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    10 thèses sur la religion et contre l’islamophobie

    Par Tendance CLAIRE ( 4 avril 2017)
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    1) Le besoin de croyances existe depuis les débuts de l’humanité, avant les religions instituées. Les systèmes de croyances (mythes fondateurs, rites structurant des premières sociétés) sont un phénomène anthropologique qui se rencontre dans toutes les sociétés humaines. Leur existence s'explique par un besoin à la fois cognitif (comprendre la réalité, des phénomènes naturels jusqu'à l'ordre social existant) et psychologique (donner du sens au monde et à la société). En ce sens, les croyances sont inévitables, et les croyances religieuses n’en sont qu’une forme. Les sciences ont le potentiel de remplacer les explications surnaturelles de nos rapports avec la nature. Mais le capitalisme est un obstacle à leur plein épanouissement et à leur diffusion universelle. Surtout, il produit une précarité et une absurdité de la vie sociale qui entretient le besoin de croyances, parfois même à l’encontre de connaissances bien établies. Ce besoin ne disparaîtra ni par des discours, ni par la violence, mais seulement quand ses bases matérielles auront disparu, c’est‑à‑dire quand les producteurs/rices librement associé·e·s gèreront eux/elles-mêmes leurs rapports avec la nature et entre elles/eux — en un mot quand le communisme sera pleinement réalisé. Il est donc vain de prétendre l'abolir par décrets, comme l'ont cru les révolutionnaires français de 1793 et comme le croient la plupart des militants de l'athéisme, estimant pouvoir libérer le peuple de ses superstitions par les « Lumières » et le « culte de la raison », voire par de pures provocations.

    2) Les religions en tant qu’institutions et idéologies sont des produits sociaux et historiques œuvrant à la reproduction de l'ordre social. Depuis l’apparition des classes, les religions sont aussi des institutions (clergés), qui assurent une codification des croyances, une réglementation des rites, une soumission des individus, et impliquent des rapports de domination. Par sa forme comme par son contenu, le clergé repose sur la structure de la société, déterminée essentiellement par son mode de production, et contribue au maintien de l'ordre social. En justifiant cet ordre social, en l'enjolivant, l’idéologie produite par ce clergé permet le consentement des masses. C’est pourquoi nous luttons contre les oppressions par le clergé (le Vatican contre le droit à l’avortement, la théocratie en Iran…) et pour la séparation des Églises et de l’État (laïcité). Nous continuons à nous battre pour une plus juste laïcité qui est un acquis démocratique mais qui reste partiel notamment avec les lois de financement des écoles privées, le concordat d’Alsace-Moselle, les prosternations des présidents devant le Pape… Le développement capitaliste et les luttes ont affaibli certains clergés et idées religieuses, mais pas l’idéalisme en général. La société bourgeoise produit notamment une aliénation spécifique que Marx appelle le « fétichisme », croyance selon laquelle les choses seraient naturellement des marchandises, l'argent serait une richesse en soi et le capital serait productif — alors qu'en fait seuls le travail humain et la Terre sont sources de richesses et que le capital est seulement un rapport de production reposant sur l'exploitation.

    3) « La religion est à la fois expression de la misère et protestation contre cette misère » (Marx). L’adhésion à des religions s'explique en grande partie par, d'une part, une fuite de la réalité, un remède illusoire contre les souffrances ; mais aussi, d'autre part, une forme de refus de cette souffrance. Or, le refus de la réalité douloureuse ou insatisfaisante est le point de départ d'une attitude qui peut devenir celle de la résistance, voire de la révolte. La religion des masses est donc ambiguë. Quand elle est organisée par une institution dominante, elle participe à la reproduction du système qui les opprime. Mais selon les contextes, des courants religieux minoritaires peuvent être des forces politiques progressistes, des idéologies exprimant une rébellion. C'est ainsi qu'Engels qualifie les chrétien·nes opprimé·e·s dans l'Empire romain de « parti subversif », parti des masses qui se rebellent contre l'État et sa religion officielle. De même, il soutient que la conversion au protestantisme des paysans allemands révoltés contre les seigneurs et l'Église catholiques au XVIe siècle était historiquement progressiste. L’adhésion à des idées religieuses peut donc aussi exprimer l'aspiration à d'autres rapports sociaux, qui ne réduisent pas les hommes et femmes à l'état d'esclave, de serf ou de prolétaire exploité·e et opprimé·e, mais soient réellement égalitaires et fraternels/sororaux. De même, il est évident que l’on ne peut mettre sur le même plan les prêches haineux des télé-évangélistes conservateurs aux Etats-Unis et les prêches combatifs de théologiens de la libération en Amérique du Sud.

