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Retour sur la « théorie classique » de l’impérialisme
Les marxistes se revendiquent généralement de la théorie de l’impérialisme élaborée par Lénine au début du 20ème siècle. Celle-ci reste considérée comme une boussole héritée de celles et ceux qui ont résisté au chauvinisme en refusant « l’Union sacrée » de 1914 et en se plaçant clairement du côté des peuples opprimés. Mais les positionnements anti-impérialistes ont aussi été par la suite une des principales sources de clivages entre révolutionnaires. Les transformations qu’a connues le monde imposent de vérifier la validité de notre « théorie classique ». Nous proposons tout d’abord de l’exposer synthétiquement, mais avec ses nuances.
Avant toute chose, il faut distinguer les deux principaux sens du terme d’impérialisme utilisés par les marxistes :
- L’impérialisme comme politique de domination économique et/ou militaire des États/des multinationales. C’est dans ce sens que les communistes ont distingué « États impérialistes » et « nations opprimées ».
- L’impérialisme comme stade du capitalisme ouvert par le 20ème siècle. Cette caractérisation de la nouvelle période a des enjeux différents, même si elle est mise en lien avec la politique impérialiste des puissances.
1. Marx et Engels
Le terme d’impérialisme au sens de politique de domination nationale a fait des apparitions dès le début du 19ème siècle, mais n’a vraiment commencé à être employé largement qu’à la fin des années 1870 en Angleterre. Marx et Engels ne l’employaient pas dans ce sens, même s’ils ont écrit de fait sur ce sujet.
1) La mondialisation
Dès l’un de ses premiers textes (1845), Marx note que le développement inégal créé des rapports inégaux entre pays : « La tyrannie industrielle exercée par l'Angleterre sur le monde est le règne de l'industrie sur le monde. L'Angleterre nous domine parce que l'industrie nous domine. »[1] Il moque alors le bourgeois allemand – protectionniste – qui voudrait exploiter des allemands sans être exploité par des bourgeois anglais.
On trouve chez Marx et Engels, surtout dans leurs premiers écrits, un enthousiasme sur le « progrès » que cette expansion mondiale peut apporter. Par exemple la formule du Manifeste communiste (1847) qui se réjouit : « Par l'exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Au grand désespoir des réactionnaires, elle a enlevé à l'industrie sa base nationale. » La même année, Engels approuve la conquête du Mexique : « C’est un progrès pour un pays jusque là exclusivement préoccupé de lui-même, déchiré par d’incessantes guerres civiles et détourné de tout développement (...) Il est de l’intérêt de son propre développement que le Mexique se trouve dorénavant placé sous la tutelle des Etats-Unis. »[2]
Cet optimisme venait notamment de l’idée que là où arrive le capitalisme, la révolution socialiste n’est pas loin. Ils pensaient la révolution proche en Europe, et, dans une vision linéaire, à venir partout avec plus ou moins de retard. Par exemple Marx écrit en 1853 que même si l’Angleterre ne développe l’Inde que pour son profit, cela créé les conditions « non seulement du développement des forces productives, mais de leur appropriation par le peuple ».2
Mais Marx et Engels vont évoluer. Lorsqu’il écrit Le Capital, Marx a très vraisemblablement une vision plus nuancée :
- Il a étudié l’effet du commerce entre pays ayant une forte différence de développement industriel, et donc une forte différence de productivité. Il fait l’analyse que cela permet aux bourgeoisies des pays plus industrialisés de bénéficier d’un transfert de valeur. Ce que l’on appelle aujourd’hui le « commerce inégal ».
- Il précise que les capitalistes ont intérêt à investir dans le commerce extérieur car cela permet un taux de profit plus élevé (et à ce titre c’est une contre-tendance à la baisse du taux de profit). « Si on exporte des capitaux, ce n’est pas qu’on ne puisse absolument les faire travailler dans le pays. C’est qu’on peut les faire travailler à l’étranger à un taux de profit plus élevé »[3] On peut supposer que, comme pour les crises, le taux de profit devient déterminant dans l’analyse de Marx par rapport au problème de la « réalisation » (la vente, qui n’est pas autonome). Dans le Manifeste il écrivait que la bourgeoisie était « poussée par le besoin de débouchés toujours plus larges pour ses produits ».
- Marx comprend que les pays dominés ne se dirigent pas vers un développement reproduisant celui de l’Europe, mais se retrouvent subordonnés : « En ruinant par la concurrence leur main d’œuvre indigène, l’industrie mécanique les transforme forcément en champs de production des matières premières dont elle a besoin (...) Une nouvelle division internationale du travail, imposée par les sièges principaux de la grande industrie, convertit de cette façon une partie du globe en champ de production agricole pour l’autre partie »[4]
- Dans l’analyse de Marx de l’accumulation primitive du capital, il y a des facteurs internes (expropriations de paysans...) mais aussi un transfert à partir d’autres peuples (commerce avec les régions d’Europe moins développées, commerce triangulaire...). C’est donc dès l’origine que la mondialisation capitaliste a impliqué des rapports de domination internationaux.
On sait aussi que dans ses dernières lettres, Marx évoquait la possibilité d’un passage des communes paysannes russes au communisme sans passage obligé par les destructions du capitalisme.[5]
2) Les guerres européennes
Par ailleurs, en ce qui concerne les rapports entre pays européens, Marx et Engels n’ont jamais produit de schéma simple et systématique pour l’analyse et le positionnement politique. Ils reprenaient une opposition qui était courante dans la pensée de l’époque entre « guerre dynastique » (pour les intérêts des despotes) et « guerre nationale » (ou « guerre populaire », progressiste). Comme les démocrates de l’époque, ils sont restés marqués par les conquêtes de Napoléon 1er, jugées « progressistes » parce que diffusant les idées et les transformations de la révolution de 1789. Durant la deuxième partie du 19ème siècle, ils prenaient en compte aussi bien la puissance relative des armées en présence que le type de forces présentes à la tête ou en germe dans tel ou tel pays pour déterminer, selon eux, l’issue la plus progressiste. Dans les critères de ce progressisme, ils incluaient par exemple :
- la progression des révolutions démocratiques-bourgeoises et des unifications nationales, qu’ils s’attendaient initialement à voir se succéder en Europe, mais qui prirent des formes variées (par exemple ils ont compris que Bismarck a été l’ « exécuteur testamentaire » de la révolution de 1848, échouée en Allemagne)
- à l’inverse, ils souhaitaient la défaite des Empires aristocratiques comme l’Autriche-Hongrie et surtout la Russie tsariste qui exerçait une « suprématie en Europe » et qui était « l'ennemi de tous les peuples occidentaux, même des bourgeois de tous ces peuples »[6].
