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    TSCG et MES : la bourgeoisie s’organise au niveau européen pour imposer ses plans d’austérité et sauver l’euro

    Par Gaston Lefranc (27 septembre 2012)
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    Depuis le déclenchement de la crise en 2007-2008, l’objectif des bourgeoisies les plus puissantes d’Europe – en premier lieu de la bourgeoisie allemande – n’a pas varié : sauver l’euro (qui les avantage) et contraindre les pays les plus fragiles à rembourser la plus grande partie de leur dette. Le TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en Europe) et le MES (Mécanisme européen de solidarité), indissociables, visent à satisfaire ces objectifs en plaçant l’austérité hors d’atteinte du contrôle du Parlement et en mettant en place des mécanismes financiers visant à éviter le défaut de paiement et la sortie de l’euro des États les plus fragiles. Plus le temps passe, plus les « plans de sauvetage » (et donc les prêts des États les plus solides aux États les plus faibles) s’additionnent, et plus les conséquences d’un défaut des pays de l’Europe du Sud seraient désastreux pour l’Allemagne ou la France. D’où l’enjeu et la détermination des bourgeoisies européennes les plus puissantes à imposer le TSCG et le MES.

    La genèse du TSCG et du MES

    A la suite du premier plan « d’aide » à la Grèce en 2010 (sous forme de prêts du FMI et de prêts bilatéraux d’État à État), les États membres de l’UEM (Union économique et monétaire) ont mis en place en mai 2010 :

    • le Fonds européen de stabilité financière. Ce fonds était « doté » d’une capacité de 440 milliards d’€, correspondant aux capitaux qui pouvaient être empruntés sur les marchés financiers avec la garantie des 17 États membres de la zone euro (garantie au pro-rata de la contribution de chaque État au capital de la BCE). Le FESF, régi par le droit luxembourgeois des sociétés, a été mobilisé pour prêter à l’Irlande (17,7 milliards dont 12 déjà prêtés), au Portugal (26 dont 17,4 déjà prêtés), à la Grèce (144,6 dont 107,9 déjà prêtés), et à l’Espagne cet été (100 dont 30 déjà prêtés). Au total, environ 220 milliards ont déjà été prêtés aux États en difficulté via le FESF.
    • le Mécanisme européen de stabilité financière. Ce mécanisme permet à la Commission européenne d’emprunter sur les marchés pour un montant maximal de 60 milliards avec la garantie du budget de l’UE. 48,5 milliards ont déjà été utilisés pour prêter à l’Irlande (22,5 milliards) et au Portugal (26 milliards).

    Le principe est simple : pour faire face à l’envolée des taux d’intérêts sur les titres de la dette publique des États les plus fragiles, les États les plus solides empruntent (via une entité commune) sur les marchés financiers, et reprêtent ensuite aux États les plus fragiles à des taux inférieurs à ceux du marché.

    Parallèlement à ces dispositifs « d’aide », des dispositifs européens visant à renforcer la discipline budgétaire ont été mis sur pied pour encadrer la politique des « mauvais élèves » et tenter de s’assurer du remboursement des prêts :

    • la mise en place du « semestre européen » en janvier 2011 a autorisé la Commission européenne à examiner les projets de budget nationaux avant qu’ils ne soient débattus devant les parlements nationaux ;
    • le Pacte de stabilité et de croissance a été renforcée par cinq règlements et une directive (formant le « Six Pack ») en octobre 2011 : il faudra notamment désormais réunir une « majorité qualifiée » pour s’opposer aux sanctions financières proposées par la Commission européenne

    Le mécanisme européen de stabilité (MES) (1)

    Dès leur création, le FESF et le MESF ont été conçu comme des dispositifs provisoires devant laisser place à un dispositif pérenne : le Mécanisme européen de stabilité (MES). La version définitive du MES (février 2012) est une nouvelle institution européenne, une structure intergouvernementale dirigée par un conseil des gouverneurs, composé des ministres des finances de chaque pays de l’UEM. Le MES dispose d’un capital propre initial de 80 milliards (apportés en plusieurs tranches, d’ici 2014, par les États de l’UEM) et d’une capacité de prêt de 500 milliards.

