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    Meeting NPA du 7 décembre : donner voix aux luttes

    Par Lucas Battin (12 décembre 2017)
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    Jeudi 7 décembre a eu lieu un meeting parisien du NPA à la Bellevilloise. En ces temps difficiles de lutte, celui-ci a tout de même rassemblé quelque 200 personnes. Comme il est d’usage, s’est enchaîné une dizaine d’interventions mettant au centre les luttes du moment.

    Donner voix aux luttes

    Tout d’abord, un camarade du NPA de l’université de Nanterre nous a parlé de la jeunesse, et plus particulièrement du projet de sélection à l’université en articulant cela avec la nécessité d’expliquer le projet de réforme de la sélection et du bac dans les lycées. La jeunesse est une des parties de la population les plus précaires, les plus exploitées, et peut être l’étincelle qui permet un mouvement général contre le gouvernement. L’objectif est clair : lutter pour mettre en grève les facs et les lycées.

    Si on ne peut que souscrire à cet objectif, et à l’enjeu de militer dans et pour la jeunesse, le parallèle avec 68, dans la situation actuelle où la mobilisation contre la sélection ne prend pas, nous a semblé un peu démesuré. En effet, la sélection pour les études supérieures est tellement ancrée, qu’elle soit sociale ou par des mesures, qu’il n’est plus aussi révoltant de parler de sélection à l’université que ce fut le cas dans le passé (par exemple en 86 avec la loi Devaquet). Cela nécessite maintenant un travail d’explications, et de revendications pour l’éducation dans son ensemble : de la maternelle à l’université.

    Une camarade du NPA a ensuite pris la parole pour parler des luttes féministes, et notamment du mouvement autour des hastags #MeToo et #balanceTonPorc. Ces témoignages sur internet ont permis une large libération de la parole des femmes et ont pu mettre en exergue la violence structurelle qu’engendre la société patriarcale. Dans toutes les sphères de la société, on a lu des témoignages de violences insoutenables, ce qui a permis une prise de conscience un peu plus collective. La camarade nous a donné quelques statistiques révoltantes et insupportables, comme par exemple le fait que 123 femmes en France sont mortes sous les coups de leur conjoint en 2016. Ce mouvement sur les réseaux sociaux a permis la mise en place d’assemblée générales réussies, avec des groupes de travail pour élaborer des revendications collectives. Cela a donné lieu aussi à des manifestations, notamment à celle du 25 novembre avec plus de 2000 personnes. Le mouvement s’inspire en partie de l’Italie et de l’Argentine, avec des mouvements féministes de masses, et des états généraux réunissant plusieurs milliers de femmes sur des revendications féministes. La camarade a fait le lien avec le fait que dans le système capitaliste, les femmes font partie des plus exploitées, avec le plus de temps partiel non choisi, avec les inégalités de salaire, avec le travail domestique gratuit, etc. Les luttes féministes et les cadres d’auto-organisation sont donc nécessaires pour un changement révolutionnaire de société. La prochaine date de mobilisation est prévue pour janvier avec pour perspective la mise en place d’états généraux en France autour du 8 mars.

    Dans la suite du meeting, une salariée d’un bureau de Poste du 91 a raconté la grève de 40 jours que les salarié-e-s sont en train de mener. Près de 80 % de grévistes luttent contre les fermetures de bureaux, contre le mal être au travail, et contre le mépris de classe subit tous les jours. On le sait, La Poste est un monde très dur, avec de grosses répressions contre les militant-e-s, notamment contre Gaël Quirante, ou bien Yann Le Merrer. Ce sont donc 13 personnes en grève depuis 40 jours qui luttent, et qui ont besoin de soutien, tant moral, que financier. Il existe tout de même quelques résistances victorieuses, à Carhaix, en Guadeloupe, à la Réunion, où des postiers/ières ont lutté et gagné pour des tournées supplémentaires, contre la mobilité imposée, etc. Mais pour vraiment changer les choses, et peser vraiment dans le rapport de force contre les employeurs qui rendent les conditions de travail toujours plus dures, il y a un besoin de convergence des luttes, d’abord entre postiers/ières mais aussi plus largement dans tout le secteur public, car la casse des services publics est générale, à l’hôpital, à l’université, etc.

