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    Revoir Un coupable idéal, film français de Jean-Xavier Lestrade

    Par Stéphanie (15 août 2016)
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    Nous republions cet article de 2003, sur le documentaire Un coupable idéal, qui permet de se plonger dans une affaire malheureusement typique de la justice de classe et de la négrophobie, et dont les événements récents nous montrent à quel point il s'agit toujours d'actualité.

    Jacksonville, Floride. Brenton Butler, un jeune Noir de quinze ans, timide et sans histoire, est arrêté par la police qui l’accuse du meurtre d’une touriste américaine abattue d’une balle en pleine tête. Brenton est brutalement enfermé, coupé de sa famille, et risque la prison à vie. Parce qu’il est noir. Parce que la police a extorqué ses « aveux ». le jour même du drame, en l’emmenant dans un bois et en le frappant violemment à plusieurs reprises pour lui faire signer n’importe quoi. Parce que les médias, qui se sont rapidement rendus sur le lieu du crime, attendaient un coupable, et que la police est ravie de le leur livrer sur un plateau, sans volonté aucune de pousser plus loin l’investigation, et même si Brenton clame son innocence.

    Le documentaire de Jean-Xavier de Lestrade montre de façon implacable, sans pathos incongru, le fonctionnement de la police et de la justice américaines, largement dominées par le racisme. Le film démonte pièce par pièce le déroulement de l’enquête, en filmant méticuleusement le travail des deux avocats de Brenton. Les séquences du procès alternent avec des scènes de reconstitution et d’autres au cours desquelles les avocats du jeune homme expliquent leur méthode dans des mots simples, sans fioriture. Il s’agit de déjouer les agissements et les mensonges de la police, et pour cela de faire apparaître au grand jour toutes les lacunes de l’enquête, le racisme qui a animé les policiers à l’égard de cet adolescent, enfin l’usage qu’ils font régulièrement de la violence pour extorquer des aveux coûte que coûte.

    Défaillances de l’enquête : la police s’est contentée des affirmations du seul témoin oculaire du crime, le mari de la victime, qui s’empêtre dans ses contradictions lors de l’audience, en voulant absolument faire de ce jeune Noir l’assassin de sa femme. Les policiers tenaient leur coupable, ils ne se sont pas posé de questions. « Vu qu’on n’avait rien d’autre », déclare incidemment et cyniquement un policier. « Combien de personnes avez-vous interrogées ? », demande l’avocat au policier en charge de l’enquête. La réponse tombe sans commentaire : la seule personne interrogée a été Brenton. Racisme : « les nègres comme toi me rendent malade », hurle un policier lors de l’interrogatoire de Brenton. Brutalité, harcèlement et violence : des photographies montrent clairement le visage tuméfié du jeune homme quelques heures après son interrogatoire ; un policier — « un gars dont la spécialité est d’arracher les aveux » — l’a frappé à l’estomac et au visage. Mais la police n’est pas seule en cause : Brenton Butler est traîné, humilié, devant la cour de justice, pieds et poings liés, parce que le ministère public s’est contenté de cette enquête bâclée et d’un papier signé par l’accusé. L’acharnement de l’avocate générale à voir le jeune homme condamné témoigne aussi des failles de la justice américaine, et de l’indifférence à condamner un Noir ou un autre, du moment qu’il est noir.

    La force de ce documentaire tient dans sa démonstration impeccable, qui se détourne de tout habillage larmoyant et de toute mise en scène spectaculaire. S’il tient en haleine le spectateur, ce n’est pas par des effets de manche mais précisément par la conviction qui le nourrit : Brenton est innocent et il faut le prouver. Le film montre le courage d’une famille noire frappée par l’injustice, mais qui résiste avec dignité et confiance, et l’ardeur de deux avocats à dénoncer le fonctionnement d’un système raciste. Même si le documentaire ne reprend pas à son compte les méthodes cinématographiques qu’un film hollywoodien classique pourrait exploiter sur le sujet (suspense, dramatisation…), le spectateur se trouve réellement plongé dans l’insoutenable attente du verdict, attente qui ne dure pourtant pour lui que quelques instants — du fait du montage —, à comparer aux quarante-cinq minutes de délibération qui furent autant de moments de souffrance pour Brenton et ses proches.

    Cette fois, le jury donne finalement raison aux défenseurs de Brenton, en raison de leur puissance de conviction. Mais combien d’autres innocents ont été injustement condamnés en raison de la couleur de leur peau ? Chaque instant du film a montré le déchaînement de violence qui se déploie quotidiennement dans les commissariats de police à l’égard des suspects « de couleur ».

    Mais cette situation diffère-t-elle profondément de ce qui se passe chaque jour, ici, en France, avec les contrôles d’identité au faciès dans le métro ou dans les rues, avec l’interdiction faite désormais aux jeunes de se rassembler au pied de leurs immeubles, avec la chasse aux « sans-papiers » expulsés par charter, ou encore dans les commissariats où les « bavures » ne sont pas rares ?


    Lien vers le film : https://www.youtube.com/watch?v=Uq75zRjxY0c

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