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Bienvenue à l’EHPAD : Entretien avec J., aide-soignante
Nous publions ici cet entretien avec J., une aide-soignante travaillant dans un EHPAD (Etablissement Hospitalier pour Personnes Agées Dépendantes) privé en guise de témoignage sur les conditions de travail dans ce secteur. Depuis plusieurs années, s’est ouvert le débat sur la perte d’autonomie en fin de vie et les moyens pour accompagner ces personnes. Depuis 2005 existe ainsi une Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie. De la même manière, Nicolas Sarkozy avait envisagé (avant d’abandonner le projet) de créer une cinquième branche de l’Assurance-Maladie destinée à couvrir les risques de la vie liés à la dépendance.
Aujourd’hui, avec l’augmentation de ces situations de dépendance (on annonce 7 millions de personnes âgées de plus de 80 ans à l’horizon 2040) et le sous-financement de la santé publique, s’ouvre un marché porteur dans lequel de grands groupes privés et cotés en bourse se sont investis, construisant à la chaîne des établissements tel celui dans lequel travaille l’aide-soignante avec qui nous nous sommes entretenus. Elle cite ainsi le chiffre de « 6 établissements, privés ou publics » dans sa « seule ville moyenne ». Nous découvrons ainsi de l’intérieur un milieu très largement féminisé, comme une bonne partie des métiers liés à la santé et au soin à la personne ; et où les salaires sont bas tandis que les bénéfices explosent.
Que produit ton entreprise ou quels services vend-elle ?
Je travaille en maison de retraite ou appelée "Ehpad" pour établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Il y a d'autres établissements du même secteur dans la région ?
Oui; dans ma seule ville moyenne, il y a 6 établissements, privés ou publics.
Combien de salariés travaillent dans ton entreprise ? Quelle est la proportion d'hommes et de femmes, de Français et d'immigrés ?
L'Ehpad dans lequel je travaille fait partie d'un gros groupe boursier, présent en France et dans d'autres pays d'Europe. Je vous laisse imaginer le nombre de salariés !
Ma branche est surtout féminine, il y a deux hommes pour 22 femmes dans mon équipe au sein de l’établissement. Il faut ajouter 5 à 7 auxiliaires de vie, 2 à 3 personnes dans la direction (la secrétaire, la directrice adjointe et son remplaçant), 4 infirmières dont 1 infirmière coordinatrice. Certaines ont une double nationalité (algérienne, et marocaine notamment).
Combien y a-t-il d'intérimaires, de salariés à temps partiel et à plein temps ?
Les intérimaires interviennent surtout en cas de manque de personnel. Nous sommes tous et toutes à temps plein. J'étais moi-même à temps partiel à mon entrée dans ce groupe par choix, mais par choix également j'ai changé d'établissement pour être à temps plein. Il y a quand même une proportion non négligeable de CDD (la moitié de mon équipe par exemple), souvent par choix de la personne.
La direction utilise quels critères pour l'embauche ?
Je me demande bien! Moi-même j'ai complètement foiré mon entretien et j'ai été prise.
Il faut quand même avoir un diplôme, si l'on veut obtenir un CDI plus facilement, si l'on veut travailler auprès des personnes âgées et pas faire le ménage dans l'établissement. L'embauche est assez simple donc; c'est rester qui est un peu plus difficile.
Ton entreprise reçoit-elle des subventions de la région ou de l'Etat ?
Oui, les EHPAD fonctionnent avec la convention tripartite. Pour ouvrir une maison de retraite, il faut demander une autorisation d'ouverture auprès du ministère, de l'ARS (agence régionale de la santé), du préfet et du président du conseil général à l'issue de l'appel d'offres. Pour accueillir des personnes âgées dépendantes, l'EHPAD signe la convention tripartite avec l'ARS et le conseil général pour 5 ans.
Cette convention définit les conditions de fonctionnement de l’établissement, tant sur le plan financier que sur celui de la qualité de la prise en charge des personnes hébergées et des soins qui y sont faits... Par ailleurs, elle précise les objectifs et les modalités de l’évaluation de la maison de retraite. Cette dernière prend en retour des engagements d’amélioration et de développement de l’offre aux résidents, et négocie le financement des mesures qu’elle envisage de mettre en œuvre (recrutements, formation du personnel, aménagement des locaux, etc.).
Depuis combien de temps travailles-tu dans cette entreprise ? Depuis combien de temps existe-t-elle ? Quelle est la pyramide des âges dans la boîte ?
Depuis 5 ans en tout, mais depuis 6 mois dans mon nouvel établissement. Le premier a été racheté il y a 5 ans par le groupe, et avait 10 ou 15 ans d'existence. Le dernier a été construit par le groupe. Il y a principalement soit des jeunes diplômés, soit des gens en fin de carrière. Et une minorité de gens qui comme moi sont arrivés là "par hasard".
