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Plate-forme 4 - Notre réponse révolutionnaire à la crise

Nous subissons la crise économique la plus grave depuis la crise de 1929. La crise financière a éclaté aux USA à l’été 2007 ; la production a ensuite chuté dans les principaux pays impérialistes fin 2008-début 2009, le chômage a explosé et les plans de licenciements se sont succédé. Aujourd’hui, le marasme économique a succédé à la récession : le chômage ne baisse pas, les salaires sont bloqués, et les gouvernements bourgeois multiplient les contre-réformes pour faire payer la crise aux travailleurs.

Les gouvernements au service de la bourgeoisie (qu’ils soient de « gauche » ou de « droite ») mettent partout en place des plans d’austérité. Les réformistes (gauche du PS, directions syndicales, PC, PG) nous expliquent qu’une autre politique est possible dans le cadre du système capitaliste : en augmentant les salaires, en redistribuant les richesses, une politique dite « antilibérale » ou « keynésienne » permettrait de sortir de la crise en augmentant le niveau de la « demande » et donc le niveau de la production.

Cette politique est une imposture. Il n’y a pas de capitalisme à visage humain. Il ne suffit pas de l’affirmer : il faut le démontrer en s’armant de la théorie marxiste et en tirant les leçons de l’histoire. C’est la condition pour convaincre les travailleurs que l’anticapitalisme n’est pas un « choix » parmi d’autres, mais une nécessité qui découle des contradictions du système capitaliste.

La direction sortante de notre parti, parce qu’elle a renoncé à l’analyse marxiste des crises, glisse inéluctablement vers des analyses bourgeoises. C’est pourquoi elle tend à reprendre à son compte les vieilles recettes keynésiennes, à la remorque du PCF et du PG. En effet, s’il suffit d’imposer aux capitalistes une hausse des salaires pour sortir de la crise et satisfaire nos besoins, l’anticapitalisme n’apparaît plus comme l’issue nécessaire aux contradictions du système capitaliste. L’anticapitalisme est alors condamné à être vidé de tout contenu, réduit à une posture morale qui laisse les travailleurs désarmés face à l’adversaire de classe.

Le NPA doit se doter d’une analyse marxiste de la crise, pour y apporter la seule réponse à la crise favorable aux intérêts du prolétariat et de tous les opprimés : un programme de transition orienté vers le gouvernement des travailleurs et le communisme.

I. Renouer avec une analyse marxiste de la crise et critiquer l’imposture de la relance « keynésienne » comme issue à la crise

Dans son texte « Nos réponses à la crise », la direction ne cherche pas à comprendre l’origine de la crise. Tels les « économistes vulgaires » méprisés par Marx, elle en reste principalement au niveau des apparences, en parlant de « l’intensification de la concurrence », de la « déréglementation des marchés financiers », de la « financiarisation des économies » et des bulles financières qui finissent par éclater.

Pourtant, si l’on veut résoudre la crise dans l’intérêt des travailleurs, il faut en comprendre les causes véritables.

I.1 : La faiblesse des salaires n’est pas l’origine de la crise

A) « L’explication » néo-keynésienne de la crise reprise par la direction sortante du NPA

Quand la direction se risque (sans s’étendre) à désigner les causes de la crise, elle reprend à son compte l’explication des réformistes néokeynésiens du PCF, du PG et de la gauche du PS. Elle évoque « les profits exorbitants (...) qui sont à l’origine de la spéculation et de la crise financière ». Dans le Cahier n°1, Comprendre la crise et lutter pour en sortir de juillet 2009 (issu des travaux du Groupe de travail économique), où elle développe ce point de vue, elle désignait déjà clairement la faiblesse des salaires comme une cause majeure de la crise : « Si les profits sont trop élevés, les revenus des travailleurs seront trop faibles pour permettre d’acheter tout ce qui aura été produit. Le capitalisme aura mis en place des capacités de production surdimensionnés par rapport aux capacités de consommation des travailleurs.

C’est une cause classique des crises répétées du capitalisme. » Et elle poursuivait, en ajoutant logiquement que la solution à la crise serait dans l’augmentation des salaires : « Ainsi, en théorie, une sortie de crise exigerait une progression des salaires pour permettre de restaurer des débouchés et un nouvel encadrement des règles sociales de marché limitant les intérêts individuels. »

B) Sous le capitalisme, la hausse des salaires provoque la baisse des profits et prépare la crise

En augmentant les salaires, on augmenterait le pouvoir d’achat des travailleurs, ce qui augmenterait le niveau de la « demande », ce qui inciterait alors les capitalistes à produire davantage. Ce type de raisonnement tient la route... à condition de faire abstraction qu’on vit dans un système capitaliste ! En effet, toute hausse des salaires a pour conséquence de faire baisser les profits, et c’est pour cela que les intérêts des travailleurs et les intérêts des capitalistes sont antagoniques. Dans le cadre de ce système, le moteur de l’accumulation et de la croissance économique, c’est le taux de profit. La hausse des salaires entraîne une baisse du taux de profit, et donc de l’accumulation. Et l’investissement baissera d’autant plus... que les capitalistes iront investir ailleurs !

Enfin, laissons le dernier mot à Marx qui ne pouvait retenir son ironie face aux différentes théories de la sous-consommation comme explications des crises : « C’est pure tautologie que de dire : les crises proviennent de ce que la consommation solvable ou les consommateurs capables de payer font défaut. (...) Dire que des marchandises sont invendables ne signifie rien d’autre que : il ne s’est pas trouvé pour elles d’acheteurs capables de payer, donc de consommateurs (que les marchandises soient achetées en dernière analyse pour la consommation productive ou individuelle)1. Mais si, pour donner une apparence de justification plus profonde à cette tautologie, on dit que la classe ouvrière reçoit une trop faible part de son propre produit et que cet inconvénient serait pallié dès qu’elle en recevrait une plus grande part, dès que s’accroîtrait en conséquence son salaire, il suffit de remarquer que les crises sont chaque fois préparées justement par une période de hausse générale des salaires, où la classe ouvrière obtient effectivement une plus grande part de la fraction du produit annuel destinée à la consommation.

Du point de vue de ces chevaliers, qui rompent des lances en faveur du « simple » bon sens, cette période devrait au contraire éloigner la crise. » (Le Capital, livre II)

C) La hausse des salaires est nécessité pour les travailleurs, mais dans le cadre du capitalisme elle n’est pas une solution à la crise

Depuis des lustres, les réformistes cherchent à opposer au mauvais capitalisme (financier, libéral...) un bon capitalisme industriel, régulé et mis au service des intérêts de la population. Aujourd’hui comme hier, ils nous font croire qu’une « autre politique » serait possible, antilibérale et redistributive. Pourtant, l’histoire nous enseigne qu’il n’en est rien, mais les réformistes reprennent en boucle le même refrain : « Il faut augmenter les salaires, pour relancer la consommation, ce qui incitera les entreprises à investir, et la croissance repartira. » C’est le devoir des révolutionnaires de dénoncer cette imposture. Examinons brièvement quelques exemples :

• En 1981, Mitterrand a mis en œuvre un programme ambitieux de relance keynésienne : hausse des salaires, redistribution, politiques budgétaires expansionnistes. Deux ans plus tard, c’était le tournant de la rigueur. Faute de s’attaquer à la destruction du système capitaliste, le tournant de la rigueur était inéluctable, et non un choix parmi d’autres. Dans le cadre du système capitaliste, la prospérité est impossible quand le taux de profit plonge. Donc les belles promesses de Mitterrand, qui pesaient sur les profits, ne pouvaient pas être tenues... sauf à s’engager sur la voie de la révolution.

