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NPA 04: Lettre aux syndicalistes pour la réunion des gilets jaunes et rouges
Le mouvement des « gilets jaunes » comme cela était prévisible, a bouleversé complètement la situation politique et sociale du septennat et mis à nu la macronie, son monde et son petit roi. Cette mobilisation populaire se poursuit encore avec une combativité qui surprend, une réjouissante impertinence populaire, une convivialité sympathique et une radicalisation des slogans avancés, « Macron démission » est chanté sur tous les tons.
La prise de position des directions syndicales, de la CGT et de Solidaires en particulier, ont beaucoup fait pour que la réalité mouvante d’un mouvement naissant ne soit jamais abordée autrement qu’avec suspicion, l’abandonnant ainsi aux dangers de la récupération.
Le vide laissé par la gauche pour exprimer la colère populaire
En réalité, ce n’est pas tant le mouvement des gilets jaunes lui-même qui est compliqué que le mouvement ouvrier lui-même. Lequel finit par être de plus en plus empêtré dans ses vieux mythes et ses vieilles structures « éparpillées façon puzzle », que plus personne ne s’y retrouve. Expliquer aux gens ce qu’est devenue la « maison de la gauche » est devenu carrément impossible. Nous sommes tous comptables, militants et responsables de la gauche politique, syndicale et associative, des échecs du mouvement social et de notre incapacité à le refonder sur de nouvelles bases que celles héritées de la dernière guerre et la chute du mur, alors que le monde a bien changé.
Les organisations syndicales ont du mal à accepter et à comprendre que ce soient des secteurs les moins politisés et les moins organisés de la population qui ont trouvé ce moyen pour exprimer leurs exaspérations dans la rue, se montrant capables, sans elles, d’une très large mobilisation, en l’élargissant même dans la radicalisation: Des taxes sur les carburants, on est passé à une remise en cause globale de la politique libérale et le blocage de l’économie.
Une semaine après la première manifestation, on constate que malgré les désordres de tous types que ce type de blocages produit, le soutien de la population est massif.
Partout des syndicalistes rejoignent les exploités en gilets jaunes.
La fédération Ports et Docks CGT est claire et appelle ses militants à ne pas « laisser passer la caravane de la colère » en mêlant des « gilets rouges aux gilets jaunes ». D’autres voix au sein de la CGT estime que la « CGT a toute sa place dans ce mouvement », et appelle « l’ensemble de ses adhérents à participer aux rassemblements progressistes ». Leurs camarades de La Mède (Bouches-du-Rhône) ont déjà sauté le pas : depuis jeudi 22 novembre, ils bloquent la raffinerie Total aux côtés des gilets jaunes.
La jonction avec ceux qui depuis des années arpentent le pavé une demi-journée, à la demande surtout de la CGT, pour montrer qu’ils ne sont pas contents sur tel ou tel sujet et ceux qui descendent dans la rue pour la première fois parce qu’ils veulent que tout change vraiment est en cours, partout des grèves sont déclenchées. Des mouvements analogues émergent en Europe, comme un petit air de mai 68…
La responsabilité des organisations ouvrières est juste de favoriser cette convergence en construisant une unité populaire sur les bases de la lutte des classes avec la perspective de la grève générale.
Nourrir la division ou se battre pour l’unité
La classe dominante ne peut survivre que si l’immense majorité des gens qu’elle parasite ne sont pas conscients d’être si nombreux à avoir des intérêts communs, que leur place est essentielle dans la création de richesses et donc que leur force est immense. La division est au cœur des rapports de productions capitalistes qui produisent des hiérarchies, des concurrences, des rivalités pour tenter d’instaurer la guerre de tous contre tous.
Si l’arme redoutable de la division ne permet pas la soumission, alors celle des violences de l’Etat bourgeois doivent être mobilisées et légitimées par toutes sortes de subterfuges.
La trahison des organisations social-démocrates, politiques et syndicales en se montrant incapables de proposer de réelles alternatives à l’ordre libéral ultra-capitaliste et sa crise, a nourrit bien des déceptions et des frustrations qui aujourd’hui comme hier ont fait le lit de l’extrême droite, d’abord sur le terrain électoral, puis ailleurs, dans toute la société.
Il y a des électeurs FN dans les villages, dans les cités ouvrières, dans les sections syndicales, au comptoir des bistrots, dans les tribunes des stades, dans les repas de famille, quelle surprise !
