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Plateforme T: Pour le pouvoir des travailleur/se-s, vers le communisme autogestionnaire
Notre congrès devrait être autre chose que la répétition de débats entre tendances sclérosées et l’arithmétique des calculs d’appareil. Il devrait permettre au NPA de faire de véritables choix. Plutôt que de présenter une trop longue analyse de la situation – dont les nuances sont souvent brandies par les différents courants pour prétendre justifier leur “identité” politique – nous préférons ici développer essentiellement les réponses politiques que le NPA pourrait défendre dans cette situation connue de tou·te·s. L'enjeu n'est ni de « réaffirmer » le NPA (et donc de se contenter de réciter les principes fondateurs), ni de l’utiliser comme étendard pour construire une fraction en renonçant à sa transformation, mais bien de faire un pas en avant vers sa refondation. Vouloir prendre « le meilleur des traditions du mouvement ouvrier », c'est aujourd'hui passer de l’anticapitalisme au communisme du 21e siècle, en se saisissant de toutes les questions.
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Sur le plan du programme, nous devons travailler des réponses concrètes et précises afin de convaincre qu’une alternative communiste est possible, qu’elle est la seule issue positive pour notre camp social à la crise du système capitaliste et donc qu’il faut défendre systématiquement l’objectif du pouvoir des travailleur·se·s.
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En ce qui concerne l’intervention dans les luttes, soyons à l'offensive : au-delà de la fausse alternative entre les « unitaires » (qui ne jureraient que par la construction de cadres unitaires) et les « sectaires » (qui ne voudraient pas discuter et agir avec les réformistes), il faut définir une politique d’intervention commune dans les luttes, pour stimuler l’auto-organisation, réaliser le front unique des organisations, défendre l’objectif de la grève générale et donc combattre les états-majors des défaites : les directions réformistes, syndicales comme politiques.
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Enfin, il faut refonder notre parti car on ne peut plus se satisfaire de la façon dont il fonctionne, si éloigné des principes de la société que nous voulons construire.
I. Réarmer le NPA
I.1. Affirmer un profil communiste révolutionnaire et autogestionnaire bien identifiable
Le capitalisme est un système non-viable, fondé sur l’exploitation, qui engendre injustices, deuils et impuissance. Cette exploitation se fait sur le dos des travailleur·se·s, et c’est sur elles et eux que repose toute la machinerie capitaliste. C’est pour cela que notre parti doit être un parti qui repose sur des bases claires de classe, et doit être un outil pour construire cette conscience de classe.
La récente crise du système capitaliste a vu ses prémisses se déclarer dès 2006 par une baisse des taux de profit suivie d’une chute de l’investissement et de la production, avec pour effet la hausse du chômage et la baisse de la consommation. C’est le mécanisme de la baisse tendancielle du taux de profit (la « loi fondamentale de l’économie politique » selon Marx) qui permet de comprendre l'origine de la crise ouverte en 2008 : la concurrence pousse les capitalistes à innover pour accroître leur productivité ; cela se traduit par le remplacement des humains par les machines, ce qui tarit la source de la plus-value (le travail humain) et produit périodiquement des crises. L'ampleur de la bulle financière, qui a longtemps contenu les effets de la crise, les a ensuite démultipliés. Les politiques d’austérité et de remise en cause des droits sociaux et salariaux, la « baisse du coût du travail », sont donc des politiques logiques destinées à rétablir le taux de profit des capitalistes et relancer l’accumulation.
Les « gouvernements anti-austérité » – tel celui de Syriza – malgré leurs intentions affichées, sont contraints de mettre en œuvre la politique dictée par la logique du système puisqu’ils refusent de remettre en cause les cadres qui imposent ces politiques. Ces partis – incarnés en France par Mélenchon, la France Insoumise et les antilibéraux en général – considèrent que la faiblesse de l’investissement est le premier facteur de la crise, pointant du doigt certains « mauvais » capitalistes. Certains chiffres faramineux de dividendes viennent alimenter cette impression. En fait, cette vision implique un jugement simpliste et moral sur le comportement des capitalistes, voire alimente le populisme : elle fait comme s’il s’agissait de logiques individuelles et non-systémiques et prétend dès lors que la réponse politique serait le recours à un gouvernement de type keynésien qui soutiendrait les « gentils » patrons productifs et contraindrait les autres à plus d’investissements.