• Près de 20 ans plus tard, Papandréou n’a mis que quelques jours pour remettre au placard ses promesses de relance et de hausse des salaires. La réalité capitaliste impose une seule politique : celle qui sert le mieux les intérêts du capital.

Aujourd’hui, un plan de relance européen, mis en œuvre dans le cadre du capitalisme, ne ferait que plomber la compétitivité des pays de la zone euro et renforcer la cure d’austérité qui suivrait inévitablement (faute de révolution ouvrière). C’est pourquoi cette orientation keynésienne s’accompagne généralement de projets de réforme de l’Union Européenne, présentés comme démocratiques et sociaux : mise en place d’un budget européen, fiscalité unifiée européenne, droits sociaux alignés vers le haut, etc. Ils vendent ainsi des illusions à peu de frais. Car il est clair que dans le contexte de suraccumulation durable du capital (cf. partie suivante), qui aiguise la compétition entre les principales puissances impérialistes, tout cela est impossible.

1.2 : La crise exprime l’insuffisance de la plus-value produite par rapport au capital avancé

Le moteur de l’économie capitaliste est la maximisation du profit. Comme nous venons de le voir, il est absurde d’expliquer la crise en raison de salaires trop bas (et donc de profits trop hauts). S’il y a crise, c’est au contraire parce que les profits sont trop bas. Mais trop bas rapportés à quoi ? N’est-il pas paradoxal de parler de profits trop bas alors que les salaires sont bloqués et que les capitalistes s’en mettent plein les poches ? Pourquoi les profits sont-ils aussi bas alors que les attaques contre les travailleurs se sont multipliées depuis 30 ans ?

A) Aux origines de la crise actuelle : « la loi la plus importante de l’économie politique moderne » selon Marx : la loi de la baisse tendancielle du taux de profit.

À la recherche du profit maximal, les capitalistes introduisent en permanence de nouveaux procédés de fabrication pour diminuer le temps de travail nécessaire pour fabriquer les produits. Cela permet aux capitalistes les plus efficaces de faire un profit supplémentaire (en ayant un coût de production inférieur à celui de leurs concurrents) et de gagner des parts de marché. Mais, pour l’ensemble de la classe capitaliste, cela tend à faire diminuer le taux de profit général de l’économie. En effet, pour gagner en efficacité, les capitalistes achètent de moins en moins de forces de travail ou travailleurs (capital variable ou salaires, noté V) relativement aux moyens de production comme les machines, matières premières, etc. (capital constant, noté C) : la composition organique du capital (C/V) augmente. Or seul le travail des salariés produit la valeur et donc la plus-value, source du profit. Le taux de profit (= plus-value (PL) / capital total engagé (C+V)) tend donc à diminuer2. Pour contrecarrer cette tendance, les capitalistes cherchent à exploiter toujours davantage les travailleurs (en s’accaparant une part toujours plus grande de la valeur créée par les travailleurs).

B) Le néo-libéralisme, réponse du capital à la suraccumulation de capital

Depuis les années 1970, le rythme de l’accumulation s’est ralenti dans les pays impérialistes : c’est la conséquence de la baisse tendancielle du taux de profit. Afin de tenter de rétablir leur taux de profit, les capitalistes et leurs gouvernements ont brutalement attaqué les acquis des travailleurs. Le « néo-libéralisme » n’est pas le choix d’une forme de capitalisme contre une autre, mais la réponse nécessaire du système à sa crise de rentabilité des années 1970. Les capitalistes ont ainsi pu rétablir, mais seulement partiellement, leur taux de profit, sans que la croissance de l’accumulation retrouve son rythme des « Trente Glorieuses ».

En fait, depuis plus de 30 ans, les pays impérialistes connaissent une suraccumulation structurelle de capital. Même si la masse de la plus-value augmente, trop peu de plus-value est produite par rapport à la masse de capital engagé. D’où la situation en apparence paradoxale de profits exorbitants en quantité... mais relativement faibles (par rapport aux « Trente Glorieuses ») rapportés à la masse de capital engagé.

C) Depuis les années 1970, les crises ne sont pas suffisamment fortes pour relancer fortement l’accumulation

La crise exprime la suraccumulation de capital et doit permettre d’y mettre fin. La seule façon de renouer avec la croissance est qu’il y ait une dévalorisation importante du capital existant (destruction de valeur), soit par une vague de faillites importantes, soit par la guerre (destruction physique de capital). Le capitalisme doit détruire, plonger les travailleurs dans le chômage de masse et la misère, pour faire repartir la croissance3. Cela illustre l’absurdité d’un système inhumain qui prospère sur la détresse humaine. Or, aujourd’hui, les États interviennent massivement pour empêcher ces faillites en cascade qui auraient des conséquences économiques et sociales dramatiques. « Too big to fail » : le capital est tellement concentré que la faillite d’un grand groupe capitaliste aurait des conséquences en chaîne incalculables. Du coup, les États empêchent ces faillites, les renflouent avec l’argent des travailleurs : cela évite en effet l’effondrement des économies... mais cela empêche que la crise fasse son travail de « purge » et permette une relance franche de l’accumulation.

D) La fuite en avant dans l’endettement ne peut pas éliminer les contradictions qui rongent l’accumulation capitaliste : les crises ne peuvent être que reportées, mais jamais éliminées

Le gonflement de la dette depuis près de 30 ans (avec une accélération très forte depuis 10 ans, qui annonçait l’imminence de la crise immobilière et financière) est la conséquence de la suraccumulation structurelle des économies impérialistes. Le gonflement du capital fictif a bien sûr eu des effets sur l’économie réelle, en stimulant artificiellement la consommation et l’investissement des entreprises. La bulle immobilière a en outre stimulé l’endettement des ménages (avec des prêts gagés sur la valeur des maisons), de façon déconnectée des revenus réels tirés de la production réelle.

Mais la fuite en avant dans l’endettement et le gonflement du capital fictif (hausse du cours des actions, etc.) par rapport aux performances de l’économie réelle ne pouvait durer qu’un temps. En effet, les titres sur les marchés financiers représentent des droits sur la production future. Si la production n’évolue pas au même rythme que les droits sur la production future, la valeur de ces titres doit inévitablement chuter (krach boursier, immobilier, financier, etc.), d’autant plus fortement que la chute a été retardée. Et elle a été considérablement retardée par les politiques monétaires expansionnistes (taux d’intérêt très bas) menées ces dernières années

1.3 : Suraccumulation ou sous-consommation : il faut choisir !

