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Manifs de flics : le retour de l’extrême droite
Depuis ce dimanche 16 octobre, l'actualité a été marquée par un retour progressif de la droite et de l’extrême-droite sur le devant de la scène, tant dans la rue que dans les médias. Qu'il s'agisse de l'offensive anti-migrants à Béziers ou du retour de la « manif pour tous », les réacs et les fachos réoccupent l'espace dont ils ont été expulsés lors des larges mobilisations du printemps contre la loi Travail.
Depuis lundi 17 octobre, ce sont les manifs de policiers qui ont investi la rue et la scène médiatique, permettant de rendre visible le « malaise des flics » et de faire oublier qu'il y a le malaise à cause des flics. Retour sur une semaine pleine de gyrophares, de cagoules, de brassards de police et de Marseillaises.
Quand on arrive en ville...
Depuis le 17 octobre, date de la première manif parisienne qui a rassemblé quelques centaines de policiers à Paris, le mouvement de contestation s’est inscrit dans la durée et a pris une certaine extension. Le lendemain puis le surlendemain et jusqu’à maintenant, des rassemblements ont eu lieu à Lyon (800 personnes jeudi soir), à Marseille (200 personnes), dans les villes de banlieue parisienne ou à Paris même.
La police s'exhibe dans la rue cagoulée, à pied ou en voiture de fonction, avec armes et brassards fluorescents en évidence afin de ne pas être identifiés comme de simples fachos. En effet : les Marseillaises « chantées » a tue-tête dans les rues et les drapeaux bleu-blanc-rouge agités en tous sens sont généralement l'apanage de l'extrême-droite.
Dans un premier temps, les rassemblements spontanés ont eu lieu suite à l'attaque au cocktail Molotov a Viry-Chatillon, au cours de laquelle deux policier.e.s ont été gravement blessé.e.s dont un est toujours hospitalisé.1.
Très vite pourtant, des revendications de fond ont émergé, et par là même les réelles motivations des manifestant-e-s :
- réforme de la loi sur la légitime défense, signifiant quasiment le permis de tuer
- plus de matériel et d'effectifs, signifiant une augmentation de la répression partout où cela semblerait nécessaire
- stop au « laxisme » de la justice, signifiant une remise en cause de principes fondamentaux de la justice comme la présomption d'innocence et la condamnation uniquement à partir de preuves.
Par ailleurs les manifestants se sont permis de faire des contrôles (manifestement racistes) en marge de leur manif (toujours cagoulés).2
De fait, s'habituant progressivement aux droits prétendument exceptionnels dont elle jouit grâce à l'instauration de l'état d'urgence depuis novembre 2015, la police demande encore plus de moyens, assumant clairement sa fonction répressive, comme s'il fallait encore s'en convaincre.
L'auto-organisation des flics : une inspiration après la répression ?
D’autre part, un fait nouveau apparaît : depuis le début de la mobilisation, les slogans anti-hiérarchie, anti-gouvernement, et anti-syndicats. Tout de suite cela était clair : « nous sommes des citoyens, pas des syndicats »3.
Les manifs sont parties de la base, en dehors des centrales syndicales largement critiquées a la fois pour leur manque d'activité sur le terrain et pour leur éternel « dialogue social » avec le gouvernement. Il s'agit d'un fait particulièrement remarquable dans un corps de métier qui compte 56 % de syndiqué.e.s (le plus fort taux de syndicalisation). On peut supposer qu’il s’agit d’un emprunt aux formes d’organisation expérimentées dans le mouvement contre la loi Travail. Les manifestant-e-s attaquent frontalement leur hiérarchie, accusée de se gaver de primes et de ne pas relayer les préoccupations des flics de base.
Rapidement, les syndicats ont tenté de reprendre la main pour deux raisons. La première étant évidemment celle de pouvoir maintenir un contrôle de sa base, la deuxième est plus subtile, et elle vient du gouvernement : Hollande s'est déclaré prêt à discuter, mais seulement avec les représentants syndicaux. De même, Cazeneuve a déclaré entendre les revendications4 tout en fustigeant « une toute petite minorité agissante ». Ainsi, le gouvernement, ne pouvant se permettre un conflit ouvert avec la police à qui il a laissé tant de marge de manœuvre sous l’état d'urgence, tente de reprendre la main.
Pourtant, là ne sont pas les demandes des cagoulés : ils/elles demandent que soient reçu-e-s des délégations choisies au sein des manifestant-e-s, et non pas des délégué-e-s qu'ils considèrent comme trop éloigné-e-s d'eux. Jusqu'à maintenant, ces demandes ont toujours été rejetées par ce gouvernement, le même qui, en agitant les thèmes sécuritaires depuis des années, a laissé se répandre une parole pro-police de plus en plus réactionnaire et répressive.
Cette tendance à l’activité « spontanée », qui va jusqu’à sortir des cadres légaux, est une caractéristique de la période qui s’annonce, et elle peut prendre des formes réactionnaires comme ces manifs de flics. En face, il nous faudra également savoir faire appel à l’auto-organisation et à l’auto-défense, car le fétichisme « républicain » de la gauche réformiste est une voie suicidaire.
Marchons, marchons …
Dès le lendemain du rassemblement de lundi soir, Cambadélis a dénoncé la « patte du FN » permettant à Phillippot d'affirmer son soutien sans faille aux « forces de l'ordre ». De là s'est jouée une surenchère de langage allant du FN en passant inévitablement par LR (Estrosi ou Ciotti en tête) et le PS (Valls ou Malek Boutih prônant une « vrai offensive anti racailles »5).
