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    À bas la recolonisation de la Libye! Non au gouvernement du CNT à la solde des impérialistes!

    Six mois après le début de l'insurrection, Kadhafi a donc chuté, mais cela a été finalement obtenu par l’intervention décisive de l’impérialisme, qui a réussi à détourner le soulèvement révolutionnaire initial dans le sens de ses intérêts et s’apprête désormais à piller le pays. La propagande impérialiste et le manque d’informations sur la réalité des événements et des combattants depuis février rend l’analyse de la situation extrêmement compliquée : le risque d’erreur d’analyse et de perspective est grand. Cependant, le fait est que, aujourd’hui, le trait dominant de la situation est la victoire de l’impérialisme en Libye. Le risque majeur est donc celui d’une recolonisation totale du pays et d’attaques centrales contre les acquis nationaux et sociaux du peuple — y compris donc contre les intérêts des dizaines de milliers qui, dans le sillage des processus révolutionnaires arabes du début de l’année, se sont initialement soulevés pour renverser la terrible dictature de Kadhafi.

    Comprendre la nature et l’évolution du régime de Kadhafi et ses rapports avec l’impérialisme

    Nationalisme arabe et mesures anti-impérialistes

    Après la prise du pouvoir des officiers dirigés par Kadhafi en 1969, des mesures anti-impérialistes ont été prises rapidement par ces nationalistes arabes qui se réclamaient du combat de Nasser. La plus importante d’entre elles a été la nationalisation des compagnies pétrolières étrangères et la création de la Compagnie nationale du pétrole (NOC : National CompanyOil). Mais les impérialistes n’ont jamais été totalement expulsés de Libye : la NOC a constitué des joint-ventures avec des participations minoritaires de compagnies étrangères, l’objectif étant de bénéficier de l'expertise et des capitaux nécessaires afin de développer la production nationale. Il n’en demeure pas moins que les intérêts impérialistes ont été dans une large mesure spoliés.

    En outre, les autres secteurs économiques ont été très largement nationalisés, l’État devenant le premier employeur du pays. Dans les années 1970, Kadhafi a utilisé l’argent du pétrole pour lancer une politique d’industrialisation et tenter de réduire la dépendance du pays aux importations. Pour réaliser une certaine unité de ce pays divisé en tribus ancestrales, le régime a limité les écarts de revenu, a mis en place une politique de redistribution ainsi que des services gratuits pour la population : éducation, santé, etc. Pour autant, l’unité nationale est restée partielle, notamment parce que Kadhafi a privilégié l’enrichissement de son clan et de ses principaux alliés, au détriment d’autres tribus et surtout des masses, qui n’ont que très partiellement bénéficié des retombées de la rente pétrolière. Il a également maintenu les divisions entre tribus pour pouvoir en jouer, ce qui a entraîné le maintien de traits de féodalisme et de tendances centrifuges qui se sont manifestées notamment dans les années 1980.

    Kadhafi a également financé des mouvements anti-impérialistes à travers le monde et a œuvré en vain à des rapprochement entre pays arabes puis entre pays d’Afrique, pour faire contrepoids à l’impérialisme. En redistribuant une partie de la rente pétrolière au delà des frontières libyennes, Kadhafi a acquis une popularité certaine auprès des masses africaines. On comprend donc aisément pourquoi il était devenu la bête noire des impérialistes.

    Dictature sanguinaire

    Cependant, derrière la rhétorique socialiste et autogestionnaire du Livre vert et la Jamahiriya (« Etat des masses »), Kadhafi a mis en place une dictature sanguinaire au service de son clan et de ses alliés de la classe dominante libyenne. Dès son accession au pouvoir, il entame une répression contre tous les opposants, réels ou supposés, de son régime. Universitaires, étudiants, Frères musulmans ou journalistes sont tous considérés par le « Guide » comme des « ennemis de la révolution». Les officiers de l'armée libyenne ne sont pas épargnés. Kadhafi réforme le système pénal, créant des « tribunaux du peuple ». Il décrète en novembre 1974 : « La mort est la peine pour toute personne qui formerait un parti politique. » Des dizaines de pendaisons et de mutilations d'opposants — souvent télévisées — s'ensuivent.