Les antilibéraux invoquent aussi la faiblesse de la consommation, due à des salaires et prestations sociales comprimées par l’austérité. Cette compression est bien réelle, mais des hausses de salaires ou de prestations sociales ne permettraient pas de sortir de la crise si l’on restait dans le cadre du capitalisme : elles représenteraient pour les capitalistes un coût supplémentaire dont ils ne veulent pas entendre parler, et qu’ils combattraient avec une grande énergie, notamment par le recours à l’inflation.
L’analyse marxiste permet de comprendre l'impasse des politiques réformistes qui visent à redistribuer les richesses et à augmenter les dépenses publiques sans rompre avec le capitalisme. En faisant baisser le taux de profit, elles débouchent inéluctablement (et très rapidement en temps de crise) sur des politiques d'austérité redoublées. Munis de cette analyse, nous parvenons à une conclusion claire : la rupture avec le capitalisme est nécessaire pour sortir des politiques d’austérité.
L’identité de notre parti ne peut se résumer ni à une activité « super-syndicale » défendant des revendications immédiates sous des formes radicales, ni à des abstractions idéologiques ou des concepts fétichisés. Nous devons défendre ouvertement, en positif, la perspective d’une société communiste autogestionnaire, bâtie sur la propriété collective des moyens de production, avec une planification démocratique obéissant à la double nécessité de répondre aux besoins sociaux et d’intégrer les contraintes écologiques.
Ce projet de société, nous le disons « autogestionnaire » car en rupture aussi avec les prétendus États communistes du 20e siècle concentrant la gestion et le contrôle des moyens de production dans les mains d’une bureaucratie spoliatrice et privilégiée. Pour nous, il s’agit au contraire de placer au cœur du projet la dimension de liberté et de choix, de contrôle par les travailleur·se·s de leurs outils de production et de leur organisation du travail ; de faire intervenir la politique et donc la démocratie sur le lieu de travail ; de dé-professionnaliser la politique par le mandatement et la révocabilité des élu·e·s ; de rendre chaque personne actrice de la société à travers de nouvelles institutions de pouvoir populaire : AG, conseils d’usine, de quartier ou de village, démocratie directe et à tous les niveaux de la société. Osons défendre publiquement un projet communiste autogestionnaire ! Loin de renoncer à se battre au quotidien avec les exploité·e·s et les opprimé·e·s, défendre publiquement un projet de société et une stratégie claire pour y parvenir contribuera au contraire à encourager leurs luttes, qui seules peuvent conduire à la société que nous voulons.
I.2. Défendre un programme de transition
Sans pour autant défendre un projet « clé en main » où nous aurions tout défini dans les moindres détails, nous devons tout de même porter des lignes directrices. Nous défendons un programme de transition, qui fasse le pont entre les revendications et un gouvernement des travailleur·se·s, étape nécessaire pour défaire les exploiteurs et avancer en direction de notre projet communiste autogestionnaire. L’application et la réalisation de ce programme ne pourront évidemment pas se faire sans l’auto-organisation de notre classe. C’est aussi pour cela que, dès aujourd’hui, l’auto-organisation est à construire dans tous les secteurs en lutte, dans nos lieux d’étude, de formation, de travail, dans nos organisations politiques...
