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La Tendance CLAIRE fait sienne la cause animale
La Tendance CLAIRE fait sienne la cause animale. À titre personnel, les membres de la TC ont des convictions philosophiques et morales différentes sur ce sujet comme sur d’autres : les un-e-s sont végétarien-ne-s, voire végans, d’autres non, certain-e-s sont antispécistes, d’autres pas... Mais la TC considère que la défense de la cause animale fait pleinement partie des questions politiques en général et de la lutte anticapitaliste en particulier : elle sera donc désormais intégrée à son programme, ses revendications et ses actions.
Il ne s’agit pas seulement d’une branche de la cause écologique, même si les questions se recoupent en partie, mais d’une cause à part entière, qui concerne les animaux sentients (capables à la fois de sensations et de souffrance) en tant qu’individus, c’est-à-dire avant tout les mammifères, les oiseaux, les reptiles et, dans une moindre mesure (car il n’y a pas de consensus entre les scientifiques sur leur sentience), les poissons.
Le capitalisme a considérablement dégradé les conditions de vie et de mort de ces animaux. De nombreuses espèces d’animaux sauvages sont en voie d’extinction ou dans une situation critique. D’autres ne sont pas encore menacées, mais font l’objet d’une chasse à vocation purement mercantile, légale ou illégale. Les individus de toutes ces espèces sont condamnés à une vie difficile et de toute façon rabougrie, et meurent souvent dans des conditions horribles (beaucoup sont capturés par des pièges). La TC soutient les programmes de protection de ces espèces et d’interdiction de la chasse et du commerce de ces animaux. La seule exception à ce principe est le droit inaliénable des peuples indigènes traditionnels de vivre et de chasser sur leurs terres ancestrales, sans que les programmes de protection de la nature puissent servir de prétexte à les en expulser ou à restreindre les territoires de leur nomadisme (c’est trop souvent le cas aujourd’hui, notamment en Afrique, comme le dénoncent à juste titre nos ami-e-s de l’association Survival international). Le commerce des animaux sauvages profite avant tout aux riches (des pays riches ou pauvres), qui préfèrent leurs amusements personnels à la liberté des animaux comme à la biodiversité : il faut les empêcher de nuire par tous les moyens, tant pour la cause animale que pour l’intérêt de l’immense majorité des humain-e-s ! Par ailleurs, pour que les populations pauvres des pays pauvres cessent de braconner, il ne servirait à rien de les harceler, mais il faut mettre en œuvre des programmes de développement économique et social, ce qui exigera en dernière analyse la rupture avec le capitalisme.
Sur la question de la chasse de loisir, destinée à la consommation personnelle d’animaux dont l’espèce n’est pas en situation critique (grande majorité de la chasse dans un pays comme la France), le débat au sein de la TC se poursuit. Mais nous soutenons les mesures déjà prises et les revendications des associations spécialisées visant à limiter le plus possible cette pratique : réglementations saisonnières selon les espèces, récente interdiction de la chasse à la glu, revendications d’interdire la chasse à courre (comme en Allemagne, en Belgique, en Grande-Bretagne...), mais aussi l’élevage des 21 millions d’animaux produits chaque année uniquement pour servir de gibier aux chasseurs, soit près de la moitié des animaux chassés (essentiellement des oiseaux, mais aussi des lièvres, des sangliers et des cervidés). Par ailleurs, pour protéger les promeneur/se-s humain-e-s, nous soutenons la revendication d’interdire la chasse le dimanche, récemment rejetée par le gouvernement Macron. Nous préconisons en outre l’éducation populaire par l’information et l’explication, qui pourraient faire diminuer fortement le désir de chasser dans les régions où cette pratique est encore populaire, mais très rarement nécessaire pour des raisons économiques.
De façon générale, ce sont surtout les animaux d’élevage qui subissent de plein fouet la logique effroyable du capitalisme. Il faut mettre fin purement et simplement à l’élevage des animaux destinés à la seule fourrure : visons, renards, lapins, etc. L’Union européenne est championne en la matière, devant la Chine. La France n’est pas en reste, avec la production de visons, de castors et de lapins Orylag, pour un chiffre d’affaires de plusieurs centaines de millions d’euros. Le gouvernement refuse de l’interdire, alors que 86% des Français sont pour. Car bien évidemment ce marché est une niche de riches, qu’il ne faudrait pas priver de leur « liberté » de se vêtir comme bon leur semble ! En réalité, les souffrances infligées par cette industrie, avec des animaux enfermés toute leur vie dans de petites cages sans même voir la lumière du jour, ne peuvent en aucun cas être justifiées, puisqu’il est possible de s’habiller ou de se parer autrement. Et il est tout à fait possible d’interdire l’élevage de fourrure, comme c’est déjà le cas en Autriche, en Croatie et au Royaume-Uni. Il faut donc imposer que la France fasse de même !
Il faut également interdire les tests de cosmétiques sur les animaux : là aussi, il n’est pas justifié de les élever, de les faire souffrir et de les tuer pour les profits des trusts, qui par ailleurs utilisent massivement des produits cancérigènes pour la peau humaine. L’industrie des cosmétiques doit être tranformée radicalement pour diminuer leur production et la soumettre à des critères à la fois sociaux, sanitaires, écologiques et d’éthique animale.
