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Grèce : Quelles perspectives après la belle victoire du NON au référendum ?
La séquence politique qui a conduit au référendum du 5 juillet
Depuis son accession au pouvoir le 25 janvier, le gouvernement de coalition Syriza-Anel passe l’essentiel de son temps à négocier avec la Troïka. Il a multiplié les concessions en vue d’obtenir un accord permettant l’accès à de nouveaux prêts. Le 20 février, il acceptait un accord cadre qui le faisait renoncer à toute mesure unilatérale et souscrire au catéchisme promu par les institutions internationales : flexibilisation du marché du travail, libéralisation des marchés des biens et services, remboursement de la dette, diminution des dépenses publiques, etc1. Mais la Troïka n’a pour autant débloqué aucun fond, car elle demandait du « concret ». Et Tsipras a progressivement lâché de plus en plus de lest, jusqu’à proposer un accord qui reprenait la quasi-intégralité des exigences de la Troïka : suppression des retraites anticipées, âge de départ à la retraite à 67 ans d’ici 2025, hausse de la TVA, amplification des privatisations en 2016, etc2. Autrement dit, Tsipras était d’accord pour un nouveau mémorandum austéritaire, à condition que la Troïka consente à envisager une « restructuration » de la dette. Et la Troïka a refusé de lui accorder ce qu’elle avait pourtant accordé à Samaras (car la dette grecque a déjà été « restructurée »)3. Dès que Tsipras faisait des concessions, elle en demandait toujours plus, rendant impossible la conclusion d’un accord. Tsipras était piégé. Il faut dire que entamer une négociation sans agiter la moindre menace, c’est se condamner à subir le jeu de l’adversaire et supplier l’adversaire d’être clément4. Donc même si Tsipras n’envisageait pas de sortir de l’euro, il avait intérêt à agiter cette menace pour obtenir quelques concessions.
Tsipras était donc dans une impasse : il ne pouvait pas signer l’accord scélérat que lui proposait la Troïka sans perdre toute crédibilité ; il ne voulait pas non plus rompre avec la Troïka et donc avec l’UE et l’euro. Tsipras aurait pu faire le constat de l’échec des négociations et en tirer les conséquences en prenant des mesures unilatérales de rupture. Mais il a préféré sortir la carte du référendum vendredi 26 juin qui lui évite provisoirement de choisir entre ces deux options, en gagnant quelques jours.
La victoire du NON malgré la coalition de toutes les forces du système capitaliste et malgré l’absence de perspectives données par Tsipras
Le NON a gagné malgré la campagne d’abrutissement et de terreur qui s’est abattue sur les travailleurs/ses grec-que-s :
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Le patronat grec a promis des vagues de licenciement, le non paiement des salaires en cas de victoire du NON
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Les dirigeants de la principale confédération du privée (GSEE) ont demandé l’annulation du référendum puis ont signé un communiqué commun avec le patronat pour appeler à voter OUI
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L’Église orthodoxe a fait campagne pour le OUI
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Les médias privés ont mis le paquet pour faire la propagande du OUI. Pour l’anecdote, Nikos Aliagas, vedette de TF1, a harangué la foule au meeting du OUI l’avant-veille du scrutin
Les travailleur/se-s grec-que-s ont eu bien du mérite à vaincre cette odieuse campagne, d’autant plus que Tsipras ne leur a donné aucune perspective crédible. Il a fait croire que la victoire du NON allait ébranler la Troïka et la forcer à faire des concessions importantes, ouvrant la voie à la conclusion d’un bon accord dans les 48h et à la réouverture des banques dès mardi 7 juillet. Mais pour les Grec-que-s, l’essentiel était bien de rejeter la Troïka et les mesures d’austérité.