a) Nous défendons l'interdiction des licenciements par la lutte, sans agiter l'illusion d'une « loi » qui les interdirait dans le cadre du système, en nous battant pour la nationalisation sous contrôle ouvrier des groupes qui licencient. Ces perspectives immédiates permettent de faire le pont avec notre projet d'ensemble qui est d’exproprier les grands groupes capitalistes et de socialiser l’investissement à travers des caisses autogérées par les travailleur·se·s. Il faudra pour cela avoir imposé un gouvernement des travailleur·se·s, qui ne pourra naître que de luttes immenses. Comme l’ont porté en 2011 les travailleur·se·s de la cantine l’ENS à Paris, et en 2014 celles et ceux de la poste du 92 Nord, il faut imposer, dans la fonction publique, la titularisation immédiate, sans condition de concours ni de nationalité, de tou·te·s les précaires. Travaillons moins pour travailler toutes et tous : 32h pour toutes et tous, sans perte de salaire. Le droit à la formation, de plus en plus remis en cause, doit être réaffirmé et réapproprié par les travailleur·se·s, et plus dicté par les besoins du capital
b) Nous défendons la hausse des salaires, des retraites, de toutes les allocations de 300 € tout de suite, avec des écarts de salaires ne dépassant pas 1 à 4. Nous défendons le salaire socialisé (sécu, chômage, retraites...), embryon de collectivisation dans la société capitaliste, dans la perspective d'une socialisation intégrale, d'un salaire à vie qui mettrait fin au marché du travail. Nous défendons la gestion par les travailleur·se·s des caisses du salaire socialisé.
c) Nous combattons le management capitaliste, qui nous met en concurrence et détruit notre santé. Nous ne luttons pas seulement contre les actionnaires. Au-delà des rapports de propriété, nous militons pour une transformation en profondeur des rapports de production : les capitalistes doivent être expropriés et les chefs doivent être mis au pas. Autogestion dans les entreprises !
d) Nous luttons contre l’impérialisme et le néo-colonialisme. Nous sommes solidaires de la lutte des Palestinien·ne·s contre l’État d’Israël, du processus révolutionnaire du Rojava (notamment parce qu’il contribue à l’auto-organisation des opprimé·e·s, et malgré ses limites), des soulèvements populaires contre les dictatures, les multinationales, les interventions impérialistes, à commencer par celles de la France. Nous sommes pour l'abrogation de tous les traités de libre-échange, pour la liberté et les droits des migrant·e·s, mais contre la liberté de circulation des marchandises et des capitaux !
e) Nous défendons les libertés démocratiques, de plus en plus menacées, contre les interdictions de manifester, les contrôles au faciès et les violences policières, qui frappent (et tuent) depuis des années les jeunes racisé·e·s et des quartiers populaires et de plus en plus depuis l’instauration de l'état d’urgence, les militant·e·s. Nous militons pour le retrait de toutes les lois liberticides et racistes.
Outre ces thèmes « classiques » du programme de transition, il faut intégrer dans celui-ci un volet écologiste anti-productiviste et une lutte globale contre les oppressions spécifiques. Certes, le NPA a déjà intégré ces thèmes, il défend certaines positions solides et bénéficie d’une réelle reconnaissance dans les luttes en question. Mais, comme pour toutes les autres questions, ce n’est jamais en les articulant avec le projet communiste, ni avec la logique d’un programme de transition. De plus, plusieurs courants du parti les considèrent comme parfaitement secondaires – qu’ils l’assument au nom d’un prétendu marxisme orthodoxe ou qu’ils les négligent de fait.
I. 3. Intégrer pleinement l’anti-productivisme dans le programme
La question écologique est centrale : les activités humaines menacent notre propre survie et sont déjà responsables d’une dégradation considérable des écosystèmes, de la disparition d’espèces entières, de menaces lourdes sur notre santé. Tout autant que les luttes sociales sur le terrain salarial, des mobilisations d’ampleur, radicales, ont lieu sur la question écologique. Au lieu d’abandonner ce terrain aux capitalistes “verts” ou à des réformistes de différentes couleurs, et au lieu de laisser certains secteurs radicaux en faire leur spécialité, il est urgent que nous développions des réponses anticapitalistes et révolutionnaires sur ce sujet central.
Nous devons rompre clairement avec l'héritage du productivisme qui a longtemps dominé au sein du mouvement ouvrier. Notre priorité ne peut pas être le développement des forces productives pour consommer le plus possible. Elle est de faire décroître la consommation d'énergie et de matières premières, de mettre fin aux gaspillages, pour mettre fin aux dérèglements et permettre la reproduction de l'écosystème. Elle est de subordonner le déploiement des technologies à la préservation de notre santé.