    Ensuite, une personne d’Attac est intervenue sur les réformes fiscales et les paradis fiscaux. Son discours s’est concentré sur les dits leviers des classes dominantes que sont l’évasion fiscale, et les réformes fiscales que font Macron et son gouvernement, l’évasion fiscale étant la principale cause du déficit public. Pour lutter contre cela, Attac préconise des «actions citoyennes radicales». Outre la faiblesse de telles actions, ce discours ne cible pas vraiment l’ennemi de notre classe : la classe des capitalistes. Cette analyse qui a malheureusement été défendue dans ce meeting laisse penser qu’il est possible de réguler le capitalisme, qu’un capitalisme avec de bons capitalistes qui ne fraudent pas, qui investissent, peut permettre une vie harmonieuse de tout le peuple. Cette analyse est une impasse, et nous devons démonter ces solutions de réforme d’un capitalisme mortifère. Nous devons renverser ce système économique, et cela passe par un gouvernement des travailleurs/ses et l’appropriation des grands moyens de production sous contrôle des travailleurs/ses eux et elles même.

    L’intervention suivante a été celle d’une travailleuse à l’hôtel Holiday Inn. Le 7 décembre, cela faisait 50 jours que les salarié-e-s d’Héméra (femmes de chambre, gouvernantes et équipiers de la sous-traitance) attendent que leur employeur ou le donneur d’ordres, l’hôtel Holiday Inn de Clichy, veuillent bien entendre leurs revendications. Les revendications sont basiques : 2 jours de repos après 5 jours de travail, contre la mutation de collègues, etc. Malgré cela, les salarié-e-s sont obligé-e-s de se battre pour tout. Les patrons affichent un mépris indécent à l’égard des salarié-e-s, la lutte est dure mais elle continue sans relâche avec une forte détermination. La mobilisation a reçu le soutient de la CNT et de la CGT-HPE (http://www.cgt-hpe.fr/). Les prochaines initiatives sont ce dimanche 10 décembre à 15h au théâtre de la compagnie Jolie Môme pour la représentation du spectacle «14-19, la mémoire nous joue des tours »1. Une partie du prix du billet sera reversé à la caisse de grève. Enfin, il y aura le vendredi 15 décembre une projection de film et un repas au café Camus. Un voyage à Londre, devant un des plus prestigieux hôtel Holiday Inn est envisagé si les patrons continuent à ne pas donner satisfaction aux salarié-e-s.

    Dans la situation, il n’aurait pas été envisageable de ne pas donner la parole aux employé-e-s de la société H. Reinier du groupe ONET sous traitant de la SNCF. Une salariée est venue raconter la situation : ayant succédé a la société SMP dans le périmètre de la région Paris Nord, le groupe ONET s'est mis à dos les salarié-e-s dès sa prise de fonction avec notamment la remise en cause de la clause stipulant que l'entreprise devait maintenir les salarié-e-s sur le périmètre de ligne ou ils/elles étaient auparavant affecté-e-s. Depuis le 2 novembre, la quasi totalité des agent-e-s de nettoyage de la société sont en grève contre leur nouvel exploiteur. Et au lieu de négocier, la société paie des intérimaires et envoie la police. La situation est grave, mais la lutte continue. Un syndicaliste de Sud-Rail est venu apporter son soutient, pour le syndicat, les salarié-e-s d’ONET sont des cheminot-e-s, contrairement à Guillaume Pepy le président de la SNCF. Pour lui, la solidarité est plus que nécessaire, et il faut lutter ensemble pour mener cette guerre contre le patronat. La lutte collective permet de comprendre notre force, et après la grève, c’est la révolution ! Dans ce climat de forte tension, les salarié-e-s du nettoyage ont besoin de notre soutien, tant sur les piquets de grève que financier : ce mois-ci, les fiches de paye affichaient zéro euros. Pour faire plier la direction de H. Reinier, nous devons permettre aux grévistes de tenir bon. Une caisse de grève en ligne existe2 et il est possible d'aller donner directement en se rendant sur le piquet de grève, à la gare de Saint-Denis.