    4) Notre priorité est de mener la guerre contre le capital, non de déclarer la guerre aux croyances religieuses instituées des masses, comme le font certain·e·s camarades. Cela ne signifie pas que nous devons renoncer à faire une propagande inlassable pour le marxisme et le matérialisme. Mais cela ne peut et ne doit pas être un préalable, et notre tâche principale est d'associer un maximum de travailleur-se-s, croyant·e·s ou non, dans la lutte de classe, par les luttes communes et la politisation. Dans cet objectif, il est évidemment fondamental de distinguer les courants religieux du côté de la classe dominante, et ceux qui expriment, même de façon déformée, une lutte de classe ou antiraciste. De ce point de vue, la clé du problème est ici comme ailleurs la combinaison d'une ligne fondamentale d'auto-organisation et de fronts uniques avec la construction d'un parti ouvrier révolutionnaire.

    5) Dans les pays dominés, la montée de courants politiques se revendiquant de l'islam exprime souvent une réaction à l’hégémonie coloniale. Elle est la conséquence de l'échec des nationalistes bourgeois et du mouvement ouvrier à combattre sérieusement l'impérialisme et ses complices locaux. Les organisations politiques se revendiquant de l'islam sont diverses. Au pouvoir, elles utilisent l’islam pour encadrer la société au service des classes dominantes. Dans l’opposition, les forces d’opposition petite-bourgeoises (comme les Frères musulmans) peuvent promettre de lutter contre les inégalités pour satisfaire leur base populaire, mais elles n’offrent pas d’alternative au capitalisme (comme l’a montré l’exemple égyptien). Il existe aussi des forces progressistes se revendiquant de l’islam, comme des courants féministes et des anticapitalistes. D’autres comme le courant de Tarik Ramadan combinent un progressisme social et des positions conservatrices sur les femmes et les LGBTI.

    6) Dans les pays impérialistes comme la France, la montée de l'islam se situe dans un contexte de crise du mouvement ouvrier, qui s'est révélé incapable d'intégrer les revendications des populations non blanches à son combat. De ce point de vue, la responsabilité du PS et du PCF au pouvoir dans les années 1980 est écrasante, avec le vote de lois anti-immigrés, la destruction de foyers de travailleurs étrangers, les campagnes xénophobes du gouvernement et le sabotage de l'auto-organisation des non blanc-hes. C'est ainsi que la Marche pour l'égalité de 1983, acte fondateur des luttes de l'immigration et des quartiers populaires, est récupérée et dénaturée par SOS Racisme, officine du PS bombardée représentante de « potes » passifs-ves qu'il faudrait défendre. Alors que, pour la première fois, des jeunes issu·e·s de l'immigration postcoloniale résistent et se politisent contre le sort que leur réserve l’État français, un antiracisme moral et institutionnel est mis en place pour leur denier toute autonomie politique, tout agenda propre (stratégie reprise 20 ans plus tard avec Ni Putes Ni Soumises). L'extrême-gauche n'a hélas largement pas compris ce mouvement et une partie a accompagné l'affirmation de l'islamophobie, souvent au nom de la laïcité dévoyée de la bourgeoisie française et de ses relais intellectuels et médiatiques (comme pour l’exclusion de lycéennes voilées). Aujourd'hui encore LO rejoint volontiers la croisade dominante et islamophobe contre le « communautarisme » et parle de « piège de la lutte contre ‘‘l’islamophobie’’ ».

