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    Grève de 10 jours des travailleurs de PPG à Moreuil (Somme)

    Par Damien Lanchron (17 avril 2010)
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    Une grève illimitée a démarré le lundi 15 mars dernier à l’usine de peinture PPG de Moreuil dans la Somme (ex-SigmaKalon) pour des revendications salariales. Elle s’est terminée le jeudi 25 mars au soir sans victoire financière, mais un gros rapport de force a été créé par les ouvriers grévistes avec le soutien d’autres ouvriers en lutte du département, montrant ainsi qu’un embryon local de convergence des luttes peut peser de façon conséquente sur un conflit malgré une contre-grève organisée par la direction et le syndicat majoritaire.

    Un groupe ultra-bénéficiaire

    SigmaKalon est né au moment de la fusion en 1999 des deux groupes pétroliers Total (France) et Petrofina (Belgique). De cet holding s’ensuit la fusion de leurs filiales parachimiques respectives : les fabricants de peinture Kalon (Colombie) pour Total et Sigma Coatings (Hollande) pour Petrofina. Ce groupe compte environ 10 000 employés de par le monde. Il est ensuite cédé en 2003 à Bain Capital, une firme d’investissement américaine, et après avoir généré de gros profits, son capital est ouvert et le tout est acquis en 2007 par le groupe américain PPG Industries, spécialisé dans les peintures, revêtements, produits optiques, matériaux spéciaux, produits chimiques, verre et fibre de verre. Cette fusion fait de ce nouveau groupe le numéro 2 mondial dans le secteur de la peinture et compte plus de 150 sites de production dans 60 pays tous secteurs confondus. Les usines françaises fabriquent des peintures et des vernis qui sont ensuite revendus sous plusieurs marques selon la clientèle de particuliers (75%) ou de professionnels (25%), entre autres marques : Seigneurie et Ripolin.

    Le groupe PPG affichait en 2007 un chiffre d’affaires de 11,2 milliards $ (8,4 milliards €), en 2008 un CA de 15,8 milliards $ (11,8 milliards €) et en 2009 le CA augmentait encore de 30%, avec 600 millions € de bénéfices pour PPG AC France. PPG vient de distribuer 25% de dividendes supplémentaires à ses actionnaires et n’a accordé qu’une augmentation d’1% à ses salariés en 2009.

    Le conflit

    60 ouvriers sur 160 ont débrayé en montant un piquet à l’entrée des camions le lundi 15 mars au matin car la direction avait refusé lors de la NAO (négociation annuelle obligatoire) de satisfaire leurs revendications salariales : selon Isabelle Danjou, la déléguée CGT, augmentation de 60€ bruts par salarié, augmentation de leur prime de congés de 800 à 1000€ et augmentation de leur prime d’équipe à 9€.

    Force Ouvrière (majoritaire) avait démarré la grève avec la CGT (minoritaire) sur les mêmes revendications, mais elle s’est désolidarisée en acceptant 25€ bruts pour les salaires de moins de 1 900€ proposés par la direction le lendemain, jugeant que la grève devait s’arrêter aussitôt. Plusieurs délégués du personnel et ouvriers syndiqués à FO ont dénoncé immédiatement cet accord et se sont solidarisés avec les autres grévistes CGT.

    Sébastien Caillouet, le délégué FO appuyé par la direction, a carrément demandé le mercredi au préfet d’Amiens qu’il fasse intervenir les forces de l’ordre pour défaire le piquet CGT qui bloquait l’entrée des camions de matières premières. Finalement, les grévistes ont été sommés de déplacer le piquet et le préfet en est resté là.

    Les jours suivants, une quinzaine de grévistes ont arrêté le piquet sous la pression de la direction qui a proféré des menaces de licenciements, mais les familles des grévistes se sont rendues à un barbecue le dimanche pour montrer leur solidarité. Lundi 21, sur les 160 salariés du site, 45 étaient toujours en grève alors qu’un contre-piquet étaient monté un peu plus haut par FO, soutenue par la direction. On pouvait lire sur des pancartes à l’entrée de l’usine : « Libérez notre usine » ou encore « Non au blocus ». Un tel rassemblement ne pouvait pas être spontané, mais organisé, car une cinquantaine d’antigrévistes étaient dehors.

    Licenciement promis à 26 grévistes...

