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      Pour la rupture anticapitaliste avec l’Union européenne !

      Par Tendance CLAIRE (12 juin 2018)
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      Contribution sur l'Union européenne en vue du prochain Conseil politique national (CPN) du NPA du 16 et 17 juin 2018

      Un rejet massif de l’Union européenne chez les travailleurs/ses sur lequel nous devons nous appuyer

      Le clivage de classe est frappant sur la question européenne : les bourgeois et les cadres supérieurs soutiennent la construction européenne capitaliste alors que les travailleurs la rejettent. Il n'y a aucun lien logique entre le rejet des institutions européennes et le rejet des immigré.e.s. D’ailleurs, malgré le travail de sape de l’extrême-droite pour les lier, la corrélation entre le rejet de l'UE et le rejet des immigrés n'est pas aussi forte que le véhicule malheureusement certains à l’extrême gauche. Le dernier sondage en date (cf. https://elabe.fr/elections-europeennes/) indique que par exemple que les plus de 65 ans sont moins favorables que la moyenne à la libre circulation des humains dans l'espace Schengen (46% contre 52%), alors qu'ils sont nettement plus favorables au maintien dans l'euro (82% contre 68%). Le clivage de classe se fait principalement sur l'euro : 24% des cadres sont pour la sortie de l'euro contre 56% des ouvriers.

      Nous devons nous appuyer sur l’hostilité à l’égard de l’UE pour l'incarner dans un projet de rupture avec le système capitaliste, en expliquant pourquoi cela inclut la rupture avec l'UE capitaliste.

      L’Union Européenne : un dispositif institutionnel précieux pour les bourgeoisies européennes

      La construction européenne capitaliste, depuis 1957 et le traité de Rome, est une stratégie des bourgeoisies nationales à la fois pour peser davantage dans la concurrence mondiale et pour disposer d’armes juridiques et politiques contre les travailleurs/ses d’Europe. La CEE, puis l'UE, ont été construites sur les bases de la concurrence libre et non faussée, le libre échange, la liberté de circulation des capitaux, qui visent à mettre les travailleurs/ses en concurrence pour comprimer les salaires. Les bourgeoisies européennes ont très bien compris l'utilité de mettre en place ces institutions supranationales pour imposer avec plus de facilité des attaques contre les travailleurs/ses.

      Si l'Europe est un formidable levier pour le grand capital, c'est d’une part parce que les bourgeoisies nationales ont besoin de nouer des alliances entre elles dans le cadre de la concurrence mondiale. D’autre part, le prolétariat n'est pas organisé au niveau européen, mais au niveau national. C'est pour cela que les capitalistes voient l'intérêt de se coordonner à l'échelle européenne pour mieux détruire nos acquis. L’UE n’est pas seulement un « prétexte » pour nous attaquer : elle offre un ensemble de mécanismes politiques et juridiques permettant de démanteler progressivement, dans chaque pays, les acquis reconnus par les États dans le cadre des rapports de force variables entre les classes hérités de l’histoire.

      Dans ce dispositif institutionnel, l’euro tient une place particulière. C’est une arme redoutable pour mettre en concurrence les travailleurs : rendant impossible les dépréciations monétaires, et en l’absence de transferts budgétaires massifs, la seule variable d’ajustement pour faire face aux écarts de compétitivité est le salaire.

      L’extrême-droite renonce à la rupture avec l’Union européenne et l’euro

      L’extrême-droite européenne a fait son beurre du rejet massif de l’UE dans les catégories populaires. Elle s’est appuyée sur la conscience spontanée des prolétaires (qui perçoivent bien que l'UE est une arme de la classe dominante pour les asservir davantage) pour l'entraîner sur son terrain nauséabond. Mais ce positionnement relève de la tactique, et l’extrême-droite assouplit aujourd’hui son discours sur l’UE pour gouverner en alliance avec des forces bourgeoises traditionnelles. L’extrême-droite participe au gouvernement dans plusieurs pays d’Europe (Autriche, Finlande, Bulgarie, Slovaquie et désormais l’Italie) en ayant donné les gages qu’il fallait à la bourgeoisie : pas question de rompre avec l’UE ! On ne plaisante avec l’UE et sa monnaie, qui sont aujourd’hui des institutions précieuses pour la bourgeoisie, un « acquis » avec lequel il n’est pas question de jouer. L’extrême-droite se recentre donc sur ses fondamentaux, la défense de « l’identité » et les politiques anti-immigrés et sécuritaires.

