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Réponse à quelques arguments de camarades qui veulent appeler à voter Hollande au second tour
Le dernier CPN a refusé de discuter sérieusement de la question du second tour. Néanmoins, la majorité a décidé de ne donner de consigne de vote qu’au soir du premier tour. Pourtant, de façon non démocratique, nos porte-parole dans les médias (principalement Philippe Poutou et Olivier Besancenot) ne cessent de marteler qu’il faudrait voter pour « battre Sarkozy » et donc voter Hollande.
Notre position a été largement minoritaire au CPN, mais nous voulons tenter ici d’examiner les arguments des camarades (1) pour tenter de les convaincre que nous ne devons pas appeler à voter pour Hollande (ou à « battre Sarkozy », ce qui revient au même).
L"électorat populaire s'apprête-t-il à voter massivement Hollande ?
Beaucoup de camarades pensent que la masse des prolétaires s’apprête à voter Hollande pour chasser Sarkozy. Certes, nous avons tous autour de nous des collègues qui vont agir ainsi : c’est logique vu les coups portés par Sarkozy depuis 5 ans. Mais, en même temps, nous devons souligner auprès d’eux que, en élisant Hollande, ils auront chassé Sarkozy, mais pas sa politique. En effet, Hollande annonce sans ambiguïté vouloir garder la plupart des lois votées sous Sarkozy et explique qu’il aurait appliqué une politique d’austérité aussi dure que celle de Papandréou s’il avait été à sa place.
Cependant, l’idée que les prolétaires s’apprêteraient à voter en masse pour Hollande déforme la réalité. Si l’on remplace les schémas tout faits par l’analyse concrète des intentions de vote des prolétaires, on se rend compte que :
1) Au premier tour, l’électorat populaire (ouvriers et employés) ne s’apprête pas à voter massivement pour le candidat socialiste. Au contraire, Hollande fait moins que son score moyen dans les classes populaires. D’après un sondage BVA (2) sur un échantillon de 2 800 personnes, Hollande ferait 22% chez les ouvriers contre 28% en moyenne.
2) Malgré une hostilité de Sarkozy très grande dans le prolétariat, ce dernier ne s’apprête pas à voter largement pour Hollande au second tour :
- D’une part, les instituts de sondage annonce une abstention historique (supérieure encore au 1er tour de 2002) autour de 30% au 1er tour de l'élection, qui sera certainement aussi très élevée au second tour. On sait en outre que l’abstention sera bien plus forte dans les classes populaires que dans les classes aisées.
- D’autre part, même parmi ceux qui iront voter, la déferlante Hollande s’annonce toute relative : seuls 56% des employés et 57% des ouvriers s’apprêtent à voter Hollande, soit à peine plus que son score moyen (54%) d'après un sondage Ifop (3).
- Enfin, selon le même sondage Ifop, seuls 33% des ouvriers et 37% des employés seulement souhaitent la victoire de Hollande (25% des ouvriers souhaitent la victoire de Sarkozy, et surtout 32% ne souhaitent la victoire ni de l’un ni de l’autre).
On est donc très loin d’une déferlante annoncée pour voter Hollande afin de se débarrasser de Sarkozy. Hollande n’est pas Mitterrand : ni au niveau de son programme, ni au niveau de sa base militante, ni au niveau de ses électeurs.
Le parti socialiste est-il un parti réformiste?
Pour justifier la possibilité d’un appel clair au vote Hollande au second tour, certains camarades défendent l’idée que le PS serait toujours un parti réformiste (ou « ouvrier-bourgeois », selon la terminologie de Lénine, qui désignait par là les partis sociaux-démocrates pour désigner à la fois leur appartenance au mouvement ouvrier et la nature bourgeoise de leur politique). Pourtant, on ne peut s’en tenir à l’argument de l’héritage historique. Ce n’est pas parce que le PS a été réformiste qu’il l’est toujours !