    En 1980, le régime lance une série d'exécutions extrajudiciaires des opposants politiques, traités de « chiens errants ». Un coup d'État raté contre le leader libyen en mai 1984 entraîne l"emprisonnement de milliers de personnes. Nombre d'entre elles sont exécutées. En 1988, le régime déclenche une nouvelle vague de répression. Amnesty International constate sur place « des arrestations de masse, des disparitions et la torture systématique ». Ce nouveau durcissement s'explique par le retour de combattants libyens du front afghan qui espéraient établir un État islamique.

    Après une seconde tentative de coup d'État, dans laquelle de hauts gradés sont impliqués, Kadhafi purge l'appareil militaire. Il élimine systématiquement tout rival potentiel. Fin juin 1996, plus d'un millier de prisonniers sont tués par les forces du régime en deux jours dans la prison d'Abou Salim,notamment des militants de la cause berbère qui sont arrêtés, emprisonnées ou liquidés. C'est probablement l'acte le plus sanglant du régime. La langue berbère est interdite en public, les livres rédigés en berbère brûlés, alors que, sur les 6 millions d’habitants que compte la Libye, il y a près de 300 000 Berbères. Dans la foulée, Kadhafi interdit l"enseignement de toute langue étrangère.

    À la fin des années 1980, Kadhafi doit faire face à l’opposition des mouvements islamistes, notamment des Frères musulmans. Pour contrecarrer leur influence, il adopte la Charia comme fondement du droit libyen en 1994, tout en menant une sévère répression. Il utilise habilement la menace islamiste pour obtenir la coopération des autorités égyptiennes et des pays arabo-musulmans, menaçant d’expulser leurs ressortissants installés en Libye (ce fut le cas de dizaines de milliers d'Égyptiens et de Soudanais en 1995).

    Avec l’effondrement du bloc stalinien, la question de la survie du régime était posée. En 1986, après avoir largué un déluge de bombes sur la Libye, les États-Unis ont pris des sanctions économiques, de même que l’ensemble de la « communauté internationale » (ONU) à partir de 1992.

    Fin des années 1990 : Kadhafi se soumet partiellement aux impérialistes

    Dans les années 1990, le régime était complètement isolé et l’étau se resserrait. Pour tenter de survivre, Kadhafi a pris un tournant radical en faisant des concessions politiques et économiques très importantes aux impérialistes. L’ONU a suspendu les sanctions en 1999 avant de les lever en 2003 et les États-Unis ont levé leurs sanctions en 2006. Pour cela, Kadhafi a dû arrêter de financer des mouvements anti-impérialistes, indemniser les victimes de Lockerbie (en 2003), stopper son programme nucléaire, se transformer en sous-traitant de la politique d’immigration des pays européens et permettre aux trusts impérialistes de se servir en Libye. Redevenu fréquentable, le dictateur a été réintégré dans la prétendue « communauté internationale » et notamment reçu en grande pompe à l’Élysée en 2007 par Sarkozy (suscitant la protestation publique de Rama Yade, alors secrétaire d’État aux droits de l’homme).

    La Libye a vu affluer les compagnies pétrolières occidentales : une quarantaine d’opérateurs étrangers du monde entier ont participé aux rounds d’attribution aux enchères des nouveaux champs d’exploration. Le groupe ENI, première société industrielle italienne, dont l'État italien est le principal actionnaire, est de loin le principal opérateur pétrolier étranger en Libye. Citons également la présence du groupe français Total, de l'espagnol Repsol, de l'allemand BASF, ainsi que plusieurs compagnies américaines, mais leurs intérêts y sont bien moins vastes que ceux d'ENI. Précisons également que, malgré l’ouverture croissante au capital étranger, la majorité de la production était toujours entre les mains de la compagnie nationale libyenne.

