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    Militer comme caissier en période de Coronavirus

    Par Thomas Lerouge ( 6 avril 2020)
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    Article publié sur le site internet du NPA

    Le secteur du commerce, entre travailleurSEs de la grande distribution, livreurSEs, pizzaïolosAS et travailleurSEs de la vente en général (Amazon, pizzéria…) est un de ceux dont les salariéEs sont largement exposéEs au Covid-19 en ce moment. Parmi les métiers les plus exposés de la filière, comme dans la société en générale les femmes y sont particulièrement représentées, 90 % des caissiers étant des caissières. Par ailleurs il s’agit d’un secteur composé à la fois de métiers dont la production est indispensable dans la période, comme le mien en caisse de supermarché généraliste, ou encore celui dans les entrepôts permettant de stocker et d’organiser les envois de denrées de première nécessité (…).

    Et d’autres qui ne le sont pas, par exemple les pizzérias, manger une pizza ce n’est pas obligatoire pour vivre en ce moment, où les entrepôts d’Amazon où sont stockés tout un tas d’éléments non essentiels. Un autre élément caractérisant le secteur est la précarité importante de ses travailleurSEs (beaucoup de CDD, d’intérim), le turnover important parmi les collègues y étant lié ainsi qu’au fait que beaucoup de jeunes travailleurSEs y bossent pour payer leurs études ou avant de trouver autre chose. Les structures sont très divisées avec pas mal de petites entreprises de vente de moins de 50 voire de 11 équivalents temps plein. Autant d’éléments qui expliquent en partie un des taux de syndicalisation les plus bas de tous les secteurs. Un fait qui s’explique aussi par l’inadaptation de certaines organisations syndicales qui ne cherchent pas ou peu à organiser les syndiquéEs isoléEs qui représentent, du fait de l’éparpillement des structures, une majorité de leurs adhérantEs (peu d’élection dans les petites entreprises donc très peu de financement…).

    Cette situation entre précarité et syndicalisation basse explique largement le fait que dans beaucoup de nos boites, les patrons peuvent se permettre plus facilement qu’ailleurs de ne pas mettre en place de mesures sanitaires minimales pour préserver un maximum leurs profits. Et donc qu’encore aujourd’hui beaucoup de travailleurSEs du secteur sont sans masques sans plexiglas devant les caisses et parfois même sans gants. Mais cette situation de danger sanitaire direct pour nos vies engendre aussi plus facilement que dans d’autres situations des résistances de la part des collègues. Et c’est ce qu’il s’est passé sur ma boite.

    L’exemple de mon magasin

    Je suis étudiant et je bosse dans un petit magasin de la distribution principalement alimentaire, 12 salariéEs , moins de 11 ETP (donc pas de salariéE protégéE), une grosse majorité de jeunes travailleurSEs. Comme beaucoup de ce genre d’entreprises, elle n’avait jamais connu de mobilisation collective jusqu’à il n’y a pas si longtemps. Le patron ne respecte largement pas le code du travail, et, il y a encore peu de temps, touTEs les salariéEs  qui quittaient l’entreprise démissionnaient… Avant l’épisode du corona il y a eu quelques petites bagarres syndicales, on a fait un dossier juridique contre le patron, on s’est appuyé sur l’inspection du travail pour être payé tous les 1er du mois, il y a eu la première rupture conventionnelle (imposée) de l’histoire du magasin…

    Mais  l’épisode du Corona a fait passer un cap aux collègues. Alors que jusqu’à maintenant il n’y avait jamais eu de confrontation collective directe avec le patron, ça a été le cas pour une partie des salariéEs  de la boite ces deux dernières semaines. Et on a commencé en gros avec un tiers de l’effectif, à vraiment se structurer autour de deux types de revendications, les questions sanitaires et la question d’avoir accès à une prime de risque. Par notre pression collective mais aussi en  s’appuyant sur l’inspection du travail on a déjà gagné quelques trucs chouettes et basiques. Le patron n’avait initialement fourni que du gel hydroalcoolique, des gants et mis en place une distance d’un mètre entre les clients, et les collègues ont subi le rush de début de confinement sans rien d’autre. Mais après ça, on a réussi à lui imposer de trouver et d’installer du plexiglas, de donner la consigne de  payer par carte, de mettre un espace d’un mètre devant les caisses, de filtrer à l’entrée. Il a fallu renforcer la pression pour obtenir des masques FFP1 et puis on l’a obligé à laver régulièrement nos tabliers (ce qui n’était absolument pas fait jusque là…). Sur ce dernier point on a d’ailleurs mis en place nous même le système avec les collègues, un petit truc qui nous montre qu’on peut modifier l’organisation du magasin sans besoin du patron, un petit bout de pouvoir arraché. Par ailleurs le patron voulait baisser l’amplitude horaire d’ouverture du  magasin sans s’engager à ne pas baisser le temps de travail des travailleurSEs, ce qu’on a réussi à lui imposer. Là, on bagarre sur la question de la prime et il s’est déjà engagé à en verser à touTEs les salariéEs  mais le montant et les modalités de versement sont en négociation (alors qu’on sait pas encore si mon magasin va recevoir une aide des patrons du grand groupe dont il dépend).