Cela a conduit Marx et Engels aux prises de positions suivantes[7] :
- 1853-1856, guerre russo-turque : ils prennent parti pour la Turquie
- 1859-1860, guerre austro-italienne : ils ne soutiennent aucun des deux
- 1866, guerre austro-prussienne : aucun soutien, tout en souhaitant une défaite de la Prusse
- 1870, guerre franco-allemande : défense de l’Allemagne
- 1877-1878, guerre russo-turque : ils prennent parti pour la Turquie
En particulier, lors de la guerre franco-allemande de 1870, les socialistes allemands A. Bebel et W. Liebknecht s’abstiennent sur les crédits militaires, contre l’avis de Marx et Engels pour qui l’unification de l’Allemagne primait.[8] Pour justifier sa politique d’union sacrée en 1914, la social-démocratie allemande s’est appuyé sur cette prise de position, et aussi par un des derniers textes de Engels, qui disait : « Si la République française se mettait au service de Sa Majesté le tsar, les socialistes allemands la combattraient à regret, mais ils la combattraient tout de même. »6
2. Débats dans la social-démocratie
Le terme d’impérialisme commence à être utilisé à la fin du 19ème siècle dans la politique anglaise, où certains le dénoncent, et que d’autres comme le premier ministre Chamberlain le revendiquent. A cette époque, les marxistes parlaient de « politique internationale », de colonialisme ou de militarisme. Kautsky l’emploie au plus tard en 1900[9].
1) Contre le colonialisme et la guerre
L’opposition à la guerre qui menaçait faisait officiellement consensus dans la Deuxième internationale. Cette guerre était même caractérisée comme « impérialiste ». Mais lors du congrès de Stuttgart (1907), les délégués allemands, y compris les centristes, refusent de s’engager sur la grève générale, au motif qu’elle désintègrerait le parti. Finalement, Lénine et Luxemburg, entre autres, obtiennent les voix du centre sur cette formulation : « Au cas où la guerre éclaterait [les socialistes] ont le devoir de s’entremettre pour la faire cesser promptement et d’utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste. » On connaît la suite…
La social-démocratie condamnait également le colonialisme. Mais il y avait une aile droite, comme Eduard Bernstein qui disait en 1896 : « Nous condamnons et combattons certaines méthodes de sujétion des Sauvages, mais pas le fait qu’on les soumette et qu’on leur fasse valoir (sic) les droits d’une culture supérieure ». Il était régulièrement mis en minorité (mais jamais exclu), et combattu par les théoriciens « centristes » (Karl Kautsky, Rudolf Hilferding, Otto Bauer...).
Mais l’opportunisme allait croissant dans l’appareil social-démocrate. Une fièvre nationaliste déferle sur l’Allemagne en 1907 après un massacre colonial en Namibie, et le SPD perd soudain la moitié de ses votes. Bien que la majorité du congrès international de Stuttgart réaffirme sa condamnation du colonialisme, la droite et même des membres du centre prônent une adaptation. Bernstein osait dire que le SPD devait « développer en positif une politique coloniale socialiste ». Au Reichstag, les députés socialistes assouplissent de plus en plus leur position antimilitariste.
2) Débats sur l’impérialisme
En 1898, Kautsky expliquait le militarisme allemand par les intérêts des « éléments précapitalistes » de la classe dirigeante (seigneurs féodaux et junkers). Il a rapidement ajouté que certains capitalistes aussi (secteur minier, ferroviaire...) avaient intérêt à investir à l'étranger, et demandaient la protection militaire pour garantir leurs profits.
Bernstein affirme que les cartels internationaux créent des intérêts communs et sont vecteurs de paix. Kautsky répond que ces cartels sont des constructions fragiles, et que : « les droits de douane protecteurs sont plus faciles à introduire qu'à abolir, en particulier dans une telle période où la concurrence fait rage sur le marché mondial ».[10] Rosa Luxemburg également pense que les cartels « s’accompagnent toujours d’une guerre douanière générale »[11]. Kautsky défend que le militarisme est soutenu par les « rois de la finance moderne [qui] dominent les nations directement par des cartels et des trusts ». Il estime que les industriels eux n’ont pas intérêt aux guerres (à cause des impôts, des ruptures des échanges...), mais que « la finance domine de plus en plus l'industrie. » Kautsky voit aussi venir une période de guerres et de révolutions (socialistes, mais aussi anti-coloniales), et décrit l’impérialisme comme « le dernier refuge du capitalisme ». Il se plaint du racisme présent y compris dans la social-démocratie. Et par ailleurs il développe l’idée d’aristocratie ouvrière.[12]
L’analyse de John A. Hobson[13] (1902), un intellectuel libéral anglais, a marqué les théoriciens social-démocrates. Il soutient qu’en raison de la sous-consommation des ouvriers, les financiers préfèrent investir dans des colonies (en s’appuyant sur les militaires), transformant en États-rentiers l’Angleterre, la France, l’Allemagne, la Belgique...
Poursuivant l’analyse, Rudolf Hilferding affirme[14] que le capital financier (monopoles industriels et bancaires) attise un protectionnisme offensif et s’appuie sur l’Etat pour assurer ses investissements plus rentables à l’étranger. Mais il dit à la fois que le capital financier « veut non pas la liberté, mais la domination » (ce que retiendra Lénine), et qu’il crée une possibilité de dépassement des rivalités si l’Etat intervient (ce que retiendra Jaurès).
Dans son ouvrage[15] de 1913, Luxemburg donne une analyse du capitalisme centrée sur le problème des débouchés. Selon elle, la reproduction du capital a « comme première condition un cercle d’acheteurs qui se situent en dehors de la société capitaliste ». Ainsi le capitalisme a besoin d’élargir toujours ses marchés, notamment par les colonies. Son but était de réfuter les révisionnistes, en prouvant qu’il y avait forcément une limite au capitalisme (les colonies ne sont pas infinies) et que le capital engendre forcément une politique impérialiste. Par ailleurs elle remarquait « dans les pays coloniaux les formes hybrides entre le salariat moderne et les régimes d'exploitation primitive ».
Les autres théoriciens de la gauche du parti (Lénine, Boukharine, Pannekoek, Trotsky) ont eux aussi, chacun à leur manière (et largement influencés par ces débats), cherché à établir que le colonialisme et la guerre impérialiste étaient intrinsèquement issus du capitalisme, et donc que seule la révolution socialiste pouvait y mettre fin.
3) L’ultra-impérialisme de Kautsky et Jaurès
Kautsky commence à parler en 1911 d’une possibilité que la bourgeoisie rejette la guerre, après qu’un conflit entre l’Allemagne et la France pour la domination du Maroc n’ait finalement pas éclaté. Il souligne que la course aux armements coûte cher et que le militarisme n’est pas rationnel économiquement. Mais il ne fait pas que discuter de tendances, il dit qu’il ne faut pas hésiter à soutenir les pacifistes bourgeois[16]. Rosa Luxemburg est une des seules à vraiment réagir[17].
