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    Aucun état de grâce pour Hollande ! Sans attendre, préparons et engageons des mobilisations pour imposer nos volontés au nouveau gouvernement et au patronat

    Par Ludovic Wolfgang (24 mai 2012)
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    Une majorité des travailleurs, des travailleuses et des jeunes ont utilisé leur bulletin de vote pour se débarrasser de Sarkozy. Il s’agissait pour eux de tourner la page de celui qui a ouvertement gouverné pour les riches, attaqué les droits des travailleurs, pourchassé les immigrés, mis en cause les libertés démocratiques, concocté des diktats européens avec son amie Angela Merkel et des opérations impérialistes en Afrique avec ses amis américains. Le résultat de l’élection française s’inscrit également dans la logique de l’électorat populaire qui, partout en Europe, sort les sortants pour leur faire payer de lui avoir fait payer la crise.

    Aucune illusion à se faire sur Hollande !

    Pour autant, il n’y a rien à attendre de Hollande, qui va poursuivre et aggraver la politique d’austérité et de « réformes structurelles » car la crise du capitalisme l’exige impérativement. S’il a été élu bien davantage par rejet de son principal adversaire que par adhésion à son propre projet, une partie de ses électeurs et électrices espèrent malgré tout que sa politique sera meilleure ou en tout cas « moins pire » que celle du sortant. Cet espoir ne se fonde pourtant pas sur le programme du PS, qui ne s’est engagé ni à « changer la vie », ni même à restaurer des droits ouvriers et les libertés démocratiques. Au contraire, durant la campagne, au-delà de quelques promesses faciles sur le « style » de la présidence et sur le « respect » des gens, Hollande ne s’est pas opposé fondamentalement à la politique menée par Sarkozy, mais il a promis de « donner du sens à l’austérité ». Il s’est même engagé à expulser les personnes en situation irrégulière, voire à diminuer le quota d’étrangers autorisés à séjourner en France selon les besoins de l’économie !

    Certes, Hollande est obligé d’annoncer quelques mesures pour justifier son élection et nourrir un minimum d’illusions (hausse de l’allocation de rentrée scolaire, abrogation du décret sur l’évaluation des enseignants, nouvelle loi sur le harcèlement sexuel, abrogation de la circulaire Guéant contre les étudiants étrangers...). Mais dans les prochains mois, pour le fond de sa politique, il est condamné à se soumettre doublement au capital financier : en payant la dette au prix de l’austérité et en attaquant les acquis ouvriers au nom de la « croissance ». Il n’a pas fallu attendre longtemps pour le vérifier : à peine investi, le nouveau président a signé des deux mains la déclaration finale du G8 auquel il a participé le 20 mai. Les journaux de la bourgeoisie veulent nous faire croire qu’il y aurait une inflexion du G8 dans le sens de la « croissance », mais cette caverne de brigands impérialistes est surtout d’accord pour imposer des « réformes structurelles » au nom de la compétitivité, autrement dit pour liquider le droit du travail. Le communiqué du G8 précise que ces « réformes » doivent être « non inflationnistes », c’est-à-dire en fait qu’il n’est pas question d’augmenter les salaires. Il s’agit aussi d’imposer la « consolidation budgétaire », c’est-à-dire de baisser les dépenses publiques, voire d’augmenter les impôts. Enfin, le G8 exige que la Grèce « respecte ses engagements », c’est-à-dire qu’elle applique le nouveau plan d’attaques monstrueux contre les travailleurs que ceux-ci rejettent massivement. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec Hollande, « le changement », ce n’est pas « maintenant » !

    Mais ce ne sera pas non plus pour demain. La promesse de négocier un volet « croissance » au nouveau traité européen est de la poudre aux yeux, car l’essentiel, qui n’est pas remis en cause par Hollande, c’est que ce traité prévoit d’imposer l’austérité permanente. De plus,, c’est le plus puissant impérialisme d’Europe, c’est-à-dire l’Allemagne, qui décide la politique de la Banque centrale européenne ; or elle ne cédera pas sur les euro-obligations et il est probable que Hollande s’incline en échange de promesses purement formelles sur la « croissance ». Enfin, pour relancer réellement la croissance, c’est-à-dire l’accumulation du capital, il faudrait dévaloriser massivement le capital, c’est-à-dire fermer des milliers d’entreprises, faire monter le chômage et briser la réglementation du travail, jusqu’à ce que les investissements réels redeviennent attractifs pour le capital.