    D’ailleurs sur la manière d’imposer une prime importante et versée à touTEs, les exemples récents ne manquent pas. A Souppes par exemple en Seine-et-Marne des salariéEs ont débrayé et ont fait une grève courte ce qui leur a permis de voir leur prime augmenter de 350 euros brut à 600 euros net. Même idée, à Colomiers en Haute Garonne, où les salariéEs d’un entrepôt vont faire grève une journée et vont faire une assemblée générale pour que la prime de 1 000 euros soit versée à touTEs les salariéEs et pas uniquement à celleux d’entre elles et eux qui sont à 35h et en CDI, comme essaye de l’imposer la direction.

    Non aux attaques du gouvernement ! Pour des hausses de salaires, des conditions sanitaires maximales dans les boites essentielles et pour la fermeture de celles ne l’étant pas

    En lien avec ça, il est clair que nous prenons de gros risques en allant bosser et nos patrons se sont rempli les poches au début du confinement. Le gros rush notamment de la première semaine a amené leur chiffre d’affaire a augmenter de 37% et dans plusieurs entreprises les salariéEs n’ont rien vu de cet argent. La prime de 1 000 euros que le gouvernement encourage les entreprises à verser (sans se mouiller mais en défiscalisant et donc en donnant du fric aux patrons…), même si elle est surtout là pour tenter de maintenir ouvertes des entreprises non-indispensables, est bonne à prendre. Surtout qu’il s’agit le plus souvent de l’arracher directement des mains des patrons pour que touTEs les collègues y aient accès et ce peu importe leur statut ou leur temps de travail. Mais de façon générale, sans arrêt, les patrons font leurs profits sur notre dos et gagnent des salaires et dividendes mirobolants pendant que nous on galère. Il est donc logique et nécessaire qu’on obtienne des hausses de nos salaires.

    Par ailleurs, on a clairement vu ces dernières semaines que nos patrons faisaient n’importe quoi en termes de gestion sanitaire, souvent les collègues se confectionnaient elles et eux-mêmes leurs protections. Ca prouve un peu plus que les patrons ne servent à rien et que c’est à nous en tant que travailleurSEs de directement prendre nos affaires en main en faisant tourner nous-mêmes nos entreprises pour nos intérêts et pas ceux des patrons. Il est aussi bien sûr nécessaire que nous ayons des conditions sanitaires optimales. Des masques, des gants, du gel hydroalcoolique, des pauses régulières pour nous laver les mains, du plexiglas entourant nos caisses, des filtrages à l’entrée de nos magasins, la fermeture des rayons n’étant pas de première nécessité (jeux vidéos, livres…), la réduction de l’amplitude horaire de nos magasins sans réduction de salaire, la fermeture de nos relais colis. Autant d’éléments qui, quand ils ne sont pas mis en place, nous mettent en danger nous et nos proches.

    Il est aussi nécessaire de dire que plusieurs des travaux qu’on fait ne sont pas de première nécessité dans la période. Il n’est pas de première nécessité de faire cuire des pizzas dans les pizzérias, il n’est pas de première nécessité d’empaqueter ou de livrer des livres. Les pizzérias, mais aussi les entrepôts d’Amazon (…) doivent être fermés. Ne pas le faire c’est nous mettre en danger. Et les travailleurSEs de ces secteurs doivent recevoir 100 % de leur salaire et pas seulement à 84 % comme c’est le cas d’une bonne partie des chomages partiels. Les plateformes de livraison comme Deliveroo et Uber Eat doivent aussi fermer et l’ensemble des travailleurSEs de ces plateformes doivent être indemniséEs par les plateformes à minima au smic mensuel. En effet, la plupart des livraisons ne sont en rien de première nécessité, et taper des digicodes, se déplacer dans les rues pour livrer un kinder bueno ou un livre mettent directement en danger ces travailleur.se.s, qui, en plus, ont le plus souvent des protections sanitaires déplorables. Au contraire, un service public des livraisons doit être organisé avec la nationalisation de ces plateformes sous contrôle des travailleurSEs elles et eux-mêmes, orienté uniquement vers les livraisons de première nécessité et avec des protections sanitaires optimales.

    Enfin, le secteur du commerce est très certainement un de ceux visés par l’attaque du gouvernement Macron et sa loi d’urgence patronale. Elle nous promet des semaines de 60 heures, des journées de 12 avec seulement 9 heures de pause entre deux journées et une obligation à prendre une semaine de nos congés pendant la période d’épidémie… une semaine de perdue, pour l’intérêt des patrons. C’est innacceptable et nous devons dès maintenant nous y opposer largement.

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