As-tu déjà travaillé dans une entreprise de la même branche ? Qu'en est-il de tes collègues ? Quels métiers as-tu exercé auparavant ? Quels métiers ont exercé tes collègues ?
Oui, je suis diplômée depuis plus de 10 ans. J'ai travaillé en hôpital public en tant que contractuelle, dans d'autres EHPAD, et dans des MAS. J'ai toujours été aide-soignante. Une vocation née durant mon adolescence. Mes collègues ont d'autres parcours: certaines dont c'est le premier travail, d'autres sont venues en tant que CDD au départ et sont restées, d'autres viennent du public, d'autres enfin se sont reconverties dans cette branche après une longue période de chômage.
Pourquoi as-tu choisi cette entreprise ?
J'ai fait mes deux premiers enfants, j'ai déménagé en pleine campagne et j'ai raté le premier poste que je convoitais fortement (un EHPAD à 200 mètres de chez moi). Par dépit, j'ai appelé l'EHPAD dans le village voisin, j'ai eu du bagout et j'ai décroché un entretien. J'ai été prise de suite. Je suis ensuite tombée enceinte de mon dernier enfant.
S'en est suivi une longue période d'arrêt de travail due à une grossesse pathologique, puis trois ans de congé parental, J'ai cherché ailleurs mais je n'ai jamais appelé au bon moment. Finalement j'ai repris mon travail, et j'ai demandé ma mutation pour rapprocher mon mari de son travail. C'est un des avantages d'être dans un groupe présent sur tout le territoire. Depuis, me plaisant relativement là où je suis, je n'ai pas franchement cherché ailleurs.
Le climat de l'emploi même pour une aide-soignante est tendu dans ma ville. On fait vite le tour des offres, et je me méfie des offres qui reviennent tous les deux mois pour le même poste: on connaît très vite la bonne ou la mauvaise réputation d'un établissement.
Qu'est-ce que tu apprécies, de façon générale, dans ton travail, et qu'est-ce que tu détestes ?
Je ne suis pas devenue aide-soignante pour la facilité de l'emploi, qui s'il y a dix ans était vrai, est un peu plus compliqué aujourd'hui. Je rends un peu de dignité humaine à des personnes qui ont travaillé toute leur vie et qui se retrouvent pour certaines complètement dépendantes pour tous les gestes de la vie quotidienne.
J'ai encore la "flamme" de ma vocation. Mon travail a cependant changé.
Avant, je pouvais faire marcher les résidents qui en avaient besoin, leur donner un bain relaxant, faire des jeux avec eux et même leur faire des permanentes. Maintenant, tout est hiérarchisé. Si je prends le temps d'une promenade, je sais que je n'aurais pas le temps pour faire les changes de l'après-midi et nous mettre en retard pour le reste de la journée. Ce que je faisais avant, c'est d'autres professions qui ont "pris ma place". Mon rôle maintenant est juste de les rendre propres et présentables, de les changer au besoin, de les faire manger, de les rechanger, et de les coucher pour la nuit. Très réducteur, même pour mon petit diplôme.
L'organisation du travail:
Comment le travail est-il organisé au niveau du temps : horaires administratifs, travail en équipes, etc. ?
Là où je suis, nous travaillons sur une amplitude de 12 heures, avec 2 heures de pause non rémunérées, 3 à 4 j par semaine. Une première équipe travaille de 7h30 à 19h30, l'autre de 8h30 à 20h30, et ensuite l'équipe de nuit de 20h à 7 h ou de 20h15 à 7h15. On est 7 aides-soignantes le matin, une de moins l’après-midi. Le weekend, on est 6 aides-soignantes toute la journée. Il faut ajouter l’UPAD, où l’on retrouve 1 auxiliaire de vie, 3 aides-soignantes par équipe et 2 filles la nuit (1 aide-soignante et 1 auxiliaire de vie).
Les infirmières ont la même amplitude. L'équipe administrative est souvent là de 8h à 18h le soir. Souvent, pas toujours. Certains week-ends, il n'y a que la secrétaire de présente. Nous bossons un week-end sur deux. Les auxiliaires de vies ont des horaires de journée, avec toujours 1 à 2 h de pause en plein milieu.
Dans quel atelier ou service travailles-tu ?
Je suis en EHPAD. Il m'arrive d'aller en UPAD, une unité protégée pour les personnes atteintes de démences susceptibles de se mettre en danger.
Quelles sont les opérations que tu effectues à ton poste ?
Le matin, je fais les toilettes. Le midi, j'aide au repas. L'après-midi, je fais les changes, et le soir je les couche.
Quelles sont les compétences requises pour exercer ton métier ?
De l'organisation, de l'empathie, une aisance dans la communication verbale et non verbale. Et surtout ne pas avoir les deux pieds dans le même sabot.