    Le MES pourra acheter des titres de la dette publique sur le marché primaire ou le marché secondaire (2), et il pourra accorder des prêts aux États. Il ne pourra pas se refinancer auprès de la BCE (ce qui nécessiterait l’attribution d’une « licence bancaire) et il devra donc emprunter sur les marchés financiers. Dans l’urgence, il prendra ses décisions à la majorité qualifiée de 85%, ce qui octroie un droit de veto à l’Allemagne, la France et l’Italie.

    Pour le moment, il n’est pas prévu que le MES puisse directement prêter aux banques. Le MES prête aux États (ce qui augmente donc leur dette), qui prêtent ensuite à « leurs » banques. Des discussions ont lieu actuellement pour permettre au MES de recapitaliser directement les banques. Le gouvernement allemand fixe pour cela une condition : mettre en place une « union bancaire », c’est-à-dire permettre à la BCE de surveiller les banques, de les contraindre à se restructurer sous la menace de leur retirer leur « licence bancaire ». Cela constituerait un saut qualitatif important : le sauvetage des banques serait piloté au niveau européen, avec des fonds européens et un contrôle européen, sans passer par l’intermédiaire des États. Le dispositif permettrait en outre de camoufler l’aggravation de l’endettement public mesuré actuellement par l’endettement des États nationaux.

    Suite au feu vert donné par la Cour constitutionnelle allemande le 12 septembre, le MES peut désormais entrer en vigueur. Les pays souhaitant bénéficier de « l’aide » du MES devront satisfaire aux critères de discipline économique et budgétaires établis dans le TSCG.

    Le Traité sur la stabilité, la coordination, et la gouvernance (TSCG) (ou « Pacte budgétaire ») (3)

    Le TSCG a été signé le 3 mars 2012 par les chefs d’État et de gouvernement des États membres de l’UE, à l’exception du Royaume-Uni et de la Tchéquie. Il matérialise et pérennise les dispositifs (« semestre européen, « six pack », etc.) adoptés par les sommets européens précédents. Son entrée en vigueur est prévue le 1er janvier 2013.

    Les principaux points du TSCG sont les suivants :

    • Le déficit public « structurel » des États (corrigé des aléas conjoncturels, ce qui laisse une marge d’interprétation) ne devra pas dépasser 0,5% du PIB (article 3, alinéa 1, point b). Cela revient à diviser par 10 le déficit public actuel (et à trouver plus de 80 milliards pour ce qui concerne la France) !
    • « Un mécanisme de correction est déclenché automatiquement si des écarts importants sont constatés par rapport à l’objectif à moyen terme ou à la trajectoire d’ajustement propre à permettre sa réalisation » (article 3, alinéa 1, point e). Les États doivent prévoir des « dispositions contraignantes et permanentes » (inscrites dans la constitution ou une loi organique qui s’impose aux parlementaires) : c’est la fameuse « règle d’or ». Il s’agit donc de sanctuariser une politique économique d’austérité, à l’abri de tout contrôle parlementaire et donc des pressions populaires. On mesure l’ampleur de l’attaque anti-démocratique et anti-sociale que constitue le TSCG.
    • La Cour de Justice Européenne, sur saisine de la Commission de Bruxelles ou d’un État membre, jugera si les « mécanismes de correction » nationaux sont bien conformes à la lettre et à l’esprit du TSCG, avec menace d’amende à la clé d’un montant de 0,1 % de PIB (article 8).
    • Les États en « déficit excessif » devront « mettre en place un programme de partenariat budgétaire et économique comportant une description détaillée des réformes structurelles à établir et à mettre en œuvre pour assurer une correction effective et durable de son déficit excessif » (article 5). La Commission surveillera l’application de ce programme et pourra imposer ses recommandations aux États (sauf si une majorité qualifiée d’États s’y oppose).
    • « Lorsque le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut d’une partie contractante est supérieur à la valeur de référence de 60 % (…), ladite partie contractante le réduit à un rythme moyen d’un vingtième par an » (article 4) : ainsi, puisque la dette publique française se monte aujourd’hui à environ 1 700 milliards d’€ (environ 87 % du PIB), la réduire d’un vingtième (5%) par an signifie trouver 85 milliards d’euros, soit 20 % du budget de l’État ! Si les États ne respectent pas cette obligation, ils seront sanctionnés financièrement.

