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Première Conférence nationale des jeunes du NPA : Le secteur jeune commence à se structurer malgré toutes les entraves à son autonomie… mais ses dirigeants restent à mi-chemin par crainte d’affronter la direction
La première Conférence nationale des jeunes (CNJ) du NPA s’est tenue le week-end du 17 octobre à Paris. Prévue par les statuts du parti, devant initialement avoir lieu en mars dans la foulée du congrès fondateur, le Comité exécutif (CE) avait décidé son report à juin contre l’avis du secrétariat jeune, puis elle avait de nouveau été décalée à début octobre. Jusqu’à cette date, le secrétariat jeune était donc formé des volontaires qui s’y étaient présentés plus d’un an auparavant lors d’une conférence nationale, avant même la fondation du Nouveau Parti. Cette CNJ a au moins permis aux jeunes de se doter d’un secrétariat qu’ils ont élu.
Le secrétariat jeune avait soumis trois textes à la discussion. Un sur l’orientation, qui revenait sur la situation politique et définissait les tâches spécifiques pour la jeunesse, un autre sur la structuration, qui abordait les tâches pratiques (matériel, secrétariat) et deux motions contradictoires sur le journal jeune.
Ces textes avaient sciemment choisi d’éviter les questions « qui font débat dans le parti ». La discussion n’était autorisée qu’à traiter de l’ampleur des attaques du gouvernement, des revendications d’un « programme d’urgence » pour la jeunesse et du syndicalisme étudiant, mais les débats sur le type de parti que l’on souhaite, sur l’alternative entre réforme et révolution, sur les questions stratégiques et tactiques ou encore sur la nature de la formation qu’on offre, en étaient strictement proscrits.
Le texte d’orientation expliquait que la campagne centrale devait être celle de tout le NPA, sous le slogan « pas question de payer leur crise », déclinée spécifiquement pour la jeunesse. En outre, il revenait sur toutes les autres campagnes à mener. Il définissait les trois secteurs prioritaires de construction : les lycées, les facs et les jeunes travailleurs. La nécessité du travail envers les jeunes des quartiers populaires a été ajoutée par un amendement à l’initiative de la Tendance CLAIRE. Enfin, le texte proposait les pistes devant servir à la rédaction d’un programme d’urgence pour la jeunesse.
L’AG jeunes de Bordeaux a proposé un amendement qui insiste sur la nécessité de la construction dans la classe ouvrière, qui n’a malheureusement pas été accepté, par 38 voix contre et 34 pour. La Tendance CLAIRE proposait un amendement similaire (qu’elle a retirée pour celui de Bordeaux). Elle proposait également que le secteur jeune se définisse comme un secteur révolutionnaire et que les formations que les jeunes mettent en place s’assument comme des formations marxistes et qu’à l’université, qui contribue à produire non seulement des savoirs, mais aussi l’idéologie dominante, les jeunes du NPA mènent contre celle-ci un combat théorique.
Tous les militants qui intervenaient contre ces amendements le faisaient en arguant principalement que ces questions relevaient de tout le parti. Mais si le rôle de la CNJ n’était que de trouver une application particulière aux textes du congrès de fondation, alors comment parler encore d’une quelconque autonomie du secteur jeune ? L’autonomie des jeunes ne se réduit pas au droit de se réunir entre jeunes, mais implique celui de contribuer librement à l’élaboration et à adopter de véritables positions politiques, à la fois des décisions pour l’activité jeunes et des propositions pour tout le parti.
Certes, les textes fondateurs du parti laissent ouverte la question de la révolution : ils se disent pour la transformation révolutionnaire de la société, mais refusent à dessein de trancher davantage la question et d’élaborer une stratégie ouvertement révolutionnaire. Certes, il revient à un congrès de trancher ces questions au niveau du parti lui-même. Mais cela n’interdit nullement aux comités qui le souhaitent et notamment au secteur jeune autonome de prendre position quand ils le veulent sur la révolution, le programme, la stratégie, etc. ! Comment le NPA pourrait-il avancer et trancher des questions qui pour l’instant ne le sont pas, si tout le monde s’interdit même d’en discuter ?
