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Contre la destruction annoncée du lycée professionnel, en grève le 18 octobre !
Il y a un agenda : à la rentrée 2023, Macron et son gouvernement veulent que la casse du lycée professionnel soit en passe d’être achevée. L’idée générale ? Faire en sorte que les périodes de stages des élèves soient plus longues, leur temps d’enseignements en classe plus courts, leur disponibilité au travail plus rapide.
En France, un tiers des élèves scolarisé.e.s entre 15 et 18 ans sont des élèves de lycées professionnels, soit environ 650.000 adolescent.e.s. Ce que leur réserve la start-up nation, c’est d’être corvéables à merci au moins 10 semaines par an, pas payé.e.s, 8h par jour, 35h par semaine. Pour « apprendre le métier ». Évidemment, ces jeunes sont issus de familles populaires, souvent boursier.e.s, toujours rétrogradé.e.s : rares sont celles et ceux qui arrivent en « lycée pro » par réel choix, nombreux/euses sont celles et ceux pour qui le collège a fait le tri. Les fils et filles de classes populaires sont destiné.e.s aux travaux pénibles, sous qualifiés, sous payés. Macron leur propose d’avoir encore moins de possibilités professionnelles et sociales en adaptant la formation aux besoins des "bassins d’emplois". Le parcours est ainsi tout tracé : si cet.te adolescent.e habite dans une ville où l’activité principale est l’équarrissage, il/elle ira dans le lycée professionnel pour apprendre les formations de l’équarrissage, il/elle travaillera gratuitement dans l’usine d’équarrissage environ 10 semaines chaque année pendant ses études, puis sera ensuite employé.e dans cette usine avant de terminer rapidement au cimetière de la ville, le corps détruit par 45 années d’équarrissage. Aucune mobilité géographique, aucune mobilité sociale, aucune mobilité scolaire. Macron veut que tu restes à ta place, sale pauvre.
Une vérité derrière la soi-disante « réforme de la voie professionnelle »
Depuis l’élection du nouveau gouvernement, un changement de taille est passé quasiment inaperçu en dehors du milieu enseignant : dorénavant, le lycée professionnel n’est plus sous la seule tutelle de l’Education nationale, mais sous celle de l’Education nationale et du ministère du travail. C’est un changement très important : malgré toutes les limites de l’éducation nationale et de la scolarité lycéenne en particulier, la garantie pour tou.te.s de pouvoir étudier jusqu’à 16 ans et d’obtenir un diplôme nationalement reconnu (le CAP, le baccalauréat, professionnel ou non) permettant la poursuite d’étude dans le supérieur, est un aspect globalement progressiste de l’héritage républicain. A priori, sur le papier, chacun et chacun peut prétendre à cette accessibilité – le fameux « ascenseur social » - à condition d’y mettre du sien – la fameuse « méritocratie ». Comme le démontrent les multiples enquêtes sociologiques, nous savons que ce n’est pas réellement le cas : les enfants d’ouvriers font peu d’études et deviennent ouvrier, les enfants de catégories supérieures font des études puis occupent des postes de « catégories supérieures ». Et de fait, jusqu’avant Parcoursup, le ou la titulaire du baccalauréat pouvait s’inscrire en faculté, en BTS, en DUT ou dans d’autres filières de l’enseignement supérieur. Cependant, en plaçant d’office la scolarité des enfants de catégories populaires (souvent des fils et filles d’ouvrier.e.s, des travailleurs/ses du BTP, de l’industrie, du commerce de masse, de la logistique….) sous la tutelle du ministère du travail, le gouvernement Macron déclare que ces mêmes enfants ne sont pas destinés aux études supérieures, mais uniquement au marché du travail, et le plus tôt possible. Dès lors, la question à poser est plutôt : pourquoi ce gouvernement veut-il que ces centaines de milliers de jeunes atterrissent le plus vite possible dans l’emploi ?
Lycée professionnel 2023 : un lycée cogéré par le patronat
Les élèves de lycée professionnel sont des élèves avec ce qu’on nomme communément des « difficultés scolaires ». Ces difficultés sont souvent du même type : difficultés langagières, difficultés de compréhension, difficulté d’attention... C’est vrai, ces difficultés existent, le nier serait un mensonge. Celles-ci proviennent de difficultés structurelles : beaucoup d’élèves sont boursier.e.s (ce qui signifie que leur parents ont des revenus très modestes), leur familles ont très peu de moyens matériels, beaucoup vivent dans des petits espaces, certain.e.s élèves ont besoin de travailler en dehors de l’école pour subvenir aux besoin du groupe familial, d’autres enfin sont arrivés depuis peu en France et connaissent des situations particulièrement compliquées.
