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Au-delà de la majorité macroniste... la défiance aujourd’hui, la mobilisation demain ?
Abstention massive des jeunes et des travailleurs/ses
L'abstention est gigantesque : 57,4%. Si on ajoute les votes blancs et nuls (presque 10% des votes !), plus de 61,6% des électeurs ont refusé de voter pour un candidat en lice.
L'abstention n'est pas uniformément répartie, loin s'en faut : les trois quarts des moins de 25 ans se sont abstenus. C'est aussi le cas de 70% des ouvriers. Les jeunes et les travailleurs ont donc massivement boycotté ce deuxième tour, dans le prolongement et l'amplification du premier tour. Ce sont avant tout les riches et les vieux qui sont allés voter, ce qui avantage structurellement « En marche » et les Républicains et désavantage le FN et la France insoumise (FI). Cela est d'ailleurs confirmé par l'enquête Ipsos sortie des urnes : plus de 60% des électeurs de Mélenchon et Le Pen se sont abstenus alors que 40% des électeurs de Fillon et Macron se sont abstenus. L'abstention différentielle est énorme, ce qui confirme le fait qu'une partie importante des catégories populaires ne se mobilisent que pour l'élection présidentielle. Ce phénomène structurel a été amplifié cette fois-ci par le fait que Macron est le représentant direct des élites, et que l’écœurement ressenti par une partie des catégories populaires s'est malheureusement traduit par l'abstention (avec l'idée que les jeux étaient faits), et pas par un vote de défiance à l'égard du nouveau pouvoir.
La vague Macron déjà en reflux
A l'issue du premier tour, Macron pouvait espérer plus de 450 députés à sa botte. Avec seulement 16% des inscrits, « En marche » et le Modem se dirigeaient vers une majorité pléthorique... alors que dans le même temps, 60% des gens affirmaient vouloir que Macron ne dispose pas d'une large majorité à l'assemblée. Cela montre le caractère anti-démocratique de ces institutions, issues du putsch gaulliste de 1958. Dans le même temps, plus de 70% des Français se prononcent pour le scrutin proportionnel.
Le deuxième tour a corrigé le premier tour. Même si Macron a bien sur profité de l'abstention populaire massive, son camp (En marche et Modem) obtient autour de 350 députés, bien moins que ce qui était prévu. Cela profite surtout aux Républicains, mais aussi à France insoumise et dans une moindre mesure au PS. Le « bloc bourgeois » de Macron aura donc une large majorité à l'assemblée mais ce deuxième tour tonne déjà comme un avertissement : le « bloc bourgeois » de Macron suscite la défiance d'une grande majorité des couches populaires, qui s'est exprimée majoritairement dans l'abstention, et de façon plus limitée dans le vote FN ou FI. Les institutions anti-démocratiques de la 5ème République et le matraquage médiatique ont permis à Macron de disposer d'une majorité à l'assemblée, mais son caractère artificiel est d'ores et déjà palpable.
La droite obtient 135 députés
Le nombre de députés de droite diminue fortement par rapport à 2012, mais la droite sauve les meubles. Parmi la grosse centaine de députés LR-UDI, une quinzaine doivent leur élection à l'absence de candidats « En marche » face à eux : ceux-là pourraient logiquement voter la confiance à Macron, si bien que le groupe LR pourrait voler en éclat très rapidement autour du positionnement par rapport au gouvernement. Il faut dire qu'on ne voit pas trop ce qui distingue LR et « En marche » sur l'essentiel, à savoir la destruction programmée du code du travail et des acquis sociaux.
Le FN obtient 8 députés
Le FN confirme son ancrage dans l'ancien bassin minier du Pas de Calais. Il obtient 4 députés dans ce département et 1 autre siège dans le département voisin du Nord. A ceux là s'ajoutent Collard dans le Gard, l'épouse de Ménard dans l'Hérault, et le compagnon de Le Pen dans les Pyrénées orientales. Il faut aussi ajouter à ces 8 députés FN l'élection de Bompard dans le Vaucluse (Ligue du Sud) et celle de Dupont Aignan qui sauve sa peau dans l'Essonne. Malgré la déperdition très forte de ses voix depuis la présidentielle, le FN progresse donc significativement en sièges.