Si la direction sortante met en avant les salaires trop bas comme une cause majeure de la crise actuelle, elle n’en fait pas la cause unique des crises. Le Cahier sur la crise évoque certes la suraccumulation comme une autre cause possible. Ainsi, la crise de 1929 et la crise d’aujourd’hui seraient des crises de sous- consommation ou surproduction, mais la crise des années 1970 serait une crise de suraccumulation. On aurait ainsi une oscillation des causes de la crise entre un défaut de plus-value (crise de suraccumulation) et un excès de plus-value qui ne parviendrait pas à se réaliser (crise de surproduction/sous-consommation). Et les réponses apportées à la crise de suraccumulation (hausse du taux d’exploitation4) seraient la cause de la présente crise : c’est la thèse commune des antilibéraux et de la direction de notre parti. À moins qu’on ait à la fois crise de sous-consommation et crise de suraccumulation comme l’affirme la direction du « Secrétariat unifié de la IVe Internationale » : « Cette crise résulte de la combinaison d’une crise de surproduction de marchandises, de suraccumulation du capital et de sous-consommation. »5 On nage en pleine confusion... Opposer surproduction et suraccumulation n’a pourtant aucun sens. La suraccumulation est précisément la surproduction de capital (par rapport à la plus-value produite), elle n’a rien à voir avec la sous-consommation des travailleurs. La direction du NPA réduit le marxisme à une bouillie qui le rend inutile et confus. Même si leur déclenchement et leur déroulement sont à chaque fois spécifiques, les crises expriment toujours la suraccumulation du capital, jamais la sous-consommation des travailleurs.

1.4 : Quand les États viennent au secours des capitalistes... en gonflant les déficits publics et en exigeant que les travailleurs paient l’addition !

En 2007, la crise immobilière et financière a éclaté au cœur des puissances impérialistes. Les bulles ont éclaté. Les banques se sont retrouvées en très grande difficulté avec la brutale dévalorisation des titres pourris dans leurs comptes. Les États bourgeois sont alors intervenus massivement pour renflouer les banques et les grandes entreprises : c’est ce qu’ils ont appelé les « plans de relance ». La « socialisation des pertes » a eu pour conséquence l’explosion des déficits publics qui ont atteint en 2009 environ 10% du PIB dans les principaux pays impérialistes. Il y a eu un transfert important de dette privée en dette publique.

Pour réduire drastiquement les déficits publics qui menacent la solvabilité des États, les bourgeoisies n’ont pas le choix : elles doivent faire payer aux travailleurs le sauvetage des capitalistes. Les plans d’austérité s’abattent dans tous les pays : baisse des dépenses sociales, blocage ou baisse du salaire des fonctionnaires, flexibilisation des marchés du travail, contre-réformes des retraites, hausse des impôts qui pèsent sur les travailleurs. Pour rembourser les capitalistes qui détiennent les titres de la dette émise par les États, les bourgeoisies font subir aux classes ouvrières les pires attaques depuis la Seconde guerre mondiale.

Seule la lutte de classe peut enrayer les plans d’austérité et obliger les États à ne pas payer une partie de leur dette ou à faire exploser l’inflation (ce qui revient au même, c’est-à-dire à spolier les rentiers). La conséquence sera alors une crise de plus grande ampleur encore, avec des faillites en cascade, et l’ouverture d’une situation pré-révolutionnaire.

Pour le moment, nous en sommes encore loin. Les gouvernements parviennent à mettre en place leurs contre-réformes grâce à la complicité des directions syndicales et des réformistes qui canalisent la colère des travailleurs avec des journées d’action dispersées. En Grèce par exemple, pas moins de 7 journées nationales de grève (globalement très suivies) depuis le début de l’année n’ont pas fait fléchir d’un pouce le gouvernement « de gauche ». Là bas comme ici, il manque un parti communiste révolutionnaire puissant capable de disputer l’hégémonie aux directions traîtres du mouvement ouvrier et d’offrir une perspective lternative.

1.5 : Le déclin de la Triade impérialiste (USA-UE-Japon) et la montée en puissance de la Chine

A) La crise frappe inégalement les vieux pays impérialistes et les pays émergents

La crise a frappé durement le cœur des pays impérialistes. Leur production a plongé (fin 2008-début 2009) et depuis, même s’ils ont pour la plupart renoué avec la croissance, celle-ci est et restera faible. En revanche, certains pays émergents (notamment asiatiques) ont été bien moins touchés par la crise, et surtout ils ont rapidement renoué avec des taux de croissance très importants. C’est le cas en premier lieu de la Chine, dont l’ascension s’accélère depuis le déclenchement de la crise en 2007 aux États-Unis. En 2009, la Chine est devenue le premier exportateur (10% des exportations mondiales) devant l’Allemagne. Et elle ne se cantonne plus aux exportations de produits de basse technologie : la part des produits de haute technologie dans les exportations chinoises a doublé entre 1997 et 2007, pour atteindre 33%, et la Chine a ravi aux USA la place de premier exportateur mondial de produits de haute technologie depuis 2003. Le dynamisme de la Chine attire plus que jamais les capitaux étrangers qui viennent s’investir sur un terrain plus « fertile », même si les autorités chinoises cherchent à maîtriser cette croissance pour éviter la surchauffe.

La crise actuelle est l’expression de la décomposition des bases de l’hégémonie des USA. Si la crise de 1929 a débouché sur l’émergence mondiale des USA, il n’y a pas aujourd’hui de successeur en vue à l’hégémonie US. L’Europe occidentale et le Japon sont également (et même davantage que les USA) sur le déclin, alors que la Chine est encore loin d’être au niveau des vieux pays impérialistes.

B) La persistance des déséquilibres de l’économie mondiale laisse entrevoir un changement de rapports de force et l’accentuation des tensions militaires

Les USA ont un déficit commercial important qui les rend dépendant de leurs créanciers. Les Banques centrales des pays émergents utilisent leurs excédents commerciaux pour acheter massivement des actifs en dollars (appelés « réserves de change ») afin d’éviter une appréciation de leur monnaie et une dépréciation du dollar. Tant que la Chine accumule les réserves de change, les USA continuent à jouir du privilège de la domination du dollar (monnaie mondiale) qui leur permet de financer à des taux d’intérêt très faibles leurs déficits publics et leur déficit extérieur. Si ce « modèle » est la manifestation de l’hégémonie US, nous allons voir qu’il sape dans le même temps les bases de cette hégémonie et prépare à moyen terme une redistribution des cartes.