    L’ouverture au capital étranger ne s’est pas limité au secteur pétrolier : l’économie a été en partie désétatisée (notamment le bâtiment, les travaux publics, le secteur ferroviaire, l’hôtellerie ou les banques depuis 2007), même si l’État restait encore le principal employeur du pays. Dans les années 2000, et avant le déclenchement de la crise mondiale, la croissance a été très forte (8% en 2006 par exemple) et l’État a investi considérablement dans le développement des infrastructures, les transports (aéroports, autoroutes) et les télécommunications. Mais Kadhafi a aussi investi des dizaines de milliards pour entrer dans le capital de nombreuses entreprises impérialistes, notamment italiennes (la plus grande banque du pays Unicredit, le groupe d’aéronautique et de défense Finmeccanica, le club de football Juventus de Turin...) ou britanniques (Royal Bank of Scotland, groupe d’édition Pearson, immeubles de prestige londoniens...) (1). Pour faire passer la pilule et éviter la colère des masses, des mesures sociales ont été prises, comme l’augmentation du salaire minimum, le blocage des loyers ou l’augmentation du budget de la santé.

    Ce rapide rappel historique permet de comprendre les liens spécifiques entre Kadhafi et l’impérialisme. Après une période marquée par le nationalisme arabe et une indépendance nationale assise sur la manne pétrolière, la dictature de Kadhafi a modifié son attitude envers les pays impérialistes et s'est mise à leur vendre une partie des richesses du pays aux impérialistes. Cependant, il est évident que Kadhafi n’était pas un pion parfait de l’impérialisme, comme pouvaient l’être Ben Ali ou Moubarak. Alors que les impérialistes en demandaient toujours plus, il imposait certaines limites sans lesquelles son prestige nationaliste acquis dans les années 1970 se serait effondré et aurait aggravé les tensions centrifuges et les rivalités entre les tribus au moment même où les concessions à l’impérialisme ne pouvaient que relancer celles-ci.

    De plus, Kadhafi n’était pas fiable et prévisible. Et il lui restait des restes de sa période panafricaniste : il a notamment été le fer de lance du projet de satellite africain (Rascom) qui mettait en cause (modestement) la mainmise des impérialistes dans ce secteur clé. L’État libyen disposait en outre d’un fonds souverain d’investissement considérable : 70 milliards issus de la rente pétrolière qui échappait encore aux impérialistes.

    Enfin, les acquis de la période anti-impérialiste de Kadhafi n’ont pas été entièrement liquidés, loin s’en faut : l’éducation et les soins continuent à être gratuits ; l’éducation est obligatoire jusqu'à 16 ans ; le taux d'alphabétisation (plus de 80%) est le plus élevé d'Afrique du Nord ; la condition des femmes n’a rien à voir avec celle des pays voisins, avec par exemple une majorité de femmes dans les universités. En 2007, la Libye était le pays le plus développé d'Afrique si l’on se réfère au classement IDH (Indice de développement humain) établi par le Programme des Nations unies pour le développement.

    Les causes de l’intervention impérialiste

    Si le soulèvement populaire du début de l’année a été utilisée comme prétexte pour l’intervention impérialiste en Libye, il est important d’identifier la conjonction de facteurs qui permettent de comprendre les raisons plus profondes de celle-ci.

