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Plateforme T - Front unique : sortir de l’opportunisme sans tomber dans le sectarisme
Dans sa contribution dans le dernier bulletin interne, A. (plateforme U) affirmait que « les camarades issuEs de la position A négligent ainsi les tâches d'interpellation des réformistes et de front unique. Pourtant, l'un des rôles de notre parti, de nos porte-paroles, est de mettre en difficulté les autres courants politiques et syndicaux en proposant des actions communes, en exerçant une pression, qui se répercute dans les organisations syndicales et dans les assemblées générales ».
Malheureusement, notre parti ne fait pas ce que A. dit qu'il fait. Au lieu de mettre la pression sur les réformistes, notre parti alimente la confusion en signant des appels qui se font sur les bases politiques des réformistes au nom de l'unité. Nos principaux porte-paroles ont même signé un texte programmatique commun avec des dirigeants de la France insoumise (http://www.cadtm.org/Les-defis-pour-la-gauche-dans-la). Pour leur mettre la pression ? Non, on ne fait que les renforcer en endossant leur ligne politique, ce qui brouille complètement la délimitation de l'anticapitalisme avec l'antilibéralisme.
C'est nous-mêmes que nous mettons en difficulté avec une telle politique ! Lors des mobilisations sociales, notre parti épargne les dirigeants réformistes et refuse de les interpeller. Pire, il les rassure quand ceux-ci haussent la voix (https://npa2009.org/content/communiqu%C3%A9-du-npa-rencontre-npa-cgt). C'est seulement quand les jeux sont pliés que notre parti commence à critiquer la politique néfaste des directions syndicales, comme on l'a vu encore récemment lors de la mobilisation contre les ordonnances Macron.
Face à cette politique opportuniste, les plateformes V et W jettent le bébé (le Front unique) avec l'eau du bain (son application par la majorité sortante). Il ne faudrait pas interpeller les réformistes, mais développer autant qu’on peut les mobilisations et (pour la pf V) se démener pour disputer la direction des luttes aux réformistes. C'est une fuite en avant sectaire qui ne tient pas compte du poids des directions réformistes et de la nécessité de mener un combat organisé pour les démasquer aux yeux des travailleurs/ses. La plateforme V a eu l'immense mérite de contribuer à impulser le Front social. Malheureusement, elle n'a pas cherché à en faire un outil pour construire le front unique, en interpellant les directions syndicales pour les contraindre à mobiliser. Le Front social a été conçu comme un front unique (en miniature) capable de concurrencer les directions syndicales : l'échec est patent. En voulant à tout prix garder la main, en refusant de démocratiser le fonctionnement du Front social, en surestimant les mobilisations, les animateurs de la plateforme V ont vidé le Front social de ses forces militantes.
La plateforme W refuse quant à elle toute forme de « front unique » ou « front social » car le NPA risquerait de « diluer sa propre politique ». Comme LO, il s'agirait de construire patiemment le parti révolutionnaire en gagnant des militants un à un, et ce sans chercher à prendre des initiatives pour organiser les militants les plus combatifs face aux bureaucraties syndicales. Quant à la plateforme Z, elle n'a jamais cherché à construire le Front social. Cela tient malheureusement en grande partie à une tension extrême entre les deux composantes de l'ex P3 du dernier congrès (A&R / CCR).
Nous devons aujourd'hui rompre avec la fausse alternative entre une interprétation opportuniste du Front unique et le refus de toute démarche unitaire perçue comme une « dilution » de notre parti. Nous devons tirer toutes les leçons des mouvements de 2010, 2016 et de l'automne 2017 : pour mettre en échec la politique de sabotage des bureaucraties syndicales, il faut se confronter à elles, pas les ignorer dans une politique d'auto-affirmation sectaire.
Il est de notre responsabilité de critiquer publiquement la passivité syndicale et ses choix démobilisateurs des confédérations, défendre une stratégie alternative crédible pour mener à la victoire du mouvement social. Nous devons donc avoir une politique à leur égard dans l’objectif de mobiliser les masses et en critiquant à chaque étape les fautes, les capitulations ou les trahisons afin de gagner patiemment et pédagogiquement les masses à notre stratégie.
Cela implique notamment de ne faire figurer sur des déclarations ou matériels unitaires que ce qui fait accord entre les participant-e-s, sans endosser des conceptions ou éléments de programme qui ne sont pas les nôtres ; réciproquement nous ne les imposons pas aux autres, mais gardons la liberté de les exprimer par nos propres moyens. Parce que nous sommes les premiers à vouloir des accords pratiques pour la lutte, nous ne cherchons pas à découper sur la gauche en s’isolant du mouvement de masse, au contraire notamment du mouvement autonome.
Le Front social peut néanmoins être relancé. Pour cela, il doit être un outil pour construire le front unique contre le gouvernement. Il n’est ni le substitut d’un syndicat, ni celui d’un parti. Il pourrait en revanche servir de point d’appui pour constituer enfin un courant lutte de classe intersyndical (et plus généralement inter-orgas). Il doit continuer à prendre des initiatives propres (matériel d’explication et d’agitation, actions, etc.), mais aussi faire constamment pression en interne comme en externe sur les directions syndicales pour qu’elles rompent le dialogue social et mettent en place un véritable plan de mobilisation. Il doit continuer d’intégrer un maximum de structures syndicales, ainsi que des collectifs de lutte divers (féministes, LGBTI, antiracistes, quartiers populaires, contre les violences policières, contre les grands projets inutiles...). Enfin, pour que les militant·e·s se saisissent de cet outil, il doit avoir un fonctionnement démocratique et inclusif, avec des AG décisionnelles et un collectif d’animation élu, mandaté, et révocable.
La majorité sortante ne propose rien de tout cela. Elle ne propose que des mesures techniques sans les inscrire dans la perspective d'un combat contre les bureaucraties syndicales. Programmer une rencontre nationale privé/public, remettre en place une CILT, cela est utile et indispensable mais ne peut guère avoir de sens que si l'objectif est de rassembler les équipes les plus combatives pour construire un courant syndical lutte de classe. Si les militants du parti ne voient pas à quoi peuvent servir ces outils, ils ne s'y investiront pas, et ceux-ci se déliteront comme ils se sont délités dans le passé. Mais la majorité sortante n'a pour projet que de « réaffirmer » le NPA et de recommencer ce qui a échoué, de continuer dans sa politique routinière et démobilisatrice, en espérant que les mêmes causes produiront des effets différents. Il faut au contraire réorienter profondément le NPA, pour en faire un outil attractif pour les militants lutte de classe qui veulent construire la grève générale.