Cela ne doit bien évidemment pas reposer sur un écologisme moral dont les solutions de consommation individuelle ne sont pas suffisantes. Ce sont les entreprises qui polluent le plus et qui décident de ce qui est produit. C’est donc tout ce système de production qu’il faut changer pour ne plus mettre comme objectif de l’appareil productif la recherche du profit, mais bien la satisfaction des besoins sociaux. Cela implique à la fois de satisfaire une série de besoins qui ne le sont pas aujourd’hui pour un nombre effrayant d’êtres humains, et de redéfinir largement une partie des besoins eux-mêmes. La révolution du mode de production ira de pair avec celle du mode de consommation ! C’est pourquoi nous mettons au centre de notre programme écologique la planification qui permet de déterminer de façon rationnelle et démocratique ce qui est produit en fonction des besoins collectifs et des contraintes écologiques. Cette planification suppose de socialiser les grands moyens de production.
Comment procéder ? Il faudra réorganiser l’économie sous le contrôle des travailleur·se·s, reconvertir les industries polluantes, sortir du nucléaire, développer les énergies renouvelables, supprimer l’utilisation des pesticides mortifères, réduire les transports inutiles en relocalisant dès que c’est possible la production, développer les transports collectifs gratuits, ou encore abolir la publicité.
I.4. Mieux intégrer les oppressions spécifiques à notre programme
Le capitalisme n'a pas créé le patriarcat et le racisme. Ces oppressions existaient avant lui, et risquent de perdurer après lui, si un combat spécifique n’est pas mené. Cependant, le renversement du capitalisme saperait profondément leurs bases matérielles. En même temps, le patriarcat et le racisme ne sont pas des blocs immobiles, ils évoluent et ont évolué tout comme le capitalisme et en rapport avec lui. C’est pourquoi il est nécessaire de mener une analyse systématique des formes que prennent le patriarcat et le racisme dans nos sociétés et de la façon dont elles s’articulent. Avec la crise, les capitalistes et leurs gouvernements n’hésitent pas à nous diviser et nous faire perdre de vue nos intérêts communs. Nous devons donc apporter des réponses et revendications larges, qui contribuent à une prise de conscience anticapitaliste et à la conviction qu’il est nécessaire de les articuler à l’objectif du gouvernement des travailleur/se·s.
• Nous luttons contre le racisme d’État, et notamment l’islamophobie, qui occupe aujourd'hui la place et la fonction de l'antisémitisme dans les années 1930, tout en justifiant les principales interventions impérialistes. Nous revendiquons la régularisation de tou·te·s les sans-papiers, le droit de vote des étranger·ère·s à toutes les élections, l'abrogation de toutes les lois anti-immigré-e-s, l'ouverture des frontières. Nous luttons pour l’abrogation de toutes les lois racistes, à commencer par l’interdiction du port du voile à l’école, et défendons les cadres d’auto-organisation des premier·ère·s concerné·e·s.
• La vague des #metoo met en lumière que la violence sexiste est partout, dans tous les milieux. Il faut imposer de véritables moyens pour lutter contre les violences, en premier lieu un service public d’accueil des victimes, qui ne dépende pas des aléas des politiques de subventions aux associations. L’enjeu est aussi judiciaire. Pour sortir de la spirale du silence et du sentiment de culpabilité, imposons de nouveaux droits spécifiques et nécessaires au sein d’une justice largement sexiste et raciste : nous revendiquons la redéfinition judiciaire du viol comme toute imposition de relation sexuelle sans consentement, ainsi que l’allongement des délais de prescription pour les cas de viols et d’agression sexuelle. Et au-delà, préservons les droits que nous avons arrachés : contre la fermeture des centres IVG et pour une contraception libre, et allons plus loin en revendiquant la gratuité de la contraception, le développement de structures collectives (restaurants, crèches...) pour briser la double journée de travail imposée aux femmes.
