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Chapitre 3.2. « L’organisation de l’État » (en fait ici des collectivités territoriales) « au service de la planification écologique »... mais pas grand-chose de concret sur ce « plan » !
La Tendance CLAIRE a décidé d’ "appeler à voter pour Jean-Luc Mélenchon tout en menant bataille contre les impasses réformistes de son programme" (https://tendanceclaire.org/article.php?id=1705). C’est pourquoi nous proposons une analyse critique du programme de l’Union populaire.
Billets précédents :
Chapitre 1.1, Chapitre 1.2, Chapitre 1.3, Chapitre 1.4, Chapitre 1.5, Chapitre 1.6
Chapitres 2.1 et 2.2, Chapitre 2.3, Chapitre 2.4, Chapitre 2.5, Chapitre 2.6
3.2. « L’organisation de l’État » (en fait ici des collectivités territoriales) « au service de la planification écologique »... mais pas grand-chose de concret sur ce « plan » !
Ce deuxième point du chapitre III est plus concret que le précédent car il propose des mesures précises. Mais elles sont assez hétéroclites, la plupart ne relèvent en fait pas vraiment de la « planification écologique » et, contrairement à ce qu’annonce son titre, ce point parle moins de l’« organisation de l’État » proprement dit que des communes et des régions.
Il y a même un curieux hiatus entre l’introduction et la « mesure clé » de ce point, d’une part, et les mesures qui sont proposées ensuite, d’autre part : dans l’introduction, il est dit que « l’objectif de maîtrise du cycle de l’eau doit guider la nouvelle organisation [de l’État républicain] : les bassins versants et les agences de l’eau en seront le socle, pour atteindre un grand objectif "zéro pollution et zéro épuisement de la ressource en eau" » ; et, dans ce but, la mesure clé proposée est de « redécouper les Régions à partir des bassins versants et leur confier l’eau comme première responsabilité ». Mais aucune des mesures avancées ensuite ne concerne l’eau ! Quant à cette « mesure clé » elle-même, on ne voit pas bien en quoi une mesure administrative de redécoupage des régions va nous faire réellement avancer ! Aujourd’hui, la gestion de l’eau relève de la responsabilité des grandes villes et des intercommunalités, mais le problème principal est que celles-ci sont libres de la confier ensuite aux trusts capitalistes du secteur, comme Veolia – et c’est ce qu’elles font le plus souvent. Certes, le programme AEC revient plus loin sur la question de l’eau, à laquelle il consacre tout le point 3 du chapitre 5, en préconisant « une gestion 100% publique de l’eau, articulée autour de régies publiques locales ouvertes aux citoyens ». Mais, s’il s’agit de régies locales, on comprend d’autant moins pourquoi les régions, qui ne sont pas vraiment un échelon « local », devraient être les premières responsables de l’eau...
En tout cas, les mesures suivantes concernent les collectivités territoriales. Et la première seule s’articule à la question de la planification : « redonner aux communes le rôle de cellule de base de la démocratie locale, permettre leur libre association et les impliquer pleinement dans les décisions et la mise en œuvre des investissements de la planification écologique ». Tant mieux : cela fait un peu contrepoids au rôle principal de l’État et du gouvernement, tel qu’il est défendu dans le point précédent. Cependant, cela reste bien vague : les modalités concrètes de cette « implication » ne sont pas précisées, la façon dont les communes auront voix au chapitre est passée sous silence. De plus, comme ni le mode d’élection, ni le fonctionnement actuels des communes ne sont remis en cause, la participation des citoyen-ne-s eux/elles-mêmes restera indirecte et squelettique : rappelons que l’élection des conseils municipaux est fort peu démocratique aujourd’hui, avec notamment l’interdiction au second tour des « petites listes » ayant obtenu moins de 10% au premier, la prime à la liste arrivée en tête, etc., et les conseils municipaux sont élus pour 6 ans sans que les électeurs/électrices puissent les révoquer, ni même les contrôler réellement.