D’autres réponses expliquaient que, « de toute façon, dans la pratique, nous sommes révolutionnaires » ; mais alors, pourquoi ne pas l’écrire ?
Le « programme d’urgence » proposé par le secrétariat proposait un ensemble de revendications justes en elles-mêmes, mais sans hiérarchie et dans la logique d’un programme minimum. La Tendance CLAIRE lui a opposé un programme de transition. Car ce qui différencie le programme d’un parti révolutionnaire de celui de partis réformistes comme le PC ou le PG, ce n’est pas seulement la radicalité des revendications qui y sont mentionnées, c’est la nature même du programme, et cette nature est différente selon que ce programme est au service de la révolution ou non. Le programme que présentaient les militants de la Tendance CLAIRE reprenait la quasi totalité des revendications proposées par le secrétariat, mais en les articulant à l’objectif de la révolution dans une logique transitoire : partir des revendications immédiates des jeunes pour les mener à la nécessité de détruire le système. Il ne s’agit pas d’un supplément d’âme révolutionnaire, mais le fait est que la satisfaction de ces revendications est en dernière instance incompatible avec le capitalisme et il faut donc le dire clairement aux travailleurs et aux jeunes. Par exemple, il ne s’agit certes pas de proposer aux étudiants uniquement la perspective d’une université socialiste sans s’intéresser à leurs revendications immédiates, mais des révolutionnaires ne peuvent pas non plus se contenter de revendiquer « de meilleurs diplômes » sans mettre en cause le cadre de l’université et de la société actuelles : il faut se doter d’un programme qui articule les revendications immédiates au combat pour une « université au service des travailleurs », pour que les facultés soient gérées collectivement par les étudiants, les personnels BIATOS et les enseignants, avec une majorité étudiante, et pour la mise en cause des rapports sociaux actuels. En outre, nous devons expliquer dans ce programme spécifique à la jeunesse que la satisfaction de ses revendications n’est possible que par l’alliance avec le prolétariat, seul capable de mener jusqu’au bout la lutte contre la bourgeoisie et son système.
La Tendance CLAIRE proposait aussi que le secteur jeune se prononce sur la question des alliances électorales, que la direction a malheureusement mise au centre de l’activité du NPA. Alors même que la direction du parti invite tous ses membres à donner leur avis sur ces alliances, il est inadmissible que les responsables du secteur jeune aient refusé cette discussion ! Lors de l’Assemblée générale de la région parisienne, des militants ont même dit leur accord avec notre texte, mais ils affirmaient que la CNJ n’était pas le lieu d’exprimer leurs positions. En somme, le secteur jeune en tant que tel n’aurait pas le droit de s’exprimer sur une campagne qui concerne tout le parti et à laquelle il va participer avec toutes ses forces.
Débat sur la structuration
Le texte sur la structuration traitait essentiellement de questions pratiques : matériel, secrétariat, réunions, etc. Le texte n’insistait pas sur le fait que ces mesures pratiques sont liées à l’autonomie du secteur jeune. Mais la question est apparue en filigrane au long de la discussion.
Un amendement a été soumis sur la question du budget : il proposait que les jeunes ne demandent pas au CPN un budget global, mais qu’ils facturent point par point leurs besoins et qu’on leur donne de l’argent en fonction. Heureusement cet amendement n’a pas été accepté, car il revenait à un affaiblissement de l’autonomie du secteur jeunes qui n’aurait plus été maître de ses dépenses.
L’amendement qui proposait que le secrétariat soit ouvert aux membres des autres commissions, CILT, etc., a également été rejeté, considéré par l’assemblée comme attentant également à l’autonomie des jeunes.