La même année en France, Jaurès tient le même discours (en contradiction lui aussi avec son passé : « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage »[18]). Dans un discours à l’Assemblée[19], il déclare : « Avec l'internationalisme croissant des affaires, les intérêts de tous les peuples sont à ce point enchevêtrés qu'un désastre de l'un est un désastre pour tous ». Il vantait les vertus pacifistes de « trois forces »: l’internationalisme ouvrier, les États-Unis, et le « capitalisme moderne ». Il entendait par ce dernier la dématérialisation du capital (capital par action) qui permettait une plus grande mobilité, un plus grand « enchevêtrement » des intérêts. Il disait que la fin de la domination des propriétaires fonciers entraînerait la fin de la motivation des conquêtes territoriales, concluant : « Ce que je vous dis là, c'est le résumé affaibli de l'œuvre magistrale que publiait, il y a quelques mois, un disciple de Marx, Hilferding, dans une œuvre de premier ordre sur le capital et la finance. »
Au moment du déclenchement de la guerre, Kautsky rend son adresse à la bourgeoisie encore plus opportuniste :
« l’industrie capitaliste est menacée par les conflits entre les différents gouvernements. Tout capitaliste conscient devrait en appeler à ses semblables : Capitalistes de tous pays, unissez-vous ! »[20] « C'est par la démocratie pacifique, et non par les méthodes violentes de l'impérialisme, que les tendances du capital à l'expansion peuvent être le mieux favorisées. »[21]
A partir de ce moment, il se met à parler abondamment de son « ultra-impérialisme » (ou « super-impérialisme ») :
« D'un point de vue purement économique, il n’est donc pas impossible que le capitalisme entre maintenant dans une nouvelle phase, marquée par le transfert des méthodes des trusts à la politique internationale, une sorte de super-impérialisme. La classe ouvrière serait forcé de lutter contre cette nouvelle forme de capitalisme comme contre l'ancien, mais le danger serait d’une autre nature. »[20]
Répondant à Lénine, il maintient que l'impérialisme n’est « pas une nécessité économique », n’est « pas un stade du capitalisme ». Après la guerre, il soutient ardemment la tentative de Wilson (président des Etats-Unis) pour établir une Société des nations.
3. La conception « classique »
La théorie « classique » de l’impérialisme est née dans le feu de la guerre mondiale de 1914-1918, qui a vu l’éclatement de l’Internationale socialiste sous l’effet du chauvinisme de ses dirigeants. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette théorie n’est pas exposée de façon systématique, mais se dégage des textes des bolchéviks (avec parfois des divergences), et des premières résolutions de l’Internationale communiste.
1) Le stade impérialiste
En écrivant L’impérialisme, stade suprême du capitalisme (1916)[22] Lénine devait passer au travers de la censure tsariste, et donc se borner « à une analyse théorique, surtout économique ». Il a explicité les enjeux ailleurs :
- « exposer que l'impérialisme est le prélude de la révolution socialiste »[23]
- exposer que la « scission du mouvement ouvrier est liée aux conditions objectives de l'impérialisme » (par le développement de l’aristocratie ouvrière) pour justifier la rupture nette avec l’ancien socialisme
- fonder le mot d’ordre de défaitisme révolutionnaire sur une analyse de la guerre de 1914 comme « guerre impérialiste (c'est-à-dire une guerre de conquête, de pillage, de brigandage) », pour balayer les argumentations invoquant les positions non systématiques de Marx et Engels lors des guerres antérieures[24]
- affirmer que « les guerres impérialistes sont absolument inévitables, aussi longtemps qu'existera la propriété des moyens de production »[25]
- fondamentalement : « De libérateur des nations que fut le capitalisme dans la lutte contre le régime féodal, le capitalisme impérialiste est devenu le plus grand oppresseur des nations. Ancien facteur de progrès, le capitalisme est devenu réactionnaire »[24]
Pour son analyse, Lénine s’est appuyé sur Boukharine, qui avait élaboré en 1915 une théorie très proche[26], tous deux se basant sur l’ouvrage de Hilferding sur le capital financier (1910), sur le livre de Hobson (1902), mais aussi beaucoup sur le Kautsky d’avant 1914[12]. Dans L’impérialisme, Lénine liste les caractéristiques du stade impérialiste :
- Concentration de la production et du capital et monopoles
- Fusion du capital bancaire et du capital industriel en capital financier, création d’une oligarchie financière
- Exportation de capitaux, à la différence de l’exportation de marchandises
- Formation d’unions internationales monopolistes de capitalistes se partageant le monde
- Fin du partage territorial du globe entre les plus grandes puissances capitalistes
Il n’insistait cependant pas toujours sur les mêmes aspects, puisque dans un article [27] écrit quelques mois plus tard il donnait, comme « définition la plus précise et la plus complète possible de l'impérialisme :
- le capitalisme monopoliste
- le capitalisme parasitaire ou pourrissant
- le capitalisme agonisant »
Les interprétations de chacun de ces points faisaient l’objet de nuances parmi les bolchéviks, et nous proposons donc de revenir sur les caractéristiques principales de façon plus précise.
Capitalisme monopoliste et capital financier
Tout le monde a cette époque constatait et commentait la naissance de trusts, cartels et quasi-monopoles. Pour Lénine, « la substitution du monopole à la libre concurrence est le trait économique capital, l'essence de l'impérialisme. » Pour lui la centralisation du capital avait donc pour effet de limiter la concurrence (ententes sur les prix et les zones d’influence). Cela remet-il en question les fondements du capitalisme analysés par Marx, qui sont basés sur la concurrence (loi de la valeur, crises récurrentes…) ? C’est le raisonnement de Boukharine, pour qui l’impérialisme est le capitalisme financier, succédant au capitalisme industriel, succédant au capitalisme commercial. A tel point que lors des discussions pour actualiser le programme du parti bolchévik en 1919, Boukharine voulait entièrement remplacer l’analyse du capitalisme par celle de l’impérialisme. Lénine tempérait :
« Jamais au monde, le capitalisme de monopole n'a existé ni n'existera sans libre concurrence, dans divers domaines. […] L’impérialisme est une superstructure du capitalisme. »[28]
Une autre grande caractéristique de la centralisation du capital, c’est que cela amène aussi « la socialisation prodigieuse du travail par l'impérialisme ». Lénine en conclut que « le monopole qui surgit du capitalisme, c'est déjà l'agonie du capitalisme, le début de sa transition vers le socialisme. »[22]
Les communistes rejetaient donc comme une chimère et un « idéal réactionnaire » l’idée de revenir à de la libre-concurrence entre petits patrons. Pour autant, ils n’allaient pas jusqu’à soutenir la monopolisation capitaliste et les projets bourgeois de centralisation politique. Au contraire, Boukharine pouvait écrire que « La social-démocratie doit voter contre l'introduction de tout monopole, de toute union douanière, etc. » Il reconnaissait qu’une centralisation supplémentaire apporterait un « progrès » (économique) supplémentaire, mais :
« Le véritable point est que ce progrès n'est rien de plus qu'un renforcement et un soutien du militarisme et de l'impérialisme. […] De nos jours la tâche historique n'est pas de s'inquiéter pour les nouveaux développements des forces productives (elles sont parfaitement adéquates pour la réalisation du socialisme), mais de préparer une attaque universelle contre les gangsters du gouvernement.» [29]
C’est en particulier pour cette raison que Lénine s’est opposé au mot d’ordre d’Etats-Unis d’Europe : ce ne serait (sous le capitalisme) qu’un impérialisme plus puissant[30]. Certains socialistes refusaient de soutenir le droit au séparatisme des peuples opprimés au nom de la « régression économique » qu’engendre le morcellement des États. Lénine dénonçait ces positions comme de « l’économisme impérialiste »[31].
Ces monopoles sont de grandes industries, mais aussi de géantes banques, qui ont alors quitté leur rôle de simple intermédiaire pour prendre une large part dans le contrôle des trusts. C’est pourquoi Lénine et Boukharine ont défini leur notion de capital financier comme « fusion ou interpénétration du capital bancaire et du capital industriel ». Lénine écrit que « la domination du capital financier se substitue à la domination du capital en général », et qu’une « oligarchie financière » se forme au sein de la bourgeoisie, « frappant la société tout entière d'un tribut au profit des monopolistes. » Il trouve symptomatique que « dans tous les pays capitalistes » apparaît une littérature de « critique petite-bourgeoise de l’oligarchie financière ».
