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Suite à la manifestation du 2 juin, une AG interprofessionnelle très encourageante !

Bien que les centrales syndicales aient délaissé la mobilisation d'aujourd'hui, des militant-e-s de bases, et en particulier des secteurs les plus mobilisés comme sud Rail à Paris, ont réussi à impulser une mobilisation qui reste belle et bien vivante. Environ 2 milliers à Paris, entre 3600 (police) et 45000 (syndicats) à Marseille, etc. Des blocages de dépôts de bus de la RATP, des cheminot-e-s en grèves, des étudiant-e-s en soutien à ces grèves, des enseignant-e-s, des intermittent-e-s, tout ce beau monde a participé à une manifestation importante et très revendicative.

Cette journée s'est conclue à Paris par une AG inter-professionnelle de plusieurs centaines de personnes, à la bourse du travail près de la place de la République, à l’appel des postiers du 92 nord, de l’AG interprofessionnelle de Saint-Denis et des comités d’action. Ce fut le lieu de témoignages de plusieurs secteurs en luttes, de plusieurs comités, de plusieurs actions de la journée.

  • En particulier, un jeune syndicaliste de la CGT-Bus de la RATP, a raconté le blocage du matin à Asnières, possible grâce au soutien des postiers du 92, car bien qu'en grève, les blocages restent très risqués à organiser par les grévistes du lieu en question (à cause des sanctions disciplinaires). Il a fait le parallèle avec la réforme des retraites en 2003, où le gouvernement et la direction avaient écrit une lettre aux directions syndicales et aux agents de la RATP en leur jurant qu’ils n’étaient pas concernés par la réforme des retraites des fonctionnaires (passage de 37,5 annuités de cotisation à 40 ans, alignant les fonctionnaires sur le privé, déjà réformé en 1993). À cette époque, les directions syndicales avaient pris cet engagement pour argent comptant et avaient arrêté le mouvement. Pourtant, en 2007, c’était bien sûr au tour des travailleurs des régimes spéciaux (SNCF, RATP, EDF-GDF, etc.) d’être à leur tour alignés sur 40 annuités de cotisation. Mais ils se sont alors retrouvés isolé-e-s pour lutter. « Celle-là, ils ne vont pas nous la refaire ! ».
 Il a indiqué que les taux de grévistes étaient très variables selon les dépôts (de 7% à 60%), mais qu’il y avait bien une frange significative décidée à reconduire, contrairement à ce que les médias dominants affirment, cherchant à donner l’impression qu’il n’y a pas de grève à la RATP. De ce point de vue, il a souligné que les blocages de dépôts pour quelques heures par des travailleurs/ses d’autres secteurs, qui permettent la tenue d’AG spontanées et d’échanges avec les salariés en soutien aux équipes militantes, pouvaient être une aide précieuse pour construire la grève.

  • Un cheminot a expliqué la situation dans leur secteur, il a parlé de la grève reconductible qu'ils et elles mènent pour certains depuis le 18 mai et pour d’autres depuis mardi 1 juin et des forts taux de grévistes dans le secteur. Il a souligné les éléments précieux d’auto-organisation en cours de construction : AG de grévistes nombreuses, comité de grève sur plusieurs gares parisiennes, AG inter-gares, cortège inter-gares à la manifestation du jeudi 26 mai. Malgré les efforts des dirigeants de la CGT Cheminots pour freiner cet élan d’auto-organisation, l’auto-organisation, question décisive pour l’extension et le renforcement de la grève, se met peu à peu en place. Il a aussi souligné que les prétendues concessions faites par le direction de la SNCF sous pression du gouvernement et présentées comme considérables, sont en fait un piège dans lequel les cheminots n’ont pas l’intention de tomber. En effet, il s’agit simplement de concéder un accord d’entreprise (valable 3 ans) à la SNCF un peu meilleur que celui initialement proposé, tout en maintenant un décret socle très bas. Dès lors, dès l’ouverture à la concurrence, les cheminots de la SNCF se retrouveraient en proie au dumping social et au chantage à l’emploi. C’est exactement la logique de la loi travail. Voilà pourquoi les revendications de retrait de la loi et les revendications sur le décret-socle sont intimement liées. Il a proposé une nouvelle date de mobilisation le jeudi 9 juin.

