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CPN du 4-5 juin : résolution politique de la PA
Résolution politique qui a obtenu 46% des suffrages exprimés lors du CPN des 4 et 5 juin, rédigé et voté par différents courants voulant une réorientation à gauche du NPA, notamment la Tendance CLAIRE, le courant Anticapitalisme et révolution, le Courant communiste révolutionnaire, et le courant Démocratie révolutionnaire.
Le mouvement actuel s’est développé de façon imprévue : d’une pétition en ligne qui a recueilli 1,3 million de signatures au blocage des raffineries trois mois plus tard, il est passé par une dizaine de journées nationales intersyndicales en créant son propre rythme, autour de celui de l’intersyndicale, avec d’abord le mouvement de la jeunesse, largement auto-organisé, puis les regroupements sur les places, les divers collectifs de mobilisations et nombre d’initiatives locales. Le mouvement s’est enrichi de toutes les contestations, toutes les révoltes contre les injustices, l’oppression, la crise économique, sociale, humaine, écologique, militaire. Même si « Nuit debout » connaît pour le moment un reflux, ce mouvement témoigne d’une effervescence contestataire du système, d’aspirations démocratiques. Une effervescence portée par la jeunesse dont la révolte, la générosité, la combativité jouent un rôle important dans le mouvement malgré une présence moindre aujourd’hui du fait de la fin de l’année scolaire et des examens.
La manifestation la plus massive a regroupé 1,2 million de personnes le 31 mars dont de très nombreux jeunes, particulièrement de lycéen-ne-s avec de nombreux lycées bloqués. Et si les autres journées ont été moins massives, chacune a regroupé au-delà des noyaux militants traditionnels et a trouvé les ressources pour servir de tremplin pour la suivante, exerçant une pression constante sur la direction de l’intersyndicale.
La loi travail a été la loi de trop. Prolongement des lois Macron et Rebsamen, du CICE, du pacte responsabilité, elle a cristallisé la révolte, les colères accumulées ces dernières années au fil de milliers de luttes et de grèves jusqu’ici invisibles. En effet, depuis des mois, le mécontentement s’exprimait de façon dispersée : succession de grèves isolées sur les salaires, contre des licenciements, contre des réorganisations, pour les conditions de travail, contre la remise en cause du temps de travail (entre autres dans les hôpitaux), mouvements de solidarité contre la répression (Air France, Goodyear)… sans trouver la force de passer par dessus l’inertie des directions syndicales pour construire la convergence, malgré les tentatives d’une minorité militante. Aujourd’hui, ces militant-e-s se trouvent au cœur de la mobilisation, ouvert-e-s aux idées, aux débats, à la recherche d’une politique pour le mouvement. Cette révolte a été nourrie par le tournant autoritaire, antidémocratique, violent du pouvoir. A peine un an après les odes à Charlie et à la liberté, c’est l’état d’urgence permanent, la tentative d’instaurer la déchéance de nationalité, l’utilisation du 49-3, la répression tous azimuts : le gouvernement PS engage l’épreuve de force pour imposer la loi des patrons. Et l’ensemble du pouvoir économique et du personnel politique l’annonce, en particulier à droite : ce n’est qu’un début, avec entre autres les attaques contre les salaires et le temps de travail des fonctionnaires.
A droite, c’est non seulement la surenchère contre les grévistes, la CGT, les « jeunes » et les « casseurs » mais aussi la surenchère sur le « programme » dans le cadre de la campagne pour la primaire. Chacun l’explique, on n’en est qu’au hors d’œuvre, il faut faire sauter toutes les digues et désormais s’attaquer à l’allongement du temps de travail, à la remise en cause de l’indemnisation chômage, au SMIC, à l’ensemble des allocations et minima sociaux...
Le FN, lui, joue un double jeu anti-ouvrier : d'un côté, il appelle à « l’ordre » contre les « gauchistes », demandant l’interdiction de Nuit Debout, de l'autre, il reste relativement prudent dans ses déclarations sur le mouvement et concentre l’essentiel de ses attaques contre le gouvernement, dénonçant la loi travail, le 49-3 et se payant le luxe de crier au manque de démocratie !