    Une première raison tient au fait que Kadhafi, même s’il livrait progressivement les richesses de son pays aux impérialistes depuis le début des années 2000, n’était pas pour eux le dirigeant idéal : son pouvoir étant assis sur les acquis de l’indépendance et sa personnalité peu fiable, il demeurait encore un obstacle à la totale néocolonisation de la Libye. Le principal verrou à faire sauter pour les impérialistes était la loi qui accorde à l"entreprise pétrolière nationale National Oil Corporation une participation majoritaire dans l’extraction du pétrole. Compte tenu de l’énorme potentiel pétrolier de la Libye (c’est le pays qui possède les plus importantes réserves du continent), l’enjeu est considérable. Si les impérialistes italiens avaient peut-être plus à perdre qu’à gagner au renversement de Kadhafi (d’où les réticences de Berlusconi à lâcher son ami Kadhafi), les autres impérialismes ont tout à gagner. Derrière le paravent du discours sur les droits de l’homme et de la démocratie, c’est dans « les eaux glacés du calcul égoïste » qu’il faut chercher la cause fondamentale de l’intervention impérialiste en Libye. Et les pulsions guerrières du capitalisme sont d’autant plus exacerbées que la rentabilité des investissements capitalistes est durablement faible dans les vieux pays impérialistes. D’où la nécessité de dénicher des terrains vierges à l’accumulation du capital. Les bombardements de l’OTAN qui ont provoqué la destruction des infrastructures et mis le pays à sac sont à ce titre une opportunité supplémentaires pour les trusts impérialistes et une catastrophe pour la population.

    Une deuxième raison tient à des considérations de politique intérieure. Affaiblis par la crise économique, discrédités par le soutien apporté aux dictateurs renversés par les peuples (Ben Ali, Moubarak…), les dirigeants impérialistes et notamment Sarkozy cherchent à redorer leur blason auprès de leur « opinion publique ». Ces interventions visent également à persuader les populations qu’ils sont du côté des peuples qui luttent pour la liberté et la démocratie. Et ils peuvent bien entendu compter pour cela sur des médias complaisants qui accompagnent avec délectation ces campagnes guerrières.

    Une troisième raison tient à la nécessité de prendre le contrôle des soulèvements populaires afin de transformer les processus révolutionnaires naissants (et dangereux pour les intérêts impérialistes) en chevaux de Troie de l’impérialisme. Plutôt que de défendre les dictatures jusqu’au bout (et notamment quand ces dictateurs sont aussi peu fiables que Kadhafi), il est plus habile pour les impérialistes de les lâcher pour mieux contrôler les révoltes populaires, voire en profiter pour accentuer leur emprise politique et économique, comme en Libye.

    Le soulèvement populaire a été récupéré et dénaturé par les impérialistes et leurs suppôts du CNT

    Lorsque les émeutes ont éclaté au début de l’année, il s’agissait d’une vaste mobilisation populaire contre la dictature de Kadhafi, un processus révolutionnaire naissant dans le prolongement de ceux de Tunisie ou d’Égypte. Les insurgés, massivement, refusaient toute intervention impérialiste. Mais les dirigeants auto-proclamés (ou plutôt adoubés par les impérialistes) de l’insurrection ont non seulement décidé de faire appel à l’aide des impérialistes, mais se sont placés sous leur commandement. Les milliers de combattants qui s’étaient engagés dans la rébellion pour renverser le dictateur Kadhafi comme en Tunisie et en Égypte, les milliers qui les ont rejoints ensuite dans chaque ville dans le même but au fur et à mesure que la guerre civile s’étendait, n’avaient pas de programme révolutionnaire. C’est pourquoi l’OTAN et ses alliés du CNT (Conseil National de Transition, comprenant à la fois des « démocrates » libéraux, des chefs de tribus, d’ex-dignitaires du régime et des islamistes réactionnaires) ont pu jouer un rôle considérable dans le conflit. Les combattants ont été encadrés et armés par l’OTAN, et le centre de gravité des opérations militaires a été mis sur les bombardements et les opérations aériennes effectués par les seuls impérialistes. Même si l’OTAN n’avait que quelques cadres au sol, c’est bien elle qui dirigeait les opérations, payait, fournissait les armes. Des hommes d’affaires libyens ont également mis la main à la poche. Des Noirs, des travailleurs immigrés, ont été pourchassés ; mais il ne faut pas oublier que Kadhafi, loin d’être l’ami des Noirs, avait accepté de bloquer l’immigration africaine pour le compte des gouvernements impérialistes. La direction de la rébellion œuvrait objectivement à la recolonisation de la Libye. Si Kadahfi a fait appel à des mercenaires étrangers, l’OTAN a fait de même : selon le journal « de référence » pakistanais The nation, la CIA a par exemple recruté 1 500 mercenaires afghans (2).