La Tendance CLAIRE proposait un amendement à l’introduction du texte. Il aurait bien sûr été prématuré à ce stade de proposer que cette assemblée se déclare une organisation autonome. Mais l’amendement demandait simplement que les jeunes du NPA affirment agir à terme pour la création d’une organisation révolutionnaire autonome de la jeunesse. Lors de l’AG parisienne, les militants opposés à cet amendement ont refusé la discussion en allant jusqu’à dire que cette question relevait de l’ensemble du parti ! Lors de la CNJ elle-même, des militants expliquaient que l’amendement comportait plusieurs fois le mot « révolutionnaire » et que cela suffisait en soi pour le rendre inacceptable.
Débat sur le journal jeune
Deux motions contradictoire étaient soumises au vote, l’une majoritaire au sein du secrétariat et l’autre minoritaire. La première se prononçait en faveur d’un journal jeune, conformément aux textes du congrès du parti. La seconde demandait qu’un quatre-pages soit intégré au journal du parti, Tout est à nous. Le principal argument invoqué contre un journal jeune est qu’il entrerait en concurrence avec Tout est à nous et qu’en outre les jeunes à qui nous nous adressons doivent s’intéresser à toutes les questions du parti. À l’argument démocratique qui invoquait un vote de congrès, certains militants répondaient qu’il y avait eu beaucoup d’amendements votés au cours du congrès et que donc le congrès avait pu ne pas être attentif à l’un des amendements qu’il votait. Il est vrai que la méthode consistant à proposer des centaines d’amendements sans la moindre priorité a empêché bien des discussions fondamentales lors du congrès, comme nous l’avions pour notre part critiqué ; mais à ce compte-là, ce sont toutes les décisions de congrès que l’on pourrait remettre en question et tout le monde sait que justement l’amendement sur la jeunesse a réellement été discuté au congrès et a même été l’un des rares amendements soumis et adoptés en séance plénière.
L’argument principal avancé en faveur d’un journal jeune a été qu’il serait plus facile de gagner des jeunes avec un journal qui s’adresserait directement à eux. Mais seule la Tendance CLAIRE a expliqué qu’il faut d’abord et avant tout que les jeunes du parti, dans le sens de leur autonomie, s’entraînent à l’élaboration d’une politique, à la conception d’un journal pour s’approprier réellement les questions du parti. Cet argument-là a été, soigneusement évité car l’autonomie du secteur jeune était un sujet tabou de cette discussion, au lieu d’y être centrale ! Alors que, pour répondre de manière convaincante aux opposants au journal, il fallait montrer qu’ils en devenaient des opposants à l’autonomie du secteur jeunes car cette autonomie est un leurre sans moyens d’expression propres.
Des atteintes à la démocratie qui rendent criante l’absence de souveraineté de la CNJ
Ce refus de mettre au centre l’autonomie du secteur jeune a conduit à une grave mise en cause de la souveraineté de la CNJ. Nous avons déjà vu comment les débats politiques de fond ont été empêchés. Mais cela s’est vérifié également au moment de l’élection des délégués et des membres des secrétariats.