  • Un porte parole de l'AG d'Éducation debout, qui s'était réunie juste avant, est intervenu pour expliquer les luttes des enseignant-e-s avec notamment la réforme du collège. Il a raconté que désormais, après chaque manif, une AG Éducation debout était organisée, et qu'elle rassemblait souvent près de 70 personnes. Il a souligné la nécessité de soutenir la mobilisation des AED qui seront en grève le mardi 7 juin, de contribuer à une mobilisation le jeudi 9 juin, avec les autres secteurs mobilisés, en prenant l’initiative sans attendre un hypothétique appel des confédérations comme cela a été fait pour ce jeudi, contribuant à rendre difficile l’organisation de la manif et sa popularisation. Il a exprimé la nécessité de préparer activement le 14 juin, qui doit être une gigantesque manifestation nationale, mais aussi d’envisager d’ores et déjà comment poursuivre au-delà.

  • Un postier du 92 du Sud PTT a raconté le combat contre leur direction et la grève reconductible qu'ils et elles mènent depuis le 10 mai. Il a expliqué que ce bras de fer pouvait basculer en leur faveur avec l'aide du mouvement plus global contre la loi travail.

  • Un autre postier est intervenu pour rappeler la centralité de la construction de la grève générale pour gagner sur la loi travail, et ensuite «tirer la pelote de la victoire pour aller plus loin et mettre à mal le système capitaliste que l'on exècre».

  • Des militant-e-s de Saint-Denis ont parlé des discussions et des actions qu'ils et elles menaient là pas. Des réflexions sur les blocages, leur utilité, les différents types de blocages (en soutien aux grévistes, avec une cible symbolique, etc.).

  • Des étudiant-e-s qui continuent de se mobiliser, sous une forme différente puisque l'année universitaire touche à sa fin, s'organisent désormais en AG interfacs sur la région parisienne, en essayant de convaincre ceux et celles qui ont participé au mouvement de continuer la lutte, en apportant leur soutien aux cheminot-e-s sur les gares (distribution de tracts vers les usagers pour populariser la grève), etc.

  • Et bien d'autres encore, qu'il serait trop long de retranscrire, sur les luttes dans les quartiers, sur les violences policières, sur les travailleurs et travailleuses sociales/aux (toujours plus précarisé-e-s).

Quasi l'unanimité des exprimé-e-s (sauf un militant de la CGT défendant P. Martinez), a exprimé l’insuffisance des positions des directions syndicales et en particulier les récentes déclarations de Martinez ne faisant plus du retrait un préalable et se disant prêt à des négociations. Une écrasante majorité était excédée par la seule perspective du 14 juin de l'intersyndicale, et cette AG s'inscrivait dans la démarche d'auto-organisation pour regrouper les secteurs en luttes, pour faire la convergence des luttes, et reprendre le calendrier des mobilisations et des actions en main. Il a été mention de beaucoup de propositions. La plus importante d'entre elles est d'impulser une journée de mobilisation le 9 juin (propositions des cheminot-e-s que tout le monde a validée), suivie une nouvelle fois d'une AG interprofessionnelle comme celle-ci. Cette proposition est juste, et nous la soutenons pleinement ! De plus, il y a aussi déjà une réflexion pour poursuivre au-delà du 14 juin, ce qui sera discuté à la prochaine AG. La manifestation du 14 juin ne doit pas être un baroud d’honneur, mais une façon de donner un nouveau souffle à la lutte, de l’amplifier et de l’étendre.

On peut noter que chez certain-e-s (notamment actives/fs dans nuit debout) qui ne sont pas convaincu-e-s par la centralité de la classe ouvrière, il y a un discours mêlant à la fois une vraie radicalité contre ce système capitaliste dégueulasse, et à la fois une remise en cause de la grève générale, privilégiant des blocages (extérieur) qui «touchent l'économie». Il est sain de remettre en cause les modes de contestation, mais pour nous, la grève est l'outil central pour plusieurs raisons (qui sont trop peu expliquées lors des interventions) :

  • Il s'agit pour les travailleurs et les travailleuses de bloquer les profits des patrons ou du servile gouvernement, seule chose vitale pour ces exploiteurs, pour permettre d'avoir un rapport de voir et obtenir satisfaction sur les revendications du mouvement.

  • De prendre conscience collectivement du pouvoir central que nous travailleurs et travailleuses exploité-e-s nous avons, car c'est sur nos vies que tout leur profits et la machinerie capitaliste reposent.

