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Macron : le candidat du système contre les travailleurs/ses - Une thérapie de choc libérale contre nos acquis
A moins de deux mois de l'élection présidentielle, la perspective d'une victoire de Macron se dessine. Le PS est en lambeaux, discrédité par le quinquennat de Hollande. Les Républicains sont plombés par les affaires du châtelain Fillon. Dans ce paysage politique en décomposition, Macron est la bouée de sauvetage du système. La classe dominante, dans toutes ses composantes, met le paquet pour faire gagner Macron, produit libéral chimiquement pur de « l'extrême centre »1 rêvé par le capital. Il est soutenu par Parisot, Gattaz, Minc, Attali et de façon générale par les élites financières et médiatiques. Après le ralliement de Bayrou, qui pourfendait auparavant le candidat des « puissances de l'argent », on attend dans les prochains jours le ralliement d'une brochette de « Hollandais » qui devraient suivre le ralliement de Caresche, un des principaux dirigeants de l'aile droite du PS.
Loin de ce qu'il prétend, il a tout du candidat rêvé du système. Il échoue à l'entrée de l'Ecole Normale Supérieure pour se tourner vers Science Po et compléter le parcours typique des requins de la politique en intégrant l'ENA. Il rejoint l'inspection générale des finances, institution destinée aux pires ambitieux qui permet de se créer un vaste réseau pour réussir tant en politique que dans le « monde des affaires ». En somme, c'est le lieu parfait pour intégrer les rouages de l’État, comme le montrent les parcours de Juppé, Giscard ou encore Rocard… Ensuite, il pratique le « pantouflage », c'est à dire un aller-retour entre public et privé. Il intègre la banque Rothschild, non pas en tant que guichetier, mais en tant que « consultant », c'est à dire en tant qu'intermédiaire brassant des milliards d'euros. Voilà ce qu'il considère comme « une expérience du monde du travail »… Il revient ensuite dans la politique en tant que conseiller de Hollande, brassant entre et 10 et 15 000 euros par mois avant de devenir ministre de l'économie et d'appliquer une loi qui porte son nom et n'oubliant pas de piocher dans les caisses de Bercy pour payer des resto à ses amis2 et ainsi préparer sa campagne.
Les opportunistes de droite et de gauche accourent donc chez Macron, sans que celui-ci ait eu besoin d'un programme pour les aguicher. Le candidat soi-disant « hors-système » a commencé néanmoins à dévoiler quelques axes de son programme lors d' une longue interview pour les Échos le 23 février3. Sans surprise, Macron se positionne comme le candidat de la modernité libérale, bien décidé à « responsabiliser » les individus en cassant les protections collectives : « je pense plutôt au changement du pays en responsabilisant chacun des acteurs ». Il s'intronise comme le champion du « camp progressiste » face au « camp réactionnaire » de Le Pen, pendant que Le Pen s'érige comme la championne du « camp patriotique » face au « camp mondialiste » de Macron. Les deux convergent pour effacer des radars tout ce qui peut rappeler, de près ou de loin, le mouvement ouvrier et son projet d'émancipation humaine.
Des « réformes structurelles » pour adapter la France à la mondialisation
Macron ne tourne pas autour du pot : « La France doit faire des réformes structurelles » pour être plus compétitive et pour « rassurer » l'Allemagne. Il se fait le porte-parole de la Commission européenne qui, dans son rapport annuel rendu public le 22 février4, félicite le gouvernement Hollande pour la loi travail et le CICE, et l'invite à continuer et amplifier les réformes. La Commission tance le plus durement la France sur l'assurance chômage : « Aucun progrès n'a été enregistré du côté de la réforme du système d'assurance-chômage ». Comme par hasard, Macron annonce son intention de réformer prioritairement l'assurance chômage, dont l'axe essentiel sera le flicage – pardon la « responsabilisation » – des chômeurs5 : « les prestations seront strictement conditionnées à vos efforts de recherche, avec un contrôle drastique ». Pour Macron, il s'agit explicitement de sortir du système assurantiel : le chômeur devra mériter son indemnisation. Il veut en outre nationaliser l'assurance chômage pour bien signifier que les prestations chômage ne sont pas du « salaire » (qui devraient donc être gérées par les salariés) mais une allocation versée par l’État. Il reprend d'ailleurs une proposition de Le Pen de 2012 : supprimer les cotisations salariales maladie et d'assurance-chômage et augmenter en compensation la CSG6. Alors que les cotisations finançaient les prestations, l'impôt financera un filet de sécurité géré par l’État. Cela s'appelle la destruction de la logique de la Sécurité sociale au profit d'une gestion étatique et libérale de la protection sociale.
Macron dévoilera en outre le 2 mars une « réforme structurelle des retraites », et d'autres suivront à n'en pas douter, en fonction de ce qui sera exigé par le patronat ou la Commission européenne.