En effet, une dépréciation importante du dollar procurerait des avantages à court terme pour les capitalistes US, mais elle menacerait le statut du dollar comme monnaie mondiale (de commerce et de réserve) et les privilèges qui vont avec. Du point de vue des exportations chinoises, une appréciation du yuan par rapport au dollar ne serait pas si catastrophique : en effet, le contenu en importations des exportations chinoises est très élevé (la Chine importe des biens, les transforme, puis les exporte), si bien qu’une appréciation du yuan aurait certes pour effet de réduire la compétitivité des produits chinois, mais cette réduction serait partiellement compensée par la baisse du prix des biens importés en yuans. D’ores et déjà, les autorités chinoises ont accepté de réévaluer légèrement leur monnaie, ce qui a été interprété par certains comme une « victoire » des USA... alors qu’elle est lourde de menaces pour la première puissance mondiale et qu’elle présente des avantages pour la Chine. En effet, l’accumulation sans fin des réserves de change a actuellement pour contrepartie la perte de contrôle de sa politique monétaire : la création monétaire explose, alimentant les bulles potentiellement explosives.

Il est donc possible qu’à moyen terme la Chine soit tentée d’arrêter de soutenir le cours du dollar et de limiter l’appréciation de leur monnaie. Les USA seraient alors contraints d’augmenter leurs taux d’intérêt afin d’éviter l’effondrement de leur monnaie. Cela aurait un impact fortement négatif sur la croissance et les USA seraient alors contraints de cesser de « vivre au-dessus de leurs moyens ». Depuis quelque temps, la Chine (alliée à la Russie) manifeste de plus en plus sa volonté de voir émerger une nouvelle monnaie transnationale qui se substituerait au dollar. Si la Chine passait des paroles aux actes et laissait plonger le dollar, cela ouvrirait une période de grave tension puisque les USA pourraient être tentés d’utiliser leur suprématie militaire pour imposer le maintien du statut international du dollar. Il y a une probabilité non négligeable qu’à moyen terme une coalition se dresse pour remettre en cause l’hégémonie monétaire du dollar, avec pour corollaire une montée des tensions inter-étatiques pouvant mener jusqu’à la guerre. Le déclin des vieilles puissances impérialistes et la montée en puissance de concurrents potentiels forment le terreau favorable à l’accroissement des tensions inter-étatiques ou entre blocs régionaux.

2 : Notre réponse à la crise : la révolution prolétarienne et le gouvernement des travailleurs par eux-mêmes et pour eux-mêmes

2.1 : Pour un programme de transition, communiste révolutionnaire, face à la crise

A) Pas de victoire possible sans fixer dès maintenant l’objectif de la prise du pouvoir par les travailleurs auto-organisés

Pour affronter victorieusement cette offensive du capital, les travailleurs ont besoin d’un programme clair. Dans le cadre du capitalisme, la crise ne peut qu’entraîner un abaissement du niveau de vie des prolétaires des pays impérialistes. Les politiques bourgeoises libérales, néo-keynésiennes ou souverainistes- populistes ne sont pas identiques, mais elles ont toutes en commun de faire payer, au final, la crise aux prolétaires : par une cure d’austérité immédiate, par l’illusion d’une relance impossible ou par une fuite en avant dévaluationniste-protectionniste.

C’est pourquoi il est crucial, particulièrement dans cette période, de lier systématiquement les revendications quotidiennes à l’objectif de la prise du pouvoir par les travailleurs auto-organisés, qui exproprieraient le capital et qui seraient ainsi les seuls capables d’organiser l’économie de façon réellement rationnelle et démocratique, pour satisfaire les besoins humains sans saccager notre environnement. Il s’agit d’expliquer et de démontrer inlassablement que des succès partiels et provisoires peuvent être imposés dans la lutte des classes, mais que la pleine satisfaction de nos besoins exige la prise du pouvoir par les travailleurs.

Alors que certains camarades tendent à les utiliser comme synonymes, il est fondamental de comprendre la différence entre un programme de transition et un plan d’urgence réformiste. La différence ne tient pas fondamentalement au caractère plus ou moins « radical » des revendications mises en avant (avec d’un côté des mesures qui seraient par nature « transitoires » et d’autres qui seraient « réformistes »)6.

Le plan d’urgence ne fait pas le lien entre les revendications et le gouvernement des travailleurs (entretenant ainsi les illusions réformistes des masses) alors que la méthode transitoire vise au contraire à persuader les travailleurs que les deux sont indissociablement liés. Toutes les formes de contrôle ouvrier sont à ce titre des pas en avant à promouvoir, qui préparent la nécessaire prise du pouvoir par les travailleurs auto- organisés.

B) Propositions pour un programme transitoire

Ce programme doit viser avant tout à unifier l’ensemble de la classe ouvrière, les hommes et les femmes, les travailleurs en CDI comme ceux en CDD, précaires ou intérimaires, les travailleurs ayant un emploi comme ceux qui en sont privés — notamment les jeunes issus des quartiers populaires —, les travailleurs français et étrangers, qu’ils aient ou non des papiers. Contre toute tentation corporatiste, il est nécessaire de se battre pour l’extension des revendications des secteurs en lutte aux salariés les plus exploités et précarisés qui souvent travaillent aux côtés des secteurs mobilisés.

La criminalisation et la surexploitation des travailleurs sans-papiers doivent être combattues par tous les travailleurs en France. La régularisation immédiate de tous les sans-papiers, l’égalité des droits politiques, sociaux et démocratiques, à commencer par le droit de vote et d’éligibilité à toutes les élections, voilà des revendications qui devraient être centrales pour le mouvement ouvrier. Il faut combattre de ce point de vue l’orientation de la direction CGT qui refuse d’exiger la régularisation de tous les sans-papiers, conduit dans l’impasse la grève des travailleurs sans-papiers en acceptant la logique des « critères de régularisation » et en refusant son extension. Elle avait même fait évacuer par la force l’occupation légitime de la Bourse du travail par des sans-papiers qui lui demandaient de se battre pour la régularisation de tous. Il ne faut pas oublier non plus d’exiger l’égalité salariale de branche pour les travailleurs sans-papiers auprès des patrons « gentils » qui appuient les demandes de régularisation de leurs exploités. Cela implique aussi de lutter pour des conditions de vie dignes pour les travailleurs immigrés, avec ou sans-papiers, qui sont souvent victimes des marchands de sommeil, alliés des patrons les plus négriers.

La surexploitation des femmes doit aussi être un axe d’intervention principal dans notre combat. Si d’un côté les femmes sont entrées massivement sur le marché du travail, la division sexuelle des métiers reste très marquée et les femmes — notamment les immigrées avec ou sans papiers — sont majoritaires dans les emplois sous-qualifiés, précaires et à temps partiel imposé. Le patronat joue sur cette division qui lui permet d’avoir une main-d’œuvre particulièrement précaire et corvéable. Les femmes subissent aussi une situation d’inégalité sur le plan des tâches domestiques : en moyenne, pour un couple où les deux partenaires travaillent à temps complet, elles fournissent près de quatre heures de travail contre deux heures et quart pour les hommes. La lutte pour l’égalité homme-femme dans le travail, pour la mise en place de structures telles que des restaurants collectifs, l’ouverture massive de crèches, permettra d’inclure davantage de travailleuses dans notre combat.

