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Congrès du NPA: Critique de la plateforme C (Anticapitalisme et Révolution, L’Etincelle)
Une analyse biaisée de la conjoncture politique
Le point de départ de la plateforme C (portée par les courants A&R et l’Étincelle, et soutenue par DR), qui engage par la suite des désaccords tactiques et stratégiques importants, consiste dans une analyse à nos yeux largement fantasmée de la conjoncture internationale. Après un rapide survol des principales contradictions dans lequel le mode de production capitaliste précipite l’humanité, l’essentiel du propos consiste à en déduire l’actualité de la révolution dans la période actuelle. Oui, des luttes et des soulèvements populaires existent dans le monde, on a beau jeu de les énumérer. Toutefois, comme c’est également le cas dans les plateformes A et B, aucune analyse minimale de ces différents mouvements n’est proposée : composition sociologique, revendications principales, capacité à ébranler ou non le pouvoir politique, capacité à ébranler ou non le pouvoir de la propriété capitaliste, etc. On juxtapose donc des mouvements qui n’ont rien à voir entre eux, qui n’ont pas la même centralité, qui entretiennent des rapports divergents aux perspectives révolutionnaires des communistes, qui ne sont pas dirigés par les mêmes forces sociales et qui ne défendent pas les mêmes intérêts. Il ne manquerait que le « facteur subjectif » pour faire converger tous ces mouvements vers la révolution mondiale, alors qu’une analyse rapide montrerait que des facteurs objectifs tiennent la plupart des mouvements cités à distance d’une perspective révolutionnaire. De façon plus générale, des facteurs objectifs entravent encore largement le développement des luttes à une échelle telle qu’elles seraient susceptibles de faire vaciller la domination du capital au niveau mondial. En fait, comme l’indique bien le titre du quatrième point de cette première partie du texte (« actualité et urgence de la révolution »), les signataires confondent ici analyse de la conjoncture (la révolution est-elle actuelle ou non ?) et agitation propagandiste (faut-il urgemment faire la révolution ou non ?). Nous partageons en revanche la proposition finale de renouer le contact entre les différentes internationales trotskystes afin de contribuer à la construction d’un pôle révolutionnaire au niveau international, mais nous ne nous faisons pas l’illusion que seule manque une telle direction du mouvement pour conduire les masses de tous les pays à la révolution.
En France, l’analyse est tout aussi optimiste, et tout aussi peu lucide, mais la plateforme met en avant des points importants que nous partageons : la situation de crise sociale risque aussi bien de profiter à l’extrême-droite qu’à notre camp, et il faut donc prendre en charge ce combat ; la politique des directions syndicales est de ce point de vue mortifère et détourne de la lutte les travailleurs/ses en colère. Toutefois, force est de remarquer que la politique prônée par cette plateforme se complaît dans l’agitation para-syndicale et n’offre aucune perspective stratégique convaincante au niveau politique : bien sûr qu’il faut davantage s’implanter dans la classe ouvrière et participer autant que possible aux luttes et aux mobilisations, tout en aidant à leur auto-organisation. Cependant, il est nécessaire aussi de mettre en œuvre une politique de front unique, car une partie des travailleur/se-s font confiance à certaines organisations, lesquelles sont diverses, voire opposées. Nous devons donc nous adresser à ces organisations et non prétendre les contourner : il est important de mener des batailles politiques à l’intérieur des syndicats, de critiquer publiquement la politique des directions syndicales, de les interpeller quand il y a contradiction flagrante entre ce qu’elles prétendent et ce qu’elles font, etc. C’est un point de divergence important et récurrent que nous avons avec A&R et l’Étincelle.
Le repli sur soi comme seule perspective politique
Au-delà de l’intervention dans les luttes, le rôle d’un parti est de proposer une politique en positif, ce qui suppose d’ouvrir à notre classe des perspectives de moyen et long terme, en particulier par l’élaboration d’un authentique programme communiste, qui donne à voir de façon crédible la société que l’on veut construire et les moyens d’y parvenir, à commencer par la conquête du pouvoir politique. Il est donc faux de se satisfaire des quelques mots d’ordre d’urgence mis en avant pendant la campagne présidentielle (« le programme que nous avons notamment décliné durant la campagne présidentielle, montre toute son actualité »), en expliquant que c’est là le meilleur moyen de construire la conscience politique révolutionnaire : c’est se contenter de mots d’ordre réactifs, qui peuvent permettre d’arracher des concessions face aux offensives de la bourgeoisie, mais certainement pas de construire une organisation révolutionnaire en France. Le paragraphe sur l’exigence de « réarmer le NPA et construire un programme révolutionnaire » apparaît ainsi peu crédible quand partout ailleurs est secondarisée l’importance du programme et valorisé le programme d’urgence présenté pendant la campagne présidentielle.