Les évolutions et les ruptures qui s’opèrent depuis trois mois sont profondes. De nouveaux rapports de forces sont en train de s’écrire dans l’affrontement en cours entre des secteurs importants de la classe ouvrière, du monde du travail et de la précarité, de la jeunesse révoltée, et la bourgeoisie, son État et son personnel politique.
C'est donc clairement une nouvelle situation politique qui s'ouvre, marquée par une rupture à l'échelle de masse avec le Parti socialiste et par le retour sur le devant de la scène de la classe ouvrière, en particulier celle du privé. C'est dans le cadre de ces coordonnées nouvelles que l'affrontement social aura lieu.
Il est possible de gagner
La classe ouvrière occupe le devant de la scène : raffineries, dépôts d’essence, centrales nucléaires, ports, cheminots, RATP, éboueurs, électriciens, préavis chez les pilotes et le personnel de Roissy…Cela s'accompagne de multiples initiatives de blocages de zones industrielles, plateformes logistiques. La méthode de la grève et des piquets fait son retour et se montre la plus efficace pour imposer un rapport de forces au patronat et au gouvernement. D'une façon détournée, les nombreuses concessions partielles que le gouvernement a été obligé d'accorder à différents secteurs afin de désamorcer la « bombe du tous ensemble » en témoigne.
La direction de la CGT a été poussée par l’évolution de la situation à aller plus loin que ce qu’elle souhaitait dans l’opposition à la loi. Son positionnement actuel consiste à se mettre à la tête de la mobilisation (et elle est largement perçue dans une grande partie de la population comme à la pointe de la lutte), à augmenter la pression sur le gouvernement en déclenchant des grèves dures dans des secteurs clés où elle a la main, tout en indiquant qu’elle est prête à arrêter la grève si le gouvernement est prêt à négocier, en ne faisant plus systématiquement du retrait de la loi un préalable. La radicalité des méthodes n'implique pas une rupture de la politique du « dialogue social». Elle se combine avec un contrôle par en haut du mouvement et une multiplication des ouvertures à l'égard du gouvernement. La CGT cherche ainsi à aménager une sortie de crise qui permettrait de montrer à sa base et à la population que la mobilisation donne des résultats tout en sauvant la mise au gouvernement, qui a lié son sort à la loi par l’utilisation du 49-3.
Pour le moment, c’est du côté du pouvoir que la crise s’accroît. Sa propagande, les multiples tentatives pour intimider et diviser le mouvement ne parviennent pas à le faire décliner, au contraire, malgré les difficultés à l’étendre, le poids des défaites et des reculs passés. Des dizaines de milliers de militant-e-s de la lutte, militant-e-s syndicaux, lycéen-ne-s, étudiant-e-s, précaires, occupent le terrain politique. Le pouvoir se dit déterminé à mener l’épreuve de force jusqu’au bout mais jusqu’à ce jour toutes ses tentatives pour « sortir de la crise » n’ont fait que l’approfondir, telle la cacophonie autour de l’article 2 de la loi que Le Roux, chef des députés PS, a proposé de revoir… avant d’être désavoué par Le Foll, porte-parole du gouvernement. Proposition pourtant reprise à demi-mot par Sapin, ministre du travail, lui-même contredit en direct par Valls, sur fond de rivalité avec Macron.
Le début d’une dynamique de division « en haut », la mobilisation de secteurs importants « en bas » ouvre une possibilité réelle de gagner sur le retrait de la loi Travail voire d’en finir avec ce gouvernement par la mobilisation. Les enjeux politiques sont élevés : après l’expérience de Syriza en Grèce, une victoire en France aujourd'hui démontrerait que ce n’est pas par les urnes mais par la mobilisation de la classe ouvrière et de la jeunesse qu’il est possible de faire reculer la politique d’austérité des capitalistes. Les répercussions d’une telle démonstration se feraient sentir en Europe et au-delà, à l’heure où la Belgique est elle aussi secouée par une vague de grève.