A gauche de Macron, l'hégémonie de la France insoumise
La France insoumise a fait nettement moins bien que Mélenchon lors du premier tour des législatives. Mais elle a réussi son pari de s'imposer comme la première force d'opposition de gauche à Macron. La dynamique militante s'est poursuivie après la présidentielle, et dans de très nombreuses circonscriptions, le candidat FI est passé devant le député PS sortant (parfois soutenu par les Verts ou le PCF). Si certains ont préféré remarqué le score très faible de la «gauche », en mettant le PS sur le même plan que FI (c'est malheureusement ce que fait la direction du NPA, qui reproche à Mélenchon d'avoir divisé la gauche), il faut surtout noter l'effondrement du PS, et le fait que pour la première fois depuis les années 1970 la gauche antilibérale passe devant le PS : FI+PCF ont réuni près de 14% des suffrages (deux fois plus qu'en 2012), alors que le PS et les divers gauches sont passés de 34,4% à 9,5% !
Le PS n'obtient que 30 députés, dont 5 l'ont été grâce au fait que « En Marche » n'a pas présenté de candidat contre eux. Malgré cela, Myriam El Khomri et Marisol Touraine sont tellement détestées qu'elles ont été battues ! Tous les frondeurs sauf Juanico ont été battus, ce qui montre que rester au milieu du gué ne paie pas. Le PS aura donc de quoi faire un groupe (il faut ajouter une grosse dizaine de divers gauche, dont certains doivent aussi leur salut au fait que En marche les a épargnés), mais celui-ci risque l'explosion dès le vote de confiance au gouvernement. EELV n'aura plus qu'un seul député... qui a été élu avec le soutien implicite d'En marche qui n'avait présenté personne face à lui.
France insoumise pourra constituer un groupe sans être dépendant du PCF. Il obtient 14 députés avec la seule étiquette France insoumise. A ceux là, il faut ajouter les nouveaux députés que France insoumise a soutenu dès le premier tour : Ruffin, Autain (Ensemble) et 7 PCF. Le PCF ne parvient à faire élire que 4 députés sans le soutien de FI au premier tour, dont André Chassaigne dans le Puy-de-Dôme. Au total, France insoumise et le PCF obtiennent 27 députés, auxquels il faut ajouter au moins deux députés de la Réunion qui ont soutenu Mélenchon à la présidentielle. FI/PCF obtient 7 députés sur 12 en Seine Saint Denis (alors que le PS est complètement éradiqué de ce département) et FI remporte à la surprise générale les deux sièges de l'Ariège. Dans beaucoup de circonscriptions (comme en Haute-Garonne), FI échoue de très peu.
Le PCF claironne qu'il a plus de députés qu'en 2012 : 11 au lieu de 9. Certes, mais 7 d'entre eux le deviennent parce que la France insoumise les a soutenus dès le premier tour. En fait, le PCF continue à sombrer et à semer la confusion, en soutenant des députés PS sortants plus ou moins frondeurs. Pierre Laurent a même trouvé malin d'apporter son soutien à Vallaud-Belkacem (qui a soutenu et participé à toutes les saloperies de Hollande). La palme revient quand même aux conseillers municipaux PCF d’Évry qui ont soutenu Valls (ou plutôt leur gagne pain) face à la France insoumise. Ce n'est pas en pleurnichant contre le méchant Mélenchon que le PCF pourra se redresser.
La France insoumise a donc réussi son pari. Elle incarne dorénavant l'opposition de gauche à Macron. Elle a réussi à impliquer beaucoup de monde dans ses campagnes législatives. Le pari de Mélenchon de « remplacer le PS » commence à être gagné. Surtout, la France insoumise se positionne pour être la force qui peut capitaliser sur le fort mécontentement populaire qui arrivera très vite en réaction aux attaques de Macron. Mélenchon aspire aujourd'hui à être le débouché politique des futurs mouvements sociaux.
Un deuxième tour qui fragilise Macron
L'abstention massive pose la question chez beaucoup la légitimité de la majorité macroniste. Le reflux entre les deux tours des candidats « En marche » montre qu'il n'y a pas d'état de grâce, en dépit de l'acharnement des médias à vanter les mérites du président jupitérien. Tout l'enjeu de la prochaine période sera de transformer cette défiance silencieuse en défiance active sur le terrain de la lutte des classes. Car face à des attaques historiques contre nos acquis sociaux, il faudra construire une grève générale paralysante pour mettre en échec les contre-réformes du gouvernement. Le congrès de « Solidaires » fixe l'objectif de la grève générale. Il faut dorénavant construire un plan de mobilisation à la hauteur pour se donner les chances d'atteindre cet objectif. Cela passe par le combat pour imposer aux directions syndicales la rupture du dialogue social avec le gouvernement, et la présentation d'un plan de mobilisation se donnant pour objectif le blocage du pays si Macron maintient ses projets d'ordonnance. Le « Front social » qui regroupe les courants les plus combatifs du mouvement ouvrier doit aujourd'hui servir à cela. Les rassemblements du 19 juin dans 34 villes de France ont été modestes, mais significatifs, regroupant plusieurs milliers de militants. Le combat ne fait que commencer.