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    “Variole du singe” : un plan d’urgence nécessaire face à l’impréparation des États capitalistes

    Par Claire Broussi (27 août 2024)
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    Le 14 août dernier, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a déclenché son niveau d’alerte maximale concernant une nouvelle souche de la variole du singe (MonkeyPox Clade 1b) après une augmentation de 160 % des cas recensés dans 16 pays africains en 2024 par rapport à l’année précédente. Le lendemain, la Suède a déclaré un premier cas de ce variant sur son territoire. L’OMS a affirmé le 17 août dernier, qu’il est « probable » que des cas « soient enregistrés dans la région européenne au cours des prochains jours et des prochaines semaines ». Si la vitesse de propagation et les caractéristiques du virus sont bien différentes de celles du Covid-19, la crise du Mpox met à nouveau en lumière les conséquences sanitaires de la destruction de l’environnement et de l’appauvrissement dans les pays dominés, ainsi que l’incapacité du système capitaliste à enrayer la propagation de plus en plus fréquente et simultanée de virus mortels. De façon plus immédiate, une politique sanitaire et industrielle conséquente doit être imposée pour conjurer la catastrophe en Afrique centrale et enrayer son extension à l’échelle mondiale. L’impréparation des Etats et de l’industrie capitalistes est flagrante et montre à nouveau la nécessité d’une planification en rupture avec l’impératif du profit.

    Le variant d’un virus emblématique du “siècle des pandémies”

    Le MonkeyPox Clade 1b est un variant d’un virus appelé communément “la variole du singe”, dont les premiers cas humains avaient été repérés en République Démocratique du Congo dans les années 1970, mais qui porterait mal son nom puisque le principal réservoir animal de la maladie serait constitué de rongeurs. Tout compte fait, le caractère zoonotique (transmission d’animal à animal, puis de l’animal à l’humain) de ce virus tend à confirmer les pronostics d’un développement important des pandémies à la faveur du rapprochement de différentes espèces occasionné par la déforestation massive dans plusieurs régions du globe. S’ajoute à cela le commerce de “viande de brousse” et la consommation de viande d’animaux sauvages dans des régions extrêmement appauvries de pays dominés et minées par les conflits armés. Bien plus globalement que les pratiques de telle ou telle population locale, le maintien par les grands groupes d’un certain nombre de pays, notamment en Afrique subsaharienne, dans un état de sous-développement chronique ainsi que la destruction de l’environnement découlant de la nécessité pour le système d’accumuler en permanence du capital, de chercher partout des sources de profit sont donc clairement en cause [1]. Tout concorde à penser que nous entrons dans un “siècle des pandémies”, et la propagation du variant clade 1b de la “variole du singe” nous le rappelle à nouveau.

    Un variant aux caractéristiques particulièrement alarmantes

    D’après les dernières données concernant ce dernier variant, il semblerait qu’il se propage plus rapidement que les autres variants du Mpox par trois modes de contamination : par contact prolongé (lésions, muqueuses), par objet contaminé (linges, vêtements, ustensiles de toilette et de cuisine, seringues), par gouttelettes (salive, éternuement). Il se transmet donc aussi par simple présence à moins de deux mètres pendant plus de trois heures avec une personne symptomatique. Les symptômes du MPox apparaissent 5 à 21 jours après exposition au virus. Les premiers symptômes sont souvent : fièvre, maux de tête et de gorge, fatigue, douleurs musculaires. Des éruptions cutanées peuvent apparaître 1 à 3 jours après l’apparition de la fièvre. Il n’existe pas à ce jour de traitement curatif du MPox, l’espoir porté sur le traitement antiviral “tecovirimat” ayant été récemment balayé par une étude publique américaine le montrant inefficace contre le variant clade 1b. Aujourd’hui, deux caractéristiques du MPox semblent être des freins au diagnostic et à l’isolement précoce des personnes contaminées :

    • La durée d’incubation pouvant aller jusqu’à vingt jours. Les personnes contaminées peuvent participer à la propagation sans précautions sur toute cette période. 

    • Les symptômes non typiques du MPox ne permettent pas une identification rapide par les personnes touchées ni, potentiellement, par les professionnel·les consulté·es dans un premier temps.