Jusqu’au bout, Tsipras a tenté d’arracher un accord avec la Troïka. Dès le lendemain de l’annonce du référendum, Varoufakis a indiqué qu’il était encore possible de conclure un accord, et que dans ce cas il appellerait à voter OUI ! Mardi 30 juin, Tsipras a envoyé une nouvelle lettre à la Troïka, faisant des concessions supplémentaires, notamment sur le passage de l’âge de départ à la retraite à 67 ans dès 2022 (exigence du FMI). Mais il s’est pris un vent par la Troïka qui a misé sur la victoire du OUI pour en finir avec l’expérience Syriza. Mais cet acharnement à vouloir trouver un accord odieux avec la Troïka n’a pu qu’alimenter les discours sectaires du KKE (parti stalinien, encore puissant) qui a appelé à voter NUL sous prétexte qu’une victoire du NON ouvrirait la voie à un mémorandum quasi identique, celui proposé par le gouvernement grec.
La victoire du OUI aurait été catastrophique, en Grèce et dans toute l’Europe, et c’est pour cela qu’il fallait faire campagne pour le NON, sans apporter le moindre soutien politique à l’orientation de Tsipras. Elle aurait donné une légitimité populaire aux mémorandums, malgré les conditions odieuses de la campagne. Elle aurait accentué la démoralisation parmi les travailleur/ses-s en assénant qu’il n’y a pas d’alternative à l’austérité. Avec la victoire du NON, la bourgeoisie internationale et grecque a subi une défaite, et la situation reste ouverte. Contrairement à ce que dit le KKE, le NON n’est pas un OUI au mémorandum proposé par Tsipras. Mais le référendum n’apporte aucune solution. Sans mobilisation, Tsipras capitulera devant la Troïka, parce que son orientation anti-austérité dans le cadre du capitalisme et de l’UE ne lui laisse pas d’autre choix. D’où l’importance que les anticapitalistes proposent leurs solutions et donnent des perspectives aux travailleur/ses-s.
Un enjeu immédiat et incontournable : développer les mobilisations pour imposer au gouvernement Tsipras la rupture des négociations avec la Troïka, et donc la rupture avec l’UE et l’euro
La gauche anticapitaliste grecque (Antarsya, EEK, OKDE…) critique à juste titre le choix de Tsipras de continuer les négociations. La Troïka étrangle la Grèce. En rationnant les liquidités versées aux banques grecques, la BCE a contraint le gouvernement grec à fermer les banques et à limiter les retraits à 60 euros par jours. La Troïka met à genoux l’économie grecque pour forcer Tsipras à conclure un accord dans les pires conditions. Malgré la victoire du NON, Tsipras n’est pas en position de force dans les négociations qu’il s’acharne à poursuivre. La Troïka n’a rien cédé et ne cédera rien, car elle sait que Tsipras ne pourra refuser l’accord qu’elle lui dictera s’il se refuse à rompre avec l’UE. Or, Tsipras se soumet au terrorisme de la Troïka. Cela ne peut plus durer. La question de la rupture avec l’euro ne peut plus être esquivée. Les anticapitalistes qui refusent de poser cette question refusent d’apporter des réponses concrètes à une situation concrète. On ne peut pas rompre avec la Troïka, et encore moins annuler la dette, nationaliser les banques, les entreprises stratégiques sans rompre avec l’UE. Donc il faut le dire. Cela n’aurait évidemment rien à voir avec une politique bourgeoise nationaliste, mais c’est la condition de toute politique anticapitaliste concrète !
Les lendemains de fête sont souvent difficiles. Dès lundi 6 juillet, Tsipras a annoncé la couleur. Il a viré Varoufakis dont les créanciers avaient réclamé la tête. Il a proclamé l’union nationale et une déclaration commune à Syriza, Anel, le Pasok, Potami, Nouvelle démocratie a été rédigée, appuyant la proposition de mémorandum du gouvernement et actant la volonté de rester dans l’UE à tout prix. Alors que les travailleur/ses-s se sont mobilisés en masse pour faire triompher le NON, Tsipras prétend que les partisans du OUI et du NON sont en fait d’accord sur l’essentiel !
