieu les élèves des classes populaires, des zones rurales ou de banlieue.

    Blanquer  en difficulté se défend à coups de fake news et de répression

    Blanquer est sur la défensive. Alors qu’il avance le chiffre de 90% d’ enseignant.e.s qui seraient favorables aux réformes, les votations internes effectuées dans les établissements montent plutôt que ce chiffre correspond en réalité aux opposant.e.s aux réformes. Il dénonce les prétendus « bobards » de celles et ceux qui critiquent ses réformes. Mais c’est en fait lui et le gouvernement qui propagent toutes sortes de faux-semblants, de demi-vérités ou de fake news pour essayer de ralentir le développement des mobilisations.La liste est longue des arrangements avec la vérité qui constituent le fondement même de la propagande ministérielle, mais on peut en donner quelques exemples  (on peut lire des développements plus exhaustifs sur le site de l’AG IDF https://bloquonsblanquer.fr/).

    Liberté de choix  illusoire et  réduction de l’offre de formation : un bobard ?

    Blanquer disait : avec ma réforme, liberté de choix ! Mais sur les 12 spécialités, bien des établissements n’en proposent que 7 ou moins. Et encore, sur le papier ! Car, comme l’expliquait une proviseure d’un lycée rural à Blanquer sur France Inter, lorsqu’elle n’a eu que 9 élèves pré-inscrits pour la spécialité HLP (Humanités, Littérature Philosophie), le Rectorat lui a fait savoir qu’il n’ouvrirait pas la spécialité dans l’établissement et que la proviseure devrait donc recaser les élèves dans une spécialité qu’ils ne veulent pas faire…Blanquer dit qu’ils pourront aller dans un autre lycée proposant les spécialités qu’ils souhaitent : le Rectorat répond « non », ce n’est pas réaliste ! Reste l’enseignement à distance, dont Blanquer fait la promotion… Grâce à Blanquer, les élèves auront donc « la liberté » de « choisir » de faire une spécialité qu’ils ne veulent pas ou de ne plus avoir de cours de cette spécialité dans leur lycée. Quel progrès ! Et l’année prochaine, il faudrait aux élèves arrivant en fin de Première faire « librement » le choix d’abandonner l’une de leurs trois spécialités de Première. Ah oui, vraiment, grâce à Blanquer la liberté est partout… Enfin, presque.

    La suppression des directeurs d’école : un bobard ?

    Par exemple, Blanquer prétend que la suppression de la fonction de directeur d’école est une crainte infondée : "Vous pouvez tout à fait garder le système actuel, c'est-à-dire que vous restez directeur d'école, mais vous pouvez en plus - si c'est le choix que vous faites - avoir le titre de principal adjoint, ce qui représentera des opportunités de carrière pour les intéressés (…) J'insiste sur le fait que le directeur d'école sera toujours dans son école, en contact avec les parents, et donc renforcé dans le rôle essentiel qu'est celui d'un directeur ou d'une directrice d'école aujourd'hui", a-t-il affirmé le 05/04 sur BFM-TV.

    Mais le projet de loi est clair : « « Les établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux sont dirigés par un chef d’établissement qui exerce simultanément les compétences attribuées au directeur d’école par l’article L.411-1 et les compétences attribuées au chef d’établissement par l’article L. 421-3 ». Certes, il prévoit en outre des adjoints au chef d’établissement notamment pour le primaire. Mais tout d’abord cela reviendrait à changer la nature du directeur d’école. Aujourd’hui, c’est un.e collègue des autres professeurs des écoles, avec le même statut, qui est déchargé.e pour exercer les fonctions de directeur : il/elle enseigne  aussi dans la plupart des cas, et il/elle n’est pas leur supérieur hiérarchique. En effet, leur supérieur hiérarchique, c’est l’inspecteur d’académique, relativement lointain et peu présent dans les écoles. En revanche, le chef d’établissement est le supérieur hiérarchique de tous les personnels de l’établissement et leur adjoint.e par délégation. Ensuite, pour devenir proviseur.e ou proviseur.e-adjoint.e il faut passer un concours spécifique, celui des personnels de direction. Enfin, rien ne garantit qu’il  y ait un.e directeur-trice par école, puisque le texte parle d’adjoint.e sans aucune précision. Et il y aurait sans doute le minimum. Bref, c’est bien la mise en place d’une hiérarchie de proximité accrue, des suppressions de postes, une charge de travail accrue pour les professeurs.

    La poursuite des fermetures de classes : un bobard ?

    Macron a dit la main sur le cœur qu’il entendait ne plus fermer d’écoles primaires… ! Mais cela signifie qu’il continuera à fermer des classes, augmentant mécaniquement les effectifs dans les autres et multipliant les classes à plusieurs niveaux. Cela vaut même pour les classes de CP et de CE1, sauf en ZEP. Or les ¾ des élèves issus de milieux « défavorisés » suivent leur scolarité dans des établissements qui ne sont pas classés ZEP. 

    Les maths disparaissent du tronc commun : un bobard ?

