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Grève étudiante à Berlin
Les universités berlinoises laissent s’envenimer la lutte pour une convention collective juste
Traduit et adapté d’un Article de Victor Müller, paru dans la Sozialistische Zeitung de Juillet 2017 http://www.sozonline.de/2018/07/studierendenstreik-in-berlin/
Pour rappel, traduction de l’article de février 2018 ici : https://tendanceclaire.org/article.php?id=1331
Mise à jour : Depuis l’écriture de cet article, la commission tarifaire a accepté de soumettre au vote des grévistes une proposition d’accord qui prévoit une augmentation progressive des salaires, à partir de 12,30€/h en 2019, et de les indexer sur la convention TV-L à partir de 2023. L’indexation est soumise à des conditions budgétaires très floues. La commission tarifaire a, de plus, appelé à cesser la grève avant le vote des grévistes, si bien que le vote aura lieu sous la pression de la hiérarchie. Dans ces conditions, les grévistes ont intérêt à voter contre la proposition d’accord et à poursuivre leur grève jusqu’à la satisfaction des revendications détaillées dans l’article ci-dessous (notamment l’indexation immédiate et sans conditions, ainsi que le redéploiement des CE uniquement sur des missions scientifiques).
À la fin du mois de juin, les contractuel-le-s étudiant-e-s (CE) des universités berlinoises auront enchaîné quatre semaines de grève consécutives, pour un total de près de 40 jours de grève. Les effets sur l’enseignement, la recherche et l’administration sont sensibles au quotidien, avec par exemple l’annulation de tutorats et de travaux dirigés, la réduction des horaires d’ouverture des bibliothèques et la fermeture de certaines services.
La « Longue nuit des sciences » (9 juin), coûteux événement de propagande pour une politique universitaire reposant prétendument sur l’excellence, mais en réalité sur l’exploitation, a été marquée par plusieurs « slams de grève » (Streik-Slams). Un appel au blocage des universités le 13 juin a mené à l’occupation du grand amphithéâtre de l’Université technologique.
La lutte menace d’empêcher la tenue de nombreux examens de fin de semestre. Pourtant, les responsables universitaires s’obstinent à faire des propositions qui ne compensent même pas la baisse du revenu réel survenue depuis 17 ans. Le Sénat de Berlin avait certes financé par le passé des augmentations de salaire pour les CE, mais les universités ne les avaient pas mises en œuvre, préférant utiliser autrement ces fonds au nom de « l’excellence ».
C’est ainsi que dans un premier temps les négociations ont échoué – avant que les responsables universitaires ne s’adonnent à des provocations éhontées, par exemple en prétendant que les CE ne travaillent pas avant tout pour gagner leur vie, mais pour « se faire des contacts ». À la revendication « même travail, même salaire », ils répondirent, par un proverbe éculé, qu’on ne peut pas « comparer des pommes avec des poires ».
Au centre des revendications étudiantes se trouvent non seulement l’augmentation des salaires, mais aussi l’indexation des salaires sur l’inflation (sous la forme de l’indexation sur la convention collective TV-L, s’appliquant aux autres salarié-e-s des universités). À cela s’ajoute la revendication de n’être employé-e que pour du travail scientifique : en effet, les responsables universitaires emploient actuellement les CE dans de nombreuses fonctions techniques et administratives, exerçant ainsi une pression à la baisse sur les rémunérations des autres salarié-e-s.
Le secrétaire régional pour la culture et la recherche Steffen Krach a reconnu le 15 juin que l’indexation sur la convention TV-L est justifiée et réaliste. Malgré tout, les forces de police de la municipalité rouge-rouge-verte (parti de gauche « Die Linke », parti socialiste « SPD » et parti écologiste) ont évacué violemment l’amphithéâtre occupé. Pendant les jours suivants, les grévistes ont été superbement ignoré-e-s : au moment d’écrire ces lignes, aucune date de négociation n’avait été proposée par les universités.
Voilà une nouvelle preuve que les grévistes ne peuvent compter que sur leurs propres forces ainsi que sur le soutien d’autres organisations d’étudiant-e-s et de travailleur-e-s. La commission tarifaire élue par les CE a malheureusement voté récemment pour que ses séances ne soient plus publiques. Cela menace le lien entre la commission et la base des grévistes, et pourrait permettre aux responsables universitaires et à la municipalité de peser lourdement sur les négociations.
Dans cette situation se justifient les mesures de grève les plus déterminées, y compris la grève illimitée avec occupations. Qui plus est, une convention collective ne pourra être légitime que si elle rencontre l’approbation d’une majorité des grévistes. Les universités et la municipalité jouent certes la montre, mais craignent aussi une extension de la lutte – sans parler d’un nouveau blocage massif des universités, comme en 2009.
Le meilleur moyen d’obtenir un accord satisfaisant est d’étendre les revendications, pour mobiliser d’autres catégories que les CE, par exemple les boursièr-e-s, les étudiant-e-s étrangèr-e-s, les salarié-e-s de l’administration et des services techniques ainsi que les enseignant-e-s et chercheur/ses précaires, et de construire des liens avec d’autres secteurs. Une telle alliance d’étudiant-e-s et de salarié-e-s serait en mesure de s’attaquer aux structures autoritaires, à l’exploitation néolibérale et à l’oppression raciste, sexiste et classiste non seulement dans les universités, mais sur les lieux de travail et dans toute l’université.