    Un camarade de Anticapitalistes3 a ensuite fait une intervention sur « l’Octobre catalan » et la situation d’exception que vit la Catalogne suite à l’application de l’article 155 de la constitution par le gouvernement de Madrid. Il est revenu sur les racines du mouvement actuel, héritier du mouvement du 15-M des « indigné-e-s » (2011-2014) et du mouvement souverainiste catalan. Il a expliqué que ce mouvement dépasse largement les volontés de la droite catalaniste, avec une forte organisation populaire dans les quelque 300 CDR4, dans l’éducation5… mais aussi de l’institutionnalisation de ces mouvements ces dernières années. Si le camarade a appuyé sur l’importance d’élargie la base sociale du mouvement et notamment en militant dans les CDR, son intervention manquait d’une analyse en termes de classes sociales, et semblait simplement s’inscrire dans « le mouvement » comme une fin en soi, sans parler de l’importance d’une action autonome des travailleur-se-s en son sein, sur leurs propres revendications.

    L’intervention de conclusion par O. Besancenot

    Pour conclure le meeting, c’est Olivier Besancenot qui a pris la parole. Son discours était plus général et il s’est attardé sur la situation politique avec une emphase sur la situation internationale. Il a insisté sur la nécessité de bien comprendre les rapports de forces entre les exploiteurs et les exploité-e-s, et notamment le fait que Macron a une base sociale forte, avec l’unité des capitalistes derrière lui. Il nous a parlé de dernières «perles» de Macron, de ses attitudes indécentes, de sa politique mortifère concernant l’écologie, la France-Afrique, la Palestine ou bien encore son ignoble hypocrisie concernant les migrant-e-s. Pour Olivier Besancenot, Macron est un peu différent des précédents présidents, car il attaque beaucoup plus frontalement et tous azimuts. Il y a du retard à rattraper, et alors que les inégalités s’accroissent toujours plus (chiffres rageants à l’appui), Macron fait toujours plus de cadeaux aux riches et au patronat, son prochain chantier étant la sécurité sociale… Olivier a expliqué que le système est en crise (« de surproduction, de surprofit et de suraccumulation »), et que les capitalistes ont besoin de « rétablir leur taux de profit », et que pour cela, il faut détruire les acquis sociaux qui sont un frein à une exploitation plus forte. Il faut donc résister, recréer de la solidarité, reconstruire le mouvement ouvrier. Il a proposé en particulier la création d’une coordination unitaire de toutes les organisations de la «gauche radicale» contre la répression policière.

    Olivier a insisté sur le fait qu’il n’est pas suffisant de résister, mais qu’il faut aussi « les arrêter ». Il a dit qu’il y a un tel décalage entre leurs politiques et la réalité du monde du travail qu’il est certain que « ça va péter ». Ce qu’il craint en revanche, c’est que « ça pète sans victoire », et que pour qu’il y ait une victoire, on a besoin de reconstruire une confiance collective. Cette confiance collective ne passe pas par un chef, un tribun, pour qui l’on vote aux élections, et qui ferait le travail pour nous, mais cela passe par les luttes auto-organisées. Il a expliqué que le problème principal était la stratégie dans la lutte, et que les journées de mobilisation espacées, sans plan de mobilisation pour construire la grève générale sont démoralisantes, et contre productives. De plus pour regagner cette confiance collective, il faut articuler notre combat avec les luttes contre les oppressions spécifiques qui nous divisent : le sexisme, le racisme, etc. Il a mis l’accent sur l’islamophobie, qui est aujourd’hui particulièrement forte, et a souligné l’importance du combat contre celle-ci.