    La direction, forte du soutien du syndicat jaune FO, a confirmé ses menaces en envoyant des lettres recommandées à 26 grévistes. Mais les ouvriers ne s’en sont pas laissé compter et ont organisé une manifestation à Moreuil. Ils sont partis de l’entreprise PPG à 9h 30 le mardi, puis rejoint le marché, dans le centre, pour distribuer des tracts et sensibiliser les habitants à leur mouvement, pour que le feu de la contestation ne meure pas. « On n’est pas des rebelles, on veut juste être reçus par la direction », a affirmé Isabelle Danjou. Mais la direction a rejeté toute demande de concertation jusqu’au lendemain.

    Fort soutien extérieur d’ouvriers en lutte

    Dès le lundi matin, des ouvriers de Goodyear Amiens Nord, Dentressangle, DHL et Valéo d’Amiens sont venus soutenir leurs camarades de la CGT, ainsi que des militants du NPA de la Somme. Le surlendemain, mercredi, ce sont six ex-ouvriers de Continental Clairoix qui sont venus les soutenir, faisant grincer des dents les contre-grévistes restés plus haut. Des militant-e-s du NPA sont restés présents durant plusieurs jours du conflit au côté des grévistes. La direction était d’accord pour une réunion de concertation à la Préfecture d’Amiens le soir du mercredi, mais la présence des Contis et de Xavier Mathieu en particulier l’a fait se rétracter et elle a demandé à Isabelle Danjou de les faire partir. Les Contis ont décidé de s’en aller en leur promettant qu’ils reviendraient en plus grand nombre s’ils n’obtenaient pas la levée des sanctions.

    L’accord de sortie de crise a été signé le lendemain. Il y a été convenu que le non-paiement des jours de grève serait étalé sur trois mois, que toutes les sanctions seraient levées et la CGT a finalement accepté les 25€ bruts pour cette année. La direction a elle-même demandé à ce que soit inscrit dans l’accord qu’une négociation soit prévue dès le déclenchement d’un prochain conflit, montrant ainsi qu’elle n’a pas pris à la légère cette grève soutenue.

    Même conflit dans une autre usine du même groupe

    À l’usine PPG de Genlis en Côte-d’Or, leurs collègues avaient démarré une grève aussi pour les mêmes revendications. La direction avait également assigné sept représentants syndicaux de la CGT devant le tribunal correctionnel de Dijon pour blocage illicite. Depuis mardi 16 mars, 40% des salariés empêchaient les camions de livraison de sortir du site, seul moyen pour eux de se faire entendre puisque la direction refusait de les recevoir pour discuter. Le tribunal a jugé que le blocage constituait une voie de fait et a ordonné sa levée sous peine de payer une astreinte de 100 euros par personne et par jour de retard. Ils ont accepté de lever le blocage. Leur grève s’est terminée le même jour avec les mêmes conclusions.

    Conclusion

    Une nouvelle brèche a été ouverte dans le développement des luttes de la région. Les ouvriers en grève de l’usine PPG de Moreuil sont restés inflexibles et dignes malgré leur non-victoire financière face aux manœuvres de la direction appuyées par le syndicat jaune FO. Les élus et syndiqués FO solidaires des grévistes vont passer à la CGT, faisant de FO dans cette entreprise le syndicat de l’encadrement, de plus en plus minoritaire dans les rangs des ouvriers.

    Un groupe important d’ouvriers de PPG sont venus à la manifestation de soutien aux six Contis à Compiègne le 7 avril, ainsi qu’une délégation des Total Dunkerque, des Goodyear Amiens, des Philips Dreux et beaucoup d’autres de toute la région. Au total, mille personnes y étaient présentes. Le NPA du département apparaît comme la seule organisation politique capable d’apporter son soutien dans ces luttes.

    La convergence des luttes prend de plus en plus forme. Mais il lui manque un fond ! Ce fond, c’est au parti anticapitaliste d’en apporter les contours par son soutien et sa fréquentation assidue des ouvriers en lutte, par l’exercice syndical des militants du NPA dans les syndicats combatifs, notamment en y proposant une orientation lutte de classe visant à responsabiliser les ouvriers quant aux choix et au contrôle de leurs élus dans les entreprises et les unions locales, afin de peser sur l’orientation des syndicats pour œuvrer dans le sens du renversement du capitalisme.

    Mais le NPA doit aussi expliquer clairement que la seule alternative à celui-ci reste le socialisme, l’abolition de la propriété privée des moyens de production et d’échange. Les ouvriers peuvent et doivent, pour leur survie, prendre le contrôle de l’outil de production qu’eux seuls « rentabilisent ».

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