    Le bilan de l’intervention de l’OTAN, ce sont surtout des destructions massives d’infrastructures et des milliers de morts s’ajoutant à ceux de la guerre civile elle-même. Minutieusement préparée, l’entrée des rebelles dans Tripoli a été permise par un déluge de bombes et le débarquement de de spécialistes et de commandos étrangers. Le Monde du 25 août raconte comment les chefs du CNT à Benghazi ont empêché des jeunes de cette ville de participer à l’opération alors qu’ils le voulaient spontanément : les impérialistes ont tenu à n’envoyer que des troupes intégralement encadrées et contrôlées par leurs soins.

    Le programme du CNT prétend reconnaître l’ensemble des libertés politiques démocratiques (liberté d’opinion, droit d’organiser des partis politiques, des syndicats, etc.) (3). Mais il place la propriété privée des moyens de production au dessus de tout et réaffirme que la charia doit être la source de la législation (principe déjà reconnu par Kadhafi dans les années 90). Il ne fait guère de doute que le projet de recolonisation porté par le CNT impliquera de substantielles restrictions aux principes démocratiques, tout comme de possibles concessions aux islamistes. En outre, il est évident que le gouvernement du CNT va s’attaquer pour les mêmes raisons aux acquis sociaux (école et santé gratuites, etc.). Enfin, il est clair que le CNT cherchera à privatiser les secteurs nationalisés et à livrer entièrement les richesses du pays aux impérialistes. Le président du CNT n’a même pas attendu la chute de Kadhafi pour proclamer que les puissances étrangères qui l’ont aidé bénéficieront de « privilèges spéciaux ». De fait, le cours de bourse des trusts pétroliers a explosé au lendemain de la prise de Tripoli et la conférence internationale de Paris a permis aux impérialistes de se partager le gâteau, le CNT offrant 35% du pétrole brut libyen à la France pour remercier Sarkozy.

    Notre boussole : les intérêts de la classe ouvrière et du peuple libyen

    Nous sommes choqués par la position de la direction de notre parti quand elle écrit dans un communiqué que « la chute de Kadhafi est une bonne nouvelle pour les peuples » (4) et que « c’est une nouvelle vie qui s’ouvre », mettant à l’ordre du jour « la liberté, les droits démocratiques, l"utilisation des richesses dues aux ressources naturelles pour la satisfaction des besoins fondamentaux du peuple ». Le triomphalisme de ce communiqué suscite un malaise profond car il fait comme si la chute de Kadhafi n’avait pas été réalisée avec la participation décisive de l’OTAN et par conséquent comme si les impérialistes n’allaient pas faire payer au peuple le prix de son soi-disant soutien, comme si ce prix pouvait être autre chose que le pillage !

    C’est une illusion de croire qu’une victoire obtenue avec l’aide militaire décisive des impérialistes et leurs bombardements puisse être couronnée d’une réelle démocratie, d’une satisfaction des revendications démocratiques et sociales du peuple et des travailleurs. Au contraire, forts du résultat de leur intervention et du prestige qu’il leur donne, les impérialistes mettent en place maintenant un gouvernement fantoche à leur botte, comme en Irak ou en Afghanistan. Mais il n’y a pas encore de troupes impérialistes d’occupation (contrairement à l’Irak et à l’Afghanistan) et le CNT est très hétérogène, divisé selon des clivages à la fois politiques et mafieux : cette faiblesse peut se transformer rapidement en force centrifuge et cela donne d’autant plus de poids aux travailleurs, à tous ceux et toutes celles d’en bas, s’ils trouvent le chemin de l’action indépendante. De plus, tout porte à croire que les dizaines de milliers de jeunes qui se sont insurgés contre leur dictateur sont toujours là, ils sont armés et certains pourraient se retourner contre le CNT à la botte des impérialistes en reprenant la dynamique initiale de leur soulèvement, à condition de s’organiser politiquement et syndicalement de façon indépendante. Quoi qu’il en soit, la clé de la situation est que les travailleurs et les masses populaires de Libye prennent leur destin en mains.