    Le projet de loi organique de transcription de la règle d’or dans la législation nationale (4)

    Deux votes seront organisés au parlement : l’un sur le traité et l’autre sur la loi organique traduisant le TSCG dans la législation nationale. Le projet de loi (tel que révélé par Mediapart) prévoit la mise en place d’un Haut conseil des finances publiques chargé de veiller à la bonne application du TSCG et des mesures d’austérité. Alors que l’aile gauche du PS et les Verts ont annoncé leur intention de s’opposer au traité (qui de toute façon sera adopté puisque la droite votera pour), ils n’excluent pas de voter pour la loi organique, où Hollande pourrait avoir besoin d’eux (puisque l’UMP menace de ne pas voter la loi organique, exigeant que la règle d’or soit inscrite dans la constitution). Voilà à quoi en sont réduits « l’aile gauche » du PS et les Verts : faire mine de s’opposer au traité, tout en prenant soin de ne pas mettre Hollande en difficulté lors des votes cruciaux.

    Pacte pour la croissance et l’emploi (5)

    Adopté lors du sommet européen du 28-29 juin, le « Pacte pour la croissance et l’emploi » se fixe pour objectif de « promouvoir la croissance et la compétitivité » par la mise en place de « réformes structurelles » consistant notamment en « l’ouverture de la concurrence dans le secteur des entreprises de réseau », « l’achèvement complet du marché intérieur de l’énergie en 2014 ».

    Le Pacte prévoit de « mobiliser » 120 milliards pour la croissance (1% du PIB européen…) :

    • 60 milliards d’augmentation de la capacité de prêt de la Banque européenne d’investissement (BEI) grâce à une augmentation de capital de 10 milliards ;
    • 55 milliards venant des fonds européens structurels, qui pourraient être utilisés pour financer les PME ou d’autres actions ;
    • 4,5 milliards sous forme de « project bonds » (obligations pour financer des investissements portant sur des infrastructures).

    Ce plan de « 120 milliards » est avant tout un plan de communication : la moitié de ces 120 milliards est un redéploiement de dépenses prévues. L’autre moitié est pour l’instant virtuelle, puisqu’il s’agit d’augmenter la capacité de prêt de la BEI. Mais rien ne garantit que les crédits seront effectivement accordés ou qu’ils ne remplaceront pas des crédits qui auraient de toute façon été accordés par d’autres banques.

    En outre, ce plan ne change absolument pas l’idéologie du TSCG : au contraire, il s’inscrit explicitement dans la perspective de « l’assainissement budgétaire » et de l’austérité.


    1) Texte du traité : http://www.xn--lecanardrpublicain-jwb.net/IMG/pdf/DOC-12-3_FR.pdf

    2) Le marché primaire concerne l'émission d'actifs financiers (marché du neuf) ; le marché secondaire est celui de l'achat et de la vente d'actifs financiers déjà existant (marché de l'occasion)

    3) Texte du TSCG : http://www.xn--lecanardrpublicain-jwb.net/IMG/pdf/08_-_tscg-fr-12.pdf

    4) Texte du projet de loi : http://contrelacour.over-blog.fr/article-pacte-budgetaire-ce-que-prevoit-le-projet-de-loi-organique-du-gouvernement-decryptage-de-l-article-109547866.html

    5) Texte : http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/131408.pdf

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