La Troïka durcit le ton. La BCE ferme toujours les robinets. Elle a même durci lundi 6 juillet les conditions imposées aux banques grecques pour accéder aux fonds d'urgence. L’Allemagne affirme qu’elle ne fera aucune concession. Pour Mediapart, un conseiller important du gouvernement grec affirme : « J'ai dit à Varoufakis : 'Nous devons faire savoir qu'ils sont en train de commettre un crime équivalent à un crime contre l'humanité. Toute l'économie est détruite (…) Nous ne pouvons continuer comme cela car cela reviendrait à ce que nous légitimions ce crime'. Pour moi, c'est abominable. Ce n'est pas une négociation, c'est un acte de torture, comme s'ils nous demandaient de donner les noms des partisans »5. Et ce crime était prémédité puisque dès début février, Dijsselbloem (président de l'Eurogroupe) a dit à Varoufakis : « Soit vous signez le mémorandum, soit votre économie va s'effondrer. Comment ? Nous allons faire tomber vos banques ».
Tsipras, en bon élève, accepte l'inacceptable et continue les négociations, rédige une nouvelle copie qui sera examinée mercredi 8 juillet par la Troïka. Et il s’apprêtait mardi soir (7 juillet) à faire des concessions supplémentaires.
En l’absence de mobilisation, l’issue ne fait aucun doute : Tsipras signera un accord odieux avec la Troïka. Il est donc décisif que des mobilisations importantes se développent pour empêcher cela, pour imposer la rupture avec la Troïka et des mesures d’urgence : réquisition de la banque centrale grecque et donc rupture avec l’euro, annulation de la dette, nationalisation sous contrôle des travailleurs des banques et des entreprises stratégiques. Ces mesures seraient les premières d’une politique de rupture avec le capitalisme. Les anticapitalistes grec-que-s d’Antarsya mobilisent sur cette base là, et nous devons leur apporter notre soutien, en faisant connaître leur combat, et en mobilisant ici sur les mêmes bases, et non pour une autre Europe, pour une autre BCE, pour un autre François Hollande. Seule la mobilisation des travailleur/se-s de Grèce, avec le soutien de celles et ceux d’Europe, pourra les imposer, mais il faut défendre d’urgence ces objectifs, car toute lutte suppose d’afficher clairement la perspective pour laquelle on se bat et on appelle à se battre !
Solidarité avec les travailleur/ses-s grec-que-s qui ont infligé une défaite retentissante à la bourgeoisie internationale !
Solidarité avec les anticapitalistes grec-que-s qui nous montrent la voie !
Rupture immédiate des négociations avec la Troïka ! Réquisition immédiate de la Banque centrale grecque ! Rupture anticapitaliste avec l’UE !
Nationalisation sous contrôle des travailleur/se-s des banques et des entreprises stratégiques !
La question politique immédiate et décisive que les anticapitalistes esquivent : celle de la monnaie !
La banque centrale grecque doit être réquisitionnée et émettre une nouvelle monnaie pour mettre fin aux diktats de la BCE. Contrairement à ce que préconise la gauche de Syriza, cette nouvelle monnaie doit être inconvertible. Sinon, sa parité sera déterminée par les marchés financiers et les riches Grec-ques qui ont mis leurs euros à l’abri pourront décupler leur richesse en convertissant leurs euros dans la nouvelle monnaie dévaluée. C’est inacceptable. Les partisans de l’euro à tout prix ont beau jeu de souligner les conséquences négatives d’une sortie de l’euro dans le cadre capitaliste. Mais il existe une alternative sur le plan monétaire : l’émission d’une monnaie inconvertible et le monopole étatique du commerce extérieur, qui permettent d’éviter les conséquences négatives de la sortie capitaliste de l’euro. Pour engager un réel processus de rupture avec l’austérité, il faut que les travailleurs aient leur propre gouvernement et exercent leur pouvoir sur l'économie : sur les secteurs clé de l'économie, sur le commerce extérieur, et bien sur la monnaie qui ne doit plus être émise par les banques privées et contrôlée par les marchés financiers.