Il est important de préciser que le « capital financier » de Lénine est a priori différent de ce qu’on appelle aujourd’hui « secteur financier » (banques, marchés financiers, rentiers…) qui ne manie que du capital-argent. Mais Lénine dénonce aussi « la classe ou, plus exactement, de la couche des rentiers […] qui sont tout à fait à l'écart de la participation à une entreprise quelconque et dont la profession est l'oisiveté. » Il fait l’observation suivante :
« C'est avec un relief sans cesse accru que se manifeste l'une des tendances de l'impérialisme : la création d'un 'État-rentier', d'un État-usurier, dont la bourgeoisie vit de plus en plus de l'exportation de ses capitaux et de la 'tonte des coupons'. [c’est-à-dire de l’encaissement des dividendes] »
Ailleurs il est plus affirmatif : « La suprématie du capital financier sur toutes les autres formes du capital signifie l'hégémonie du rentier et de l'oligarchie financière. »
Son livre L’impérialisme fait une large place à la dénonciation des spéculateurs et de leurs « tripotages », leur corruption, l’opacité des comptes, les méthodes amorales pour ruiner les concurrents... L’Internationale communiste dénonce aussi « messieurs les bourgeois qui ont pris l'habitude de doubler, de décupler leurs dividendes dans l'espace de quelques jours, au moyen de spéculations savantes »[32]
Capitalisme d’État, protectionnisme et guerre
Pour Lénine, non seulement l’industrie et la banque fusionnent, mais ils fusionnent avec le gouvernement. Le protectionnisme douanier s’était renforcé depuis les années 1880. Lénine notait que « les cartels ont entraîné la création de tarifs protectionnistes d'un type nouveau et original : […] on protège précisément les produits susceptibles d'être exportés ». Les grands groupes prospéraient ainsi sans concurrence sur le marché « intérieur » (la métropole et ses colonies), engrangeaient des surprofits (les prix de vente pouvant être supérieurs aux coûts de production), et faisaient du dumping à l’étranger (exportations à bas prix pour évincer les concurrents).
Pendant la guerre de 1914-1918, les États ont pris des mesures dirigistes, et parfois nationalisé des entreprises (armement, transport…). Lénine parlait de « capitalisme monopoliste d’État ». Boukharine décrivait à la fois une tendance à « l'internationalisation de l'économie et du capital » et une « tendance inverse vers la nationalisation des intérêts capitalistes. » Son raisonnement est que dans l'absolu, un accord commercial international est possible, mais suppose en pratique des rapports de forces économiques et militaires stables, ce qui passe par la guerre.
Les bolchéviks étaient unanimes pour dire que la période était celle « des guerres et des révolutions » et dénonçaient comme illusoire le pacifisme bourgeois. Lénine considérait que le développement de l’industrie capitaliste était foncièrement inégal, et donc modifiait les rapports de force entre puissances, entraînant forcément un repartage par la force des colonies et des semi-colonies :
« Si le monopole industriel de l'Angleterre est détruit [déjà avant la guerre], le monopole colonial non seulement demeure, mais a entraîné de graves complications, car tout le globe terrestre est déjà partagé ! […] Faut-il se demander s'il y avait, sur le terrain du capitalisme, un moyen autre que la guerre de remédier à la disproportion entre, d'une part, le développement des forces productives et l'accumulation des capitaux, et, d'autre part, le partage des colonies et des "zones d'influence" pour le capital financier ? »
Pour Lénine l’ultra-impérialisme de Kautsky était une « ultra-niaiserie »[22]. Il moquait l’idée d’une tendance vers un « trust mondial » comme une « pure abstraction », et rappelait qu’il y avait des cartels internationaux entre groupes d’Allemagne et des Etats-Unis, mais que cela n’a pas empêché la guerre d’éclater.
« Les alliances "inter-impérialistes" […] ne sont inévitablement, quelles que soient les formes de ces alliances, qu'il s'agisse d'une coalition impérialiste dressée contre une autre, ou d'une union générale embrassant toutes les puissances impérialistes, que des "trêves" entre des guerres. »[22]
La stagnation économique et ses causes
Le terme de capitalisme en « putréfaction » est omniprésent dans les textes de l’époque. Lénine précisait que « ce serait une erreur de croire que cette tendance à la putréfaction exclut la croissance rapide du capitalisme […] Dans l'ensemble, le capitalisme se développe infiniment plus vite qu'auparavant, mais ce développement devient généralement plus inégal, l'inégalité de développement se manifestant en particulier par la putréfaction des pays les plus riches en capital (Angleterre). » Il constate que « de jeunes Etats capitalistes (Amérique, Allemagne, Japon) » sont en forte croissance, et également les colonies sous l’effet de l’exportation des capitaux. Boukharine de même : « L'industrialisation des pays agraires et semi-agraire se poursuit à un rythme incroyablement rapide. » Les vieux pays impérialistes (Angleterre, France…) sont eux plutôt stagnant.
On peut raisonnablement supposer que même s’ils restaient prudents, les communistes supposaient une tendance croissante à la stagnation. On peut lire dans des résolutions de l’Internationale en 1921 l’affirmation que « les forces productives ne peuvent plus se développer dans le cadre du régime capitaliste. »[33]
En ce qui concerne les explications de cette tendance à la stagnation, plusieurs thèses cohabitent. Lénine écrit que le monopole « engendre inéluctablement une tendance à la stagnation et à la putréfaction. Dans la mesure où l'on établit, fût-ce momentanément, des prix de monopole, cela fait disparaître jusqu'à un certain point les stimulants du progrès technique et, par suite, de tout autre progrès. »
Boukharine, lui, défend qu’il y a une nouvelle contradiction du capitalisme au stade impérialiste, entre l’internationalisation des forces productives et les frontières nationales. Idée déjà évoquée par Luxemburg en 1899, que l’on retrouve dans les textes de l’Internationale communiste, et que reprendra Trotsky. Cette idée n'apparaît pas en revanche dans l'ouvrage de Lénine, même s’il ne la rejetait pas totalement.
Même si Lénine et Boukharine l’avait rejetée comme explication unilatérale, l’explication par la « sous-consommation » s’est peu à peu imposée dans l’Internationale, en parallèle de la stalinisation. Par exemple en 1928, l’IC présente explicitement les crises comme issues de « la contradiction entre la tendance de la production à une extension illimitée et la consommation limitée des masses prolétariennes (surproduction générale) »[34].
Réaction politique et aristocratie ouvrière
Lénine fait également un rapprochement entre les mutations économiques et politiques : « Le capital financier vise à l'hégémonie, et non à la liberté. La réaction politique sur toute la ligne est le propre de l'impérialisme. » Il note que la politique extérieure des puissances (militarisme et colonialisme) est la même quel que soit le type de régime. Mais plus généralement, il établit un lien entre la stagnation économique et la réaction politique :
« La différence entre la bourgeoisie impérialiste démocratique républicaine, d'une part, et réactionnaire monarchiste, d'autre part, s'efface précisément du fait que l'une et l'autre pourrissent sur pied (ce qui n'exclut pas du tout le développement étonnamment rapide du capitalisme dans différentes branches d'industrie, dans différents pays, en différentes périodes). »[27]
A l’inverse, là où le capital est encore dynamique, la bourgeoisie est encore progressiste : « le capitalisme se développe encore en maints endroits. C'est vrai pour toute l'Asie, pour tous les pays qui passent à la démocratie bourgeoise »[35].