  • De développer l'auto-organisation, de décider collectivement, et de prendre conscience que nous pouvons décider nous même, de façon réellement démocratique, ce que nous produisons, pourquoi nous le produisons, et ainsi, se réapproprier les moyens de productions.

On s’aperçoit que des milliers de personnes, militant-e-s syndicaux/ales, politiques, nuit-deboutistes, chômeurs/ses, précaires et étudiant-e-s (qui ont permis d'impulser cette contestation, rappelons-le), ne baissent pas les bras et font un travail exemplaire d'organisation, d'agitation, pour lutter contre ce projet de loi depuis maintenant plus de 2 mois maintenant. La mobilisation continue ! À côté de ce vrai mouvement, les centrales syndicales, poussées par leurs bases, se sont enfin lancées dans la bataille, et maintenant qu'elles y sont (en particulier la CGT), elles tentent de trouver une porte de sortie (une négociation) pour éviter une réelle confrontation avec le gouvernement, tout en tirant les bénéfices dans l'opinion, se revendiquant des plus radicaux.

Au sommet de l'État, on voit une situation instable, le gouvernement utilise le 49.3, les Républicains disent que le projet ne va pas assez loin, les frondeurs frondent (mais pas trop), le sénat va encore plus loin en voulant supprimer les 35h, Valls passe sous silence le rapport Laurent qui pourrait mettre le feu aux poudre dans la fonction publique, il y a des communications contradictoires de la part des ministres au sujet de l'article 2 du projet de loi… Bref, il y a des contradictions, des hésitations, la situation est explosive, et nous pouvons gagner !!!!

Pour y arriver, dans la continuité de cette AG interprofessionnelle, il faut construire des cadres d'auto-organisation partout où l'on peut, sur nos lieux de travail, dans nos quartiers, à nuit-debout, pour construire la grève générale seule à même de faire plier le gouvernement pour «tirer la pelote de la victoire pour aller plus loin et mettre à mal le système capitaliste que l'on exècre». Ces cadres d'auto-organisation sont aussi le seul moyen pour faire pression sur l'intersyndicale et en particulier la confédération de la CGT qui est sur la pente glissante de la traîtrise, car il est nécessaire qu'elle ne recule pas et ni ne négocie avec le gouvernement.

Cette première AG, si elle constitue un pas en avant positif et un point d’appui, a connu tout de même certaines limites. Tout d’abord, à ce stade, les secteurs les plus mobilisés étaient peu représentés numériquement (cheminots, RATP) ou simplement absents (raffineurs, travailleurs des déchetteries). Cela s’explique à la fois par le fait qu’il faut mener le combat dans son propre secteur pour assurer la poursuite de la grève, mais aussi par le caractère encore embryonnaire de l’auto-organisation dans chacun d’eux. Cela peut se comprendre également parce que cette initiative d’une AG interprofessionnelle était la première. La seconde limite de l’AG, liée à la précédente, c’est qu’elle ne s’est pas encore conçue suffisamment à ce stade comme un instrument de construction de la grève, définissant une plateforme unifiante de revendications, se dotant d’un moyen d’expression centralisateur pour l’ensemble des luttes en cours, répondant au jour le jour aux déformations de la presse au service du gouvernement et du patronat (blog de la grève, par exemple) et proposant son propre calendrier de mobilisation, tout en cherchant, bien sûr, à articuler cela avec les syndicats et en cherchant à les entraîner le plus possible dans la lutte. L’AG est un peu trop restée un lieu où chacun a raconté sa lutte ou sa vision de la lutte, au lieu de chercher à s’appuyer sur l’essentiel qui réunit pour construire la grève ; de même, les temps de parole n’étant pas limités, certaines interventions avaient tendance à traîner quelque peu en longueur. Mais il n’y a pas à s’en alarmer, car c’est une étape inévitable dans la construction de cette lutte contre la loi travail et son monde, qui réserve encore bien des surprises. Il faut cependant en avoir clairement conscience pour mieux réussir les prochaines AGs interprofessionnelles. En effet, d’ores et déjà, une nouvelle AG sera organisée à la Bourse du Travail, à l’issue de la manifestation du jeudi 9 juin.

Pour le retrait pur et simple de la loi travail ! Nous irons jusqu’au bout !

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