    À court terme, réorienter l’appareil productif pour venir en aide aux pays les plus touchés et développer la vaccination

    Pour les zones où le MPox est endémique (habituel et permanent), c’est-à-dire principalement en Afrique de l’Ouest et Afrique Centrale, les pays impérialistes développés (dont la France) qui ont les plus grandes capacités industrielles doivent immédiatement produire, fournir massivement et gratuitement des vaccins, des outils de prévention, de dépistage et traitements symptomatiques (matériel des soins de base, tenues de protection, masques ffp2/chirurgicaux, préservatifs, tests PCR, traitements médicamenteux, etc). Dans l’industrie pharmaceutique en particulier, les directions syndicales doivent proposer un plan d’action afin que les travailleurs y exercent une pression pour réorienter la production dans cet objectif. Alors que le variant a été identifié depuis septembre 2023 en République démocratique du Congo et a eu le temps de se propager aux pays voisins (le Burundi, le Kenya, le Rwanda et l’Ouganda), il est scandaleux que les pays de la région soient toujours en manque de matériel et de moyens hospitaliers pour enrayer l’épidémie. Les besoins d’urgence en vaccin sont par exemple estimés aujourd’hui à 10 millions de doses pour le continent africain, alors que les quantités annoncées (et non encore livrées !) par les grandes puissances s’élèvent au total à 3,85 millions de doses [2]. Au-delà des transferts de stocks étatiques pré-existants se pose la question de la production de nouvelles quantités, et sur ce point l’impréparation de l’industrie pharmaceutique est flagrante : pour ne parler que de l’Union Européenne, seul le laboratoire danois Bavarian Nordics produit un vaccin approuvé, laboratoire qui affirme ne pouvoir produire que 2 millions de doses d’ici la fin de l’année, et 10 millions d’ici fin 2025. En France, la couverture vaccinale contre la variole classique, qui est considérée comme utile contre la “variole du singe” [3] est au maximum de 47 % (53 % de la population française est née après 1980, au moment ou la vaccination contre la variole n’a plus été obligatoire). Il nous faut donc obtenir dès maintenant la planification d’une large campagne vaccinale avec le vaccin présumé le plus efficace sur le MPox clade 1B, tout en priorisant les quantités de vaccin disponibles pour les pays les plus touchés. Cette campagne devra cibler en priorité les personnes de retour des zones fortement touchées, les personnes ayant des rapports sexuels avec des partenaires multiples (qu’elles soient homosexuelles ou hétérosexuelles), les personnes présumées vulnérables en lien avec leur état de santé générale, les soignant·es. À terme, cette campagne doit s’élargir et aboutir à une couverture vaccinale totale contre la variole du singe (sauf cas exceptionnel de rapport individuel bénéfice/risque défavorable à la vaccination), au-delà des recommandations de l’OMS qui se limitent à la vaccination des “personnes à risque” [4].

    L’Etat doit utiliser tous les moyens logistiques pour  mettre à disposition des  moyens de protection contre tous les modes de contaminations : masques chirurgicaux et FFP2, renforcement de la circulation des transports en commun (c’est possible, on l’a vu pendant les JO, mais à condition d’embauches plus massives et d’une revalorisation salariale conséquente des conducteurs de bus, de tram et de métro), augmentation de la fréquence de désinfection des surfaces et aération régulière des espaces collectifs, etc. Le caractère obligatoire du port de masques sur les lieux de travail et d’études n’est pas à écarter a priori, il devra surtout être tranché en fonction du développement de la pandémie et des informations supplémentaires sur la transmission du virus, dont le caractère aéroporté semblerait à ce stade des informations disponible moins prégnant que pour la Covid-19. Les services médico-sociaux - en particulier d'hospitalisation complète - devraient en revanche garantir le port du masque ffp2 aux soignant.e.s et ne pourraient être concernés par cette souplesse.

    Ces mesures, comme toute mesure de prévention primaire, protègent en premier lieu celles et ceux qui n’ont pas la possibilité d’éviter l’exposition au virus et permettent, quand elles sont appliquées, de diminuer l’incidence des maladies ciblées

    Prévenir à moyen et long terme, ou la nécessité de rompre avec la logique du profit

    Sur une temporalité plus longue et sans assimiler toute vague épidémique à la pandémie de la Covid-19, il est primordial de tirer les conclusions de la surmortalité causée par la gestion capitaliste des questions sanitaires. Afin de sortir des mesures court-termistes et de limitation des dégâts, nous devons arracher des améliorations pérennes des conditions de vie et de travail et développer un système de santé ayant les ressources pour absorber le flux quotidien des malades et les crises sanitaires à venir.

