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Affaire Quatennens : la FI doit assumer ses responsabilités en tant qu’organisation politique
Après la révélation par la presse de mains courantes déposées contre lui par son ex-compagne, Adrien Quatennens, député de l'Union Populaire, a expliqué avoir effectivement déjà été l'auteur d'une gifle, d'un geste brusque ayant conduit son ex-compagne à se cogner, ainsi que de textos trop insistants en contexte de rupture conflictuelle. Au-delà du contenu particulier de l'affaire elle-même, un certain nombre de conclusions politiques peuvent être retenues :
1. Les dirigeant-e-s de la France Insoumise n'ont pas eu les réactions appropriées suite à ces révélations. D'une part, le premier tweet de J.-L. Mélenchon apportant son soutien à Adrien Quatennens sans même évoquer un quelconque soutien à son ex-compagne Céline (les tweets suivants, heureusement, sont revenus sur ce point), a suscité une indignation légitime dans les milieux féministes, et même plus largement. D'autre part, ce qui est politiquement plus inquiétant, l'organisation elle-même n'assume pas ses responsabilités quand elle refuse de prendre position pour qu'A. Quatennens démissionne de ses fonctions de député à l'Assemblée nationale. S'il est vrai qu'une échelle permettant de faire la distinction entre des violences plus ou moins grandes reste toujours nécessaire (ainsi qu'y insistent les porte-paroles de la FI), les faits reconnus par A. Quatennens lui-même sont suffisamment graves pour estimer qu'il ne puisse plus (au moins pour un temps) représenter à l'Assemblée une organisation qui se déclare résolument engagée contre les violences sexistes. Toutes les violences ne sont pas égales, certes, mais un coup volontairement porté au visage de sa compagne est une violence significative et inacceptable. D'ailleurs, le refus de se prononcer pour la démission d'A. Quatennens enferme les porte-paroles de la France insoumise dans une posture intenable : pour montrer qu'ils et elles ne laissent pas couler l'affaire, ils et elles mettent en avant le retrait d'A. Quatennens de ses responsabilités au sein du parti ; mais si les faits sont reconnus être suffisamment graves pour qu'A. Quatennens ne puisse plus assumer ses fonctions à l'intérieur de l'organisation, c'est d'autant plus vrai à l'Assemblée nationale !
2. Ce refus de la FI d'assumer jusqu'au bout ses responsabilités politiques donne à ses adversaires les meilleures armes pour l'attaquer. Il est indéniable que l'affaire, comme celle concernant J. Bayou, fait l'objet d'une récupération hypocrite à droite et dans les médias, dans le but de déstabiliser l'UP (et peut-être plus largement la NUPES) : les leçons de féminisme de la part des député-e-s LREM doivent être dénoncées, dans la mesure où ce parti soutient lui-même un grand nombre d'élus et de ministres accusés de faits parfois bien plus graves encore ; il faut aussi attaquer le déséquilibre de traitement dans les médias entre l'affaire Quatennens, dont la tête ne cesse d'être réclamée, et toutes ces autres affaires que la majorité présidentielle traîne derrière elle. De ce point de vue, la FI a raison de ne pas se laisser faire et de polémiquer contre cette instrumentalisation. Néanmoins, les ambiguïtés qu'entretient la FI elle-même dans ses réactions à l'affaire la desservent et fait d'elle une cible facile. La FI serait d'autant plus forte pour résister aux tentatives d'intimidation si elle tenait une position ferme, et ne tolérait pas que l'auteur de violences inadmissibles reste en poste à l'Assemblée.
3. Plus profondément, les errements de la FI dans sa communication renvoient à ses propres limites en tant qu'organisation démocratique. Il est spectaculaire de voir que les réactions des porte-paroles et dirigeant-e-s de la FI ne sont le produit d'aucune élaboration démocratique au sein même de l'organisation : les militant-e-s n'ont aucun mot à dire, ce qui suscite d'ailleurs une indignation légitime au sein des groupes d'action de l'UP ; au lieu de présenter une ligne politique claire en tant que parti, les dirigeant-e-s de la FI défendent chacun-e des positions plus ou moins différentes - et plus ou moins fautives. C'est encore une fois le manque de structuration interne qui affaiblit la FI (d'autant plus quand, en parallèle, elle se mélange à d'autres organisations comme EELV ou le PS dans le cadre de la NUPES, ce qui multiplie encore les voix discordantes) : un petit nombre de dirigeant-e-s décident entre eux d'un discours public plus ou moins bien défini, tandis que d'autres choisissent de tenir une autre position, légèrement ou largement différente. Jean-Luc Mélenchon apporte son soutien à A. Quatennens sans consulter personne, Sandrine Rousseau (EELV) dit le contraire de ce que dit Mélenchon, qui n'est pas non plus tout à fait la même chose que ce que disent respectivement François Ruffin ou encore Clémentine Autain, etc. Cette situation crée beaucoup de confusion, qu'aucun contrôle démocratique n'est susceptible de clarifier. La FI doit cesser de contourner les procédures démocratiques en son sein et aurait tout à gagner à faire de la politique en tant que parti plutôt qu'en tant qu'agglomération gazeuse de personnalités et de positionnements politiques plus ou moins homogènes. Il s'agit au contraire de se donner les structures d'un véritable parti démocratique, où la stratégie de l'organisation et la ligne défendue par ses porte-paroles serait débattue et décidée collectivement : c'est aujourd'hui la tâche politique principale de la FI que d'engager un tel processus démocratique de constitution d'une nouvelle organisation.