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Intégrer la rupture avec l’Union européenne et avec l’euro à notre programme anticapitaliste
Notre parti dénonce l'Union européenne mais la question de la rupture avec l'UE reste taboue. En bottant systématiquement en touche, en évoquant simplement la perspective d'une Europe des travailleurs/ses, nous nous réfugions dans des abstractions qui esquivent la nécessite de formuler des réponses concrètes à des questions concrètes. Nous nous réfugions dans une posture de refus et nous refusons de poser la question du pouvoir en termes concrets.
Si nous nous posions la question de ce qu'un gouvernement des travailleurs/ses devrait faire vis-à-vis de l'Union européenne, la réponse coulerait de source. En effet, un tel gouvernement ne pourrait pas rester, même quelques semaines, au sein de l'UE. Pourtant, certains camarades nous expliquent qu'une tel gouvernement ne devrait pas rompre immédiatement avec l'UE : il devrait « désobéir » aux règles de l'Union tout en restant dans l'UE parce qu'aucune procédure n'est prévue pour exclure un État de l'UE. Défendre cette perspective, c'est refuser de voir ce qui s'est passé en Grèce contre un gouvernement aux velléités pourtant fortement limitées. Rester dans l'UE signifie accepter l'étranglement monétaire et donc le sabotage de l'économie. Donc la seule désobéissance possible ne peut que consister dans la rupture immédiate avec l'UE et la récupération de toute la souveraineté, en premier lieu la souveraineté monétaire. Donc pourquoi alimenter la moindre illusion dans la possibilité de « désobéir » tout en restant dans l'UE ?
Si la rupture avec l'UE reste taboue dans notre parti, c'est parce qu'elle est associée à une position de « repli national », voire de xénophobie et de racisme. Personne dans notre parti n'a envie d'être suspecté d'une telle dérive. Donc on esquive : on veut « en finir » avec l'Union européenne, construire une autre Europe... mais pas question de rompre avec l'UE. Du coup, certain-e-s bricolent des réponses alambiquées, à coups de « monnaie complémentaire » qui permettrait de « désobéir » tout en restant dans l'UE et en gardant l'euro. C'est ce qui est défendu dans le texte « Les défis pour la gauche dans la zone euro » (http://www.cadtm.org/Les-defis-pour-la-gauche-dans-la) où nos porte-parole se rallient aux positions programmatiques et stratégiques des réformistes. D'autres camarades se réfugient dans des abstractions : les travailleurs/ses de l'UE devraient tou-te-s ensemble balayer ces institutions et en construire d’autres. Sauf que personne ne peut croire une seconde que la révolution se fera simultanément dans tous les pays d’Europe, donc il faut accepter de sortir des abstractions révolutionnaires pour donner des réponses concrètes.
Refuser d'intégrer la rupture avec l'UE et l'euro à notre programme sous prétexte que celle-ci est portée par le FN (mais en réalité le FN a défendu lui aussi à la fin de la campagne présidentielle un projet de « monnaie complémentaire » pour rassurer les milieux patronaux), c'est se tirer une balle dans le pied. Cela permet au FN de se présenter comme le seul véritable adversaire de l'UE.
Intégrer la rupture avec l'UE et l'euro à notre programme, ce n’est pas capituler devant l’extrême droite, ce n’est pas verser dans l’étapisme comme on l'entend parfois à la gauche du parti, c’est simplement admettre qu’un gouvernement des travailleurs/ses devra exercer pleinement sa souveraineté, et donc rompre avec un cadre capitaliste supranational. Il faudra simultanément rompre avec l’UE et chercher à construire d’autres cadres de coopérations avec d’autres gouvernements des travailleurs/ses. Le développement d’un internationalisme ouvrier concret et pragmatique ne pourra pas s'appuyer sur les institutions de « l'internationalisme » du capital.
Le clivage de classe est frappant sur la question européenne : les bourgeois et les cadres supérieurs soutiennent la construction européenne capitaliste alors que les travailleurs/ses la rejettent légitimement. L’UE n’est pas un projet anecdotique pour les bourgeoisies européennes. Ce sont des institutions fondamentales qui sont déterminantes pour établir un rapport de force en leur faveur. Nous ne devons certainement pas nous joindre à la gauche bien pensante qui dénonce le « repli sur soi » dont témoignerait le rejet populaire de l'UE. Nous ne devons pas faire la leçon aux travailleurs/ses en les accusant de céder au racisme quand ils rejettent l’UE dans les urnes. Si les forces d'extrême droite associent rupture avec l'UE et rejet des étrangers, nous devons aujourd'hui batailler pour associer la rupture avec l'UE à la rupture avec le système capitaliste qui nous broie et articuler celle-ci à la nécessité de la révolution mondiale.