Le non-renouvellement des CDD est un instrument de licenciement. Le patronat s’en sert pour ajuster ses coûts de production aux dépens de la vie même des travailleurs. Tous les travailleurs savent que c’est à eux de former les CDD ou les intérimaires quand ils arrivent, et ce sans aucune contrepartie, mais que c’est aussi à eux de couvrir les postes laissés vacants lorsqu’ils repartent. C’est en ce sens que la lutte contre les licenciements des précaires et des intérimaires et la transformation de leurs contrats en CDI est primordiale pour l’ensemble des travailleurs. Cela implique également d’organiser les précaires et les intérimaires au sein du syndicat de l’entreprise où ils travaillent. Le moyen le plus efficace pour organiser l’unité de classe entre travailleurs en CDI, en CDD, précaires et intérimaires, est de mener les luttes ensemble par l’auto- organisation (AG, comités de grève et de lutte...).

Le patronat utilise la menace du chômage pour faire pression sur les travailleurs. Mieux vaut avoir un emploi, même dans les pires conditions, que ne pas en avoir du tout, surtout lorsque les attaques contre les droits des travailleurs au chômage se multiplient et que la crise économique continue à faire des ravages.

Afin d’en finir avec ce mécanisme pervers, nous devons lutter pour imposer le partage des heures de travail avec réduction de la semaine de travail sans réduction de salaire ni flexibilité, et ce jusqu’à la résorption complète du chômage. Par ailleurs, il faut combattre pour que toutes les organisations syndicales du mouvement ouvrier organisent les travailleurs privés d’emploi au côté des travailleurs actifs.

Le combat contre les licenciements : un exemple particulièrement important de mise en œuvre de la méthode transitoire

La lutte contre les licenciements s’intègre dans le programme de transition face à la crise, mais elle occupe une place centrale. Le mot d’ordre du NPA ne doit pas être « des primes dans l’immédiat, et l’interdiction des licenciements dans un avenir indéfini ». Au contraire, dans chaque lutte, il faut insister sur la nécessité du combat pour maintenir tous les sites de production et tous les emplois. Toute fermeture d’entreprise affaiblit le prolétariat, car elle atomise les salariés en les mettant passagèrement ou durablement au chômage. Seule la revendication du maintien des emplois permet d’unir les travailleurs au-delà de l’entreprise directement concernée par les licenciements. Et chaque emploi supprimé conduit à d’autres suppressions (en moyenne cinq dans l’industrie) : les autres travailleurs ont objectivement intérêt à se joindre à la lutte des travailleurs directement menacés de licenciement.

Le NPA doit lutter avec détermination contre la propagande du gouvernement, des conseils régionaux, des conseils généraux et des mairies, des médias, des partis « de gauche » et des dirigeants syndicaux réformistes qui poussent les travailleurs à la résignation, leur disant qu’ils doivent accepter la fermeture de leur entreprise et une prime. Outre les intérêts généraux de la classe ouvrière et le souci de la convergence avec les autres travailleurs, le NPA souligne notamment auprès des salariés menacés de licenciements collectifs que, dans un contexte de crise, une prime — même relativement importante — n’est pas une solution, car elle aura bien souvent déjà été dépensée avant que la plupart des salariés n’aient retrouvé un travail. Et obtenir le maintien des emplois et des salaires pendant un certain temps permet généralement de gagner une somme équivalente, tout en gardant son emploi, donc une source de revenus pour vivre. Enfin, toute lutte sérieuse pour le maintien des emplois crée un rapport de forces tel que, même si on n’obtient finalement pas le maintien de tous les emplois ou du site, les primes obtenues seront supérieures à celles qui l’auraient été par une lutte immédiate pour les indemnités.

Cependant, la résistance obstinée du patronat (abandon de l’usine dont la production a déjà été délocalisée, lock- out, etc.), soutenu par l’État, impose aux travailleurs en lutte pour le maintien de leurs emplois d’aller au-delà, d’occuper leur usine, de relancer eux-mêmes la production et de mettre en avant le mot d’ordre de l’expropriation sous contrôle des travailleurs et de nationalisation sous gestion ouvrière. Loin d’être une utopie dans le contexte actuel ou d’un retour aux nationalisations bourgeoises comme en a connu le pays dans le passé, il s’agit de la seule réponse concrète à la crise, l’unique solution pour maintenir les postes de travail, le salaire, et en finir avec le despotisme patronal dans les entreprises. En Argentine les ouvriers céramistes de l’usine Zanon dans le Sud du pays ont démontré qu’il était possible d’occuper, de produire sans patron ni chefs et de lutter pour l’expropriation de l’ex- patron par l’État.

Le NPA doit soutenir et populariser de toutes ses forces ces tentatives, mais mettre en garde les travailleurs contre l’utopie anarcho-réformiste de l’autogestion dans le cadre du capitalisme ; car les entreprises sous gestion ouvrière directe restent soumises aux lois du capitalisme. Les travailleurs risquent toujours de faire faillite face à la concurrence, de recréer peu à peu le régime normal d’exploitation en vue d’éviter la faillite ou encore d’être expulsés de l’entreprise si le rapport de forces se détériore. Ces expériences sont des exemples, des bastions provisoires pour le prolétariat au sein de la société capitaliste, elles sont des points d’appui précieux dans la lutte des classes. Il ne s’agit donc pas simplement de multiplier de tels exemples pour ouvrir la voie au socialisme. Il faut aussi développer un programme de transition à l’échelle nationale, partant des problèmes politiques centraux, tenant compte des rapports de forces, répondant aux aspirations de l’ensemble du prolétariat et axés sur le combat pour un gouvernement des travailleurs.

Face à la crise financière et à la dette publique, qui n’est pas celle des travailleurs mais s’explique par tous les cadeaux faits aux banques, aux patrons et aux riches, nous nous battons pour la répudiation de la 9« dette », pour l’expropriation des banques sans indemnités ni rachat et pour la constitution d’une banque nationale unique permettant un système de crédit à bon marché pour celles et ceux qui vivent de leur travail.

Contre la hausse du coût de la vie, nous devons réclamer une augmentation immédiate de 300 euros pour tous, y compris les travailleurs privés d’emploi, et un SMIC d’au moins 1600 euros nets. Il n’est pas tolérable que le nombre des travailleurs pauvres continue à augmenter et que des millions aient du mal à arriver à la fin de mois. On ne peut pas non plus permettre que les gouvernements et le patronat continuent à avancer dans la dégradations de nos retraites et pensions qui constituent une part de notre salaire socialisé.

Où faudrait-il prendre l’argent pour garantir le droit au travail et à une existence digne pour tous et toutes ? Dans les profits capitalistes. Mais l’État bourgeois ne peut pas accomplir cette tâche puisque sa fonction est de permettre la reproduction du système capitaliste. C’est donc aux travailleurs eux-mêmes d’aller ouvrir les livres de comptes des entreprises, de s’approprier réellement les moyens de production, et de les faire tourner pour leur propre compte, permettant ainsi la satisfaction des besoins élémentaires.