    Pour terminer son intervention, après avoir salué la campagne présidentielle de Philippe Poutou et donc dans sa continuité, il a avancé comme perspective politique le fait d’essayer de passer de la défensive à l’offensive. Pour cela, il a repris deux mots d’ordre du programme de la présidentielle : l’augmentation des salaires avec le passage du SMIC à 1800 € net et la diminution du temps de travail pour travailler toutes et tous.

    Retour critique sur son intervention

    Si on peut saluer les qualités oratoires d’Olivier Besancenot, sa capacité à intéresser un public et à être drôle, il nous semble que son discours politique illustre les limites qui sont celles du NPA. Par exemple si Olivier a critiqué avec une certaine verve la stratégie perdante des dirigeants syndicaux contre les ordonnances Macron, il nous semble que c’est surtout au début de la mobilisation elle-même que notre parti avait un rôle à jouer, et pas seulement dans un meeting face à 200 personnes pour la plupart déjà convaincues. De plus, l’analyse économique de la crise reste dans un certain flou. Si Olivier a cette fois évoqué la nécessité pour les capitalistes des réformes de Macron pour redresser le taux de profit, il qualifie pêle-mêle la crise de «surproduction, de surprofit, de suraccumulation», comme des mots-clés alignés sans réelle cohérence.

    Enfin, si les revendications avancées comme perspective étaient bien sûr justes, elles étaient comme la plupart du temps déconnectées d’une stratégie révolutionnaire qui serait centrée sur la réquisition des grands moyens de production et le gouvernement des travailleurs/ses, seul à même de mener une révolution. Olivier a pourtant souligné qu’il fallait que la « gauche radicale » se remettre à « discuter de stratégie ». Mais lorsqu’il a évoqué les revendications sociales élémentaires comme l’augmentation des salaires, il a dit qu’elles étaient possibles en « taxant les profits ». En disant cela nous reprenons à notre compte les illusions antilibérales telles que les défendent Attac ou Mélenchon, et nous n’aidons pas nos sympathisant-e-s à « discuter de stratégie », et à distinguer l’option révolutionnaire au sein de ce fourre-tout qu’est aujourd’hui la « gauche radicale ».

    Olivier a conclu par la perspective d’une autre société, celle que nous sommes effectivement nombreuses et nombreux à souhaiter à gauche. C’est une perspective importante du militantisme « socialiste » ou « communiste », et nous voudrions qu’elle soit présente plus souvent. Le principal problème de la ligne du NPA (mais aussi de LO) est que cette perspective n’apparaît que comme un supplément d’âme déconnecté des revendications du « programme d’urgence ». Les jalons de la société que nous voulons construire ne peuvent être que crédibles que si l’on explique quelle stratégie on suit pour y arriver. Ce que nous défendons à la tendance Claire, c’est que notre programme aborde explicitement la « transition » avec cette autre société. C’est-à-dire, au lieu de relier la hausse des salaires ou le partage du temps de travail à la taxation des capitalistes, la relier à l’expropriation des capitalistes. Nous devons démontrer et expliquer à chaque fois que nous en avons l’occasion que si nous voulons obtenir gain de cause sur nos revendications, il faut un gouvernement des travailleurs/ses elles/eux-mêmes.

    1http://www.cgt-hpe.fr/la-compagnie-jolie-mome-solidaire-des-grevistes-de-lholiday-inn-de-clichy/

    2https://www.lepotcommun.fr/pot/smk9h0kl

    3Organisation anticapitaliste liée à Anticapitalistas, section de la 4e internationale (ex S.U.) dans l’État espagnol

    4Comités de défense du référendum, devenus Comités de défense de la république. Organes populaires surgis dans le mouvement qui ont permis lors du 1er octobre la défense des points de vote face à la police.

    5Le camarade a expliqué que l’institution scolaire en Catalogne était une des seules à avoir connu une vraie rupture à la chute du franquisme, avec des assemblées constituantes dont ne voulait pas la droite catalane.

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