• La violence patriarcale prend aussi la forme d’une homophobie que le mariage pour tous n’a pas – loin s’en faut – éradiquée. Là aussi, gagnons de nouveaux droits, à commencer par l’accès à la PMA pour toutes et tous, mais aussi le droit au changement d’état civil sur simple demande pour les personnes trans, le remboursement à 100% des frais médicaux de transition sans condition, le libre choix de son médecin et la possibilité d’effectuer sa transition en toute liberté.
I.5. Défendre le projet de rupture avec les institutions bourgeoises
a) Rompre avec les institutions bourgeoises nationales
Toutes ces revendications entrent en contradiction avec un système capitaliste de plus en plus malade, qui ne parvient à faire du profit qu'au prix d’atrocités croissantes. C’est pourquoi nous articulons ces revendications à la nécessité d’un gouvernement des travailleur·se·s, seul capable de les mettre en place, à condition de rompre avec la propriété et les institutions capitalistes. Nous pensons que c’est seulement armé·e·s d’un tel programme que nous pourrions être une alternative crédible au capitalisme mais aussi aux réformistes qui malgré parfois la radicalité de leurs critiques, ne s’opposent pas véritablement au système. C’est la condition pour que le NPA sorte enfin de sa crise et puisse se construire en attirant les travailleur·se·s et les jeunes qui cherchent la voie d’une alternative au capitalisme, et que nous ne devons pas laisser aux réformistes.
La campagne Poutou a montré les potentialités qui sont les nôtres : avec son profil réellement populaire d’ouvrier qui ne se soumet pas, la force de ses sorties contre Le Pen et Fillon, son appel répété à ce que les travailleurs et les travailleuses prennent en main leur propre destin, sa campagne a marqué les esprits et permis un regain d’intérêt pour nos idées. Cette campagne a aussi montré la capacité de mobilisation et d’organisation interne au parti. Néanmoins, elle est restée axée sur des revendications de type syndical et démocratique, sans la logique d’un programme de transition précis et concret, au moment même où Mélenchon portait un programme réformiste détaillé, en réussissant à polariser l’attention de toute une partie de notre milieu. De ce point de vue, les critiques de Mélenchon sur la question du chauvinisme sont nécessaires, mais il est erroné de s’y limiter si l’on veut convaincre celles et ceux qui hésitaient entre FI et extrême gauche.
Les travailleur·se·s et les jeunes qui sympathisent avec nos idées s’interrogent à juste titre sur la “faisabilité” des revendications et des mesures que nous portons. Nous devons répondre que nous voulons que les travailleur·se·s et les opprimé·e·s prennent eux/elles-mêmes le pouvoir dans les entreprises, les services et à tous les échelons des institutions révolutionnaires. Nous devons assumer aussi qu’il faudra élire des délégué·e·s pour assurer les tâches du pouvoir central, un gouvernement des travailleur·se·s chargé de coordonner le processus révolutionnaire, de prendre les mesures nécessaires à la satisfaction des revendications, notamment d’imposer l’expropriation des grands groupes capitalistes et les mesures politiques nécessaires à la défense comme à l’extension de la révolution. Cela suppose évidemment de disposer des outils nécessaires à la coordination des secteurs stratégiques de l’économie, à la planification de niveau central comme à la politique internationale.
En particulier, nous devons dire clairement qu'un gouvernement des travailleur·se·s devrait contrôler les échanges extérieurs (monopole étatique du commerce extérieur) et contrôler sa monnaie (création d'une monnaie inconvertible sur les marchés financiers). Faire l'impasse sur ces questions, c'est renoncer à poser concrètement la question du pouvoir.
b) Lever le tabou de la rupture avec l’Union européenne
Sur le terrain européen, cela signifie concrètement rompre avec l’Union Européenne, l’ensemble de ses institutions, la BCE et l’euro, pour permettre à un gouvernement des travailleur·se·s de se réapproprier le contrôle et la souveraineté sur les outils économiques. Rester dans l'UE en croyant pouvoir « désobéir », c'est soit se bercer d'illusions, soit renoncer à engager immédiatement la rupture avec le système capitaliste. Il ne s’agit évidemment pas non plus de rompre avec l’UE sans rompre avec le capitalisme. En fait, un gouvernement des travailleur·se·s devrait en même temps rompre immédiatement avec l'UE et tout faire pour étendre la révolution aux autres pays. L’expérience grecque a largement démontré la nécessité pour les anticapitalistes de s’approprier la lutte contre l’UE ; le mouvement catalan démontre lui aussi que cette question n’est pas contournable.