Face à la contre-réforme majeure du gouvernement contre les retraites, nous devons exiger le retrait du projet de loi, le maintien des acquis et la reconquête de ceux qui nous ont été arrachés : aucun recul de l’âge de départ à la retraite ! Non à la hausse du nombre d’annuités ! Abrogation des décrets Balladur de 1993 et des lois Fillon de 2003 et 2007, pour la retraite après 37,5 annuités de cotisations pour tous, intégrant les années d’études et de chômage, calculée sur la base de 75% du salaire des 6 meilleurs mois pour tous. Nous devons donc dénoncer et combattre systématiquement et frontalement la collaboration des directions syndicales qui négocient avec Sarkozy, temporisent et refusent d’engager un mouvement d’ensemble avec l’objectif de la grève générale comme seul moyen de gagner — qui ne se décrète certes pas, mais se prépare.

Nous devons également critiquer ouvertement l’appel ATTAC/Copernic qui, au-delà de sa dénonciation du projet de Sarkozy, ne contient aucune revendication et ne propose aucune perspective de lutte, risquant de limiter les collectifs unitaires à des coquilles vides. La seule façon de réaliser l’unité des travailleurs et des organisations sur la base des revendications et dans une perspective de lutte, c’est d’aider les travailleurs à s’auto-organiser par des collectifs dont ils définissent eux-mêmes souverainement le cadre et les objectifs et où nous devons tout faire pour aller le plus loin possible, en luttant politiquement conte les réformistes dans le cadre du nécessaire front unique.

Enfin, notre parti doit être au premier rang pour défendre les libertés démocratiques, sans jamais défendre cependant la République bourgeoise elle-même ni se subordonner sous prétexte de défense des libertés démocratiques aux orientations des organisations réformistes et bourgeoises. C’est le cas notamment dans le combat contre les lois sécuritaires et liberticides, contre la politique de stigmatisation des immigrés et des jeunes des quartiers populaires, contre la criminalisation des actions militantes. Nous défendons aussi la laïcité, conquête démocratique de la bourgeoisie française dans sa phase progressiste dont les acquits ont été défendus par la classe ouvrière, les enseignants et la jeunesse, contre cette même bourgeoisie dans sa phase impérialiste. La bourgeoisie et son gouvernement ne font référence à la laïcité, qu’ils piétinent quotidiennement, que pour monter des campagnes de stigmatisation raciste vis-à-vis des immigrés. En même temps, ils continuent de financer les écoles privées majoritairement confessionnelles, proclament la supériorité du curé sur l’instituteur, tolèrent les aumôneries dans les collèges et les lycées, les chapelles dans les hôpitaux publics. Nous luttons pour que l’État cesse de payer les curés, les bonnes sœurs, les pasteurs et les rabbins avec l’argent public en Alsace-Moselle — où nous défendons par ailleurs tous els acquis ouvriers spécifiques (remboursement à 90% par la Sécurité sociale, jours de congés supplémentaires, etc.).

Les révolutionnaires doivent s’opposer aux lois racistes et, en même temps, combattre pour le respect des acquis progressistes de la laïcité.

2.2 : Oser défendre la perspective du communisme !

Alors que le système capitaliste plonge de plus en plus de travailleurs dans la misère et la précarité, il nous faut dénoncer avec force l’imposture des prétendues solutions alternatives qui restent dans le cadre du système. En positif, il nous faut :

• Oser défendre ce qui devrait être notre projet communiste, celui d’une société sans classe, et donc sans exploitation, où chaque être humain pourrait pleinement s’épanouir et développer toutes ses potentialités, en harmonie avec les autres membres de la communauté humaine. Il n’y nul besoin d’y substituer un nouvel horizon, celui du « socialisme du 21e siècle » lourd d’ambiguïtés puisqu’il désigne le projet politique de Chavez. Il faut au contraire s’appuyer sur les expériences les plus avancées du mouvement ouvrier qui montrent ce dont notre classe est capable : gestion partielle de l’économie (comme 10lors de la grève générale de Guadeloupe en 2009), gestion ouvrière directe d’une usine dans la perspective de l’expropriation (comme dans les usines Zanon ou Fasinpat en Argentine), contrôle ouvrier (comme à l’usine Philips Dreux pendant 10 jours)...

• Oser défendre la nécessité de la dictature du prolétariat pour mettre fin à la dictature du capital sur nos vies et pour avancer vers le communisme. Face à une bourgeoisie qui utilisera tous les moyens en sa possession pour sauver son système, nous devons clairement expliquer que la lutte de classe ne s’arrêtera pas au lendemain de la révolution. La révolution prolétarienne ne règlera pas tout mais elle donnera les armes au prolétariat pour écraser la bourgeoisie en l’expropriant de son monopole sur les moyens de production (matériels et idéologiques). Dès la prise du pouvoir par les travailleurs auto-organisés devra s’engager un processus de dépérissement de la division du travail héritée du capitalisme, devant permettre une réelle appropriation des moyens de production par les travailleurs (et non par une élite bureaucratique qui dirigeait la propriété collective au nom des travailleurs).

Oser, et non renoncer à défendre le programme historique des communistes révolutionnaires. C’est-à-dire faire l’inverse de ce que fait et théorise Isaac Johsua, économiste marxiste très proche de la direction du NPA et contributeur régulier de Tout est à nous. Autour d’un livre à grand tirage se présentant comme une analyse « marxiste » de la crise7, Johsua se refuse à parler de « socialisme » ou de « communisme » devant le grand public, au point que même un journaliste de Marianne s’en est étonné8.

En capitulant d’entrée de jeu devant la bourgeoisie et en se laissant coloniser par son imaginaire, nous perdrons la bataille sans l’avoir menée. Le communisme ne se construira pas en taisant son nom. Le NPA n’est pas faible parce qu’il ferait « peur », mais parce qu’il est incapable de présenter et d’assumer un projet révolutionnaire concret qui donnerait un contenu à son anticapitalisme affiché. Les travailleurs ont besoin d’un parti révolutionnaire, qui s’assume comme tel, et qui mène chaque jour les combats qui s’imposent dans la perspective du communisme.

2.3 : Les réponses à la crise de la direction : un catalogue inconséquent de mesures de réforme du capitalisme

A) Des propositions qui s’inscrivent dans l’axe stratégique de la réforme du système

Les mesures « anticapitalistes » proposées par la direction sortante ne partent pas des seuls besoins des travailleurs, mais sont avant tout subordonnées aux institutions en place : il s’agit de faire des propositions « réalistes », c’est-à-dire applicables immédiatement dans le cadre du système. Elle ignore ostensiblement la question de la destruction de l’État bourgeois, qui oppose les révolutionnaires et les réformistes. C’est pourtant la question clé, qui détermine le cadre dans lequel s’inscrivent les propositions que l’on peut faire.