      En France, le Front national a effectué un virage suite à l'élection présidentielle. Il n'est plus question de rupture avec l'euro, du moins à court terme, le parti se recentrant sur les questions identitaires et anti-immigrés. Le discours « social » est lui aussi mis au second plan. Le départ de Philippot marque la victoire des partisans d'un FN « identitaire », ce qui ouvre la voie à une possible alliance, à moyen terme, avec la droite de Wauquiez, sur la base d'un renforcement des appareils répressifs d'Etat, d'un durcissement de la politique anti-immigrée, et d'une politique économique libérale dans le cadre de l’UE. A moyen terme, le retrait de Marine Le Pen et l'émergence de Marion Maréchal (ou d'une autre figure de l'aile identitaire du FN) pourraient faciliter la conclusion d'une telle coalition.

      La gauche antilibérale oscille entre les discours creux sur l’Europe sociale et les ambiguïtés d’un hypothétique « plan B » pour l’Europe

      Une partie de la gauche antilibérale (PCF, Générations) a renoncé à toute forme de rupture avec l’UE. Il s’agit pour elle de « transformer » l’UE pour mettre en place une politique keynésienne de relance au niveau continental. Les discours creux sur l’Europe sociale n’ont plus aucune crédibilité aujourd’hui, notamment dans les catégories populaires.

      Une autre partie de la gauche antilibérale (France insoumise) cherche à crédibiliser son projet politique. Pour cela, elle indique que son plan A est de convaincre les autres gouvernements de changer les traités pour mettre en place d’autres règles du jeu au niveau de l’Europe. Et si cela ne marche pas, on nous promet un plan B de rupture avec l’UE. Mais le plan B est de plus en plus rarement évoqué, et l’accord conclu entre la France insoumise, Podemos et le Bloc de gauche ne parlent pas d’un éventuel plan B. De son côté, Ruffin parle de « désobéir » aux traités tout en restant dans l’UE. C’est totalement fumeux : soit on reste dans l’UE et on se soumet aux règles du jeu en vigueur, soit on rompt. L’idée qu’on pourrait désobéir réellement tout en restant dans l’UE est une imposture. Quand la BCE coupe les liquidités à un pays, il n’y a que deux choix possibles comme le cas grec l’a montré : soit la soumission, soit la rupture. Toutes les forces politiques qui ne sont pas claires sur la nécessaire rupture avec l’UE cherchent en fait à enrober leur capitulation derrière un discours pseudo-radical.

      Répondre concrètement à la question du pouvoir, c’est assumer la nécessité d’une rupture anticapitaliste avec l’UE et l’euro

      Si nous voulons que notre perspective politique soit crédible, nous ne pouvons pas nous contenter de généralités abstraites sur l’Europe des travailleurs, le socialisme mondial, l’abolition des frontières. Nous devons indiquer concrètement ce que devrait faire un gouvernement révolutionnaire. Marteler que le changement ne doit se produire qu'à l'échelle de l'Europe, c'est rendre abstraite toute perspective de pouvoir pour les travailleurs/ses. Nous ne savons pas quelle configuration exacte pourra prendre un processus révolutionnaire victorieux (à quelle échelle géographique il commencera), mais nous devons être clair sur le fait que, dans n’importe quel pays, la rupture avec le capitalisme nécessiterait d'emblée de rompre avec l'UE et l'euro.

      L'annulation de la dette publique, l'expropriation des grands groupes capitalistes, l'interdiction des licenciements sont incompatibles avec le maintien dans l'UE du capital. L'objectif prioritaire d'un tel gouvernement serait bien évidemment l'extension géographique du processus révolutionnaire. Mais dès la prise du pouvoir, il devrait créer une banque publique unique et une nouvelle monnaie, inconvertible et inutilisable sur les marchés internationaux pour empêcher la fuite des capitaux. Il n’est pas crédible une seconde de prétendre qu’il pourrait rester dans l'UE et continuer à utiliser l'euro, tout en lançant un « processus constituant au niveau européen », comme si ce processus pouvait conduire à l'édification d'une Europe socialiste !

      Il ne devrait pas décréter l’abolition des frontières : il devrait les ouvrir pour les humains, mais exercer un contrôle strict sur les échanges extérieurs. Ce ne serait pas du protectionnisme capitaliste, au service des profits, ce serait la défense indispensable de la révolution et du nouveau mode de production en formation.

      Contre tous ceux qui chercheront à nous associer au nationalisme bourgeois, nous devons expliquer que nous n’envisageons pas la rupture avec l’UE de façon étapiste, mais que cette rupture avec indissociable, pour nous, d’un processus de rupture avec le capitalisme.

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