Du reste, l’analyse des dynamiques proprement politiques dans le paysage de la gauche française, et les conséquences tactiques qui en sont tirées, nous paraissent relever d’un sectarisme dans lequel les communistes révolutionnaires ne peuvent trouver aucun débouché politique ambitieux. Il est juste de critiquer la NUPES en tant que stratégie d’union de la gauche institutionnelle : mais cela ne signifie pas qu’il faille par principe rester cloîtré sur soi-même. La pfC sous-estime en fait la dynamique de la campagne Mélenchon, en faisant tout pour relativiser ses résultats, comme si le passage de l’hégémonie du PS à la FI était anecdotique. Sa polémique sur ce point avec la pfB n’est pas pertinente. De plus, sur le fond, il faut distinguer le centrisme qui consiste à effacer les clivages stratégiques et programmatiques entre révolutionnaires et réformistes (c’est ce que tend souvent à faire la direction du NPA), et qui doit à juste titre être dénoncé, de questions purement tactiques, qui consistent à décider dans quel cadre organisationnel on fait vivre les idées et le programme communistes révolutionnaires afin de les propager à la plus large échelle possible. C’est pourquoi nous proposons de constituer un pôle communiste révolutionnaire à l’intérieur de l’UP (regroupement dominé par les réformistes et qui jouit d’une dynamique politique à laquelle le NPA ne peut prétendre), sans la moindre concession sur les principes communistes et sans apporter de soutien à la politique de la NUPES (union de la gauche institutionnelle, à laquelle nous n’avons rien à gagner). Faire vivoter le NPA sans autre stratégie claire que le soutien général aux luttes ne peut en aucun cas constituer un objectif politique ambitieux et à la hauteur de la tâche qui incombe aux révolutionnaires. Certes, « personne n’empêche personne de discuter avec des éléments de cette gauche [réformiste] en mal de recomposition » : et il est vrai que c’est là la principale hypocrisie de la pfB, qui dénonce le sectarisme et prétend assumer une politique unitaire, mais qui en vérité ne propose rien d’autre que d’entretenir des discussions entre différents appareils politiques – ce qui existe depuis toujours, et qui n’a eu pour résultat que de brouiller les clivages entre révolutionnaires et réformistes. Mais la seule alternative à cette politique ne doit pas être… l’absence de politique, c’est-à-dire purement et simplement ignorer les milliers de jeunes militant-e-s qui agissent dans le prolongement de la campagne de la FI, et continuer de faire tourner sa boutique dans son coin, en restant à l’écart de toute dynamique.
La fétichisation du NPA n’empêche pas les menaces d’exclusion de la direction
C’est pourquoi, quand le texte en vient à la question du fonctionnement interne du parti, la pfC se retrouve paradoxalement d’accord avec les autres plateformes pour se limiter à l’ambition de « préserver le NPA ». La pfC témoigne d’un attachement crispé au NPA, en vantant la campagne Poutou, en voulant défendre le NPA contre la pfB accusée de vouloir le dissoudre dans la FI (alors qu’elle entend au contraire bien garder sa boutique !) et en allant même jusqu’à présenter le NPA comme un parti révolutionnaire (alors que nous considérons pour notre part qu’il s’agit d’un parti centriste)... Pour A&R et l’Étincelle, il ne s’est jamais agi de refonder le NPA : ces courants veulent juste, comme la direction, conserver ce parti qui, au fond, leur convient assez bien. Est-ce là une fin en soi, quand on constate que ce minuscule parti sclérosé ne jouit d’absolument aucune dynamique et qu’on voit mal pourquoi, soudainement, alors qu’aucune stratégie concrète n’est proposée, celui-ci parviendrait à recruter massivement « les nouvelles générations de la jeunesse ouvrière et scolarisée, mais aussi parmi les militants, militantes et courants divers, associatifs, syndicalistes, politiques, qui visent à changer le monde par le renversement du capitalisme » ? Il est vrai que ces viviers existent, et qu’ils sont pour l’essentiel « inorganisés » (façon de dire qu’il ne faut pas se concentrer sur la base de la FI) : mais qu’est-ce qui autorise à penser qu’ils et elles attendent le NPA, et qu’on ne s’adresserait pas plus facilement à eux/elles de l’intérieur de l’UP, qui jouit manifestement d’une dynamique plus grande y compris auprès des personnes inorganisées ? « L’heure n’est pas à la division, mais au contraire à la résistance aux pressions à l’éclatement qu’engendre le désarroi face à des situations difficiles », affirme la pfC : mais pourquoi alors cette résistance aux pressions de l’éclatement ne vaudrait que dans le cadre microscopique de l’extrême-gauche sclérosée ?
Il est toutefois juste, bien sûr, de s’opposer aux menaces de scission brandies de façon de plus en plus véhémente par la direction sortante. C’est avec raison que la pfC s’oppose nettement, là où la pfA cherche de timides compromis, à l’alternative « entre une séparation dite à l’amiable d’avec certaines tendances ou fractions (qui ne sont pas explicitement nommées) ou la suspension des ‘fractions publiques permanentes’ ». La façon dont la direction sortante entend éviter les débats politiques et échapper à son propre bilan en transformant ce congrès en simple procès des fractions et s’adonnant à de brutales mesures administratives doit effectivement être dénoncée vigoureusement (voir sur ce point notre critique de la pfB, partie 3). La pfC met à juste titre en garde contre l’usage sauvage de la notion de « centralisme démocratique » (que même la pfA reprend à son compte sans lui donner de contenu, simplement en signe d’ouverture à l’égard de la direction), notion qui n’est jamais débattue démocratiquement mais qui sert de justification à tous les coups de force bureaucratiques. Quels que soient donc nos désaccords avec la pfC, nous nous retrouvons bien sûr à ses côtés pour dénoncer les menaces de « séparation » et de mise en cause du droit de fraction qu’agite la direction sortante.