En effet, les institutions de l’État bourgeois ont par essence la fonction de reproduire les conditions de l’accumulation du capital. Tout catalogue de « mesures anticapitalistes », aussi « radicales » soient-elles en apparence, ne peuvent que se briser sur les murs de l’État bourgeois ou se transformer en réformettes qui ne touchent pas au cœur des rapports de production capitalistes. Bref, la démarche réformiste proposée par la direction sortante de notre parti est l’inverse d’une démarche transitoire qui part des besoins des travailleurs pour montrer que leur satisfaction est incompatible avec le système en place.

L’histoire abonde de partis qui prétendaient vouloir construire le socialisme en mettant les institutions de l’État bourgeois au service de la population (comme Mitterrand en 1981). Partout, le résultat fut le même : une consolidation des institutions bourgeoises et une trahison du programme. Ce n’est donc pas de façon anodine que la direction du parti substitue à la perspective du gouvernement des travailleurs en rupture avec les institutions bourgeoises, la perspective du « gouvernement au service de la population » :

• D’une part, la direction du NPA nous fait croire que l’enjeu n’est pas la destruction des institutions de l’État bourgeois, mais la substitution de bons dirigeants au service de la population (qui ne saurait s’auto- gouverner ?) à des mauvais dirigeants au service des possédants.

• D’autre part, la substitution du terme « population » au terme « prolétariat » n’est pas neutre : la population regroupe ensemble les travailleurs et les capitalistes. Servir les intérêts de la « population » reviendrait à servir un certain « intérêt général » se plaçant au-dessus des intérêts particuliers des classes sociales. C’est la négation même du caractère antagonique des rapports entre les exploités et les exploiteurs9.

B) Exproprier le capital ou le redistribuer ?

La direction veut « mettre le secteur financier hors d’état de nuire » et « socialiser le crédit » (ainsi que les grands moyens de production). Très bien, mais comment faire ? Dans la nouvelle version du texte, nous n’en saurons rien. En revanche, dans une version antérieure, la direction prévenait qu’« il ne s’agit pas de centraliser tous les moyens de crédit dans un monopole d’État ». Autrement dit, il ne s’agissait pas que les travailleurs centralisent entre leurs mains, à travers leur Etat, les moyens de crédit. La direction du NPA prônait la mise en place de « concessions bancaires (...) contrôlées par les parties intéressées : salariés, entreprises (sic), associations, collectivités locales, représentants locaux de l’État ». C’était volontairement confus (même si les « entreprises » restaient manifestement capitalistes et les représentants de l’État ceux de l’État bourgeois) et cela introduisait l’idée qu’il s’agit d’associer toutes les parties prenantes à la construction du socialisme... Nous aurions alors une redistribution du capital entre toutes les composantes de la population, avec la mise en place de coopératives ou de concessions qui se feraient concurrence sur le marché (un marché « socialiste » ?).

Cela ressemble beaucoup au « socialisme du 21e siècle » de Chavez ou au concept de « responsabilité sociale des entreprises » (qui vise à associer l’ensemble des « parties prenantes » à la gouvernance des entreprises). Mais cela ressemble fort peu à la transition socialiste vers le communisme, nécessitant la concentration maximale du pouvoir entre les mains des travailleurs. En enlevant les phrases les plus problématiques de son texte initial, la direction esquive le débat et refuse une fois de plus de s’exprimer clairement sur une question clé de la transition.

C) Réguler le capitalisme ou le détruire ?

Le mot d’ordre d’« interdiction des licenciements » peut signifier deux choses :

• Ou bien il s’agit d’expliquer (de façon assez maladroite puisque le mot « interdiction » laisse croire qu’il suffit d’une loi pour éradiquer le chômage) que seul un gouvernement des travailleurs, en rupture avec les institutions bourgeoises, peut mettre fin aux licenciements ;

• Ou bien il s’agit de faire croire que cette interdiction peut être effective sans révolution.

La direction du NPA opte délibérément pour la seconde interprétation, ce qui l’entraîne à vider le mot d’ordre de tout son contenu subversif, pour en faire un dispositif de régulation (irréaliste) du capitalisme. En effet, il s’agirait de pénaliser les capitalistes qui licencient, mais sans leur ôter le pouvoir de le faire.

D’ailleurs, la direction du NPA reconnaît explicitement la pérennité du droit de propriété des capitalistes... mais prétend qu’en faisant payer le patronat, elle fera « primer » le droit à l’emploi.

Même si l’étiquette peut paraître plus « radicale », la direction du NPA défend en fait un projet similaire à celui du PCF (Sécurité emploi formation) et de la CGT (Sécurité sociale professionnelle) : un dispositif de réforme du capitalisme qui ne remet pas en cause les rapports de production capitaliste, mais qui cherche de façon illusoire à mettre sur pied un capitalisme à visage humain en changeant les rapports de distribution.

D) Répudier la dette ou la renégocier ?

Dans une version antérieure du texte, la direction ne voulait pas répudier l’ensemble de la dette, mais seulement sa partie « illégitime ». Elle en appelait pour cela à « un moratoire immédiat sur les remboursements et une évaluation publique, sous contrôle démocratique, de cette dette de manière à définir les limites strictes et les conditions auxquelles des remboursements pourraient être consentis ». Il s’agissait de renégocier la dette et donc de réunir les conditions pour que la dette continue à être payée, au moins en partie. Dans la version proposée au CPN de septembre, le texte reste volontairement ambigu en parlant d’« annulation de la dette publique illégitime », sans préciser si c’est l’ensemble de la dette qui est « illégitime » ou seulement une partie.

Nous devons lever toute ambiguïté et dire clairement que la première décision d’un gouvernement des travailleurs devrait être la répudiation de l’ensemble de la dette, comme les bolcheviks l’ont fait en 1917. Ce gouvernement pourrait seulement envisager d’octroyer des dédommagements ciblés aux travailleurs qui auraient souscrits des emprunts.

E) Dictature du prolétariat ou « transition écologique et sociale » ?

La direction du NPA substitue la « transition écologique et sociale » à la dictature du prolétariat (gouvernement des travailleurs). Cela sonne plus « moderne ». Le problème est que le contenu est plein de bonnes intentions, mais incroyablement flou et ambigu sur les questions clés. Or, la dictature du prolétariat n’est pas une transition qui ne nécessiterait que la bonne volonté et la participation de tous, mais l’organisation du prolétariat en classe dominante pour détruire les fondements du système capitaliste.

La direction du NPA conçoit la transition (son « socialisme du 21e siècle ») comme une extension progressive des expériences locales (coopératives, AMAP, etc.) qui échappent au moins partiellement à la logique capitaliste : « Dès à présent, des mesures de soutien conditionnel - sur la base de critères sociaux et écologiques - à ces secteurs non soumis à la logique du profit doivent être envisagées, notamment en termes de fiscalité, de soutien logistique, d’accès aux infrastructures et de commandes publiques. Dans le cadre de la transition, il faudrait favoriser leur montée en puissance et organiser leur articulation aux activités planifiées. » Dès maintenant, il s’agit donc de subventionner « l’économie sociale » et d’élargir progressivement son influence au détriment des entreprises capitalistes. Cette conception pose plusieurs types de problèmes :

• D’une part, cela relève une fois de plus d’une logique réformiste, gradualiste, où la part de l’économie non capitaliste augmenterait progressivement au détriment de celle de l’économie capitaliste, sans qu’il y ait la nécessité d’opérer un saut qualitatif (la révolution prolétarienne). C’est une conception totalement idéaliste de l’histoire qui fait abstraction de la conflictualité de classe.