    Comme communistes révolutionnaires, nous sommes par principe solidaires des actes de résistance à l’impérialisme, y compris militaires, à partir du moment où les impérialistes veulent piller et soumettre un peuple opprimé. Mais, au-delà de tout combat militaire, la stratégie juste consiste principalement à mettre en place des cadres auto-organisés, à construire des organisations syndicales et politiques indépendantes de la bourgeoisie, à recourir à l’arme de la grève contre les privatisations. Après 42 ans de dictature, les travailleurs ont besoin d’apprendre à lutter pour leurs propres intérêts de classe, de trouver le chemin de l’action politique indépendante. Celle-ci pourrait commencer par l’orientation immédiate suivante :

    • À bas la recolonisation de la Libye par les impérialistes et leurs suppôts du CNT !
    • Arrêt immédiat des bombardements ! Retrait sans conditions des impérialistes, de tous leurs personnels militaires et civils !
    • Aucune concession du pétrole et des richesses nationales du pays aux puissances étrangères !
    • Libertés démocratiques pour tous et toutes, à commencer par le droit de s’organiser, de manifester, de faire grève !
    • Mise en place d’une Assemblée constituante souveraine !
    • Création de syndicats libres et de comités auto-organisés de travailleurs, de travailleuses et de jeunes dans tout le pays !
    • Préservation des droits du travail et des acquis sociaux, réduction du temps de travail, augmentation des salaires !
    • Protection des Noirs et de tous les travailleurs immigrés par leurs frères et sœurs de classe libyens !

    Il est urgent que cela soit imposé par des mobilisations les plus larges possibles. C’est l’orientation immédiate que doivent défendre les communistes révolutionnaires tout en soumettant leur propre programme à la discussion, en faisant valoir notamment la nécessité de nouer des liens internationalistes avec les travailleurs des pays arabes et au-delà, d’exproprier les grands groupes capitalistes de Libye, d’évincer les dirigeants des entreprises nationales et de placer celles-ci sous le contrôle des travailleurs, de combattre pour la centralisation des comités d’auto-organisation à construire jusqu’au gouvernement des travailleurs eux-mêmes...

    Quant à nous, communistes révolutionnaires en France, nous sommes et resterons en première ligne dans le combat pour la solidarité internationaliste avec les travailleurs et le peuple de Libye. Il est tragique que le NPA – et l’extrême gauche en général – soit silencieuse et ne mène aucune campagne de masse, laissant le monopole de la mobilisation contre l’intervention impérialiste aux staliniens et à l’extrême droite. Notre premier devoir est de combattre centralement l’impérialisme français qui, après s’être accommodé de Kadhafi pour bénéficier de juteux contrats pendant des années, a initié et joué un rôle majeur dans l’intervention de l’OTAN. Et il prétend aujourd’hui jouer un rôle d’« avant-garde » dans la recolonisation du pays !

    • Patrons français, Juppé, Sarkozy, bas les pattes devant le peuple libyen !
    • Retrait des soldats français de Libye !
    • Plus aucune bombe ne doit tomber sur le sol libyen !
    • À bas le pillage de la Libye par les entreprises françaises !

    1) Marc Roche, Le Monde, 27 août.

    2) http://nation.com.pk/pakistan-news-newspaper-daily-english-online/Politics/31-Aug-2011/CIA-recruits-1500-from-MazareSharif-to-fight-in-Libya

    3) http://www.tamazgha.fr/IMG/pdf/constitution_libye_fr.pdf

    4) http://www.npa2009.org/content/communiqu%C3%A9-du-npa-kadhafi-tomb%C3%A9-aux-populations-de-d%C3%A9cider

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