    Succès du Front national = danger

    La politique de Hollande ne peut conduire qu’à une aggravation de la situation sociale et à une crise de la représentation politique et de l’« alternance », dont nous ne voyons jusqu’à présent que les premiers signes annonciateurs. C’est ainsi que la campagne de Sarkozy a confirmé et encore aggravé le durcissement de la droite française par la reprise des thèmes du Front national. Le FN a non seulement retrouvé un score comparable à celui de 2002 (1), mais surtout cela s’est fait sur la base d’une campagne sensiblement différente car fortement axée cette fois sur la dénonciation de la finance, des riches et du libéralisme ; or cela marque la progression du FN au sein des catégories populaires, surtout celles des villes moyennes, des zones péri-urbaines et des campagnes désolées qui ont subi de plein fouet les effets de la dégradation socio-économique et les fermetures de services publics.

    Dans l’immédiat, la stratégie du FN est de faire exploser l’UMP pour mettre en minorité ce qui reste du gaullisme et du centrisme en créant un rassemblement populiste hégémonique à droite, capable d’accéder au pouvoir, ce qui serait déjà extrêmement dangereux. Mais il est clair que, avec l’aggravation de la crise et la faillite prévisible du PS au pouvoir, les conditions d’une possible évolution d’une partie significative de l’extrême droite vers le fascisme vont s’accumuler. Nous n’y sommes pas encore, mais l’histoire comme les importants progrès du groupe néo-nazi « Aube dorée » en Grèce et, à plus petite échelle, la recrudescence des groupes fascistes en France, montrent que cette éventualité n’est désormais plus à exclure à moyen terme.

    Il est donc indispensable de combattre le Front national sur deux fronts : nous devons tout d’abord défendre un programme anticapitaliste convaincant, montrer aux travailleurs attirés par l’apparente radicalité de Marine Le Pen que son programme démagogique est bien celui d’une autre politique au service de la bourgeoisie, qui pourra servir de recours le jour où l’alternance UMP/PS ne marchera plus. De ce point de vue, il est évidemment hors de question de renoncer à présenter nos candidatures aux législatives à Hénin-Beaumont comme dans toutes les circonscriptions où le FN risque de faire de bons scores : la voix de l’anticapitalisme et l’indépendance à l’égard des réformistes sont d’autant plus importantes dans ces endroits que beaucoup de gens des catégories populaires votent FN parce qu’ils sont écœurés par la politique du PS et le soutien que lui apporte le PC depuis tant d’années.

    Mais il est évident que l’indispensable défense de notre programme auprès des travailleurs, travailleurs et jeunes ne peut pas suffire : il est urgent de réactiver et d’étendre des structures unitaires contre l’extrême droite et les fascistes afin de mobiliser largement contre les agressions qu’ils perpétuent sur des militants ou des étrangers et d’être toujours prêts à manifester plus généralement contre leurs initiatives politiques et leur présence même dans les villes, les villages et les quartiers.

    Après son succès électoral, le Front de gauche prépare déjà sa capitulation face à Hollande

    De l’autre côté, le refus du PS d’affirmer une orientation de rupture sur le fond avec celle de Sarkozy a ouvert un espace qui a profité au Front de gauche. Par son programme réformiste et ses talents personnels, Mélenchon a réussi à donner à la gauche du PS un score à deux chiffres pour la première fois depuis 1981. Même si le résultat est inférieur à ce qu’annonçaient les sondages en fin de campagne, il est bien supérieur à ce qu’ils prévoyaient au début et il évident que c’est un succès pour Mélenchon et le PCF. Cela exprime la recherche d’une alternative à gauche du PS, attirant notamment la grande majorité de celles et ceux qui se sont le plus battus dans les luttes ces dernières années. Mais ce succès électoral se fait aux dépens des candidats d’extrême gauche, dont Mélenchon a récupéré l’essentiel des voix de 2002 et 2007. C’est un revers important pour LO et le NPA : ils n’ont pas su répondre aux attentes des travailleurs, travailleuses et jeunes qui s’étaient dans un premier temps tournés vers eux. Il est cependant évident que les succès électoraux ne suffisent pas à constituer de véritables forces politiques et rien ne dit que le Front de gauche saura organiser massivement celles et ceux qui ont voté pour Mélenchon ; ils pourraient au contraire être vite écœurés par la politique de soutien à Hollande.