Qui est ton supérieur hiérarchique direct ?
Les infirmières. Nous, les aides-soignantes, travaillons sur le "rôle propre" de ces dernières.
Selon toi, qui organise le travail dans ton atelier, ton département, ton entreprise ?
L'équipe administrative essaye de nous donner des pistes, mais n'étant pas dans le soin elle est souvent à côté de la plaque.
L'organisation du boulot est-elle cohérente, chaotique ou absurde ? Pourquoi ?
Complètement chaotique et absurde. L'équipe administrative n'est pas stable, les équipes soignantes non plus. Il suffit d'une absence pour tout dérégler.
Absurde, parce que l'amplitude de travail est trop énorme et beaucoup trop lourde.
Quels sont les problèmes les plus fréquents dans l'organisation du travail ?
Les absences dans l'équipe de soins. Les week-ends sont souvent horribles, à travailler déjà en effectif réduit. Il est arrivé qu'on ne soit plus que la moitié des soignants, pour faire exactement les mêmes choses qu'on a déjà du mal à boucler en temps et en heures. La charge de travail. Même quand l'équipe est au complet, le travail est énormément physique, on a peu de moyens matériels (et même quand on en a, ils ne fonctionnent pas...). C'est un peu le lot des aides-soignantes, mais mon EHPAD est particulièrement connu pour ces difficultés.
Qui contrôle ton boulot ? Comment ? Pourquoi ?
Ma première réponse, comme ça, j'aurai dit: les familles. En vrai, c'est la directrice et l'infirmière coordinatrice. Mais il y a un adage qui s'applique bien chez nous: ce que famille veut, famille obtient. Certaines ont des demandes bien précises (et parfois en contre sens de ce que souhaite leur parent âgé), et il faut les contenter elles, avant leur parent.
Quels sont les critères d'évaluation de ta productivité ?
On sait qu'on a mal bossé quand à midi les toilettes ne sont pas finies, ou qu'à 20h30 il reste des personnes à coucher.
Que se passe-t-il quand tu commets des erreurs ou que tu n'obéis pas aux ordres ?
Au début, on était convoqué par la directrice au moindre faux pas. J'ai eu des réflexions sur ma coupe de cheveux (cheveux toujours attachés, mais j'ai une FRANGE). Mais dernièrement, il y a eu un sacré laxisme. Certaines collègues viennent toujours en retard, travaillent mal, et personne ne dit rien.
Tu arrives à contourner les contrôles ?
Au vu du laxisme, oui. Mais je n'ai pas eu de gros problèmes. A la moindre plainte d'une famille, je prends le parti d'aller la voir, de m'expliquer voire de m'excuser.
Souhaites-tu y travailler longtemps ? Qu'en est-il de tes collègues ?
NON. Mes collègues non plus. J'ai d'autres projets professionnels, et même si j'y reste encore deux ou trois ans, c'est uniquement pour me permettre d'avoir un salaire et remplir mon fongecif.
Qualification et salaires:
Quelles étaient ta formation professionnelle et tes qualifications avant d'entrer dans l'entreprise ? Disposais-tu de la qualification requise pour ton boulot ou as-tu appris sur le tas ?
Je suis aide-soignante par équivalence de diplôme: ayant validé la première année d'études en soins infirmiers, j'ai demandé mon équivalence.
Y a-t-il une formation maison pour qualifier les salariés et combien de temps dure-t-elle ?
"Maison", oui, il y a une ou des écoles d'aides-soignantes financées par le groupe... Il y a aussi la validation des acquis de l'expérience.
Combien gagnes-tu ? Tous tes collègues touchent-ils le même salaire ? Existe-t-il une grille des salaires ? Comment sont-ils fixés ?
AS depuis 10 ans, avec mon parcours personnel, je touche entre 1230 et 1330 euros par mois, en fonction des week-ends et des jours fériés. Au mois de décembre, j'ai touché 1500 euros grâce aux jours fériés du mois de novembre. Il y a bien une grille de salaire, mais on conseille aux nouveaux arrivés de négocier avant de signer le CDI, car tout est négociable en amont. C'est beaucoup plus difficile après.
Il y a d'ailleurs d'énormes disparités. Un nouvel embauché en CDI gagne net 1500 e avec juste 6 mois de diplôme. Tant mieux pour lui. Mais pour ceux qui veulent renégocier, c'est beaucoup plus difficile, voire impossible. Une de mes collègues, qui est au plus bas des échelons et donc gagne 50 euros de plus que le smic après 2 ans d'ancienneté a voulu renégocier son salaire. On lui a donné 10 e d'augmentation. Et encore elle a de la "chance" selon notre chef...
Je suis sous la convention collective du 18 avril 2002, un peu plus avantageuse que celle de 66 mais pas tant que ça…
Quels sont les moyens d'obtenir une augmentation dans l'entreprise ?