    Blanquer voulait en finir avec la Terminale S, mais il re-fabrique un mécanisme encore plus sélectif. Les maths disparaissent du tronc commun. Blanquer, sans vergogne, déclare pourtant sur France Inter qu’on trouve les mathématiques partout et notamment dans le tronc commun au sein de « l’enseignement scientifique »…dont les programmes ne contiennent pas de mathématiques ! Inversement, les programmes de spécialité sont si exigeants que bien des élèves ne pourront pas les suivre. Une façon d’accroître la sélection liée aux maths et de la rendre encore plus précoce.

    Un apôtre de la liberté ou de la répression de la liberté ?

    Pour essayer de faire taire la contestation qui monte , Blanquer a demandé aux Rectorats d’engager des procédures contre les personnels récalcitrants. Et cela n’a pas traîné : convocation au Rectorat d’une enseignante de l’académie de Dijon pour un texte humoristique contre Macron et sa politique, convocation par les inspecteurs de professeurs de Nîmes ayant refusé d’organiser le bac blanc (qui n’a statutairement aucun caractère obligatoire) et ayant donc fait cours comme d’habitude à la place, mutation d’office d’une professeure des écoles du Havre, courrier dans les casiers pour menacer les personnels en lutte, etc.

    Un moment charnière de la lutte

    D’un côté, les plus mobilisé.e.s ont dépensé beaucoup d’énergie depuis l’automne pour construire la lutte et sont un peu essoufflé.e.s, même si toujours déterminé.e.s. En outre, la mobilisation est nationalement peu visible et c’est la raison pour laquelle pas mal de collègues ne la croient pas susceptible de gagner et hésitent à s’y engager. L’intimidation permanente de la part de l’administration n’incite pas les hésitant.e.s à s’engager. Enfin, le principe de la réforme qui renforce le poids des décisions locales conduit les collègues à se préoccuper de sauver telles ou telles heures (dédoublements, spécialités, etc.), souvent en conflit avec les autres disciplines.

    Mais d’un autre côté, la lutte a porté ses fruits en permettant une prise de conscience de la gravité des attaques contre l’éducation. Les personnels se rendent compte qu’il y a aussi une offensive sans précédent contre les services publics et donc aussi contre leurs personnels.  Le mouvement des Gilets Jaunes a usé le pouvoir. La journée de mobilisation de la Fonction Publique promet d’être significativement suivie, même si les syndicats ont incroyablement tardé à y appeler, quand les projets sont déjà connus depuis longtemps et rendus publics depuis début mars après des mois de concertations.

    L’enjeu d’une coordination nationale qui franchisse un cap

    Pour que le 9 mai ait des suites sérieuses, il faut que les multiples luttes locales, du 1er et du 2nd degré, des personnels, des parents et des lycéen.ne.s arrivent à converger, à se rendre visibles et à construire une perspective nationale, avec des revendications communes et un calendrier d’actions national.

    Les AG nombreuses notamment dans le premier degré le 19 mars (Nantes, Marseille, Paris, Le Havre, Lyon, etc.) et dans le second degré doivent se refléter dans une coordination nationale nombreuse. Il est essentiel que la 4e coordination nationale contre les réformes Blanquer qui se tiendra le dimanche 12 mai à Paris soit la plus massive de toutes.

    Pour qu’elle soit une réussite, les AG locales regroupant personnels des 1er et 2nd degré, parents d’élèves, lycéen.ne.s (d’établissements, de ville, de bassin, de département ou d’académie…) doivent non seulement organiser la lutte localement, mais aussi mesurer l’impact d’une structuration nationale, en envoyant des délégué.e.s mandaté.e.s à cette coordination nationale qu’il faut largement médiatiser. L’AG IDF d’avant les vacances a fait en ce sens des propositions de revendications et de calendrier à discuter partout.

    Les directions de nos syndicats doivent rompre avec Macron-Blanquer et appeler ensemble à la grève jusqu’au retrait

    L’importance de l’auto-organisation de la lutte ne permet pas de contourner le problème de l’orientation des directions syndicales. C’est en ce sens que l’AG IDF demande aux structures qui se sont prononcées pour l’abrogation des réformes Blanquer de soutenir les propositions qu’elle fait.

    Plus fondamentalement, il est grand temps que les directions syndicales arrêtent les concertations avec ce pouvoir qui ne comprend que le langage du rapport de force. Les gilets jaunes ont montré que cela ne servait à rien d’aller causer à Matignon, mais qu’il fallait une mobilisation massive et déterminée pour faire reculer le pouvoir. Ils y ont réussi un peu, suivons leur exemple !

    Les directions des syndicats qui veulent l’abrogation des réformes Blanquer et le retrait de la loi sur l’école de la confiance doivent enfin s’en donner les moyens : claquer la porte de Blanquer et appeler nationalement à la grève reconductible à partir du lundi 13 mai. Certain.e.s objectent que la grève serait inefficace. Ce n’est pas vrai : ce sont les grèves saute-moutons, isolées départements par départements, académies par académies, catégories par catégories qui épuisent et démoralisent sans gêner le pouvoir.

    Mais celui-ci nous parlera autrement si nous sommes des centaines de milliers à entrer en même temps dans la grève reconductible, surtout à cinq semaines du bac.

    Cela suppose une plateforme unificatrice pour l’ensemble des personnels et usagers de l’école, pour le retrait des réformes, mais aussi pour imposer l’école que nous voulons, une école égalitaire et émancipatrice.

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