Le réformisme consiste à promettre de construire une société socialiste, débarrassée de l’exploitation capitaliste, par étape et sans rupture franche avec les institutions politiques capitalistes. Jusqu’au début des années 1980, le PS était un parti réformiste : il prétendait vouloir sortir du capitalisme et se revendiquait même d’une forme de marxisme. Mais ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui : son horizon indépassable est le capitalisme, et il ne se revendique même plus de la défense des intérêts des travailleurs contre ceux des capitalistes. Il prétend simplement défendre l’intérêt général, la justice sociale, dans le cadre d’une « économie sociale de marché ». Le fait que le PS mette en avant quelques mesures sociales (création de postes dans l’enseignement — en fait aux dépens d’autres emplois publics ! —, abrogation de la TVA sociale, etc.) n’est absolument pas la preuve de sa nature réformiste. Un parti bourgeois de « gauche » (relativement à un parti bourgeois de « droite ») se doit de se différencier en promettant quelques mesures sociales et démocratiques (comme des droits pour les homosexuels dans le cas du PS). De la même façon que le parti démocrate aux USA est (du moins en parole) pour taxer un peu plus fortement les plus aisés que le parti républicain, le PS (mais aussi le MODEM de Bayrou, parti évidemment bourgeois) dit vouloir alourdir la fiscalité des plus riches par rapport à ce que souhaite l’UMP. Ce qui distingue un parti réformiste d’un parti « bourgeois de gauche » est, en dernière instance, fort simple : même si les deux appliquent une politique pro-capitaliste une fois au pouvoir (faute de vouloir se donner les moyens de rompre avec le capitalisme), un parti « ouvrier-bourgeois » réformiste prétendra que c’est une étape malheureuse mais inévitable avant d’aller au socialisme, alors qu’un parti « bourgeois » assumera franchement son attachement au capitalisme.
Nous pensons que le PS est un parti bourgeois. Il n’a plus rien à voir avec les partis socialistes d’autrefois : alors que Hollande promet aux travailleurs de mettre en place la rigueur et de s’attaquer à leurs conditions de vie, peut-on oser dire, qu’un vote massif pour Hollande contribuerait à affaiblir la bourgeoisie, à lui infliger une défaite sur le terrain électoral ? Faudrait-il blâmer un travailleur qui refuserait de s’en remettre à un autre politicien bourgeois contre le sortant ? Ne faudrait-il pas se réjouir, au contraire, de ce refus de choisir un des candidats de la bourgeoisie ?
Voter Hollande pour alimenter nos propres illusions… alors qu’une grande partie des travailleurs n’attend plus rien du PS ?
Enfin, le principal argument des camarades qui veulent que le NPA appelle à voter Hollande est que la résistance des travailleurs sera plus difficile si Sarkozy gagne, car il s’ensuivrait une démoralisation. Là encore, les camarades substituent un schéma abstrait à l’analyse concrète de la réalité. Lorsque l’honni Berlusconi a fini par être vaincu aux élections par une coalition de la « gauche » italienne en 2006 (qui incluait le PDS, parti social-démocrate héritier du parti stalinien, la Marguerite, le Parti de la Refondation Communiste, etc.), est-ce que cela a rendu la lutte contre les coups du patronat plus facile ? A-t-on vu un bond en avant de la lutte de classes ? Pas du tout. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle dès 2008, la gauche a de nouveau été balayée et Berlusconi est revenu. De même, en Grèce, lorsqu’en 2009, la Nouvelle Démocratie a été chassé du pouvoir par le PASOK, est-ce que la résistance aux mesures d’austérité a connu un saut qualitatif ? Non plus ! Tout au contraire, dans un cas comme dans l’autre, la bureaucratie syndicale a redoublé sa politique de collaboration de classe, facilitant le passage des contre-réformes, habillées d’un vernis social.