Notre politique
Une minorité décidée à ne « rien lâcher », à faire vivre la contestation, à faire entendre une autre voix, a permis au mouvement de durer et de rebondir, d’écrire son propre calendrier et de forcer d'ores et déjà le gouvernement à des concessions minimes mais significatives. Pour construire maintenant le mouvement d’ensemble et pour que les directions syndicales ne le mènent pas dans l’impasse, nous devons contribuer à donner une cohérence et une stratégie d’extension à tous les secteurs qui cherchent l’affrontement. Dans cet objectif, nous combinons les interventions et orientations suivantes :
1) Construction par en bas de la grève et de la convergence des luttes
Nous cherchons à impulser là où nous le pouvons des grèves reconductibles sur les revendications propres aux secteurs et bien entendu contre la loi Travail, son gouvernement et « son monde ». Nous avons construit en nous appuyant parfois sur Nuit Debout des coordinations de militants du mouvement, ce sont des points d’appui pour mener cette bagarre. Cependant, notre implantation modeste mais réelle à la SNCF est stratégique : c’est à la fois un secteur clé et où les militantEs révolutionnaires et lutte de classes ont la possibilité de mettre en place des organes d’auto-organisations (comités de grève, coordinations) et de lien interpro qui pourrait bousculer les directions syndicales. Nous devons discuter collectivement des possibilités que nous avons dans les autres secteurs, comme l’automobile et l’aérien. Cela confirme que l'implantation dans les secteurs stratégiques est une tâche décisive de construction.
Nous cherchons à fédérer les secteurs en grève et en mobilisation, en premier lieu les secteurs ouvriers mais aussi les divers collectifs de mobilisation qui peuvent se donner comme objectif la convergence des luttes. Les cadres d'auto-organisations ont été jusqu'à présent plus faibles qu'en 2010. C'est d'autant plus essentiel de construire des embryons de cadres d’auto-organisation en fédérant les secteurs mobilisés pour ne pas laisser les directions syndicales contrôler à elles seules les rythmes et les formes de la mobilisation.
Le phénomène Nuit Debout témoigne de la nécessité du débat, par-delà des motivations et des aspirations diverses, de la soif d’échanges et de confrontations, de démocratie et du rejet des partis institutionnels, en premier lieu du PS. Au-delà de la grande hétérogénéité de Nuit Debout, s'est exprimée dans certains secteurs la préoccupation du lien avec le monde du travail. Au-delà de nos divergences avec la politique du LO vis-à-vis du mouvement, le débat organisé entre Mercier et Lordon illustre à la fois la nature des questions en débat… et la nécessité de ce débat qui se mène de façon plus large, plus libre et moins cloisonnée que par le passé. Un espace de débat et d’action existe pour nos idées. Nous les défendons comme parti dans les Nuits debout et dans tous les cadres qui permettent d’intervenir librement.
2) Pour le front unique dans l’objectif de la grève générale
Nous défendons la perspective de la grève générale pour obtenir le retrait de la loi. En nous appuyant sur la mobilisation et le mouvement de grève qui s’étend dans le pays, nous militons pour que les directions syndicales appellent à la grève générale. Nous défendons cette ligne dans nos AG, nos comités de mobilisation, nos syndicats tout comme l'agitation générale du parti. Par le débat et la confrontation, nous aidons à faire la clarté sur la stratégie des directions syndicales.
En même temps, la coordination de toutes les structures syndicales, tendances et militant-e-s « lutte de classes » est nécessaire pour structurer, imposer, amplifier, une politique alternative à celle des directions syndicales, sur la base de l’auto-organisation, de la mobilisation, de l’agitation politique, des comités, de la coordination locale et régionale.
