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Corse : forte mobilisation populaire pour le droit à la santé de tous et toutes!
Le 8 mai 2011 éclatait en Corse un conflit social, lancé par le STC (Syndicat des Travailleurs Corses, premier syndicat de l’Île), dont les revendications touchaient à la défense du service public de santé. La première de celles-ci est la revalorisation du coefficient géographique de 13% comme préconisé par la Fédération Hospitalière Française. Il s’agit de prendre en compte l’éloignement, les frais de transports par rapport au continent, pour que la dotation financière puisse être égale à celles d’autres régions. À titre d’exemple, il est de 25% aux Antilles et en Guyane, de 30% à la Réunion, de 7% dans l’Essonne et dans les autres départements de la région parisienne et de 6% en Corse (1)...
Contre la privatisation, pour un hôpital 100% public
Il s’agit également de se mobiliser contre le projet de partenariat public/privé pour le futur hôpital d’Ajaccio ; il comprendra indirectement les deux cliniques et Castelluccio afin de créer un seul pôle santé en Corse du Sud. Selon le STC, « on sait pertinemment que le privé gardera ce qui est rentable comme la cardiologie, le scanner ou la cancérologie et que le secteur public sera le parent pauvre et manquera cruellement de moyens ». Le futur hôpital d’Ajaccio, qui serait érigé sur un terrain de 15,5 hectares au Stiletto (dont 8 sont constructibles), présente de nombreuses « incohérences ». L’Agence Régionale de Santé (ARS) fait fi de tous les accords conclus en 2009. « Il reste hypothétique et c’est un montage grossier entre le public et le privé, alors que les fonds viennent à 100% de l’État : il prévoit un démantèlement de Castelluccio », développe Tony Pruneta (2) C’est donc un combat pour un hôpital d’Ajaccio 100% public et pour la pérennité des différentes structures publiques de santé, sans démantèlement ni fermeture, sans suppression d’emplois et sans perte de volumes d’activités.
À tout cela s’ajoute plusieurs autres revendications, comme la création de lits publics pour l’accueil des personnes âgées, la création d’une École Régionale de Santé au Pôle Universitaire de Corte, le paiement des comptes épargne-temps des salariés, la défense du patrimoine hospitalier... Tout ceci entre en compte dans un protocole d’accord signé en 2009 entre l’État, par l’entremise de l’Agence Régionale de la Santé, et les syndicats hospitaliers.
Occupation, blocages, grève
Suite à l’échec des négociations, une centaine de syndicalistes envahissent l’immeuble Castellani qui abrite les locaux de l’ARS. « Nous resterons tant que le protocole d’accord de restructuration de l’hôpital signé il y a un an, ne sera pas respecté », expliquait Tony Pruneta, le porte-parole du mouvement. Au départ, ce mouvement est uniquement animé par le STC et soutenu seulement par la sphère nationaliste corse (syndicats étudiants, partis autonomistes bourgeois comme le PNC, partis indépendantistes bourgeois comme Corsica Libera, partis indépendantistes d’extrême gauche comme A Manca, organisation sœur du NPA, et Scelta Para).
Le conflit se durcit et, dès le 13 mai, un premier bateau est bloqué dans le port de Bastia par le STC. Au fur et à mesure, tous les centres administratifs des hôpitaux publics de Corse entrent en grève, sont bloqués, occupés.
Le 19 mai, déçues par la tournure des négociations, FO, la CGT et la CFDT rejoignent le mouvement, mais elles resteront plus en retrait, la CGT critiquant même la mobilisation par le biais de l’Intranet de l’Hôpital de Bastia le 26 mai...
Le 26 mai, le STC lance une journée de grève générale et de blocage de l’Île, qui est très suivie dans les ports, dans les dépôts pétroliers, pour instaurer un plus gros rapport de forces dans les négociations avec l’ARS. Le syndicat quitte à plusieurs reprises la table des négociations. Plusieurs rassemblements ont lieu devant l’hôtel où elles se déroulent. La pression est telle que le patronat local (Medef, CGPME, CCI de Corse du Sud) demande à M. Blais, directeur de l’ARS en Corse, de répondre aux revendications des syndicats.
Des actions ont même lieu pendant le tournage de la série Mafiosa de Canal Plus à l’hôpital de Bastia. Les blocages sont levés, les occupations se maintiennent, mais les négociations n’avancent toujours pas. Poussés par le STC, les autres syndicats claquent régulièrement la porte lors des discussions avec l’ARS. Les rencontres avec le préfet ne donnent rien non plus.
Malgré la répression de l’État, la lutte continue
Le 9 juin, Dominique Blais saisit la justice pour expulser le STC des locaux occupés. Elle lui donne raison, mais cette initiative soude l’unité syndicale. Cette expulsion a lieu le 16 juin par plusieurs cars de CRS, mais deux jours plus tard, contre la répression et pour la défense des revendications, 2000 personnes défilent à Ajaccio (soit proportionnellement par rapport au nombre d’habitants, l’équivalent de 400 000 personnes mobilisées en deux jours sur le continent).
La mobilisation se poursuit, au fur et à mesure la classe politique insulaire se réveille, l’Assemblée de Corse comme le Conseil Général de Corse-du-Sud apportent leur soutien aux grévistes... Un nouveau préavis de grève générale est déposé pour le 30 juin, conjointement par le STC, la CGT, FO et le SNCH, et plus de 2500 personnes marchent de nouveau dans les rues d’Ajaccio.
Le 7 juillet encore, les syndicalistes STC, CGT, FO envahissent une réunion de travail importante de l’ARS, l’empêchant de se tenir : ils exigent la réouverture des négociations, que Dominique Blais a fermées au moment de l’évacuation des locaux de l’ARS le 16 juin.
Quelles que soient les suites et le résultat de cette lutte, il faut souligner le mérite du STC, qui a réussi à la lancer en prenant des initiatives fortes, entraînant les autres syndicats. Cela a permis une mobilisation exemplaire par ses revendications claires, sa détermination et sa radicalité.
1) Source : Journal Officiel du 14 mars 2006.
2) Corse Matin du 11 mai.