Alors, sans doute, à très court terme, une victoire de Sarkozy pourrait démoraliser une partie des travailleurs qui luttent et des militants des syndicats ou du Front de gauche, alors qu’une victoire de Hollande leur donnerait de l’espoir. Mais cela ne ferait que les confronter plus directement et plus brutalement à la tâche qui leur fait face : vaincre par la lutte des classes, c’est-à-dire par la grève générale, l’offensive capitaliste qui sera menée par le vainqueur de la présidentielle, quel qu’il soit. Et cela les mettrait inévitablement en conflit avec les directions de leurs syndicats ayant tout misé sur le retour de Hollande et rien sur la préparation d’une lutte de classe sérieuse. Inversement, le moral immédiat serait sans doute meilleur parmi ces mêmes travailleurs en cas de victoire de Hollande. Mais ils auraient alors à affronter d’autres obstacles, non moins redoutables, sur la voie de leur lutte de classe. L’image plus « sociale » de Hollande et la collaboration encore plus éhontée des directions syndicales seraient un obstacle considérable, que beaucoup de camarades semblent sous-estimer.
De plus, alors qu’une abstention record s’annonce et que l’approfondissement de la crise risque d’ébranler les institutions dans les prochaines années, la bourgeoisie a intérêt à faire croire que sa « démocratie » fonctionne bien, que le peuple peut « choisir librement » l’alternance.
Au fond, l’argumentation de certains camarades qui voudraient que l’on appelle à voter Hollande se résume à ceci : ils pensent, eux aussi, que pour les travailleurs Hollande serait moins pire que Sarkozy. C’est pourquoi, au lieu de dialoguer avec les salariés pour les aider à rompre avec leurs illusions, ils proposent de s’y s’adapter.
Pour renforcer notre classe face à la nouvelle offensive capitaliste en préparation, le rôle principal et immédiat du NPA est de combattre pied à pied non seulement le bilan et le programme de Sarkozy, mais tout autant le projet de Hollande et les illusions qu’il peut susciter chez une partie des travailleurs — tout comme d’ailleurs, sur un autre plan, les illusions envers Mélenchon.
Fondamentalement, la meilleure façon de préparer la résistance à l’offensive capitaliste est non seulement de maintenir notre totale indépendance face aux candidats de la bourgeoisie, mais de dénoncer avec force leur volonté commune de faire payer la crise aux travailleurs par des attaques sans précédent. Même si cela nécessite de naviguer à contre-courant vis-à-vis d’une partie des électeurs de gauche, ce serait se tirer une balle dans le pied que d’appeler à voter pour un personnage qui s’apprête à frapper les travailleurs beaucoup plus durement encore que Sarkozy ne l’a fait jusqu’à présent (parce que la situation objective l’exige). Ce serait aussi faire le jeu du Front national qui pourrait ainsi prétendre être le seul adversaire du « système » puisque le seul à ne pas rallier, au second tour, un des candidats de ce « système ».
La tâche principale des anticapitalistes, c’est d’être à l’avant-garde du combat pour regrouper toutes les organisations, partis et syndicats, et tous les travailleurs, qui veulent combattre par la lutte les mesures d’austérité en préparation, quels que soient le nom et l’étiquette du représentant de la bourgeoisie qui aura à les exécuter. Les travailleurs possèdent la puissance d’arrêter l’offensive capitaliste, mais l’orientation et la tactique des directions syndicales, liées au PS ou au Front de gauche, les a jusqu’ici partout conduit à la défaite. Pourtant, comme l’ont montré nos frères et sœurs de Guadeloupe, ce n’est pas une fatalité. Même contre un gouvernement déterminé et répressif, on peut gagner. Notre modèle, c’est celui du LKP : définir précisément les revendications, construire l’unité autour d’elles, les populariser, appeler à la grève générale et la construire en partant des entreprises et des établissements les plus mobilisés. C’est comme cela seulement que nous pourrons réussir à vaincre l’offensive du capital partout en Europe et ouvrir la voie à un gouvernement des travailleurs eux-mêmes, le seul capable de mettre un terme à la crise.
1) Notamment ceux de Pascal Morsu, camarade de la P2, qui a fait une contribution sur le sujet - « A propos de l'orientation électorale actuelle du NPA » - disponible sur notre site : http://tendanceclaire.npa.free.fr/contenu/autre/morsu.pdf
2) http://www.bva.fr/data/sondage/sondage_fiche/1121/fichier_intention_de_vote_bva-le_parisien_-_avril_2012dd0f0.pdf
3) http://www.parismatch.com/Actu-Match/Presidentielle-2012/import/pdf/rapport-02-04-2012.pdf
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