3) Un programme pour une contre-offensive du monde du travail
Le mouvement met en cause la légitimité de ce gouvernement, dont toute la politique est symbolisée par cette loi Travail. Nous ne faisons évidemment pas croire qu’un simple changement de gouvernement ferait changer les choses. Une crise gouvernementale ouverte affaiblirait tout le pouvoir et les institutions de la bourgeoisie et permettrait à la classe ouvrière de prendre confiance dans sa capacité à intervenir politiquement.
A la gauche du PS, les uns et les autres se disposent pour tirer profit du mouvement en proposant des solutions institutionnelles. C'est le cas évidemment des frondeurs. De son côté, Mélenchon fait son retour autour d’un projet populiste et souverainiste et se pose comme l’homme institutionnel providentiel, l’homme de pouvoir incontournable alors que le Front de gauche est en ruine et que le PC, en pleine crise, risque fort de se retrouver contraint à porter la candidature de Mélenchon.
En revanche, au sein du mouvement, nombre de militants ont été amenés à se poser la question de la nécessité de la grève générale et du blocage de l'économie. Cela met à l'ordre du jour la perspective d'une autre société et la question du pouvoir. Le mouvement s'est posé des questions qui vont bien au-delà de la loi El-Khomri.
Face au problème du chômage et de la précarité, nous opposons le partage du temps de travail sans réduction de salaire, un vrai CDI ou un statut pour toutes et tous. Cela pose le problème d’une autre organisation de la production au service des besoins collectifs, de qui décide et contrôle, donc de l'expropriation des grands groupes capitalistes. C'est aussi une condition pour permettre une planification économique et une transition écologique (remplacement du nucléaire et du pétrole par des énergies propres...).
Dans le mouvement, la question démocratique a été posée aussi bien par la répression, le 49-3 et de nouveau le vote de l'état d'urgence. Face au caractère antidémocratique des institutions, seule l'auto-organisation des travailleurs leur permettra de s'approprier leur destin. La question démocratique renvoie à la nécessité du contrôle des travailleurs et à la question du pouvoir. Nous avançons des mots d'ordre démocratiques radicaux (rémunération des élus au niveau du salaire moyen, révocabilité...). Nous soutenons les luttes des femmes, des personnes LGBTI, de tou-te-s les opprimé-e-s, pour l'égalité des droits, l'égalité réelle et l'émancipation.
L’escalade répressive du gouvernement PS contre les manifestants a dévoilé aux yeux de larges couches de travailleurs et de la jeunesse le véritable visage de l’appareil d’état. Cette violence est celle que subissent tous les jours les habitants des quartiers populaires et plus particulièrement les populations d’origine immigrée. Nous combattons en ce sens toutes les politiques racistes et sécuritaires du gouvernement sur le plan intérieur, et les guerres impérialistes sur le plan extérieur et combattons pour la rupture avec les institutions de l'UE, pour une Europe socialiste des travailleurs.
Seul un gouvernement des travailleurs eux-mêmes, issu de la mobilisation et des organismes de contre-pouvoir des exploité-e-s pourra mener à bien un tel programme et ouvrir la voie vers une société sans classes et sans État, le socialisme.
Nous multiplions les réunions anticapitalistes ouvertes pour soumettre ces idées et ce programme à la discussion, le préciser, l’étoffer, en lien avec la construction des luttes.
Notre campagne électorale se placera dans la continuité de ces axes politiques, elle sera l’occasion de faire s’inviter l’irruption actuelle de la jeunesse et du monde du travail au centre du débat politique. Nous portons un projet de rassemblement des anticapitalistes et des révolutionnaires, un parti internationaliste pour l’émancipation des travailleur-euse-s et des jeunes par eux-mêmes.
C’est le sens de notre campagne pour un candidat ouvrier, un candidat partie prenante du mouvement, au sein des luttes. Il n’y a pas d’un côté notre intervention dans le mouvement, pour son extension, et de l’autre la candidature de Philippe à la Présidentielle. Il s’agit pour nous d’une même politique pour que le monde du travail et la jeunesse se réapproprie le combat politique et se représente lui-même.