Lénine a développé l’idée qu’une « aristocratie ouvrière » s’est formée dans les pays impérialistes, achetée par les surprofits tirés des pays dominés : « Une couche privilégiée du prolétariat des puissances impérialistes vit en partie aux dépens des centaines de millions d'hommes des peuples non civilisés. »[27] En lien avec cette différenciation dans la classe ouvrière, il décrit les effets de l’immigration (les travailleurs émigrant des pays à bas salaires) :
« En France, les travailleurs de l'industrie minière sont "en grande partie" des étrangers : Polonais, Italiens, Espagnols. Aux Etats-Unis, les immigrants de l'Europe orientale et méridionale occupent les emplois les plus mal payés, tandis que les ouvriers américains fournissent la proportion la plus forte de contremaîtres. »
Cette analyse objective conforte les communistes dans la nécessité de la rupture, même minoritaire, avec les socialistes. De même pour ce qui concerne le changement d’attitude par rapport aux institutions « démocratiques » :
« L'attitude de la III° Internationale envers le parlementarisme n'est pas déterminée par une nouvelle doctrine, mais par la modification du rôle du parlementarisme même. A l'époque précédente, le Parlement, instrument du capitalisme en voie de développement, a, dans un certain sens, travaillé pour le progrès historique. Dans les conditions […] de l'impérialisme, le Parlement est devenu un instrument de mensonge, de fraude, de violences, de destruction, d'actes de brigandage, œuvres de l'impérialisme ; les réformes parlementaires […] ont perdu toute importance pratique pour les masses laborieuses. »[36]
2) Les rapports de domination impérialistes
Pays impérialistes et pays dominés
Contrairement à certaines interprétations contemporaines, les caractéristiques du stade impérialiste (trusts, capital financier…) n’étaient pas utilisées par les bolchéviks comme critères pour « reconnaître » les puissances impérialistes. La complexité de l’époque est qu’il coexistait des puissances capitalistes et de vieux empires basés sur la propriété foncière, en déclin (Empire chinois, Empire ottoman, Empire austro-hongrois, Empire russe…). En particulier, la Russie était mise dans le sac des « nations dominatrices (grands-russes, anglo-américains, allemands, français, italiens, japonais, etc.) »[37] Ils combattaient aussi bien les « monarchies impérialistes » que les « bourgeoisies impérialistes », tout en constatant que les puissances basées sur l’ancien type d’impérialisme déclinaient. Par exemple Radek rappelait que Marx et Engels (entre 1845 et 1890) considéraient la Russie tsariste comme la principale puissance (réactionnaire) :
« […] la Russie tsariste et féodale qui, bien qu'à cette époque, sous l'influence du développement capitaliste elle commençât à se désagréger et ne puisât plus sa force que dans la rivalité des puissances capitalistes, n'en avait pas moins à sa disposition des millions de paysans abêtis qu'elle eût pu envoyer en Europe pour réprimer un mouvement révolutionnaire. »[38]
Lénine précisait :
« Au Japon et, en Russie, le monopole de la force militaire, l'immensité du territoire ou des commodités particulières de spoliation des allogènes, de la Chine, etc., suppléent en partie, remplacent en partie le monopole du capital financier contemporain, moderne. » « En Russie, l'impérialisme capitaliste du type moderne s’est pleinement révélé dans la politique du tsarisme à l'égard de la Perse, de la Mandchourie, de la Mongolie; mais ce qui, d'une façon générale, prédomine en Russie, c'est l'impérialisme militaire et féodal. »[27]
Les bolchéviks ne niaient d’ailleurs pas qu’il y avait des puissances impérialistes avant le capitalisme :
« Exemple : l'Angleterre et la France ont fait la guerre de Sept Ans [1756-1763] à cause des colonies, c'est‑à‑dire qu'elles ont fait une guerre impérialiste (laquelle est possible aussi bien sur la base de l'esclavage, ou du capitalisme primitif, que sur celle du capitalisme hautement développé de notre époque). »[39]
Par ailleurs, il n’y a pas chez Lénine l’idée que les puissances impérialistes et leurs rapports de forces sont figés :
« L'Allemagne était, il y a un demi-siècle, une quantité négligeable, par sa force capitaliste comparée à celle de l'Angleterre d'alors; il en était de même du Japon comparativement à la Russie. Est-il "concevable" de supposer que, d'ici une dizaine ou une vingtaine d'années, le rapport des forces entre les puissances impérialistes demeurera inchangé ? C'est absolument inconcevable. »
Les communistes constataient qu’après la guerre de 1914-1918, « les pays coloniaux et semi-coloniaux, profitant de l’affaiblissement des Etats impérialistes, obtiennent une plus grande indépendance économique. »[40]
Dans L’impérialisme, Lénine évoque comme positions différentes :
- les puissances impérialistes
- les colonies (administration directe par la métropole)
- des « formes variées de pays dépendants », dont les « semi-colonies » et d’autres formes moins dépendantes
La spécificité de la notion de semi-colonie parmi les pays dépendants n’est pas définie précisément. Cela semble décrire une rivalité entre impérialistes pour coloniser. Par exemple Lénine dit que la Perse, la Chine et la Turquie sont des semi-colonies, et dit par ailleurs qu’elles sont en voie de devenir des colonies.
Dans les autres formes de pays dépendants, il cite l’Argentine et le Portugal. Or par ailleurs, le Portugal est aussi cité parmi les puissances coloniales. De fait Lénine ne semble pas se préoccuper d’établir une classification rigide entre deux « camps », dominant et dominé, mais plutôt de décrire tous les rapports de domination.
Internationalisme et défaitisme révolutionnaire
Avant 1914, Lénine semble encore prolonger des positionnements comme ceux de Marx et Engels au 19ème siècle. Il voyait la guerre de la Russie contre le Japon (1904) comme une « guerre coloniale, qui s’est transformée en guerre entre l’ancien et le nouveau monde bourgeois »[41], et il vantait le « rôle historiquement progressiste » du Japon, tout en affirmant qu’il ne s’agissait pas d’un soutien à « l’impérialisme japonais ».
Quand éclate la guerre de 1914-1918, les socialistes se joignent au chauvinisme ambiant, par opportunisme envers leur bourgeoisie. Parmi la minorité qui refuse, les positions sont diverses. Certains veulent un retour à la paix et la réconciliation de tous les socialistes (les « centristes »). Les révolutionnaires, eux, avaient pour point commun de vouloir « transformer la guerre impérialiste en guerre civile », et estimaient que l’Internationale avait éclaté de fait.