Actuellement, l’extrême droite apparaît comme la seule à vouloir attaquer concrètement la logique des institutions européennes, même si Le Pen met de l'eau dans son vin pour apparaître crédible aux yeux de la bourgeoisie. Mêlé à son fond traditionnel raciste, le raccourci et le lien entre ces deux positionnements est rapidement fait. L’électorat du FN ne se construit pourtant pas uniquement sur les discours xénophobes mais aussi sur un discours « social ». En critiquant la mondialisation et promouvant un capitalisme national, le FN attire à lui – et à la xénophobie – des catégories ouvrières et populaires, victimes premières des délocalisations et de la concurrence internationale favorisée par les institutions européennes et les traités de libre-échange. Il existe un clivage de classe au sujet de l’UE, distinguant les catégories à qui profite la construction de l’UE (catégories supérieures et capitalistes) et les travailleur·se·s qui en subissent les contraintes. La responsabilité et l’erreur de l’extrême gauche a été de ne pas se positionner de manière hostile et constante contre l’UE, en combattant les traités internationaux de libre-échange lorsqu’ils sont présentés pour ensuite ne plus les remettre en question une fois qu’ils sont en place. Une attitude claire est indispensable pour combattre efficacement l’influence de l’extrême droite dans les rangs ouvriers, et polariser le rejet de l’UE sous un angle de classe.
II. Construire, intervenir, radicaliser !
La défense d'un programme n'est bien sûr pas suffisante. Nous devons définir une politique du parti pour l'intervention dans les luttes. D’autant plus que Macron veut faire passer une série de contre-réformes historiques, et qu’il a effectivement « marqué le point » cet automne.
II.1. Convergence des luttes, front unique ouvrier, Front social
a) Construire à la base
La place des luttes est centrale dans le développement de la conscience de classe et pour l’acquisition d’expériences militantes. Il est donc extrêmement important que dans ces luttes nous nous battions pour l’auto-organisation à tous les niveaux. Dans les réunions, les AG inter-catégorielles, interpros, etc., nous luttons pour le contrôle du mouvement par les exploité·e·s et les opprimé·e·s elles/eux-mêmes.
En même temps, nous contribuons activement à la construction des organisations pérennes de la classe ouvrière, à commencer par les syndicats. Nous les concevons comme un outil élémentaire pour les revendications et les luttes et en même temps nous y faisons de la politique dans le sens où nous défendons une ligne de classe, nous nous battons pour la rupture du « dialogue social », contre la bureaucratie et pour la démocratie interne maximale.
Les luttes sont nombreuses mais souvent isolées et restreintes. Il est vital d’aider à les faire converger pour gagner. La grève, qui permet une auto-organisation et une prise de conscience de la force des exploité·e·s, est stratégique pour faire plier les capitalistes. Nous devons donc mener une agitation autour de la nécessité de construire un grand mouvement d’ensemble passant par la grève générale comme moyen de stopper et de battre le gouvernement et le patronat.
b) Combattre les états-majors des défaites
Nous devons aujourd'hui tirer toutes les leçons des mouvements de 2010, 2016 et de l'automne 2017 : il faut mettre en échec la politique de sabotage des bureaucraties syndicales. Dans ce but, notre parti pourrait jouer un rôle important, mais cela suppose une autre orientation sur la question des syndicats. Nous devrions critiquer publiquement la passivité syndicale et ses choix démobilisateurs des confédérations, non dans le but d’une récupération politique mais bien de tracer une perspective autonome aux travailleur·se·s, défendre une stratégie alternative crédible pour mener à la victoire du mouvement social. Nous ne l’avons fait que timidement cet automne, quand les choses étaient pliées, mais nous avons trop laissé ce rôle à Mélenchon, qui le joue dans son propre intérêt d’opposant institutionnel...