Après 20 ans de lepénisme, partout nous sommes confrontés à des propos et attitudes racistes, sexistes et homophobes, nous les côtoyons et nous les combattons ! C’est seulement dans la rue, dans les barrages que nous craignons de les rencontrer pour les combattre devant tous ?
Il faut laisser aux médias et aux bobos – toujours enclins aux compromis avec l’Etat en raison de leur origine de classe – qui méprisent le peuple, la quête du « fasciste » de service pour trouver un prétexte pour garder l’arme au pied dans la bagarre contre la macronie et son monde, en cours.
Nous n’allons pas laisser aujourd’hui l’extrême droite venir sur notre terrain de la mobilisation populaire, de la lutte sociale et de la rue, en restant passifs. Si nous ne sommes pas capables de gagner aujourd’hui cette bataille là, autant aménager des caves pour nous cacher demain !
Quand le Front national a-t-il organisé un barrage, bloqué un supermarché, organisé un péage gratuit appelé à bloquer l’économie ?
Le niveau de conscience des masses, tel qu’il s’exprime aujourd’hui a fait un grand bon en avant, on voit avec plaisir reprendre partout et massivement nos idées contre l’oligarchie et pour la répartition des richesses. L’attribution de la responsabilité de la baisse du pouvoir d’achat aux migrants et aux « assistés », a disparu des radars médiatiques. Tout cela est annonciateur de nouveaux matins, car d’un seul coup, l’ordre social n’est plus perçu comme naturel, il y a des responsables au mal de vivre devenu alors insupportable. Les masses dans la rue construisent un autre « nous » pour être capables d’agir contre « eux » sans se préoccuper des formes traditionnelles de représentation et de délégation, la belle affaire !
Ce n’est qu’un début… Un bon début…
Quand les gens prennent conscience que ce système plombe leur vie, que toutes ses instances, toutes ses lois, toutes ses structures, politiques, syndicales, associatives, ne font que fabriquer du consentement à un ordre injuste qui leur est imposé de mille manières, alors le « voile se déchire » et naît le besoin de prendre ses affaires en main avec l’envie de changer vraiment les choses. Un peuple est entrain de se re-construire, avec convivialité et enthousiasme, de l’inventivité, de l’auto-organisation, c’est très réjouissant et prometteur pour les suites. Il faut faire confiance au peuple lui-même pour résoudre les multiples problèmes auxquels il va être confronté.
Le peuple n’apprend pas, par la grâce des discours des politiciens professionnels ni dans les conférences de professeurs rouges, il apprend en marchant, en renversant les obstacles placés sur sa route. Nous devons prendre notre part, dans ce mouvement qui va s’inscrire dans la durée, quand vont se poser les problèmes de l’organisation, et de la définition des objectifs.
Quelques soient les formes qu’il prendra et le rythme qu’il choisira de se fixer, notre tâche est juste de participer. Pour que les gens ne se trompent pas de colère, nous devons avec eux, être les meilleurs opposants à ce régime massivement rejeté, en désignant clairement notre ennemi : La dictature du capital et de tous ses serviteurs. En avançant clairement notre objectif : La grève générale.
Le monde a changé, les gilets rouges doivent se mêler aux gilets jaunes
Face à une crise de cette ampleur qui sert de prétexte aux capitalistes pour s’attaquer à tous les aspects de la vie sociale, en organisant un chômage de masse, le syndicalisme ne peut se limiter à la défense des salariés des grandes entreprises dans le cadre d’un partenariat social exsangue, quant c’est toute la population qui peine.
Comme dans toutes les crises, au delà des salariés qui voient leurs conditions de travail et de salaires se dégrader, il y a les chômeurs, les précaires, les jeunes isolés, les étrangers, qui souffrent aussi. Les problèmes d’accès aux services publics, à la santé, à la formation, au logement, à la mobilité, comme les problèmes de l’environnement sont tout aussi essentiels. Les petits patrons, les artisans et commerçants, les paysans, les prolétaires devenus indépendants forcés, les étudiants et les lycéens sont eux aussi des victimes du capitalisme.
Malgré les contradictions et les divisions, c’est tout un peuple qui se construit et qui doit se retrouver uni, gilets rouges et gilets jaunes, dans le combat commun contre le même ennemi : Cette oligarchie haïe.