Si le gouvernement grec émettait, via la banque centrale, une nouvelle monnaie inconvertible :
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les dépôts en Grèce seraient convertis en nouvelle monnaie (appelons la, drachme)
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les détenteurs de monnaie étrangère (dont l’euro) ne pourraient pas convertir librement leur monnaie en drachmes, et donc s’approprier les ressources produites en Grèce. Pour les riches Grec-ques qui ont stocké des euros à l'étranger ou sous leur matelas, un taux de conversion sera décidé par le gouvernement.
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Le commerce extérieur serait contrôlé par les autorités publiques. Les exportations grecques permettraient d’obtenir des devises étrangères qui permettraient de financer les importations (payées en devises étrangères). L’accès aux devises étrangères serait contrôlé par l’État via un taux de change administratif. Un-e Grec-que qui voudrait se rendre à l’étranger (ou une entreprise qui voudrait importer) pourrait bien sur acquérir des devises étrangères en convertissant ses drachmes au taux de change officiel. Inversement, une entreprise qui exporte obtiendrait des drachmes : les devises étrangères seraient sous le contrôle d’un office du commerce extérieur qui verserait ensuite l’équivalent en drachmes (au taux de change officiel) à l’entreprise exportatrice. L’office du commerce extérieur devrait veiller à l’équilibre entre les exportations et les importations.
Tous les contempteurs anticapitalistes de la rupture avec l’UE reprennent les discours catastrophistes des libéraux européistes. Ils reprennent également leurs arguments. Et ils n’envisagent pas une seule minute ce que pourrait être une rupture anticapitaliste avec l’euro. L’extrême gauche est incapable de formuler une alternative concrète à l’impasse dans laquelle se trouve Tsipras. Du coup, le discours dominant oscille entre suivisme à l’égard de Tsipras et anticapitalisme abstrait… et aucun soutien n’est apporté à l’orientation de rupture anticapitaliste avec l’UE portée par la gauche anticapitaliste grecque.
Heureusement, la gauche anticapitaliste grecque est bien plus à la hauteur de la situation que l’extrême gauche routinière et ronronnante en France. La Tendance CLAIRE du NPA essaie au maximum de ses moyens de relayer les positions de nos camarades grec-que-s. Les adversaires d’Antarsya en Grèce le reconnaissent : les cortèges d’Antarsya sont de plus en plus gros, car Antarsya a le mérite d’éviter tout sectarisme tout en maintenant une indépendance politique stricte par rapport à Syriza, et en proposant un programme de rupture concret avec la Troïka, l’UE, et le capitalisme.
1 Cf. http://tendanceclaire.npa.free.fr/article.php?id=714
2 Cf. http://tendanceclaire.npa.free.fr/article.php?id=764
3 Tsipras demandait donc à la Troïka une concession « symbolique » qui ne coûtait rien à la Troïka : discuter de la restructuration de la dette. C’était d’autant moins une concession pour la Troïka que tout le monde sait que cette dette devra être à nouveau restructurée…. précisément pour que la Grèce continue à payer ! Samaras avait obtenu une restructuration de la dette, et personne n’avait applaudi… mais les supporters de Tsipras, Front de gauche en tête, sont prêts à célébrer la victoire si Tsipras obtient cette « concession ». Cela en dit long sur nos dirigeants antilibéraux et les illusions qu'ils sèment !
4 Tsipras a d’ailleurs multiplié les appels à la clémence jusqu’à la veille du référendum. Quelques jours avant le référendum, il demandait à la Troïka d’accorder « une période de grâce de 20 ans à la Grèce »…
5 « Un insider raconte: comment l'Europe a étranglé la Grèce » (Mediapart, 7 juillet 2015)