L’État capitalisé, purgé et adapté aux besoins du patronat
Macron veut baisser drastiquement le poids des dépenses publiques, en baissant de 3 points la part de ces dépenses dans le PIB, ce qui représente 60 milliards de coupes : 15 milliards dans l'assurance maladie, 10 milliards sur l'assurance chômage, 10 milliards sur le fonctionnement des collectivités locales et 25 milliards pour l’État central. Pour cela, Macron s'appuie sur un rapport de la Cour des comptes7 pour augmenter le temps de travail des fonctionnaires territoriaux. Il veut également supprimer 120.000 postes de fonctionnaires. Il veut « moderniser » le statut des fonctionnaires, restaurer le jour de carence, individualiser les rémunérations, et « recruter hors du statut pour les fonctions d'encadrement ». Autrement dit, revoir de fond en comble l'organisation de la fonction publique, la soumettre au nouveau management.
Un choc fiscal libéral
Macron veut consolider les cadeaux aux patrons octroyés par Hollande. Il propose de transformer le CICE en allègements supplémentaires de cotisations sociales. Cela reviendra à supprimer toutes les cotisations patronales au niveau du Smic. Macron a bien identifié l'ennemi : la cotisation sociale, la Sécurité sociale. Il veut en outre diminuer le taux d'imposition sur les sociétés de 33,3% à 25% et s'engage à « donner un cadre clair, stable et prévisible aux entreprises ». Mettre à l'abri les entreprises des pressions du bas peuple, c'est une revendication essentielle du patronat.
Macron veut aussi câliner les heureux bénéficiaires des revenus du capital. Il veut plafonner à 30% les prélèvement sur les intérêts, loyers, dividendes et plus-value. Les droits de succession ne seront pas relevés : il est important de défendre les intérêts des héritiers méritants. Il veut alléger considérablement l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) puisqu’il ne serait plus calculé que sur la valeur du patrimoine immobilier : les valeurs mobilières (actions, etc.) seront exclues au nom du fait que les bourgeois qui détiennent de gros paquets d’actions osent prendre des « risques » !
Une régulation centrée sur l'individu
Macron n'aime pas les identités collectives, les protections collectives, et encore moins les institutions que le salariat a arrachées pour se protéger de la mise en concurrence généralisée. Macron sacralise l'individu atomisé, libre de toute attache, qui doit pouvoir « choisir » sans être bridé par des contraintes collectives. Tout doit pouvoir se négocier au niveau de l'entreprise, et chacun doit pouvoir choisir son temps de travail. « Quand on est jeune, 35 heures, ce n'est pas long. Il faut donc plus de souplesse, plus de flexibilité. Quand on est jeune, 35 heures ce n'est pas assez » avait-il dit l'automne dernier. La retraite doit se faire « à la carte ». Les couples « pourront choisir d'individualiser leur impôt sur le revenu ». Macron est bien l'homme de la contre-révolution libérale et individualiste. Chacun devra gérer son « capital humain », les institutions du salariat seront détruites, et l’État assurera simplement un filet de sécurité pour les perdants de la mondialisation.
Macron est le candidat de la sauvagerie économique, de la mise en concurrence généralisée des individus. Le fait que des pans entiers du PS le soutiennent en dit long sur la décomposition de ce parti issu du mouvement ouvrier. Il faut prendre la mesure de la menace Macron, qui veut aller bien plus loin que Hollande dans les attaques contre le monde du travail. Aucun vote utile n'est envisageable pour Macron, y compris au second tour face à Le Pen. Nous n'avons qu'une seule chose à faire à son égard : le combattre de toutes nos forces.
1 L'expression « extrême centre » est utilisée par Tariq Ali (https://www.versobooks.com/books/1943-the-extreme-centre) pour désigner la convergence programmatique des partis institutionnels de gauche et de droite autour d'un agenda néolibéral.
2 http://www.lejdd.fr/Politique/Emmanuel-Macron-et-les-120-000-euros-de-Bercy-842885
3 Cf. http://tendanceclaire.org/breve.php?id=22796
4 Cf. http://europa.eu/rapid/press-release_IP-17-308_fr.htm pour la synthèse générale ; pour le rapport détaillé sur la France, cf. https://ec.europa.eu/info/file/98125/download_en?token=z8BSZgoA
5 Le film « Moi, Daniel Blake » de Ken Loach, palme d'or au festival de Cannes 2016, décrit de façon formidable les ravages de ce type de réformes au Royaume-Uni.
6 Cotisation sociale généralisée créée par Rocard en 1991, dont les montants n’ont cessé de croître depuis au détriment des cotisations sociales. La CSG est principalement payée par les salariés sur leurs salaires directs.
7 Cf. http://www.lesechos.fr/11/10/2016/lesechos.fr/0211380381380_finances-locales---la-cour-des-comptes-souligne-de--reels-efforts-de-gestion-.htm