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Retour sur l’expérience des Socialistes Révolutionnaires en Égypte

Par Lakhdar Bouazizi (10 septembre 2015)
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Contribution dans le cadre des débats sur la stratégie du NPA

Sans se poser en donneur de leçons, il est juste d'analyser et de critiquer, au nom de l'internationalisme, la stratégie des forces révolutionnaires à l'étranger, en particulier quand elles évoluent dans des situations de crise révolutionnaire.

Les Socialistes Révolutionnaires (SR) d'Égypte (liés historiquement à la Tendance Socialiste Internationale) ont traversé une période révolutionnaire inaugurée par les manifestations du 25 janvier 2011 (suite au départ de Ben Ali en Tunisie). Le tyran Moubarak, dont le pouvoir semblait inébranlable quelques semaines plus tôt, fut obligé de démissionner dès le 11 février. La mobilisation demeura en crue jusqu'au printemps 2013, qui a vu, à plusieurs reprises, des millions d'hommes et de femmes manifester dans les rues des grandes villes. Elle était marquée notamment par des grèves ouvrières avec occupation des usines et des ports, et par l'occupation massive et durable de points urbains stratégiques comme la place Tahrir. Les masses se sont aussi organisées à des échelles locales pour virer les « petits Moubarak » (patrons, gouverneurs...).

Pour endiguer cette irruption des masses sur la scène politique, la bourgeoisie a d'abord employé la stratégie classique des élections-diversions. Pourtant, ces consultations ont rarement dépassé les 50% de participation, traduisant la défiance des masses à l'égard des institutions transitoires. La participation des SR à des fronts politiques (Coalition des Forces Socialistes puis Coalition Révolutionnaire Démocratique) avec des organisations conciliantes à l'égard des institutions ne leur servit pas à démontrer les limites et les ambiguïtés de leurs programmes. En soutenant l'ex-Frère Musulman (FM) Aboul Fotouh aux présidentielles de juin 2012, au lieu de défendre un programme révolutionnaire articulant les revendications des masses à des mesures transitoires comme la nationalisation des usines, ils se désarmèrent pour la tâche centrale de la période, qui était de faire déboucher l'auto-organisation des masses sur un pouvoir des travailleurs antagonique à l'État bourgeois l'échelle mobile des salaires et le contrôle des travailleurs sur la production et la distribution. Ce sont les FM, parti islamiste bourgeois allié aux réactionnaires salafistes d'Al-Nour, qui surent conquérir le pouvoir dans l'État bourgeois en se présentant comme une force révolutionnaire dotée d'un programme social répondant aux aspirations des masses.

Dès novembre 2012, un décret du président Morsi (FM) réduisait presque à néant les acquis démocratiques de la révolution. Le compte à rebours de la contre-révolution était lancé. Ce virage autoritaire lui faisait perdre le soutien du parti bourgeois libéral et des réformistes, et relançait la mobilisation des travailleurs et de la jeunesse. Celle-ci culminait au printemps 2013 par une vague de grèves et des manifestations parfois considérées comme « les plus grandes de l'Histoire ». Suite à un coup d'État militaire en juillet 2013, elle fut réprimée dans le sang. Sous couvert de lutte contre le terrorisme islamiste, les forces réformistes et révolutionnaires furent elles aussi durement frappées par le régime de Sissi. Les SR formèrent alors un nouveau front politique (Thuwar) sur des bases 100% compatibles avec le capitalisme1. Dommage, car la combativité des masses n'était pas éteinte, comme le montra la grève générale de février 2014 qui causa la chute du gouvernement Beblawi. Face à la violence du reflux, les SR eurent toutefois raison de rejoindre un front anti-répression (le « Troisième Carré »). Sur le plan institutionnel, l'élection manifestement truquée du président Sissi en juillet 2014 marquait néanmoins le retour à l'ordre bonapartiste d'avant la révolution.

Les SR ont donc raison de considérer le régime comme l'ennemi principal. Dans ce cadre, un front contre la répression peut être envisagé y compris avec les FM sur la base de revendications démocratiques minimales : multipartisme, droit de manifester, etc. Certains observateurs comme Achcar ou le camarade Chastaing avancent que la période révolutionnaire n'est pas encore close, soulignant des évolutions souterraines, par exemple des progrès dans le statut de la femme. Si tel est le cas, le parti doit rendre visibles ces évolutions pour démontrer aux yeux des masses la continuité du processus révolutionnaire. Autrement, il faut surtout consolider les acquis de la période qui s'est refermée en assurant la liaison entre les secteurs les plus combatifs du prolétariat et de la jeunesse, par exemple en œuvrant au rapprochement des syndicats lutte-de-classe issus de la révolution et des fractions anti-bureaucratiques des grandes centrales. Dans l'un et l'autre cas, il faut faire le pari d'une nouvelle vague révolutionnaire à venir et donc préserver l'organisation du parti et son lien avec les masses tout en tirant les conclusions de l'expérience chèrement acquise dans ce chapitre de la lutte des classes.


1 http://socialistworker.org/2013/10/10/a-revolutionary-front-in-egypt

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