Lors de l’AG parisienne, qui a rassemblé 107 militants, la désignation des délégués à la CNJ ne s’est pas faite sur la base de la proportionnelle. Les militants de la Tendance CLAIRE demandaient que l’ensemble de leurs amendements soient soumis comme plate-forme et que le nombre de délégués attribués à chaque plate-forme le soit sur la base de la proportionnelle. C’est selon nous une question de principe que d’accepter de soumettre au vote les plates-formes de tous les militants qui le souhaitent. Outre qu’il s’agit d’une question de principe, c’est également une règle qui figure dans les statuts du parti, comme conséquence du droit de tendance. Certains militants répondaient qu’il ne s’agissait pas là d’un congrès et que donc le vote à la proportionnelle ne pourrait pas avoir lieu ; pourtant, n’était-ce pas conférence nationale convoquée pour définir l’orientation du secteur jeunes,élire sa direction ? Il est donc évident que les règles devaient être les mêmes que dans un congrès ! D’ailleurs, le texte soumis au CPN des 7-8 novembre par les camarades de la gauche du parti, notamment les dirigeants du secteur jeune membres du CPN, qui s’opposent aux alliances électorales avec le PG et le PCF demandent à juste titre une « conférence nationale » en décembre pour trancher cette question ; or cette conférence ne serait pas un congrès, mais ils n’en demandent pas moins à juste titre le droit de constituer des plates-formes et d’élire les délégués à la proportionnelle…
Dès lors, pourquoi avoir déployé lors de la CNJ un tel zèle pour empêcher l’application de la démocratie la plus évidente ? C’est que si un vote à la proportionnelle avait été effectué pour l’élection des délégués, non seulement la Tendance CLAIRE (qui représentait 10% de l’AG parisienne) aurait eu trois délégués au lieu des deux qui lui ont été concédés, mais en outre elle aurait eu des représentants au secrétariat de la région parisienne et au secrétariat national. C’est ce qu’il fallait à tout prix éviter : depuis le congrès de fondation où la Tendance CLAIRE a été écartée du CPN par une manœuvre anti-démocratique et anti-statutaire, la direction du parti refuse de la rétablir pleinement dans ses droits. Lors de la CNJ, ses militants ont eu le droit de présenter des textes alternatifs, des amendements qui sont soumis au vote, mais non celui d’être représentés dans les instances de direction en fonction de nombre de militants qu’ils représentent.
Lors de l’AG parisienne, des dirigeants jeunes ont tenté de justifier ce refus par diverses contorsions, mais nul n’a pu dire que les militants de la tendance CLAIRE violeraient les statuts du NPA. Dans ces conditions, il est évident qu’ils doivent avoir exactement les mêmes droits que tous les autres militants du NPA, y compris le droit de tendance. Mais lors de la CNJ elle-même, la véritable raison de ce refus a été avancée : l’intégration de la Tendance CLAIRE dans des instances dirigeantes de l’organisation revenait à reconnaître son existence alors que le CE refuse de le faire. Cela aurait commencé à réparer l’injustice qui a été commise au congrès de fondation et par là même à contester la direction du parti qui l’a commise et cautionnée. Cela prouve d’une part que les dirigeants jeunes se soumettent à la direction du parti au lieu d’assumer l’autonomie que le congrès leur a donnée. Cela confirme d’autre part que la conférence nationale de la jeunesse n’était donc pas souveraine, puisqu’elle n’avait pas le droit d’appliquer les statuts pour la désignation de sa direction. D’ailleurs, les organisateurs de la CNJ n’ont même pas évoqué un contrordre explicite du CE : ils ont simplement dit que le CE était « en discussion » sur le cas de la Tendance CLAIRE… Nous avons été ravis de l’apprendre, mais d’abord le CE est soumis au CPN, qui n’en a encore jamais discuté, et ensuite aucune « réflexion » du CE n’a le pouvoir de suspendre l’application des statuts votés par le congrès !
Selon nous, cet événement est très inquiétant, car bien au-delà de la Tendance CLAIRE, cela entérine et renforce le précédent du congrès de fondation en autorisant la violation des statuts dès que des tendances qui gênent la direction se dessinent. Il est nécessaire que le NPA se ressaisisse et rende vivants les principes démocratiques qui sont officiellement les siens. C’est une question fondamentale pour construire un parti réellement nouveau qui acquiert la confiance des travailleurs et des jeunes écœurés par les appareils politiciens du système et notamment de la gauche institutionnelle. C’est essentiel aussi pour que les idées révolutionnaires puissent être défendues librement dans le parti, sans que leurs promoteurs aient à risquer de subir les foudres de la direction.