Curieusement, après avoir énoncé que la commune devait être la « cellule de base de la démocratie locale », c’est seulement pour le niveau régional que le programme AEC se rappelle que les citoyen-ne-s pourraient participer la planification écologique. En effet, il propose de « mettre en place des assemblées citoyennes régionales pour débattre des projets d’aménagement et d’investissement en lien avec la planification écologique ». C’est là l’innovation concrète la plus importante de tout ce point... Et pourtant, il ne s’agit même pas d’une assemblée délibérative (on peut toujours « débattre » !), ses prérogatives sont pour le moins restreintes et, dans la pratique, le niveau régional étant assez éloigné du local, on imagine que peu de citoyen-ne-s auraient vraiment envie de se rendre dans ce genre de réunions... Il est d’autant plus regrettable de ne pas davantage réfléchir à cela que le programme AEC semble vouloir en revanche réviser le mode de scrutin pour les régionales, puisqu’il préconise de « recomposer les assemblées régionales à partir des élections des conseillers départementaux » (formule qui n’est du reste pas très claire).
Le programme AEC veut également « mettre en place des défenseurs de la nature chargés de l’eau, l’air, la forêt, la végétalisation et la perméabilité des sols au niveau communal ». Apparemment, le modèle est ici celui du ou de la « défenseur-e des droits », autorité administrative de l’État, officiellement indépendante du gouvernement (mais tout de même nommé par le président de la République !) et chargé-e de recueillir les plaintes des citoyen-ne-s en matière de droits de l’enfant, de discriminations en général, ou encore pour les défendre contre l’arbitraire administratif, policier, etc. Dans l’état actuel des choses, nous ne sommes évidemment pas contre toute instance permettant de limiter la violation des droits. Par ailleurs, l’idée que la nature elle-même puisse être sujet de droit est philosophiquement discutable, mais on ne peut pas être contre la mise en place d’instances et de pouvoirs permettant de la défendre concrètement. Cependant, là encore, pourquoi le programme AEC se montre-t-il à ce point incapable de penser autrement qu’à partir de ce qui existe, en étendant un peu ce qui est un peu progressiste, au lieu de penser et de promouvoir une démocratie réelle ? Pourquoi, en l’occurrence, faudrait-il mettre en place des autorités administratives, et non des assemblées de citoyen-ne-s élues et dotées de vrais pouvoirs, capables d’autoriser et d’interdire dans tel ou tel domaine des droits et des lois (avec bien sûr l’assistance technique et juridique des professionnel-le-s et des compétent-e-s en général) ?
Par ailleurs, nous sommes d’accord pour « stopper l’étalement urbain : renoncer aux grands projets inutiles et imposés, et rapprocher les bassins de vie et les bassins d’emploi » (mais cette dernière formule est pour le moins abstraite !), pour « rééquilibrer la dotation globale de fonctionnement versée aux communes pour lutter contre les inégalités territoriales » (mais cela reste bien vague !) ; pour « interdire le "droit à la différenciation" – qui permettrait que des règles différentes s’appliquent selon les territoires – afin de garantir l’égalité entre les citoyens » (mais le problème principal aujourd’hui n’est-il pas que, sous l’égalité formelle, règle une profonde inégalité réelle entre les « territoires » ?) ; pour « supprimer les régions transfrontalières (ou eurorégions) » (vu que ce sont de pures structures capitalo-bureaucratiques de l’Union européenne) ; pour « supprimer les mégarégions et les métropoles technocratiques, et revenir sur l’obligation d’appartenance des communes à des intercommunalités en abrogeant la loi portant sur la Nouvelle Organisation territoriale de la République (NOTRe) » (tout cela avait en fait plutôt sa place dans le point 4 du chapitre I, qui proposait déjà de « mettre fin à la superposition d’échelons technocratiques (métropoles, intercommunalité géantes...) » et de « rendre aux communes leur liberté de coopération »)... Mais tout ce point sur les collectivités territoriales ne nous fait pas beaucoup plus avancer dans la « bifurcation écologique » que le point précédent qui proposait de nouvelles commissions nationales. Au moment où l’on s’attendrait à des mesures concrètes sur la question cruciale du pouvoir, le programme AEC n’a en fait guère de plans pour le plan !