    Le PCF décidera au lendemain des législatives s’il participe ou non au gouvernement. Même si le plus probable est qu’il n’y entre pas, il ne fait pas de doute qu’il soutiendra la majorité parlementaire du PS sous une forme ou sous une autre. Quant à Mélenchon, d’une part il voudrait garder son rôle personnel de tribun contestataire en espérant pouvoir en profiter en 2017 : c’est ainsi que son parachutage « spectaculaire » à Hénin-Beaumont pour un duel très médiatique avec Marine Le Pen vise à maintenir son existence sur la scène nationale. Mais, d’autre part, non seulement il reste dépendant du PC, qui veut tout faire pour limiter son poids depuis la présidentielle, et surtout lui-même, en bon réformiste, n’a pas d’autre horizon que de faire pression sur le gouvernement Hollande, tout en le soutenant aux moments cruciaux. C’est ainsi que Mélenchon a déclaré dès le lendemain de l’élection que, le 20 mai sur France inter : « Moi je n’embête pas Hollande, avec Hollande c’est à la loyale (...). Il sait que je suis intraitable, il sait que je suis inflexible, qu’on ne marchandera pas avec moi ». Autrement dit, Mélenchon compte garder sa posture de « fort en gueule », mais il s’engage à ne pas mettre de bâtons dans les roues de Hollande. Il a explicité cette ligne en disant : « J’ai pris un engagement solennel au nom du Front de gauche : jamais le groupe du Front de gauche (...), nous ne voterons une motion de censure déposée par la droite ». Et il a bien précisé qu’ils ne voteraient pas une telle motion même si le gouvernement utiliser pour légiférer l’un des dispositifs le plus anti-démocratiques de la Ve République, à savoir l’article 49-3 de la Constitution, qui permet au gouvernement d’imposer des lois sans débat et sans vote à l’Assemblée, sous la seule réserve qu’il n’y ait pas, précisément, de motion de censure contre lui ! Autrement dit, sous prétexte de ne pas faire le jeu de la droite, le Front de gauche s’engage à ne jamais faire tomber le gouvernement... qui pourra donc mener sa politique d’austérité sans crainte, voire au forceps ! Enfin, Mélenchon a certes affirmé lors de la même émission que les députés FdG ne voteraient pas « n’importe quoi dans le budget », mais il n’a même pas envisagé de ne pas voter le budget lui-même, qui impliquera pourtant de toute évidence une sévère austérité !

    La classe ouvrière et la jeunesse ont besoin d’un programme politique indépendant

    Cette capitulation qui s’annonce de Mélenchon et du Front de gauche face à Hollande est une tendance lourde inscrite dans son programme réformiste (d’ailleurs bien moins avancé que celui du programme commun PS-PCF des années 1970 !) et dans sa logique essentiellement institutionnelle consistant à faire croire qu’on pourrait changer les choses depuis l’Assemblée, en faisant pression sur le gouvernement (2). C’est pourquoi les anticapitalistes cohérents et conséquents, c’est-à-dire révolutionnaires, ne doivent en aucun cas rejoindre le Front de gauche, comme s’apprête à le faire la direction de la Gauche anticapitaliste, courant droitier du NPA qui regroupe une bonne partie de l’ancienne direction de la LCR. Mais l’indépendance formelle à l’égard du Front de gauche ne suffit pas, contrairement à ce que croit le centre mou de la direction actuelle du NPA, qui rassemble l’autre partie de l’ancienne direction de la LCR et maintient l’orientation du parti dans le flou. Ce flou programmatique et stratégique, qui contraste avec la clarté réformiste mais ferme et relativement attractive du Front de gauche, est la faiblesse fondamentale dont ont pâti la campagne du NPA comme celle de LO, malgré leurs qualités respectives (cf. l’article d’Ernest Everhard et Pauline Mériot).