    Un pouvoir au service des classes populaires et non des nécessités du profit devrait améliorer la quantité et la qualité des infrastructures, augmenter le nombre de soignant·es et approfondir leur formation. Aussi, le suivi des patient·es et de la santé infantile est indispensable pour augmenter l’espérance de vie en bonne santé dans notre classe. Dans le cas du MPox, c’est d’ailleurs lorsque la gestion de ces facteurs est désastreuse que la population contaminée est exposée à un taux de mortalité autour des 10 %. La létalité du virus est très liée au contexte de prise en charge. 

    Agir collectivement et précocement sur tous les facteurs environnementaux (physiques, économiques et sociaux), ainsi que sur la qualité et la quantité de services de santé, permettrait que le maintien ou l’amélioration de la santé globale repose le moins possible sur les individu·es et sur des facteurs endogènes (biologiques ou génétiques). Comme l’avaient rappelé un certain nombre de militant.e.s et de groupes anti-validistes et LGBTQIA+ pendant la pandémie du Covid-19 (qui ont joué, à leur échelle, un rôle dans la  prevention sur la question du “covid long” mais aussi dans le controle épidémique du MPox clade 2 courant 2020-2022 en Europe), il s’agit là y compris d’une lutte pour la défense des intérêts et de la vie des individu·es les plus exposé·es au risque dans deles classes populaires (personnes handicapées, travailleur·euses dans les secteurs de la santé, de l’éducation, des transports, de la grande distribution, etc.). Tout cela nécessiterait une socialisation de la valeur produite dans l’économie pour la réorienter dans les secteurs les plus utiles, ce qui implique forcément de rompre avec le capitalisme qui produit pour le profit, ce qu’évidemment ni Macron, ni Biden ni aucun·e autre représentant·e politique des classes dominantes ne fera. À l’heure où les négociations interétatiques traînent sur la mise en place d’un traité international de prévention des pandémies, il faut rappeler que la prévention à long terme des pandémies nécessiterait aussi d’égales capacités de production industrielle dans tous les pays, ce qui implique des transferts vers les pays les plus dominés, l’annulation de leur dette et la levée des brevets de propriété intellectuelle sur les vaccins qui accordent une exclusivité de la production et des profits associés à quelques grands groupes dont les découvertes doivent souvent beaucoup aux subventions publiques que les Etats leurs accordent pour la recherche.  
     

    [1] A ce sujet, lire l’excellente contribution de Paul Sebillote dans la revue Contretemps, “Rendre le pangolin familier. Pour une lecture anticapitaliste des pandémies”, 2 avril 2020. [https://www.contretemps.eu/lecture-anticapitaliste-pandemie-covid19/]

    [2] Quantités annoncées (au 26/08/2024) pour le transfert vers le continent africain : Union Européenne -  200 000 / France - 100 000 / USA - 50 000 / Japon - 3,5 millions /


    [3] À partir de 1902, la vaccination contre la variole est rendue obligatoire en France jusqu’en 1977. Au niveau international, elle a été arrêtée en 1980 après des campagnes de vaccination sur plusieurs territoires qui ont permis son éradication.Les personnes ayant bénéficié du vaccin sur cette période seraient protégées à 80 % contre la variole du singe en immunité croisée. Concernant la population ayant été vaccinée entre 2020 et 2022 contre le précédent variant (clade 2), nous ne sommes pas encore certains de l’efficacité de ce vaccin face au nouveau variant (clade 1b). Les infectiologues recommandent dans tous les cas une nouvelle vaccination.

    [4] « Nous ne recommandons pas la vaccination de masse. Nous recommandons d’utiliser les vaccins en cas d’épidémie pour les groupes les plus à risque », a déclaré le directeur Europe de l’OMS. https://www.20minutes.fr/sante/4106475-20240822-virus-mpox-efficacite-vaccins-disponibles-personnes-eligibles-sait-vaccination-proposee

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