c) Pour le front unique
Si nous refusons tout type d’alliance de nature programmatique avec des réformistes, nous menons une politique de front unique sur les combats communs. En effet, les réformistes et notamment les syndicats ont une influence de masse, quoique en très net recul à l’échelle historique, et nous devons donc avoir une politique à leur égard dans l’objectif de mobiliser les masses et en critiquant à chaque étape les fautes, les capitulations ou les trahisons. Cela implique notamment de ne faire figurer sur des déclarations ou matériels unitaires que ce qui fait accord entre les participant-e-s, sans endosser des conceptions ou éléments de programme qui ne sont pas les nôtres ; réciproquement nous ne les imposons pas aux autres, mais gardons la liberté de les exprimer par nos propres moyens.
d) Pour le « Front social »
L’initiative du Front Social a permis la rencontre hors des clivages politiques et syndicaux de militant·e·s et syndicalistes attaché·e·s à l’indépendance de classe, refusant le dialogue social, défendant l'objectif de construire une grève de masse qui bloque l'économie... Mais la majorité sortante a gardé ses distances avec le Front social : c'est un énorme gâchis !
Le Front social doit être un outil pour construire le front unique contre le gouvernement. Il n’est ni le substitut d’un syndicat, ni celui d’un parti. Il pourrait en revanche servir de point d’appui pour constituer enfin un courant lutte de classe intersyndical (et plus généralement inter-orgas). Il doit continuer à prendre des initiatives propres (matériel d’explication et d’agitation, actions, etc.), mais aussi faire constamment pression sur les directions syndicales pour qu’elles rompent le dialogue social et mettent en place un véritable plan de mobilisation. Il doit continuer d’intégrer un maximum de structures syndicales, ainsi que des collectifs de lutte divers (féministes, LGBTI, antiracistes, quartiers populaires, contre les violences policières, contre les grands projets inutiles...). Enfin, pour que les militant·e·s se saisissent de cet outil, il doit avoir un fonctionnement démocratique et inclusif, avec des AG décisionnelles et un collectif d’animation élu, mandaté, et révocable.
II.2. Auto-organisation de tou·te·s les opprimé·e·s
Pour porter les revendications spécifiques, outre l’activité propre du parti, nous défendons l’auto-organisation des opprimé·e·s sur leur propre terrain, en mixité ou non-mixité, pour mener leur combat d’auto-émancipation jusqu’au bout1.
Les oppressions vécues par une partie du prolétariat que nous souhaitons unir sont en elles-mêmes un obstacle à l’unité de la classe. À cause de la force des idées racistes, sexistes, LGBTIphobes, la lutte contre ces oppressions est une condition nécessaire et centrale pour faire émerger une conscience de classe. Mais les formes dominantes de lutte contre le sexisme, le racisme et les LGBTIphobies se limitent à un plan moral. Elles blâment les individus tenant des propos ouvertement réactionnaires (retour des femmes au foyer, retour au racisme biologique...) mais restent aveugles sur ses effets et origines structurelles. Ainsi nous devons combattre le reproche fait aux luttes spécifiques de « diviser la classe ouvrière » mais au contraire favoriser ce qui permet aux plus opprimé·e·s de relever la tête.
De plus, les oppressions sont croisées, c’est-à-dire qu’elles interagissent entre elles dans la reproduction des oppressions sociales. Les individu·e·s vivent une multiplicité d’expériences à partir d’oppressions organisées à l’échelle de la société. Ainsi, par exemple, si on comprend qu’une femme noire ne vit pas les mêmes formes de sexisme qu’une femme blanche, cela justifie une élaboration politique, des revendications spécifiques et des cadres autonomes.