Lénine lance le mot d’ordre de « défaitisme révolutionnaire » d’abord pour la Russie[42], en reprenant l’argument classique pour la défaite du tsarisme en tant que régime particulièrement réactionnaire. Beaucoup lui rétorquent alors que l’on ne peut pas souhaiter la victoire de l’Allemagne. Lénine répond en appliquant ce mot d’ordre à tous les pays, et en invoquant d’autres arguments :
- « L’action révolutionnaire en temps de guerre contre son propre gouvernement implique nécessairement de faciliter sa défaite »[43]
- « Les défaites facilitent la tâche de la classe révolutionnaire »[44]. Lénine se basait notamment sur l’exemple de la Commune de Paris et de la défaite de la Russie face au Japon (1905).
Il considère alors que ceux qui refusent ce mot d’ordre sont des opportunistes ou des centristes. Mais il est isolé sur ce point, même parmi d’authentiques révolutionnaires. Par exemple Trotsky envisage dès octobre 1914 la scission dans l’internationale et les possibilités de révolution, tout en préférant le mot d’ordre de « paix sans annexion ».[45] Ce mot d’ordre était aussi celui de Luxemburg et de Liebknecht. Ce dernier n’en est pas moins devenu le symbole de l’internationalisme révolutionnaire, en clamant « L’ennemi principal est dans notre propre pays ! ». Lénine ne met d’ailleurs plus en avant le défaitisme par la suite, et il ne l’utilise plus après février 1917, accusant même le gouvernement provisoire de désorganiser l’armée. Son mot d’ordre central devient la paix.
Les occupations militaires entre puissances impérialistes créent des situations différentes. Entre 1871 et 1918, Lénine et la social-démocratie n’hésitaient pas à lutter contre l’occupation allemande de l’Alsace-Lorraine. Par la suite, les communistes ont dénoncé le traité de Versailles puis l’occupation de la Ruhr par la France (1923-1925), mais avec beaucoup plus de tensions : si la majorité mettait en avant la fraternisation avec les soldats et la lutte simultanée contre la bourgeoisie allemande, d’autres comme Karl Radek ont comparé l’Allemagne à une nation opprimée.
Front unique anti-impérialiste
Contrairement à la vieille social-démocratie, les communistes engagent une lutte réelle contre l’impérialisme. Lénine en particulier prenait position dès 1915 pour les guerres de libération menées par des pays dominés :
« Si demain le Maroc déclarait la guerre à la France, l’Inde à l’Angleterre, la Perse ou la Chine à la Russie, etc., […] tout socialiste appellerait de ses vœux la victoire des États opprimés, dépendants, lésés dans leurs droits, sur les "grandes" puissances oppressives, esclavagistes, spoliatrices. »[24]
Quand les PC émergent dans de nombreux pays dominés, d’importants débats agitent l’Internationale. En 1920, elle adopte des thèses qui cherchent à combiner au mieux la lutte des classes et la lutte des peuples opprimés, par « des unions avec les mouvements révolutionnaires dans les colonies et les pays arriérés, sans toutefois jamais fusionner avec eux »[48]. De plus il faut « consentir à certaines concessions » envers le « sentiment national » des peuples opprimés, qui ont logiquement « un sentiment de défiance à l'égard du prolétariat des pays oppresseurs ».
Lénine rapporte que des débats portaient sur les forces avec lesquelles des fronts étaient possibles. Finalement :
« Nous ne soutiendrons les mouvements bourgeois de libération des pays coloniaux que dans les cas où ces mouvements seront réellement révolutionnaires, où leurs représentants ne s'opposeront pas à ce que nous formions et organisions dans un esprit révolutionnaire la paysannerie et les larges masses d'exploités »[46]
L’Internationale appelait aussi à combattre les mouvements « qui tâchent d'utiliser la lutte émancipatrice contre l'impérialisme européen et américain pour rendre plus fort le pouvoir des impérialistes turcs et japonais, de la noblesse, des grands propriétaires fonciers, du clergé, etc. » C’est-à-dire ne pas lutter aux côtés de forces féodales ni d’impérialistes se battant contre des impérialistes plus forts. Notons que la Turquie était vue comme une semi-colonie, mais que pour autant il ne fallait pas faire front avec les nationalistes à visée impérialiste.
Quant aux mot d’ordres préconisés pour le mouvement révolutionnaire dans les colonies, il y a empiriquement une conception très proche de la stratégie de la « révolution permanente » :
« Dans son premier stade, la révolution dans les colonies doit avoir un programme comportant des réformes petites-bourgeoises, telles que la répartition des terres. Mais il n'en découle pas nécessairement que la direction de la révolution doive être abandonnée à la démocratie bourgeoise. Le parti prolétarien doit au contraire développer une propagande puissante et systématique en faveur des Soviets, et organiser des Soviets de paysans et d'ouvriers. Ces Soviets devront travailler en étroite collaboration avec les républiques soviétiques des pays capitalistes avancés pour atteindre à la victoire finale sur le capitalisme dans le monde entier. Ainsi les masses des pays arriérés, conduites par le prolétariat conscient des pays capitalistes développés, arriveront au communisme sans passer par les différents stades du développement capitaliste. »
Le 4ème congrès de l’Internationale va élaborer la tactique du « front unique anti-impérialiste » qui poursuit dans ce sens.[47] Mais il constate aussi que l’impérialisme « transforme dans tous les pays arriérés la couche supérieure féodale (et en partie semi-féodale, semi-bourgeoise) de la société indigène en instrument de sa domination. […] Ainsi les classes dirigeantes des pays coloniaux et semi-coloniaux n'ont-elles ni la capacité ni le désir de diriger la lutte contre l'impérialisme, à mesure que cette lutte se transforme en un mouvement révolutionnaire de masses. » D’où la démarche de « front unique », qui doit servir à « démasquer les hésitations ».
Causes du colonialisme et de l’impérialisme
L’un des enjeux pour les bolchéviks était d’affirmer que l’impérialisme et colonialisme sont inévitables. Mais paradoxalement, de nombreuses explications différentes cohabitent dans leurs écrits. Le plus systématique était sans doute Boukharine, pour qui l’impérialisme permet de contrer la baisse du taux de profit, par :
- l’investissement dans les pays moins développés où la composition organique du capital est plus faible
- les débouchés supplémentaires pour augmenter les profits et le taux de profit (en réduisant le coût unitaire)
- l’accaparement de matières premières, dont la rareté relative alourdit le taux de profit
Lénine évoque quant à lui :
- en premier lieu, le contrôle des matières premières, dont « le manque se fait sentir »
- l’avantage de pouvoir assurer politiquement des monopoles aux trusts dans les colonies
- l’exportation de capitaux dans les pays moins développés, où « le prix de la terre est relativement bas, les salaires de même, les matières premières à bon marché. »
- l’idéologie de domination du capital financier et la canalisation des colères sociales vers le colonialisme
Il pense que l’exportation de capitaux est déjà une domination, mais que le capital préfère la domination coloniale directe : « "L'annexion" économique est parfaitement "réalisable" sans annexion politique et elle se rencontre constamment. […] Mais il va de soi que ce qui donne au capital financier [...] les plus grands avantages, c'est une soumission telle qu'elle entraîne pour les pays et les peuples en cause, la perte de leur indépendance politique. »
Contrairement par exemple à Luxemburg, ce n’est pas qu’il serait impossible de réaliser des profits dans les métropoles, mais que la rentabilité est meilleure à l’étranger. Boukharine précisait :
« Ce n'est pas l'impossibilité de faire des affaires sur place, mais la course aux taux de profit les plus élevés qui est la force motrice du capitalisme mondial. La 'pléthore capitaliste' n'a pas de limite absolue »
Lénine exprimait aussi cette idée, mais avec plus d’ambigüité sur les causes de la faible rentabilité des métropoles :
« l'exportation des capitaux est due à la 'maturité excessive' du capitalisme dans certains pays, où (l'agriculture étant arriérée et les masses misérables) les placements 'avantageux' font défaut au capital. »
Mais de fait, c’est une explication « sous-consommationniste » du colonialisme qui a pris le dessus dans l’Internationale communiste. L’explication par le taux de profit, qui était déjà discrète, disparaît bientôt. Dès le Deuxième congrès (1920), on peut lire :
« Sans la possession des grands marchés et des grands territoires d'exploitation dans les colonies, les puissances capitalistes d'Europe ne pourraient pas se maintenir longtemps. L'Angleterre, forteresse de l'impérialisme, souffre de surproduction depuis plus d'un siècle. Ce n'est qu'en conquérant des territoires coloniaux, marchés supplémentaires pour la vente des produits de surproduction et sources de matières premières pour son industrie croissante, que l'Angleterre a réussi à maintenir son régime capitaliste. »[48]
On trouve également l’idée que « l'impérialisme a été engendré par les besoins des forces productrices tendant à supprimer les frontières des Etats nationaux et à créer un territoire européen et mondial économique unique »[49]. Mais cette remarque générale ne dit pas de quelle façon concrète les forces productives « agissent ».