    Ce dont la classe ouvrière et la jeunesse ont besoin, ce n’est pas des mesures impuissantes ou illusoires mises en avant par Mélenchon, mais c’est d’un programme de transition qui part des revendications immédiates et s’axe sur l’objectif d’un gouvernement des travailleurs. Celui-ci, reposant sur les mobilisations et l’auto-organisation, romprait avec le capitalisme par des mesures comme la répudiation de la dette publique, l’expropriation des groupes du CAC 40 pour en faire des monopoles publics sous le contrôle des salariés eux-mêmes, la rupture avec l’Union européenne et sa monnaie, le contrôle des changes et le monopole du commerce extérieur, tout en aidant les travailleurs des autres pays à faire de même, dans la perspective d’une Europe socialiste révolutionnaire. C’est sur cette base que nous combattons pour une refondation révolutionnaire du NPA.

    Nécessité du front unique ouvrier et priorité aux luttes

    En même temps, nous devons prendre une part active dans les mobilisations immédiates de la classe ouvrière, de la jeunesse, des femmes, des opprimés. Ces luttes ont besoin de victoires et celles-ci supposent l’unité. C’est pourquoi nous proposons aux organisations du mouvement ouvrier l’unité dans les luttes sur la base des revendications et en poussant à leur convergence. Il s’agit bien d’une question politique : celle de l’indépendance de classe, qui pose immédiatement le problème de l’indépendance à l’égard du gouvernement Hollande. C’est pour cela que nous interpellons les syndicats et les partis du Front de gauche de la base au sommet : allez-vous accepter le maintien ou exiger l’abrogation des lois du sarkozysme que nous avons dénoncées ensemble, que le PS lui-même prétendait refuser et que la prochaine majorité pourrait, si elle le voulait, rayer d’un trait de plume  ? Allez-vous laisser passer ou vous battre contre la ratification par Hollande du traité européen imposant l’austérité permanente, qu’il intègre ou non des promesses de « croissance » ? Allez-vous laisser Hollande et son équipe concocter l’« austérité de gauche » ou contribuer à préparer la résistance pour la mettre en échec ? Allez-vous laisser passer ou combattre l’avalanche de plans de licenciements et de fermetures d’entreprises qui, passée l’élection, commence à reprendre de plus belle (Air France, SNCM, PSA à Aulnay et Sevelnord, General Motors à Strasbourg, Arcelor Mittal à Gandrange, Petroplus à Petit-Couronnes, Fralib à Géménos, Technicolor à Angers...) ? Telles sont les questions clés de la situation immédiate.

    Nous posons ces questions aux organisations du mouvement ouvrier, mais d’ores et déjà des travailleurs, des travailleuses, des jeunes n’attendent pas. Des luttes ont lieu, notamment contre les licenciements, et des espoirs existent. Quels que soient les obstacles, il faut tout faire pour qu’elles remportent des victoires. Notre priorité est de les populariser, d’y intervenir autant que possible, d’œuvrer à leur convergence. C’est aussi de cette façon, et de cette façon seulement, qu’il sera possible de relancer la construction du NPA comme un vrai « parti des luttes ».


    1) Avec 17,9% des voix, le score de Marine Le Pen est un peu inférieur à celui de son père et de Mégret réunis en 2002 (19,2%), mais ce pourcentage correspond à une progression d’un million de personnes (de 5,4 à 6,4 millions de voix), soit une hausse de 15% ; il faut noter toutefois que, dans le même temps, le nombre de suffrages exprimés au premier tour est passé de 28 498 471 à 35 883 209, soit une augmentation de 25,9%.

    2) Cf. dans notre précédent numéro notre article « Mélenchon : un sauveur pour les travailleurs », également lisible sur http://tendanceclaire.npa.free.fr/article.php?id=343

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