La construction de mouvements féministes, anti-racistes, décoloniaux et LGBTI de masse, capables d’imposer de vrais rapports de forces dans la société et la lutte politique générale, est un enjeu central. L’enjeu est aussi d’avancer des revendications politiques claires et fortes dans les cadres de lutte et d’auto-organisation afin de contribuer à unir notre classe. Le gouvernement et les structures capitalistes ont une tendance structurelle à instrumentaliser les oppressions afin de nous diviser. Par exemple, les prises de parole féministes (comme récemment #metoo sur les réseaux sociaux) sont utilisées à des fins racistes. Le NPA doit travailler à la convergence politique avec les organisations du féminisme et de l’antiracisme politique.
Dans le contexte actuel l’islamophobie occupe une place centrale dans la lutte contre le racisme et pour un féminisme inclusif. Nous ne devons donc pas hésiter à construire des cadres de front commun avec des organisations non-mixtes, y compris des organisations inter-classistes. Comme pour tout front commun, le choix de ces organisations dépend, selon les situations, de leurs positions et de leur réalité militante, et ne doit pas nous dispenser de polémiquer en toute indépendance politique contre celles de leurs positions que nous ne partageons pas. Dans ces cadres, nous ne renonçons pas à nos idées, bien au contraire. Parce que nous serons des acteur·trice·s d’un combat large et unitaire, nous pourrons légitimement y porter nos revendications immédiates, tout en popularisant des éléments de notre projet révolutionnaire communiste.
III. Démocratiser !
Sans prétendre que notre parti puisse être une « contre-société », il doit être un lieu d’émancipation, vigilant contre la reproduction des oppressions, où les nouveaux et nouvelles militant·e·s puissent prendre leur place. Il faut apprendre à débattre sans que cela dégénère en « drame familial » à chaque instant. Vu les violences de la société actuelle, ce n’est pas simple, mais cela fait partie de la « formation » qui doit être transmise dans un parti pour l’émancipation... Notre parti doit devenir un cadre d’émancipation le plus conforme possible aux principes de la société que l’on veut bâtir.
Le NPA doit se penser en tant que collectif militant coordonné afin de pouvoir peser sur la situation ; cela nécessite qu’il se dote d’un cycle de formations de base pour l’accueil des nouveaux et nouvelles militantes, affermissant leurs convictions, limitant les inégalités entre camarades dans la compréhension politique, développant les capacités d’intervention tant dans les débats internes que dans les activités extérieures. Il faut limiter au maximum la division entre tâches « intellectuelles » (formation, élaboration, etc.) et « manuelles » (diffs, collages, etc.).
Nous devons aussi surmonter l’impréparation de nos forces militantes et mener une politique volontariste : pour s’implanter dans les secteurs stratégiques, former les camarades aux activités syndicales, relancer une CILT produisant des outils et analyses. L’affaiblissement des syndicats et de leur structure facilite l’implantation des camarades et leur élévation à des responsabilités auxquelles ils et elles ne sont malheureusement pas préparées. La relance de ces commissions est d’autant plus nécessaire pour la stimulation, l’accompagnement et la mutualisation des expériences de ces camarades de bonne volonté mais démunies.
Étant donné leur rôle, les porte-paroles du NPA ne devraient pas pouvoir s’engager à signer des tribunes prenant des positions non-discutées ou différentes de celles du parti. Leurs interventions doivent être discutées et définies au jour le jour avec le comité exécutif, ils et elles doivent rendre des comptes et être contrôlé·e·s par la direction à travers le CPN.
La vie des comités, leurs débats en AG régulières (notamment à l’occasion des compte-rendu de CPN), comme le droit des tendances et des fractions doivent être respectés. Au-delà des divergences politiques et même des différends méthodologiques, les comités comme les tendances et fractions contribuent aujourd’hui à construire le NPA. Aucune limitation de la démocratie, aucune mesure administrative ne permettraient de résoudre des problèmes politiques et d’aller vers une plus grande unité d’action. Celle-ci ne pourra naître que des débats de fond les plus larges et, selon nous, de pas en avant significatifs vers la refondation du NPA – une refondation du type de telle dont cette plateforme esquisse quelques grands axes.
1 Nous n’abordons pas dans cette plateforme la question spécifique de l’intervention dans la jeunesse, qui relève du secteur jeune autonome.