4. La transmission par Trotsky
Trotsky a bien sûr assuré en grande partie une transmission de l’héritage de l’Internationale communiste. Mais sa vision s’en distingue en partie. Il avait commencé à la former en parallèle de celle de Lénine, et en lui survivant d’une quinzaine d’années, il a forcément tranché des questions nouvelles dans un sens particulier.
Les forces productives bloquées par les frontières
Pour Trotsky, l’idée centrale est que l’élargissement de la base de la production capitaliste, après avoir dépassé les féodalités en nations bourgeoises, se heurte désormais aux frontières. Dès 1914 – avant Lénine donc – il pense que le capitalisme est passé « du stade national au stade impérialiste et mondial »[45]. La guerre est un « soulèvement des forces productrices contre leur exploitation sous une forme national-gouvernementale ». Comme par ailleurs « un nouveau partage des colonies n'élargit pas la base du développement capitaliste ; ce qu'il gagne d'un côté, il le perd de l'autre », « voici le monde capitaliste placé devant ces deux possibilités : Guerre permanente ou Révolution »
Trotsky confirme l’idée de stagnation à l’époque impérialisme. Le regain économique des années 1920 ne lui apparaissait pas durable, et un an avant 1929 il écrivait : « Une grande crise aux États-Unis ferait à nouveau retentir le tocsin des guerres et des révolutions. Nous le répétons : les situations révolutionnaires ne manqueront pas. »[50] La grande dépression des années 1930 lui font réaffirmer que la période est celle de « l’agonie du capitalisme » (sous-titre du Programme de transition) et que « les forces productives ont cessé de croître ».
Si la « contradiction principale » reste celle « entre les forces productives et la propriété privée des moyens de production », Trotsky n’explique pas comment elle opère. Il affirme qu’au stade impérialiste, les phases de crise détruisent davantage que ne créent les phases d’essor.[51] La seule possibilité réelle de croissance capitaliste qu’il évoque est le dépassement de l’autre contradiction, entre les forces productives et le cadre national :
« Si les frontières des Etats pouvaient être effacées d'un seul coup, les forces productives, même sous le capitalisme, pourraient continuer à s'élever pendant un certain temps --au prix, il est vrai, d'innombrables sacrifices-- à un niveau supérieur. »[52]
Trotsky voit dans la Seconde guerre mondiale et en particulier dans le fascisme, cette tendance centralisatrice :
« Dans la mesure où le prolétariat à une étape donnée s'avère incapable de conquérir le pouvoir, l'impérialisme commence à diriger la vie économique par ses propres méthodes [...] L'Etat totalitaire qui soumet tous les aspects de la vie économique, politique et culturelle au capital financier, est l'instrument qui sert à créer un état super nationaliste [...] sur le monde entier. »[53]
Contre la guerre impérialiste
En 1914, Trotsky s’oppose à l’Union sacrée, mais ne dit pas qu’il fallait nécessairement voter contre les crédits de guerre et faire « obstruction totale ». Il reproche surtout le fait d’avoir voté la confiance., et défend la paix.
Pour montrer que la guerre était avant tout impérialiste, Trotsky balayait les autres critères. D’abord le critère agresseur/agressé est pour lui superficiel face à la question de savoir s’il y a un progrès objectif en cas de victoire d’un camp. Or ce n’est pas le cas, puisque c’est un conflit pour la suprématie et les colonies, entre deux camps comprenant aussi bien des régimes réactionnaires (tsarisme et empires centraux) que des mouvements ouvriers. Il y avait également l’oppression nationale des Serbes par l’Autriche-Hongrie, que la Russie ne se privait pas d’instrumentaliser, mais cela ne changeait pas le caractère dominant de la guerre, avant tout impérialiste.