En ce qui concerne l’élevage pour la consommation alimentaire, il y a débat dans la TC, mais accord pour interdire les élevages intensifs, car la maltraitance y est extrême. Il faut interdire toutes les fermes-usines où s’entassent des centaines ou même des milliers d’oiseaux, de porcs, de lapins, de poissons, voire de bovins. Ces conditions de vie sont horribles : entassement et immobilisation dans des espaces étouffants, privation de la lumière du jour, coupage de cornes, charcutage de becs, injection massive de médicaments et d’antibiotiques (qui ont par ailleurs des effets écologiques désastreux et nuisent à la santé humaine)...
Il faut enfin interdire les exportations et les importations de viande (et a fortiori celles d’animaux vivants, comme c’est le cas des chevaux élevés en France pour être exportés, par avion, vers les abattoirs japonais !). Les conditions d’existence et de mort des animaux dont la viande est importée sont souvent pires encore que celles qu’ils subissent en France, tout comme les conditions de travail des personnes qui les élèvent, les abattent et transforment leur viande. De plus, la viande importée pour être vendue à bas coût provient souvent de zones qui sont déforestées au profit de l’agriculture extensive, comme en Amazonie, au prix d’un désastre écologique d’ampleur mondiale, d’une part, et de la destruction des territoires ancestraux de populations indigènes, d’autre part. La cause animale, la cause écologique et la cause des droits des peuples minoritaires sont ici étroitement liées. Bien sûr, dans ce domaine comme dans les autres, les mesures que nous défendons nécessitent de rompre avec les accords de libre-échange.
La TC assume que ce programme, pourtant partiel, implique une diminution drastique de la consommation de viande. Mais c’est déjà le cas chez les ménages populaires, à cause de l’inflation : ici comme ailleurs, les lois du marché frappent d’abord les plus pauvres, alors que les riches peuvent payer plus cher leur viande. Nous voulons au contraire que soit mis en place un mécanisme de contrôle des prix alimentaires et même, pour les produits rares comme le deviendrait la viande si les mesures que nous préconisons étaient mises en œuvre, un rationnement équitable, permettant que chaque consommateur qui le souhaite ait accès à une certaine quantité de viande chaque année (c’est le même modèle qu’il faut adopter par exemple pour les billets d’avion, pour des raisons d’urgence écologique). En effet, la défense de la cause animale justifie une transformation radicale des modes de consommation alimentaire. Il s’agit de rompre avec des habitudes historiquement récentes qui n’ont rien d’originellement populaires, mais que les capitalistes ont mises en place pour leurs profits : avec la complicité de l’État et de nombreux médecins, ils ont fait croire depuis la fin de la Seconde guerre mondiale qu’il était indispensable pour la santé de manger de la viande tous les jours, alors qu’auparavant la grande majorité des classes populaires en consommait peu. Sur ce plan, il faut assumer un retour en arrière.
La santé n’en pâtira pas, car on peut très bien substituer des protéines végétales aux protéines animales – et le contrôle de ce qu’on consomme relève plus généralement d’enjeux de santé publique comme d’émancipation individuelle. C’est en outre une source d’économies pour les ménages populaires, bien utiles en période d’inflation. La substitution de protéines végétales aux protéines animales sera d’autant plus facile si l’on diminue l’élevage : sachant que la majorité des terres arables en Europe (63%) sont utilisées aujourd’hui pour les céréales et les végétaux destinés à nourrir les bêtes, elles pourront être mises au service de l’alimentation humaine (ce qui sera d’autant plus nécessaire que la sécheresse va réduire considérablement la quantités de terres arables). En outre, cette transformation requiert une prise en charge collective de la reconversion des éleveurs en cultivateurs, qui sera aisément financée par la suppression des subventions à l’élevage industriel. Enfin, il faut accompagner cette transition en promouvant et en améliorant la cuisine végétarienne, en y formant systématiquement les cuisinier/ère-s professionnel-le-s, en la développant dans les cantines scolaires et les cantines collectives en général, où il faut instaurer des jours sans viande (ce qui permettrait d’ailleurs une baisse du prix des repas).
La TC décide de porter et de faire vivre l’ensemble des éléments de ce programme, tout en ayant conscience que, malgré son caractère incomplet, sa pleine mise en œuvre implique une politique de rupture avec le capitalisme, car jamais les capitalistes éleveurs et agro-alimentaires, ni les gouvernements bourgeois à leur service, n’accepteront les plus importantes de ces mesures. C’est pourquoi, tout en participant désormais aux revendications et aux actions particulières de celles et ceux qui luttent à juste titre pour la cause animale, la TC met en avant la nécessité de combattre pour le pouvoir des travailleur/se-s, qui seul pourra engager une véritable transformation révolutionnaire de la production et de la consommation.
Quant à la discussion plus générale sur le principe même de l’élevage, du carnivorisme et de l’exploitation animale, elle se poursuit, et notre site accueillera des contributions libres à ce sujet : que nos lecteurs et lectrices n’hésitent pas à nous en envoyer !
(Résolution adoptée par l’AG de la TC le 29 mai 2023)