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Fabiana Stefanoni, du Parti d’Alternative communiste (PdAC), nous apporte des compléments d’information sur la situation en Italie
Suite à notre récente interview, Fabiana Stefanoni, du Parti d’Alternative communiste (PdAC), nous apporte des compléments d’information sur la situation en Italie (mercredi 25/03/2020).
Nous relayons également l’appel important du Réseau intersyndical de solidarité et de luttes, en soutien aux grèves en Italie : LIRE ICI
Fabiana, Peux-tu nous expliquer la situation concernant la fermeture des entreprises en Italie ? En France nous sommes très mal informé.e.s sur ce point, et les médias racontent des bobards…
Il y a une rencontre aujourd’hui, qui se déroule en ce moment même, entre les bureaucraties syndicales et le gouvernement[1], pour définir quelles sont les usines qui doivent rester en activité et lesquelles peuvent fermer. Pour commencer, les usines que le gouvernement avait indiquées comme étant essentielles [dans la situation d’urgence actuelle]… ne sont pas essentielles. Mais le patronat veut avoir encore plus d’usines en activité. Et à présent, il y a ce petit jeu entre la bureaucratie syndicale et le patronat, pour décider combien d’usines, et quel type d’usines va rester en activité et lesquelles pourront fermer. Mais dans l’hypothèse la plus favorable, peu d’usines vont fermer, parce que la bureaucratie est disposée à laisser les autres en activité, puisqu’elle dit aux ouvriers qu’ils peuvent travailler en toute sécurité. Ce qui est un mensonge.
Est-ce que les ouvrier.e.s sont toujours dans la lutte, et jusqu’à quel point ?
Aujourd’hui, il y a une journée de grève, dans les secteurs de la métallurgie et du textile dans deux régions : l’une au nord ; l’autre dans la région de Rome. Cette journée est appelée à la fois par les bureaucraties réunies et aussi par les syndicats de base (Voir le message de solidarité du Réseau syndical international de solidarité et de luttes envoyé aux travailleur/se.s en lutte via les syndicats de base).
Mais bon… c’est insuffisant ! Comme le disent des ouvriers eux-mêmes : cela n’a pas de sens, un seul jour de grève. Et ils sont en grève déjà depuis de nombreux jours, dans de nombreuses régions, et ils veulent faire une grève illimitée, seulement dans le secteur privé. Parce qu’en Italie on ne peut pas faire grève dans les transports, par exemple. Déjà, il est difficile en temps normal de faire une grève illimitée dans le secteur des transports. Mais maintenant, en Italie, le gouvernement a pris une décision qui empêche de faire grève dans le secteur des transports jusqu’à la fin de l’épidémie de coronavirus. Mais en Italie, il est possible, jusqu’à maintenant, une grève illimitée dans le secteur privé. C’est à cela que nous[2], nous appelons. Et les ouvriers le font déjà, dans beaucoup d’usines.
Qu’en est-il de la menace de grève générale brandie par les directions syndicales ?
Comme je te le disais, la menace de la grève générale était une menace symbolique, pour dire « faisons grève, mais euh… nous ne voulons pas la faire… ». L’histoire que le gouvernement écoute les bureaucrates. C’est juste ça qui se joue juste maintenant… Et ils ont déjà dit que le gouvernement… est à l’écoute. Et ils ne vont donc pas appeler à la grève générale, parce que ce n’est pas ce qu’ils veulent… etc. Parce que selon eux, il faut que tout le monde soit unis, tou.te.s ensemble. Nous, les ouvriers, le patronat… Voilà le tableau d’ensemble.
Qu’en est-il de la combativité ? Qu’est-ce qui peut se passer ?
Le plus intéressant, c’est que les ouvriers veulent faire la grève. Un exemple de ce qui se passe ici, et il se peut que ça se passe en France aussi. Un ouvrier de chez nous travaille dans une usine où sont produits des biens non essentiels, mais aussi certaines choses dont le patron va dire qu’elles sont essentielles (par exemple des choses dont on a besoin dans les hôpitaux). Que se passe-t-il alors? Ils appellent les ouvriers à travailler… et à produire aussi des biens non essentiels, des choses qui ne sont pas nécessaires en ce moment pour la santé. C’est le cas dans cet exemple : la boite produit des produits chimiques, des plastiques. Eh bien… la boite va aussi produire des choses qui ne sont pas urgentes. Il me disait, comme c’est une boite qui produit des plastiques qui servent pour des jouets, qu’ils vont donc produire des plastiques servant à faire des jouets, pour les enfants. C’est vraiment brutal. Et clairement, les ouvriers ont peur. Ils font la grève, ils ne vont pas travailler. Ils sont en colère contre leurs directions syndicales. Etc. etc.
Juste après la fin de l’interview, Fabiana ajoute le message suivant :
La rencontre entre syndicats et gouvernements vient de se terminer à l’instant : comme on pouvait l’imaginer, ils décommandent la grève générale ! C’était simplement une manœuvre.
Notes
[1] Quand Fabiana parle des bureaucraties, elle parle des directions bureaucratiques des grands appareils syndicaux. La réunion évoquée ici est une réunion en vidéoconférence entre le ministre du développement économique Stefano Patuanelli, le ministre de l’économie, Roberto Gualtieri et les dirigeants des trois grandes centrales syndicales (bureaucratiques) :
- la CGIL (Confederazione Generale Italiana del Lavoro: Confédération générale italienne du travail) – plus grosse centrale en importance (revendique plus de 5,6 millions d’adhérent.e.s), créée en 1944 en continuation de la Confederazione generale del lavoro –CGdL- créée en 1906 et dissoute en 1925). Affiliée à la Confédération européenne des syndicats (CES) et à la Confédération syndicale internationale (CSI).
- la CISL (Confederazione Italiana Sindacati Lavoratori: Confédération italienne des syndicats de travailleurs), d’inspiration catholique fondé en 1950, affiliée à la Confédération syndicale internationale, la 2e centrale syndicale italienne en importance (revendique plus de 4 millions d’adhérent.e.s), membre fondateur de la Confédération européenne des syndicats (CES).
- l’UIL (Unione Italiana del Lavoro: Union italienne du travail) – 3e centrale syndicale italienne (revendique 2,2 millions d’adhérent.e.s), d’inspiration social-démocrate et républicaine, fondée en 1950. Affiliée à la Confédération européenne des syndicats (CES) et à la Confédération syndicale internationale (CSI).
[2] Le PdAC (Parti d’alternative communiste), section italienne de la Ligue internationale des travailleurs-Quatrième Internationale (LIT-QI)