A l’approche de la Seconde guerre mondiale, il maintient la caractérisation de guerre impérialiste et la stratégie du défaitisme, refusant de soutenir le camp des démocraties contre les régimes fascistes, même en cas d’agression. Par ailleurs, tout en critiquant le pacifisme bourgeois comme illusoire, il estimait que « le mot d'ordre de paix n'est nullement en contradiction avec la formule stratégique du défaitisme […] quand il émane des quartiers ouvriers et des tranchées où il se mêle à celui de la fraternisation entre soldats des armées ennemies, unissant les opprimés contre les oppresseurs. »[58]
Même si Trotsky disait que la France sous les bottes allemandes était « en train de devenir une nation opprimée »[54], il refusait de s’adresser à De Gaulle, comme le faisait Marceau Pivert. Alors au contact de ses partisans aux États-Unis, il combattait le pacifisme bourgeois et l’union sacrée « contre le fascisme », tout en partant de ces sentiments :
« Il est, bien sûr, important d'expliquer aux ouvriers avancés que le véritable combat contre le fascisme est la révolution socialiste. Mais il est plus urgent, plus impératif, d'expliquer aux millions d'ouvriers américains que la défense de leur “ démocratie ” ne peut être confiée à un maréchal Pétain américain »[55]
« Je crois qu'il nous faut aussi examiner le mot d'ordre suivant lequel nous ne sommes évidemment pas opposés à une guerre contre des agresseurs, mais qu'elle doit être menée par une armée d'ouvriers et de fermiers, sous le contrôle de syndicats, sous un gouvernement d'ouvriers et de fermiers. »[56]
Trotsky avait par ailleurs dénoncé la Société des nations, depuis l’origine. Aussi bien lorsqu’elle n’était qu’une idée du président des États-Unis : « la démarche de Wilson était une tentative faite par les ploutocrates de New-York et de Chicago pour assujettir l’Europe et le monde entier »[57]… que sous la forme qu’elle a finalement prise (sans les États-Unis), jusqu’à voler en éclats au milieu des tensions des années 1930 :
« Tous les gouvernements ont peur de la guerre. Mais aucun n'est libre de son choix. […] La SDN, qui, selon son programme officiel, devait «organiser la paix», et qui était en réalité conçue pour perpétuer le système de Versailles, neutraliser l'hégémonie des Etats-Unis et constituer un bastion contre l'Orient rouge, n'a pu surmonter le choc des contradictions impérialistes. »[58]
La défense militaire des pays dominés
Concernant les interventions militaires (néo)coloniales, Trotsky a réaffirmé qu’il fallait selon lui s’appuyer uniquement sur le critère impérialiste/dominé, quel que soit le régime à la tête du pays du pays dominé. Par exemple, lorsque l’Italie fasciste attaque l’Éthiopie en 1935, Trotsky précise :
« Nous sommes pour la défaite de l'Italie et pour la victoire de l’Éthiopie, et nous devons donc faire tout notre possible pour empêcher [...] que d'autres puissances impérialistes soutiennent l'impérialisme italien et en même temps faciliter du mieux que nous pouvons la livraison d'armes, etc. à l'Éthiopie. Néanmoins nous devons faire valoir que cette lutte n'est pas dirigée contre le fascisme mais contre l'impérialisme. Quand c'est de guerre qu'il s'agit, il n'est pas question pour nous de savoir qui est "le meilleur" du Négus ou de Mussolini, mais [...] du combat d'une nation sous-développée pour sa défense contre l'impérialisme. »[59]
Trois ans plus tard, pour défendre ce principe, il argumente davantage :
« il règne aujourd’hui au Brésil un régime semi-fasciste qu’aucun révolutionnaire ne peut considérer sans haine. Supposons cependant que, demain, l’Angleterre entre dans un conflit militaire avec le Brésil. [...] Je répondrai pour ma part que je serais du côté du Brésil "fasciste" contre l’Angleterre "démocratique". Pourquoi ? Parce que, dans le conflit qui les opposerait, ce n’est pas de démocratie ou de fascisme qu’il s’agirait. Si l’Angleterre gagnait, elle installerait à Rio de Janeiro un autre fasciste, et enchaînerait doublement le Brésil. Si au contraire le Brésil l’emportait, cela pourrait donner un élan considérable à la conscience démocratique et nationale de ce pays et conduire au renversement de la dictature de Vargas. La défaite de l’Angleterre porterait en même temps un coup à l’impérialisme britannique et donnerait un élan au mouvement révolutionnaire du prolétariat anglais. »[60]
[1] Karl Marx, A propos du Système national de l'économie politique de Friedrich List, 1845
[2] Cité dans la brochure Les rouages du capitalisme, 1994
[3] Karl Marx, Le Capital, Livre III, Tome 1, Chapitre XV
[4] Karl Marx, Le Capital, Livre I, Tome 2, Chapitre XV.
[5] Voir Kevin Anderson, Marx aux antipodes, trad. Fr. 2015
[6] Engels, Le socialisme en Allemagne, 1891
[7] Robin Goodfellow, Marx Engels et la guerre, 1993
[8] René Berthier, De la guerre franco-prussienne à la liquidation de l’AIT, 1991
[9] Karl Kautsky, Germany, England and the WorldPolicy, 1900
[10] Karl Kautsky, Bernstein et le programme social-démocrate, 1899
[11] Rosa Luxemburg, Réforme sociale ou révolution, 1899
[12] Alencontre.org, Lénine en 1914. La «nouvelle époque de guerre et révolution»
[13] J.A. Hobson, Imperialism : A study, 1902
[14] Rudolf Hilferding, Le capital financier, 1910 (le livre est en fait presque écrit dès 1905)
[15] Rosa Luxemburg, L’accumulation du capital, 1913
[16] Karl Kautsky, Guerre et paix, 1911
[17] Rosa Luxemburg, Peace Utopias, mai 1911
[18] Jean Jaurès, Discours du 7 mars 1895
[19] Jean Jaurès, Discours à l’Assemblée du 13 janvier 1911 et du 20 novembre 1911
[20] Karl Kautsky, L’impérialisme et la guerre, 11 septembre 1914
[21] Karl Kautsky, Nationalstaat, imperialistischer Staat und Staatenbund, 1915
[22] Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, 1916
[23] Lénine, Préface du 26 avril 1917 à L’impérialisme
[24] Lénine et Zinoviev, Le socialisme et la guerre, 1915
[25] Lénine, Préface aux éditions françaises et allemande de L’impérialisme, juillet 1920
[26] Boukharine, L'économie mondiale et l'impérialisme, 1915
[27] Lénine, L’impérialisme et la scission du socialisme, 1916
[28] Lénine, Rapport sur le programme du parti bolchévik, 1919
[29] Boukharine, Contribution à une théorie de l'Etat impérialiste, 1916
[30] https://npa2009.org/content/les-marxistes-revolutionnaires-et-leurope-elements-dhistoire
[31] Lénine, Une caricature du marxisme et à propos de l’ « économisme impérialiste », 1916
[32]2ème congrès de l’Internationale communiste, Manifeste, 1920
[33] Internationale communiste, 3ème congrès, Thèses sur la propagande parmi les femmes, 1921
[34] Internationale communiste, VI° Congrès, Programme, 1928
[35] Lénine, Conclusion après la discussion sur le programme du parti bolchévik, 1919
[36] Internationale communiste, 2ème congrès, Le Parti Communiste et le parlementarisme, 1920
[37] Lénine, La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, 1916
[38] Karl Radek, La question polonaise et l'Internationale, 1920
[39] Lénine, A propos de la brochure de Junius, 1916
[40] Internationale Communiste, IV° Congrès, Projet de programme, 1922
[41] Lénine, La chute de Port-Arthur, 14 janvier 1905
[42] Jean-Paul Joubert, Le défaitisme révolutionnaire dans la stratégie marxiste, 1987
[43] Lénine, La défaite de son propre gouvernement dans la guerre impérialiste, 26 juillet 1915
[44] Lénine, A propos de la brochure de Junius, 1916
[45] Trotsky, La guerre et l'Internationale, 31 octobre 1914
[46] Lénine, II° congrès de l'IC, Rapport de la commission nationale et coloniale, 1920
[47] Internationale communiste, 4ème congrès, Thèses générales sur la question d’Orient, 1922
[48] Internationale communiste, 2ème congrès, Thèses sur les questions nationales et coloniales, 1920
[49] Internationale communiste, 3ème congrès, Thèses sur la situation mondiale, 1921
[50] Trotsky, L’Internationale communiste après Lénine, 1928
[51] Trotsky, Nationalism and Economic Life, 1934
[52] Trotsky, La guerre et la IVème Internationale, 1934
[53] Trotsky, Bonapartisme, fascisme et guerre, 20 août 1940
[54] Trotsky, Notre cap ne change pas, 30 juin 1940
[55] Trotsky, Combattre le pacifisme, 13 août 1940
[56] Trotsky, Discussion sur la lutte contre la guerre et l'amendement Ludlow, 22 mars 1938
[57] Trotsky, Discours prononcé au deuxième Congrès de l'Internationale Communiste, 1920
[58] Trotsky, La guerre et la IVe Internationale, 1934
[59] Trotsky, Le conflit italo-éthiopien, 1935
[60] Trotsky, La lutte anti-impérialiste, 1938