Mais que faire à partir de ce constat ? Macron et son gouvernement proposent d’accentuer l’injustice, de creuser plus profond le sillon : puisque, selon eux, ce sont déjà des « outsiders » (des derniers de cordées, des « gens qui ne sont rien » pour reprendre ses propres termes), ils ne voient aucun intérêt de donner la possibilité à ces élèves de se chercher, d’expérimenter, d’avoir la possibilité de changer de filière ou encore de se révéler. Non, au contraire, il s’agit de les mater, de les discipliner, de les dresser: un fils de prolo devra être prolo, une fille de coiffeuse devra être coiffeuse. Ce n’est pas un choix individuel, réfléchi, pensé : c’est un choix gouvernemental, bureaucratique. Dès lors, ces centaines de milliers de jeunes seront disponibles en tant que main d’œuvre bon marché, docile, avec le minimum d’éducation. Réduire les temps d’apprentissage scolaires, déjà largement diminués lors de la « réforme » de 2018, est un signal clair en direction des enseignant.e.s d’une part et du patronat de l’autre : moins d’heures d’enseignements donc moins de profs, moins de profs et moins d’heures d’enseignement donc plus de possibilité de temps de travail en entreprise.
Comme une rumeur qui enfle
Deux jours avant la « grève interprofessionnelle pour la hausse des salaires » du 29 septembre (en d’autres termes : deux jours avant la traditionnelle grève de rentrée), l’intersyndicale des lycées pro a sorti une date de son grand brainstorming : le 18 octobre. Du coup, des collègues ont pu se dire « bon, nous c’est le 18, pourquoi faire grève le 29 ? ». On ne saurait que les comprendre : à quoi bon perdre une journée de salaire pour une grève inutile alors que son propre secteur est appelé à faire grève plus tard ? Sauf que la grève du 18, malgré le fait marquant d’avoir mis d’accord l’ensemble des organisations syndicales de l’éducation professionnelle, est elle aussi trompeuse : quelques jours avant les vacances scolaires, isolée, limitée aux lycées professionnels, il ne fallait, a priori, pas s’attendre à ce qu’elle lève les foules. C’est le travail parfait des bureaucrates syndicaux : segmenter, isoler, démobiliser puis déclarer que, malheureusement, « les gens ne sont pas prêts pour se battre ». On connaît la chanson.
Sauf que, parfois, les situations évoluent rapidement : si l’apathie ou investissement durant les campagnes présidentielle et législative, puis l’été et ses vacances-canicule ont permis de canaliser tout un potentiel mécontentement, il faut aujourd’hui se rendre à l’évidence : un seuil vient d’être franchi. L’inflation, la hausse hallucinante des prix de l’énergie, le contexte international et les inquiétudes autour du « pouvoir d’achat » sont des signaux qui inquiètent, à juste titre, les travailleurs/euses. Et ces travailleurs/euses se mettent en grève dans les raffineries et, malgré un blackout médiatique de plusieurs dizaines de jours, réussissent à percer le plafond de verre et exposer leurs revendications. Voilà ce que les bureaucrates ne pouvaient prévoir. Très vite, poussés par la pression de la base, ils sont obligés d’appeler à une nouvelle journée de grève et de mobilisation : ça sera le 18 octobre. Finalement, dans cette situation, la grève des lycées professionnels du 18 octobre prend une autre ampleur : ce n’est plus un secteur isolé qui se retrouve à faire face au gouvernement, mais un ensemble de secteurs combatifs. C’est donc une bonne chose.
Les attaques contre l’Education nationale par le gouvernement Macron sont calamiteuses : sélection à tous les niveaux, tri social le plus tôt possible, et, maintenant, dans le secteur professionnel, augmentation du temps en entreprise à défaut du temps à l’école (on passera alors de 22 semaines à 33 sur l’ensemble de la scolarité). Il faut savoir dire stop et faire face. Cette journée de grève et de lutte est un premier pas, mais qui ne pourra pas être suffisant : si nous voulons faire plier Macron et Ndiaye, il faudra entrer dans le dur et créer un mouvement de fond prêt à tenir la ligne. Une assemblée générale est prévue jeudi 18 au soir à Paris pour discuter collectivement de la suite à donner à cette journée qui s’annonce déjà importante. Nous devons y porter des revendications précises pour la mobilisation dans les lycées professionnels :
- Non à l’augmentation des périodes de stages des élèves, oui à une augmentation du taux horaire d’enseignement des matières professionnelles, générales et techniques
- Non à l’alignement de l’enseignement selon les besoins du patronat
- Oui à une scolarité qui permette l’émancipation et l’ouverture sur le monde des élèves
- Stop aux concertations et discussions entre les directions syndicales et le gouvernement