• D’autre part, le socialisme se dessine comme une généralisation de « l’économie sociale » (idéalisée au passage), c’est-à-dire de la petite propriété et des rapports sociaux qui l’accompagnent. Dans le Manifeste du parti communiste, Marx a caractérisé ce projet politique comme « socialiste petit-bourgeois »10, à la fois réactionnaire et utopique. S’il est juste de rompre avec une conception productiviste du socialisme, il ne faut pas tomber dans le travers inverse : les travailleurs devront s’approprier les forces productives, les transformer en profondeur (car les forces productives ne sont pas « neutres »), et non tenter de faire tourner la roue de l’histoire à l’envers, en cherchant à généraliser un mode de production périmé, qui ne peut survivre que dans les interstices de la société capitaliste.

La « transition écologique et sociale » ressemble étrangement à une économie de marché de petits propriétaires. D’ailleurs, dans une version antérieure du texte, la direction du NPA nous prévenait que, « pendant les premières phases de la nouvelle société, les marchés occuperont certainement encore une place importante ». Nous pourrions ajouter : d’autant plus importante qu’elle veut justement promouvoir ces petites entreprises « éthiques ». Or le marché n’est pas un instrument neutre, mais il s’oppose à la direction consciente de la société par les producteurs associés dans le cadre d’un plan démocratique. La transition vers le communisme est avant tout caractérisé par l’appropriation collective des moyens de production par les travailleurs et le dépérissement de la petite propriété.

Conclusion : réforme ou révolution, il faut choisir !

Deux cohérences s’opposent :

• Pour la direction sortante du NPA, la crise est essentiellement une crise de « sous-consommation » entraînée par le niveau trop faible des salaires. Le système peut donc fondamentalement être réformé, à condition de créer le rapport de force pour imposer des hausses de salaires et des mesures soi-disant « anticapitalistes » qui permettront d’améliorer la situation des travailleurs. Même si la direction du NPA se réclame formellement de l’anticapitalisme, elle adopte dans les faits les positions théoriques et politiques du réformisme dégénéré (« antilibéral »)11 qui n’offrent aux travailleurs aucune perspective crédible au-delà du capitalisme.

• Pour nous, la crise est essentiellement une crise exprimant la suraccumulation de capital. Les grandes crises expriment les contradictions inhérentes au mode de production capitaliste. Elles sont donc inévitables et ne peuvent être surmontées (temporairement) qu’au prix d’une dégradation des conditions de vie des travailleurs. Elles rendent urgente et vitale la nécessité d’en finir avec un système qui ne peut être mis au service des besoins des travailleurs et qui nous dirige droit vers l’abîme. Elles appellent donc la seule réponse qui s’impose du point de vue des intérêts du prolétariat : la révolution et le gouvernement des travailleurs pour en finir avec l’exploitation capitaliste et pour construire les bases de la société communiste de demain.


1 Les dirigeants de l’ex-position B croient donner une explication à la crise, mais ils ne font qu’énoncer la tautologie dont parle Marx, à savoir expliquer la crise par la manifestation de la crise : « Nous sommes dans une crise de surproduction : il y a trop d’offre par rapport à la demande solvable. C’est ce qui explique la crise immobilière aux États-Unis (une demande non solvable a été masquée par des prêts immobiliers par millions) mais aussi les relations impérialistes entre les États-Unis et de nombreux pays. » (« À propos de "Nos réponses à la crise" », texte du 17 juin).

2 Rappel (simplifié) sur le taux de profit

Valeur des marchandises produites = Valeur des moyens de production consommés (capital constant : C) + Valeur créée par les travailleurs

Valeur créée par les travailleurs = Salaires (capital variable : V) + Plus-value (PL)

Taux de profit = PL / (V+C ) = = e / (1 + co) avec e = PL/V = taux d’exploitation et co = C/V = composition organique du capital

3 Ainsi, la très forte croissance de l’après Seconde guerre mondiale s’explique avant tout par l’immense destruction de capital provoquée par la guerre, et non par les prétendues vertus du « compromis fordien » : ce ne sont pas les salaires élevés qui ont permis une forte croissance, mais les profits élevés dus aux nouvelles conditions de l’accumulation qui ont permis aux capitalistes de financer les hausses de salaires.

4 L’augmentation du taux d’exploitation n’est qu’un pis-aller qui limite la suraccumulation sans y mettre fin. Nous avons vu précédemment que c’est la destruction du capital qui permet d’en finir réellement avec la suraccumulation.

5 Rapport sur la situation mondiale (16e congrès du SUQI) : http://orta.dynalias.org/inprecor/~113376eac95c33727d4fadc~/article-inprecor?id=916

6 Les dirigeants de l’ex-position B reprennent dans leurs textes récents (contrairement à ceux qu’ils avaient fait auparavant, notamment à l’automne 2009) le mot de « transition », mais en lui donnant encore un contenu ambigu, car ils n’ont pas critiqué la logique réformiste du programme d’urgence héritée de l’ex-LCR et présente dans la résolution générale adoptée par le congrès fondateur du NPA.

7 La grande crise du XXIe siècle. Une analyse marxiste [2009].

8 À la question suivante : « Certes, mais n’est-ce pas là des solutions qui tendent à revenir à un capitalisme plus stable. On aurait pu penser que cette crise exemplaire du capitalisme ramène au devant de la scène des solutions alternative au système, et osons le mot : socialiste. Or ce n’est pas le cas », Johsua répond : « Il y a deux réponses à cette question. La première est que l’on compte aujourd’hui les chercheurs marxistes sur le doigt des deux mains. Et ils ont tous, comme moi, des cheveux bien blancs. La seconde c’est que la chute du mur de Berlin a tué pour longtemps l’idée d’une économie entièrement planifiée. » (Interview du 27 avril 2008, http://www.marianne2.fr/I-Johsua-le-neo-liberalisme-exhume-le-spectre-de-1929_a86497.html)

9 La direction est d’ailleurs bien consciente de cela, puisque, dans la nouvelle version du texte, elle parle aussi de « gouvernement au service des travailleurs et de la population ». En pensant « gauchir » son texte (en rajoutant le mot « travailleurs »), elle montre bien qu’elle n’identifie pas « population » et « travailleurs » et qu’elle emploie donc le mot « population » en toute connaissance de cause.

10 Cf. http://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/00/kmfe18470000c.htm

11 Dégénéré puisque la direction du NPA tend de plus en plus à abandonner les références classiques au socialisme et encore plus au communisme, au profit des épithètes passe-partout et fumeux « social » et « écologique » déclinés à toutes les sauces (« transition écologique et sociale », « Europe écologique et sociale », etc.)

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