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Quelle campagne voulons-nous ? Contribution à partir de la grève victorieuse de l’ENS
Dans notre comité, les militantEs ont défendu des plateformes différentes au congrès et ont des divergences sur la position exacte à adopter pour la présidentielle. Toutefois, nous voudrions apporter un éclairage sur la campagne qu’il faudrait à notre avis mener. Nous avons participé à une lutte qui a duré 7 mois (dont 136 jours de grève) et s’est terminée par une victoire importante (CDI pour 22 précaires, jours de grève payés à 82%, prime de 900 à 1000 €, mutationsanction d’un chef violent et dangereux, engagement de la direction à ne pas privatiser...).
Selon nous, la conférence nationale doit définir surtout le contenu de la campagne : il s’agit de mettre en avant une logique anticapitaliste, les méthodes de l’auto-organisation ouvrière et le projet d’un parti pour la lutte des classes. Il faut populariser les luttes et valoriser leurs points forts en ancrant nos propositions dans les expériences réelles. Or les leçons de la lutte de l’ENS sont à notre avis de celles qui méritent d’être mises en avant.
Tout a commencé début septembre par des réunions sur la contre-réforme des retraites, à notre initiative car on ne pouvait compter sur les bureaucrates syndicaux locaux, d’ailleurs sans troupes. Nous avons alors constaté que les travailleur/ses avançaient surtout d’autres revendications : contre la précarité, pour les salaires, pour le respect au travail. Un Collectif des personnels de l’ENS s’est mis en place pour faire le lien entre ces problèmes et a diffusé un tract.
Puis les cours ont commencé et les camarades, notamment de SUD, nous ont rejoints. Dans la continuité des mouvements contre le CPE et la LRU, des AG ont eu lieu. Même si les personnels étaient très minoritaires au début, l’AG a décidé de s’adresser à eux/elles, d’intégrer la question de la précarité et des salaires. De plus, nous avons noué des liens avec les cheminots d’Austerlitz et d’Ivry, envoyé des déléguéEs aux AG interpro et à Grandpuits, fait un cortège commun ENS/raffineurs à l’invitation de ceux-ci. On n’a pas hésité à débattre de la politique des bureaucraties syndicales qui empêchaient l’extension des grèves reconductibles et la grève générale : la majorité en pris conscience, au grand dam du FdG et de l’UNEF. Enfin, deux élèves syndiqués et un travailleur élu CGT ont rejoint notre comité, augmentant encore notre influence.
Le nombre de personnels venant aux AG et en manif croissait progressivement. Mais nous n’arrivions pas à gagner les précaires du restaurant jusqu’à ce que l’AG décide de bloquer ce service pour leur permettre d’arrêter le travail et de venir manifester sans prendre de risque. Des revendications claires ont été définies par une AG record : titularisation, au minimum CDI immédiat, augmentation de 300 €, amélioration des conditions de travail.
L’AG pro-ouvrière et démocratique, libérant la parole et n’hésitant pas à engager des actions radicales, a permis une impressionnante progression de la conscience de classe. Après de nouveaux blocages (dont celui du CA) et trois jours de grève en décembre, la grève reconductible a été lancée en janvier. La vente quotidienne de sandwiches a permis de l’auto-financer. Les actions ont continué, notamment l’occupation des bureaux de la direction durant 4 semaines. L’unité grévistes/ étudiantEs a été décisive. L’AG a su, par l’analyse calme des situations, de vraies discussions et l’expérience des militantEs (notamment la nôtre), déjouer les coups de la direction qui, appuyée par Pécresse et même l’Élysée, a alterné tentatives de pourrissement, négociations avortées et répression (vigiles, huissiers, plaintes, évacuation policière). La méthode de l’auto-organisation n’a pas empêché d’interpeller les fédérations syndicales, qui ont apporté leur soutien. Des bureaucrates locaux et nationaux, notamment FERC et UGFF-CGT, ont pourtant tenté de négocier avec le ministère et la direction dans le dos de l’AG. Mais les grévistes (qu’on avait contribué à faire adhérer à la FERC-Sup CGT et qui contrôlent maintenant le syndicat) les ont condamnés, convoqués à une réunion de section et contraints à s’incliner !
Enfin, la grève est restée solidaire, même après que la direction eut tenté la division en cédant des CDI aux seuls grévistes ayant le plus d’ancienneté. Malgré la pression de bureaucrates dénonçant le « jusqu’au-boutisme », la solidarité ouvrière a triomphé : la grève s’est poursuivie jusqu’à ce que la totalité des grévistes obtienne un CDI.
Quels sont les ingrédients qui nous ont permis de gagner ? Des revendications définies en AG, une grève tenace et reconductible, la caisse de grève, la démocratie ouvrière, l’unité dans la lutte, le combat contre les bureaucrates et bien sûr l’expérience des militantEs politiques. C’est un des messages essentiels que devrait selon nous porter le NPA.