Il faut faire une demande écrite à la directrice, qui transmet ensuite au directeur régional qui décide si oui ou non il y a augmentation. Dans 99% des cas, c'est non. Nous coûtons trop cher selon eux.
Ton salaire dépend-il de ta productivité ?
Non. Il devrait. Ca encouragerait certaines à travailler correctement. Et ça encouragerait les meilleurs éléments.
Reçois-tu une rémunération supplémentaire pour certains horaires (de nuit, le week-end, etc..) ?
Oui.
Que pensent tes collègues des salaires dans l'entreprise ?
Ils sont beaucoup trop bas pour beaucoup.
L'entraide et la coopération au travail:
Travailles-tu en coopération avec d'autres salariés ? Comment se déroule cette coopération ?
Nous fonctionnons en binôme. C'est même très important, sans quoi la charge de travail est trop importante. Certaines se mettent entre copines. Personnellement, même si je m'entends très bien avec les filles, je m'associe d'abord avec celles avec qui j'ai le plus de valeurs professionnelles.
As-tu des contacts avec d'autres ateliers ou départements de l'entreprise ?
Non.
Comment trouves-tu les informations nécessaires pour ton travail ?
En posant des questions, pleins de questions à mon binôme à mon arrivée. En lisant les dossiers patients.
Qu'est-ce qui détermine les cadences ? Quels sont les facteurs qui t'obligent à travailler plus vite ?
Le nombre de toilettes à effectuer le matin. Si on retrouve un patient souillé de la nuit, il faut le faire en priorité, et tant pis pour les priorités "ordinaires". Mais plus le temps passe, plus les résidents qui entrent en maison de retraite sont dépendants. Ceux qui partent ailleurs sont souvent des personnes autonomes, et sont remplacés par des personnes complètement dépendantes, ce qui changent la donne, puisque notre équipe elle n'est pas augmentée.
As-tu le temps de discuter avec tes collègues pendant le boulot ?
Oui, mais je préfère discuter entre les toilettes que pendant. Je ne pense pas que le résident quand on lui lave ses fesses a envie de savoir ce que j'ai fait de mon week-end.
Comment rends-tu ton boulot moins pénible et comment t'aménages-tu des pauses non programmées par le patron ?
Personnellement, je me permets de chantonner entre deux résidents. Si je ne chante pas d'ailleurs mes collègues s'inquiètent pour moi. Concernant les pauses non programmées, je me permets de descendre et de prendre une pause clope/café quand je sais que ça ne me mettra pas en retard sur mon planning du matin. Certaines se permettent de petit déjeuner, moi non, tout simplement parce que nous n'avons pas le temps. Je ne suis pas au travail pour manger, je commence tard donc je pars du principe que mon ptit dej est pris avant la prise de poste.
Ton travail est-il stressant et pourquoi ? Comment te sens-tu à la fin de la journée ?
Oui très. Pour plusieurs raisons. La cadence du matin et du soir au coucher est à la limite de l'infernal. Je dois faire le maximum de toilettes en un minimum de temps.
Ou le maximum de couchers en 1 h. Il y a aussi la pression des familles, qui payent cher et donc veulent toujours plus. Je me rappelle d'une fois où j'avais oublié de mettre la télécommande de la Tv sur la table de la dame (et je l'avais mise sur ses genoux). Son fils a fait un scandale à la directrice. Ou la fois où je n'avais pas mis de bretelles à un pantalon d'un monsieur qui de toute façon n'en avait pas besoin puisqu'il était en fauteuil roulant, et qu'il n'en voulait pas... La famille a aussi fait un scandale.
ON m'a même dit que j'étais maltraitante, parce que je n'ai pas voulu forcer une dame très très âgée à se lever. Le temps que je donne les plateaux dans d'autres chambres, j'y étais retournée après. Entre temps, une autre famille en face qui pourtant avait assisté à la scène où je me suis pris des coups a été se plaindre. Les journées sont longues. Souvent je rentre, je mange, je me douche et je pars me coucher.
Existe-t-il un comité d'entreprise ou un Comité hygiène et sécurité ? Que font-ils ?
Oui. Le CHSCT est venu plusieurs fois, mais c'est la dernière qui m'a le plus marqué: au lieu de nous défendre, ils ont enfoncé le clou en nous disant qu'on était déjà assez nombreux et qu'on avait juste une mauvaise organisation. Chacune avons une quinzaine de toilettes à faire en 3 h, mais nous sommes assez nombreuses. Notre DP est plus impliquée mais n'a pas énormément de poids.
Quels sont les syndicats présents dans l'entreprise ? Que font-ils ?
Aucun, pour le moment.
Que penses-tu et que pensent tes collègues des syndicats et du comité d'entreprise ?
Qu’ils ne servent à rien. On se sent vraiment abandonné et incompris.