Que la classe dirigeante soutienne son bras armé n'est certes pas une surprise lorsque l'on sait à quelle point celui-ci fut utilisé pour mater toute contestation sociale pendant les mobilisations contre la loi travail et son monde. De même, que les chiens de garde médiatiques leur fassent la part belle ne peut en rien nous surprendre. Ce qui est plus surprenant, c'est qu'un porte-parole auto-proclamé (apparemment affilié au FN6), qui fait le lien entre les policiers et les gendarmes lors des négociations, n'est plus flic mais employé du privé et qu'il est le créateur d'une association de défense des « forces de l'ordre ».
Cela nous donne la clef de la situation : ces manifs sont hégémonisées par l'extrême-droite (voir l'appel de soutien des patriotes à la police), dans un contexte où sept policiers actifs sur dix ont voté FN aux régionales de décembre 2015. Elles sont aussi soutenues par une large partie de la population, comme en témoignent les applaudissements au passage du parcours, la présence de soutiens ou encore des taxis qui ramènent des fonctionnaires chez eux. Ainsi, le slogan « tout le monde déteste la police » n'a jamais semblé si éloigné de la réalité.
Pas de justice, pas de paix !
En tant qu'organisation appartenant au mouvement ouvrier, nous ne sommes pas insensibles à la petite musique qui se répand concernant les conditions de travail de flics. Leur souffrance est réelle. Mais leur fonction empêche la convergence de leurs revendications avec celles du mouvement ouvrier.
Notre candidat à l'élection présidentielle, Philippe Poutou, a selon nous tort de dire7 que ce sont leurs syndicats qui les poussent à se couper de l'ensemble de la population. Au contraire, ce mouvement exprime une contestation par rapport aux scrupules des directions syndicales à porter des revendications ouvertement réactionnaires. Il est donc totalement illusoire de rêver à une convergence des luttes entre celles du mouvement ouvrier et celles des flics.
La prise de position de LO nous pose un sérieux problème. LO dénonce les « agressions gratuites répétées à l’encontre des policiers », qui seraient « en première ligne pour constater la dégradation sociale »8. Nous n’apportons aucun soutien aux attaques qui relèvent du banditisme, mais ce qui a eu lieu à Viry-Chatillon est exceptionnel. La mort de policier.e.s dans les « cités » est extrêmement rare, alors qu’il y a plusieurs habitant-e-s des « cités » tué-e-s chaque année par la police. Les « agressions gratuites répétées », ce sont ces habitant-e-s (en particulier des jeunes hommes noirs ou arabes) qui les vivent. En tournant le dos à cette réalité, LO renforce l’image déformée des médias dominants.
Quant à Mélenchon9, en bon réformiste qu'il est, il crie son amour des flics et défend leur « mission de service public », en faisant croire que les violences ne sont que des « dérives » alors qu'elles sont structurelles. On mesure le fossé qui nous sépare de Mélenchon : lui veut mettre en place des réformes sociales dans le cadre du système et de ses institutions ; nous voulons quant à nous détruire ce système, en premier lieu les institutions de l'appareil répressif de l’État bourgeois.
Nous exigeons l’arrêt immédiat des manifestations policières, et souhaitons l’organisation de contre-manifestations massive par les organisations du mouvement ouvrier, comme à chaque fois que les forces de la réaction et les fascistes tentent d’occuper la rue.
Si la police demande des moyens supplémentaires ou une réforme des lois censées encadrer encore un minimum leur actions, cela ouvre la voie vers une évolution fascisante des forces du désordre, déjà largement imprégnées par les idées du FN. Face à cela, les organisations du mouvement ouvrier doivent faire bloc pour rappeler et dénoncer le rôle réel de la police, à savoir un instrument de répression aux mains de la classe dirigeante.
Dans les quartiers ou lors des manifs, la police tue et mutile avec une réelle impunité. Face à cela, nous devons nous organiser, faire des ponts et tisser des liens comme cela s'amorce depuis quelque temps et ne pas laisser aux réactionnaires le monopole de la parole et de l'occupation de la rue.
N'oublions pas :
Arrêt immédiat des manifestations policières ! Mobilisation populaire anti-fasciste !
Verité et justice pour Adama et tou.te.s les victimes de violences et crimes policiers !
Pas de justice, pas de paix !
1 http://www.leparisien.fr/essonne-91/policiers-attaques-a-viry-chatillon-jenny-et-vincent-vont-mieux-21-10-2016-6235872.php
2 https://www.youtube.com/watch?v=AjDFDs9-2_c
3 http://www.francetvinfo.fr/societe/manifestation-des-policiers/colere-des-policiers-les-syndicats-sont-ils-completement-largues_1883459.html
4 http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2016/10/21/bernard-cazeneuve-ecrit-une-lettre-a-tous-les-policiers_5018321_1653578.html
5 http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2016/10/20/25001-20161020ARTFIG00196-boutih-prone-une-vraie-offensive-anti-racaille-dans-les-banlieues.php
6 http://www.lepoint.fr/societe/policiers-en-colere-un-porte-parole-autoproclame-proche-de-l-extreme-droite-21-10-2016-2077595_23.php
7 https://npa2009.org/communique/declaration-de-philippe-poutou-sur-le-mouvement-des-policiers
8 https://journal.lutte-ouvriere.org/2016/10/19/manifestations-de-policiers-societe-violente_71627.html