    7) L'islam est aussi, de fait, la religion des prolétaires les plus opprimé·e·s, issus de la colonisation française et du pillage des pays dominés, victimes de la surexploitation, du racisme et de discriminations de toutes sortes. C'est pourquoi le sens de la revendication de la religion musulmane ne saurait être confondu avec les courants réactionnaires se revendiquant de l'islam (qui connaissent aujourd'hui un certain développement). En tant que religion d'opprimé·e·s, l'islam en France s'explique aussi comme un retournement de l'ostracisme en revendication culturelle, comme une forme de résistance à l'oppression par l'affichage et la fierté d'appartenir à la religion et à la culture musulmanes. Ainsi l'extension du port du foulard musulman depuis les années 1980 ne s'explique pas seulement par la crise de la conscience de classe, mais aussi par la volonté de résister à l'oppression et au racisme.

    8) Les femmes voilées ont toute leur place dans les organisations ouvrières et féministes, à commencer par le NPA. Certain·e·s veulent absolument y voir de l’aliénation, sans voir d’autres aspects non aliénants, y compris de la rébellion. Et d’autre part, tout·e militant véhicule, à des degrés divers, des contradictions liées à la société (racisme, sexisme, homophobie, consumérisme, individualisme, etc). Il est impossible et il n’est pas souhaitable de décréter qu’un groupe de camarade est plus ou moins aliéné·e. La meilleure manière de faire progresser l’auto-émancipation est de militer ensemble au sein d’un parti révolutionnaire inclusif. Aucune restriction ne peut être apportée à l'inclusion de ces militantes, ni le qu'en-dira-t-on des médias bourgeois, qui sont nos ennemis, ni les préjugés d'une partie de l'opinion populaire elle-même ou de notre électorat, car nous ne sommes pas démagogues. Nous nous opposons fermement à ceux (des hommes le plus souvent) qui veulent imposer aux femmes de se voiler ou de se dévoiler.

    9) Nous sommes en première ligne pour lutter contre l'islamophobie d'État et l’instrumentalisation du féminisme. Même s'il a dû accepter des conquêtes démocratiques et ouvrières imposées par les luttes, l'État reste l'institution centrale du maintien de l'ordre bourgeois. Ses fonctions centrales sont celles de la répression (armée, police, justice). Nous ne devons en aucun cas accepter que l'État opprime encore plus les opprimé·e·s, et encore moins le lui demander. En l'occurrence, les lois contre le foulard à l'école et contre le port de la burqa ont servi à s’appuyer sur les divisions dans la classe ouvrière pour qu’une partie fasse bloc avec ses exploiteurs (opération facilitée par la perméabilité d’une partie du mouvement ouvrier à l'islamophobie d'État). Une femme voilée subit une oppression patriarcale dans le cas où elle est contrainte, mais elle subit une oppression patriarcale et raciste à chaque fois qu’un policier la force à se dévoiler. Nous condamnons ceux et celles qui cautionnent cette politique au nom d’un pseudo-féminisme paternaliste.

    10) Des actions et des campagnes communes de nature démocratique ou anti-impérialiste, sont possibles avec des organisations se revendiquant de l'islam à condition de maintenir une indépendance de classe, et donc de ne faire aucun accord programmatique et stratégique avec des forces bourgeoises se revendiquant de l’islam. On ne peut à cet égard que condamner la politique du SWP qui a fait une alliance électorale avec des partis bourgeois musulmans. Mais on peut participer à une même lutte, malgré des motivations différentes, surtout si cela entraîne une mobilisation des masses. Ainsi, nous pouvons lutter de concert avec des associations religieuses contre la politique xénophobe du gouvernement (par exemple pour soutenir les migrant·e·s, les sans-papiers, les Roms, etc.) sans pour autant mêler notre drapeau au leur et abandonner nos critiques, voire dans certains cas notre combat politique contre ces forces. De même, en Palestine, des marxistes peuvent se retrouver à lutter contre le colonialisme israélien côte à côte avec le Hezbollah ou le Hamas, sans que cela signifie le moindre accord politique avec ces forces bourgeoises et réactionnaires.

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